Jurisprudence : Responsabilité
Tribunal de commerce de Paris 10ème chambre Jugement du 30 juin 2006
Icarelink / Airbus France
contrat - responsabilité
FAITS
Icarelink est une société créée le 16 juillet 2003 ayant pour activité la réalisation et la commercialisation de produits et le développement d’applications permettant la mise en relation d’utilisateurs de réseaux publics ou privés via des liaisons satellite.
La société Airbus France est la filiale industrielle française d’Airbus SAS, en charge de la réalisation des éléments composant les avions d’Airbus et de l’assemblage des avions A320, A330, A340 et A380.
La société Airbus France, à la suite du désintérêt de Alcatel à poursuivre un Projet « GSM on Board » ayant pour objet la téléphonie embarquée, c’est à dire permettant l’usage par les passagers de leurs propres téléphones mobiles dans les avions en vol, est entrée en relation avec la société Icarelink pour poursuivre ce projet. La société Airbus France entre octobre 2003 et début 2005 va passer diverses commandes au titre de la réalisation de prototypes d’une solution de GSM.
C’est dans ce contexte que la société Icarelink poursuit la société Airbus France en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture abusive, selon la société Icarelink, par la société Airbus France des négociations alors en cours concernant la phase d’industrialisation d’une solution de GSM embarquée à bord des avions.
PROCEDURE
Par assignation à bref délai du 24 mars 2006 autorisée par une ordonnance du Président de ce Tribunal du 23 mars 2006, la société Icarelink demande au Tribunal, vu l’article 1134 du Code Civil, vu les articles 1382 et suivants du Code Civil, vu l’article 139 du Décret n°92-755 du 31 juillet 1992 :
– de condamner la société Airbus à lui verser la somme de 698 571 € au titre des pertes directement subies du fait de la rupture brutale de leurs relations d’affaires,
– de condamner la société Airbus à indemniser la société Icarelink à hauteur des sommes auxquelles elle aurait pu prétendre au titre du paiement du minimum garanti en contrepartie de l’exclusivité de 4 ans, soit 4 000 000 d’euros ; étant précisé que cette somme comprend l’avance de 800 000 € prévue en contre partie de la période de « vache maigre » pour les 200 premières licences,
– de condamner la société Airbus à indemniser la société Icarelink à hauteur de 50 000 000 € au titre de la perte de chance concernant le paiement du pourcentage sur l’exploitation commerciale de la solution tel qu’il était prévu dans les KBT d’Airbus,
– de condamner la société Airbus à verser à la société Icarelink la somme de 2 000 000 € au titre du préjudice moral subi du fait de la rupture brutale de leurs relations d’affaires et notamment au titre du préjudice d’image subi,
– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, et de condamner la société Airbus à payer la somme de 30 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à tous les dépens.
Par conclusions du 5 mai 2006 et du 9 juin 2006, la société Airbus France demande au Tribunal, vu les articles 42, 43 et 46 du Nouveau Code de Procédure Civile, vu les articles 1382 et suivants du Code Civil, in limine litis, de donner acte à la société Airbus France de ce qu’elle soulève l’incompétence territoriale du Tribunal de Commerce de Paris, au profit du Tribunal de Commerce de Toulouse, de voir constater que la société Icarelink n’explique ni ne rapporte la preuve de la compétence territoriale du Tribunal de Commerce de Paris, à l’égard de la société Airbus France, défenderesse, de voir le Tribunal de Commerce de Paris se déclarer territorialement incompétent pour connaître le litige, au profit du Tribunal de Commerce de Toulouse, de condamner la société Icarelink à payer 30 000 € au titre de l’article 700 du ncpc, ainsi qu’aux dépens.
Par conclusions en réponse du 9 juin 2006, la société Icarelink demande au Tribunal de déclarer irrecevables les demandes de la société Airbus France et l’en débouter, voir le Tribunal de Commerce de Paris se déclarer territorialement compétent pour connaître de ce litige, condamner la société Airbus à payer la somme de 40 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à tous les dépens.
Après avoir entendu les parties lors de son audience du 9 juin 2006, le Juge Rapporteur a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement correspondant serait prononcé le 30 juin 2006.
MOYENS
A l’appui de l’exception d’incompétence, la société Airbus France expose :
Le Tribunal de Commerce de Paris est territorialement incompétent pour trancher d’une action en responsabilité délictuelle à l’encontre de la société Airbus France ; seul le Tribunal du lieu où est établie la personne morale ou, s’agissant d’une responsabilité délictuelle, le lieu du fait dommageable est compétent.
Il n’est pas contesté que le siège social de la société défenderesse est établi à Toulouse.
Il n’est pas démontré que les faits dommageables allégués soient localisés dans le ressort du Tribunal de Commerce de Paris, d’où par ailleurs n’émane aucune des correspondances échangées entre les parties.
La clause attributive de juridiction figurant aux conditions générales d’achat ou de vente liant les parties dans le cadre de leurs relations commerciales ne s’applique pas au litige qui oppose ces mêmes parties sur un fondement délictuel.
La société Icarelink fait valoir :
Les Conditions Générales d’Achat de la société Airbus France prévoient la compétence des Tribunaux de Paris,
Le Contrat de non divulgation du 11 juin 2003 prévoit la compétence des Tribunaux de Paris,
Le Tribunal de Commerce de Paris s’est déjà déclaré compétent pour connaître des litiges entre les Parties,
Le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle est irrecevable en l’espèce.
DISCUSSION
Sur l’exception d’incompétence
Sur sa recevabilité
Attendu que l’exception a été soulevée avant toute défense au fond et qu’elle indique la juridiction, selon elle, compétente, le Tribunal dira l’exception recevable ;
Sur son mérite
Attendu que la société Icarelink vise dans son assignation les articles 1134 et suivants du Code Civil, qu’elle sollicite une interprétation des contrats ayant donné lieu à exécution partielle, pour engager la responsabilité de la société Airbus France sous le visa des articles précités, que la responsabilité délictuelle est visée dans le cadre de relations contractuelles, que les clauses contractuelles d’attribution de juridiction sont donc applicables, le Tribunal dira la société Airbus France mal fondée en son exception d’incompétence et se retiendra compétent.
Attendu que les parties n’ont pas conclu sur le fond, le Tribunal enjoindra aux parties de conclure au fond et renverra l’affaire à l’audience du 8 septembre pour conclusions de la défenderesse.
DECISION
Le Tribunal statuant publiquement en premier ressort, par jugement contradictoire
. Dit la société Airbus France recevable mais mal fondée en son exception d’incompétence au profit du Tribunal de Commerce de Toulouse, et se déclare compétent ;
. Enjoint la société Airbus France de conclure au fond et renvoie l’affaire à l’audience du 8 septembre 2006 pour conclusions de la défenderesse ;
. Droits moyens et dépens réservés.
Le tribunal : M. Chatin (juge rapporteur)
Avocats : Selarl Haas, Me Marion Barbier
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