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Jurisprudence : Jurisprudences

vendredi 02 octobre 2020
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Tribunal judiciaire de Lyon, ordonnance de référé du 24 août 2020

Messieurs X. et Y. / LA PAROLE LIBEREE et TEMPS PRESENT

droit à l'image - droit d'auteur - publication - trouble manifestement illicite

Selon exploit en date du 24 décembre 2019 (numéro de rôle 19/2358), Monsieur X. a dénoncé à la société TEMPS PRESENT ainsi qu’à l’Association LA PAROLE LIBEREE une ordonnance en date du 23 décembre 2019 l’autorisant à assigner à bref délai, puis fait citer devant le juge des référé aux fins de vu les articles 808 et 809 du Code de procédure civile,

– dire que la commercialisation du livre de l’association LA PAROLE LIBEREE et de l’éditeur, la Société d’Edition TEMPS PRESENT SA, livre dont le titre actuel est « Abusés », ou tout autre livre relatant les méfaits du père P. et comportant des témoignages de ses victimes, doit être suspendu le temps qu’il soit justifié par la Société d’Edition TEMPS PRESENT SA de la suppression de son témoignage
– en tout état de cause, interdire à l’association LA PAROLE LIBEREE et à la Société d’Edition TEMPS PRESENT SA de commercialiser et/ou diffuser dans le public, sur quelque support que ce soit et par quelque moyen que ce soit le livre « Abusés » ou tout autre livre comportant le témoignage de Monsieur X., et ce sous astreinte de 500 € par exemplaires contrevenant diffusé à compter de la décision à intervenir
– interdire à l’association LA PAROLE LIBEREE et à la Société d’Edition TEMPS
PRESENT SA de faire mention du nom et ou du prénom de Monsieur X. dans tout livre apparaître sur les méfaits du père P., et ce sous astreinte de 500 € par exemplaires contrevenant
– condamner l’association LA PAROLE LIBEREE et la Société d’Edition TEMPS PRESENT SA à organiser le retour des exemplaires du livre « Abusés » remis aux journalistes en pré lecture et à justifier de ce retour et du nom des personnes contactées à cet effet dans les 5 jours de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 500 € par personne concernée
– condamner solidairement les requises à payer la somme de 6000 € par application
des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Monsieur Y. est intervenu volontairement à la procédure par assignation du 27 décembre 2019 (numéro de rôle 19/2367) et reprend à son compte les demandes de Monsieur X.

En défense la société TEMPS PRESENT demande au juge des référés de :

– à titre principal, dire et juger que les demandes formulées par Messieurs X. et Y. sont devenues sans objet comme ayant pris la décision, fin décembre 2019 de ne pas commercialiser le livre « Abusés » et ayant détruit les exemplaires, début janvier 2020
– à titre subsidiaire, constater que ces demandes sont mal fondées et dire n’y avoir lieu à référé
– débouter Messieurs X. et Y. de toutes leurs demandes
– à titre reconventionnel, les condamner in solidum au paiement d’1 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 4 500 € au titre de l’article 700 du CPC
– à titre très subsidiaire, dire et juger que l’Association LA PAROLE LIBEREE était et demeure .tenue à une garantie de jouissance paisible à l’égard de la société TEMPS PRESENT au.titre de la cession par l’Association LA PAROLE LIBEREE à la société TEMPS PRESENT des droits d’auteur sur les témoignages respectifs de Messieurs X. et Y. aux fins de la réalisation et de l’exploitation du livre « Abusés » et la condamner à la relever et garantir de toutes condamnations
– la condamner en ce cas à lui verser la somme de 4 500 € au titre de l’article 700 du
CPC.

L’Association LA PAROLE LIBEREE dans ses dernières écritures récapitulatives :

– entend à titre principal, qu’il soit constaté que les mesures sollicitées sont devenues sans objet
– à titre subsidiaire, qu’il soit constaté que l’Association La PAROLE LIBEREE n’est pas l’auteur du livre ABUSES, qu’elle n’y a pas de lien juridique ou commercial avec
la société TEMPS PRESENT
– sollicite dès lors sa mise hors de cause
– entend qu’il soit dit et jugé que l’atteinte à la vie privée de Messieurs X. et Y. n’est pas caractérisée, de même qu’une atteinte à leurs droits d’auteur
– à titre reconventionnel, entend qu’ils soient condamnés à verser la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, que soit ordonnée la publication de l’ordonnance à intervenir à leurs frais, dans le journal LE PROGRÈS DE LYON et dans le journal national le MONDE, sans que chacune de ces insertions ne dépasse la somme de 5000 € HT, qu’ils soient condamnés solidairement et in solidum à verser la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du CPC

Aux termes de leurs dernières écritures, Monsieur X. comme Monsieur Y. tenant compte de l’évolution du litige, demandent au juge des référés de :

– interdire à l’association LA PAROLE LIBEREE et à la Société d’Édition TEMPS PRESENT SA de commercialiser et/ou diffuser dans le public, sur quelque support que ce soit et par quelque moyen que ce soit le livre « Abusés » ou tout autre livre comportant le témoignage de Monsieur X., et ce sous astreinte de 500 € par exemplaires contrevenant diffusé à compter de la décision à intervenir
– interdire à l’association LA PAROLE LIBEREE et à la Société d’Edition TEMPS
PRESENT SA de faire mention du nom et ou du prénom de Monsieur X. dans tout livre apparaître sur les méfaits du père P., et ce sous astreinte de 500 € par exemplaires contrevenant
– condamner l’association LA PAROLE LIBEREE et la Société d’Édition TEMPS PRESENT SA à organiser le retour de tous les exemplaires du livre « Abusés » remis aux journalistes en pré lecture et à justifier de ce retour et du nom des personnes contactées à cet effet dans les 5 jours de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 500 € par personne concernée
– condamner la Société d’Édition TEMPS PRESENT et l’association LA PAROLE
LIBEREE à accomplir les diligences nécessaires pour faire supprimer des plateformes de revente en ligne, telles que la FNAC, AMAZON, MOMOX-SHOP ou tout autre plateforme ou revendeurs d’occasion, la commercialisation de l’ouvrage « Abusés » dans les 5 jours de la décision à intervenir et ce sous astreintes de 500 € par jour de retard
– condamner solidairement l’association LA PAROLE LIBEREE et la Société d’Edition
TEMPS PRESENT SA à leur payer, à chacun, la somme de 6 000 € au titre de l’article
700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

DISCUSSION

Il convient dès à présent, dans un souci de bonne administration de la justice, de joindre les procédures 19/2367 et 19/2358 et de décider qu’elles seront désormais poursuivies sous ce dernier numéro.

Il sera pris acte de l’intervention volontaire de Monsieur Y. à la procédure principale diligentée par Monsieur X.

Aux termes de l’article 809 du Code de procédure civile : « Le Président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

En l’espèce il est constant que Monsieur X. comme Monsieur Y. n’ont jamais donné leur accord tant à la société TEMPS PRESENT qu’à l’Association LA PAROLE LIBEREE pour que leurs témoignages figurent dans le livre « Abusés ».

Ce simple fait, de par son évidence, est constitutif d’Un trouble manifestement illicite.

Monsieur X. et Monsieur Y. ont dans leurs dernières écritures formulé des demandes qu’il convient d’étudier successive.

Ils ont tout d’abord demandé au juge des référés de :

– interdire à l’association LA PAROLE LIBEREE et à la Société d’Édition TEMPS PRESENT SA de commercialiser et/ou diffuser dans le public, sur quelque support que ce soit et par quelque moyen que ce soit le livre « Abusés » ou tout autre livre comportant le témoignage de Monsieur X., et ce sous astreinte de 500 € par exemplaires contrevenant diffusé à compter de la décision à intervenir
– interdire à l’association LA PAROLE LIBEREE et à la Société d’Edition TEMPS PRESENT SA de faire mention du nom et ou du prénom de Monsieur X. dans tout livre apparaître sur les méfaits du père P., et ce sous astreinte de 500 € par exemplaires contrevenant

Ces deux demandes ne peuvent prospérer en ce qu’elles portent sur des faits hypothétiques, non réalisés à ce jour, alors même que la société TEMPS PRESENT a détruit tous les exemplaires en sa possession et qu’elle sait dès à présent, ainsi que l’Association LA PAROLE LIBEREE, qu’elles ne peuvent plus faire état, sans autorisation préalable des demandeurs, de leurs témoignages.

Monsieur X. et Monsieur Y. ensuite entendu que :

– l’association LA PAROLE LIBEREE et la Société d’Édition TEMPS PRESENT SA soient condamnées à organiser le retour de tous les exemplaires du livre « Abusés » remis aux journalistes en pré lecture et à justifier de ce retour et du nom des personnes contactées à cet effet dans les 5 jours de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 500 € par peronne concernée
– la Société d’Edition TEMPS PRESENT et l’association LA PAROLE LIBEREE soient
condamnées à accomplir les diligences nécessaires pour faire supprimer des plateformes de revente en ligne, telles que la FNAC, AMAZON, MOMOX-SHOP ou tout autre plateforme ou revendeurs d’occasion, la commercialisation de l’ouvrage « Abusés » dans les 5 jours de la décision à intervenir et ce sous astreintes de 500 € par jour de retard. ·

Ces demandes seront de même rejetées en ce que les défendeurs n’ont aucune autorité sur les journalistes qui ont reçu l’ouvrage « Abusés » avant sa sortie officielle ou sur les plateformes de revente en ligne.

L’équité commande en l’espèce, qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Que la société TEMPS PRESENT et l’Association LA PAROLE LIBEREE seront condamnées in solidum à verser à Monsieur X. ainsi qu’à Monsieur Y., à chacun, la somme de 800 € de ce chef, soit au total 1 600 €.

La société TEMPS PRESENT et l’Association LA PAROLE LIBEREE, qui succombent, seront de même condamnées aux dépens de l’instance.


DÉCISION

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort,

Ordonnons la jonction des procédures 19/2367 et 19/2358 et disons qu’elles seront désormais poursuivies sous ce dernier numéro ;

Prenons acte de l’intervention volontaire de Monsieur Y. à la procédure principale diligentée par Monsieur X.

Disons que la société TEMPS PRESENT et l’Association LA PAROLE LIBEREE se sont rendues coupables d’un trouble manifestement illicite à l’égard de Monsieur X. et de Monsieur Y. par la reproduction sans autorisation de leurs témoignages dans l’ouvrage « Abusés » ;

Donnons acte à la société TEMPS PRESENT de ce qu’elle a détruit les exemplaires du livre « Abusés » en sa possession ;

Disons les demandes maintenues dans les dernières écritures de Monsieur X. et de Monsieur Y. non fondées;

En conséquence,

Déboutons Monsieur X. et Monsieur Y. pour le surplus de leurs demandes ;

Condamnons in solidum la société TEMPS PRESENT et l’Association LA PAROLE LIBEREE à verser à Monsieur X. ainsi qu’à Monsieur Y., à chacun, la somme de 800 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, soit au total 1 600 € ;

Condamnons in solidum la société TEMPS PRESENT et l’Association LA PAROLE LIBEREE aux dépens de l’instance.

 

Le Tribunal : Michel-Henry PONSARD (Vice-Président), Lydie UNY (Greffier)

Avocats : Me Laurène DELSART, Me Yann LORANG, Me Nadia DEBBACHE, Me Jean-Baptiste CHANIAL

Source : Legalis.net

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