Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de grande instance de Metz Ordonnance de référé 14 mars 2006
Commune de Metz / Association Metz2007.com
contenus illicites
FAITS ET PROCEDURE
Par exploit en date du 16 décembre 2005, la commune de Metz a fait assigner devant le Président du tribunal de grande instance de ce siège statuant en référé, l’association Metz2007.com et David B. aux fins :
– d’entendre ordonner à l’association défenderesse et à David B. de cesser tout usage du nom de domaine « mairie-metz.com » ainsi que des termes « mairie.metz » sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit et notamment à titre de dénomination et de nom de domaine, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ;
– de voir ordonner aux défendeurs de cesser tout risque de confusion entre les sites officiels de la Commune de Metz, et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ;
– de voir ordonner aux défendeurs de cesser toute utilisation de la dénomination «e-mairie », sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit, dans des conditions susceptibles de créer un risque de confusion avec le site officiel de la Commune de Metz, et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ;
– de voir ordonner aux défendeurs de procéder aux formalités de transfert du nom de domaine « mairie-metz.com » au profit de la Commune de Metz, et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard, compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ;
de voir ordonner aux défendeurs de justifier la Commune de Metz, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, des démarches accomplies en vue du transfert du nom de domaine « mairie-metz.com » au profit de la Commune de Metz ;
– d’entendre les défendeurs condamnés in solidum au paiement des astreintes ;
– d’entendre dire que les astreintes seront productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la signification de l’ordonnance à intervenir en vue de l’application de l’article 1153-1 du Code civil et de se réserver expressément le pouvoir de liquider les astreintes prononcées ;
– d’entendre les défendeurs condamnés à lui verser la somme de 2000 € chacun, au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
– d’entendre les défendeurs condamnés aux entiers dépens.
Au soutien de ces prétentions, la commune à Metz a fait valoir :
– que l’association défenderesse édite les sites internet :
http://www. metz2007.com
http://mairie-metz.com
http://www.mairie-metz.com
http://www.e-mairie.metz2007.com
http://e-mairie.metz2007.com
– que l’adresse de ces sites porte atteinte aux droits qu’elle détient sur la dénomination « mairie-metz » ; qu’elle crée un risque de confusion avec les sites officiels de la mairie de Metz ;
– que l’utilisation du nom d’une collectivité territoriale, dans des conditions susceptibles de créer un risque de confusion avec cette dernière, constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur au titre de l’article 1382 du Code civil, quelle que soit la forme de cette utilisation ;
– que notamment, l’enregistrement et l’utilisation d’un nom de domaine dans des conditions de nature à créer un risque de confusion avec le nom de cette collectivité territoriale engagent la responsabilité civile délictuelle de son auteur ;
– que le droit des collectivités territoriales résulte, d’une part de l’article L. 711-4 h du code de la propriété intellectuelle, d’autre part de la charte de I’Afnic dans sa rédaction du 2 juillet 2004 et de l’article 19 de la charte « fr » et enfin, de l’article 10 du règlement communautaire n° 87412004 du 28 avril 2004 qui organise l’enregistrement des noms de domaine sous l’extension ;
– qu’il est constant que le nom de domaine du site internet de la Commune de Metz a été enregistré comme « mairie-metz.fr » le 25 avril 1995 ; qu’ainsi, elle a acquis un droit d’usage sur ce nom de domaine ; que deux des adresses litigieuses font usage de ce nom de domaine ;
– que les défendeurs, acteurs de la vie politique messine, ont délibérément cherché à induire le public en erreur ; qu’ils sont d’une mauvaise foi manifeste ; que leurs comportements frauduleux provoquent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
L’association Metz2007.com a constitué avocat et a conclu :
– que la demande est irrecevable comme méconnaissant les dispositions de l’article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales, le maire n’ayant pas été expressément et spécialement habilité par une délibération du conseil municipal à agir en justice au nom de la commune ;
– que la délibération du conseil municipal produite par la commune demanderesse, qui ne fait que reprendre les dispositions du texte susvisé, ne suffit pas à donner qualité au maire pour agir au nom de la commune ; qu’en application de l’article 119 du nouveau code de procédure civile, il n’est pas nécessaire qu’elle fasse la preuve d’un grief ;
Subsidiairement,
– que la commune de Metz aurait eu tout loisir d’acquérir l’adresse « mairie-metz.com » entre le 25 avril 1995 et le 19 avril 2004 ;
– que le risque de confusion ne porte que sur l’adresse et non sur le contenu des sites ;
– que l’argumentation de la commune de Metz sur l’existence d’un dommage imminent est fallacieuse et n’a d’autre but que de porter atteinte à la liberté d’expression de l’association Metz2007.com ;
– que la Commune de Metz ne saurait se prévaloir d’une quelconque prérogative sur le nom de domaine « mairie-metz.com », par application de la règle commune dite du «premier arrivé, premier servi» qui s’applique en matière d’enregistrement d’un nom de domaine que le grief de parasitisme n’a aucun fondement ;
– que le grief de mauvaise foi n’est pas démontré, non plus que l’atteinte aux droits de la ville de Metz ;
– que le moyen pris des règles édictées par la charte Afnic ou de le réglementation communautaire est malvenu, dès lors qu’aucune des adresses n’a pour suffixe ni .fr, ni .eu ; qu’aucune restriction ne peut être opérée sur les adresses comportant le suffixe .com, puisque ceux-ci sont gérés par des sociétés américaines ;
– que la restriction demandée aurait pour effet de porter atteinte la liberté d’expression et aux règles élémentaires du commerce international ;
– que le terme de « e-mairie » n’est aucunement la propriété de la mairie de Metz ; que d’ailleurs la commune ne se prévaut, même sur son propre site, que des termes de « cyber-mairie » de sorte qu’il n’existe aucune possibilité de confusion ;
– que l’article 809 du nouveau code de procédure civile ne permet pas au juge des référés de porter atteinte à la liberté d’expression, ni d’interdire la diffusion d’informations sur quelque support que ce soit ; que ce principe de valeur constitutionnelle ne peut être restreint qu’en cas de risque de propos diffamatoires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; qu’en réalité l‘assignation n’a d’autre but que d’écarter un ou plusieurs modes de communication de candidats potentiels à des élections municipales futures ;
Sur la cession, du nom de domaine :
– que le juge des référés de saurait ordonner une mesure inopérante au moment où il se prononce, le trouble ayant cessé ;
– que dans le cas d’espèce, elle a procédé au transfert du nom de domaine « mairie-metz.com », par acte de signification et par procès-verbal de remise de Maître Mougey, huissier de justice à Metz, le 23 décembre 2005 ;
– que par ailleurs, elle a cessé tout usage du nom de domaine « mairie-metz.com » et de « mairie-metz » ainsi que de la dénomination « e-mairie » ; qu’il n’y a donc plus matière à référé ; que la mairie de Metz doit donc être déboutée de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
L’association défenderesse s’est portée demanderesse reconventionnelle en faisant valoir :
– que la demande de la mairie de Metz est abusive dès lors que de son côté, elle avait, dès le 3 novembre 2005, mis à jour la notice légale du site en cause, supprimé le contenu des sites litigieux et que bien que contestant le risque de confusion invoqué, elle a proposé de céder gratuitement à la mairie de Metz le nom de domaine litigieux, pour autant que la cession se fasse lors d’une cérémonie officielle et publique ;
– que la mairie de Metz a par ailleurs diffusé un communiqué dans le seul but de lui causer un préjudice moral et financier ;
– que ce comportement doit être sanctionné par l’allocation d’une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ; qu’il convient en outre de condamner la Commune demanderesse à lui verser une somme de 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
David B. a constitué avocat et a conclu dans le même sens.
II a, lui aussi, réclamé le débouté de la demande et formé une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la commune de Metz à lui verser la somme de 7000 € titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, outre 2000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
La Commune de Metz a répliqué :
– qu’à la suite de la délivrance de l’assignation, les défendeurs ont successivement ;
* cessé l’utilisation des dénominations litigieuses ;
* accompli les formalités de transfert du nom de domaine « mairie-metz.com » au profit de la mairie, étant précisé que ce transfert est devenu effectif le 3 février 2006 ;
– que l’exécution spontanée par les défendeurs des demandes de la commune de Metz démontre incontestablement le bien-fondé de sa demande ;
– qu’il est constant que le conseil municipal a donné au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pour la durée de son mandat ; qu’elle produit la délibération qui autorise le maire à agir au nom de la commune et qui lui permettait donc d’engager la présente instance ;
– qu’en outre la délibération du 4 juillet 2002, contrairement à ce que prétendent les défendeurs, ne se borne pas à reprendre les termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, mais précise que ces actions pourront être intentées « devant toutes les juridictions » et que le maire pourra « user, le cas échéant, de toutes les voies de recours » ;
– qu’en tout état de cause, l’action engagée par la commune pouvait l’être sans délibération préalable du conseil municipal, en application de l’article L. 2541-25 du code général des collectivités territoriales ;
– que l’exercice d’une action en justice constitue un droit pour tout justiciable ; que le caractère abusif d’une telle action ne peut être retenu que lorsqu’il est retenu à la charge de celui qui agit un acte de malice ou de mauvaise foi, ou à tout le moins, une erreur grossière équipollente au dol ;
– que tel n’est pas le cas, en l’espèce ; qu’il est constant qu’à la suite de la sommation qu’elle leur a fait délivrer, les défendeurs n’ont pas exécuté les demandes qui leur étaient adressées ; que les adresses internet litigieuses visées par l’assignation sont demeurées actives ; que les formalités de transfert du nom de domaine n’ont pas été initiées ;
– que les conditions dans lesquelles les défendeurs auraient accepté de transférer le nom de domaine, à la faveur d’une cérémonie officielle, lui ont paru inacceptables ; qu’elle pouvait dès lors, sans commettre d’abus, intenter la présente procédure ; que par ailleurs, les défendeurs ne sauraient exciper d’un quelconque préjudice, dès lors que cette affaire, largement médiatisée, a attiré nombre d’internautes sur le site internet « Metz2007.com ».
La Commune de Metz a en conséquence réduit sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à la somme de 2000 €.
DISCUSSION
Sur la recevabilité
En droit, l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales énonce que « le maire peut, … par délégation du conseil municipal, être chargé en tout ou partie, et pour la durée de son mandat …/…. «16° d’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal. »
Il résulte de ce texte que si l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales permet au maire, par délégation du conseil municipal, d’intenter, au nom de la commune, les actions en justice, ce n’est que ” dans les cas définis par le conseil municipal.”
Dans le cas d’espèce, il résulte de l’extrait des délibérations du Conseil municipal de la ville de Metz du 4 juillet 2002, point 40, versé au dossier, qu’a été déléguée au maire, pour la durée de son mandat, la totalité des compétences énumérées à l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, et notamment …/… « 16° d’intenter, au nom de la commune, les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle devant toutes les juridictions et, d’exercer, le cas échéant, toutes les voies de recours ; »
Il convient donc de constater que le conseil municipal n’a pas défini les actions en justice pour lesquelles il a donné délégation au maire et s’est borné à reproduire dans sa délibération les termes de l’article susvisé du code général des collectivités territoriales.
Il s’en déduit que cette délibération n’autorise pas le maire à agir en justice.
Cependant, aux termes de l’article L.2541-25 du même code, « le maire peut, en cas d’urgence, sans l’autorisation préalable du conseil municipal, intenter les actions possessoires et y défendre ainsi qu’accomplir tout acte juridique nécessaire pour conserver les droits de la commune ou pour éviter les conséquences résultant de l’expiration des délais. Il en rend compte au conseil municipal lors de sa plus prochaine séance ».
Dans le cas présent, on peut considérer qu‘il y avait urgence pour la Ville de Metz à intenter une action de caractère conservatoire, pour défendre les droits portant sur son nom, observation étant faite que la communication sur l’internet présente cette caractéristique d’être particulièrement rapide, dense et accessible à un nombre considérable de personnes, de sorte que les conséquences d’une inaction peuvent être rapidement importantes et qu’une réaction efficace s’accommode mal du rythme d’une procédure judiciaire au fond.
Dans ces conditions, il échet de constater que la demande en référé de la Commune de Metz était recevable.
Elle n’a cependant plus d’objet principal, les défendeurs ayant finalement obtempéré à la demande qui leur était faite.
Sur la demande reconventionnelle
Il est constant que les règles techniques qui peuvent s’appliquer sur l’internet et notamment celle du « premier venu, premier servi », ne peuvent avoir d’effets sur les droits que les personnes tiennent de la loi applicable sur le territoire français. En particulier, les communes bénéficient de la protection juridique de leur nom. Toute usurpation ou tout acte de parasitisme constitue dès lors une faute Civile, dont le titulaire régulier peut demander au juge des référés de faire cesser les effets illicites, lorsque sont réunies les conditions posées par l’article 809 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile.
Tel était le cas en l’espèce. Il convient de le constater et d’en déduire que l’action de la Ville de Metz n’avait rien d’abusif. Au contraire, les agissements fautifs des défendeurs étaient le fruit d’une volonté délibérée d’induire les internautes en erreur sur l’identité du titulaire du site, ce qui constitue un acte de parasitisme caractérisé. Il importe peu que le contenu du site ne prêtât point à confusion.
Sur les demandes formées en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile
La résistance des défendeurs étant dépourvue de tout fondement, il convient de rejeter les demandes reconventionnelles.
Il convient au contraire de faire droit à la demande formée par la Ville de Metz en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile à concurrence de 2000 €, pour chacun des défendeurs, aucune considération d’équité ne justifiant qu’ils en soient dispensés.
DECISION
Le Président du Tribunal de grande instance, statuant en référé, par ordonnance contradictoire susceptible d’appel ;
. Renvoie les parties à se pourvoir au principal ainsi qu’elles aviseront ; mais dès à présent ;
. Constate que la demande principale de la Ville de Metz est devenue sans objet ;
. Rejette la demande reconventionnelle formée par les défendeurs, l’association Metz2007.com et M. David B. ;
. Les condamne chacun à payer à la Commune de Metz 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
. Les condamne aux dépens.
Le tribunal : M. Staechele (président)
Avocats : Me Morel, Me Alain Bensoussan, Me Vauthier, Me Graff
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