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Jurisprudence : Droit d'auteur

mardi 26 juin 2007
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Tribunal de grande instance de Montauban Jugement du 9 mars 2007

SCPP / Marie-Thérèse O.

droit d'auteur

[…]

FAITS ET PROCEDURE

Sur l’action publique

Attendu qu’à l’audience du 10 mars 2006, l’affaire a été successivement renvoyée au 23 mai 2006, 29 septembre 2006, 15 décembre 2006, 19 janvier 2007 puis au 2 février 2007 ;

Attendu que Marie-Thérèse O. a été citée à l’audience du 10 mars 2006 par monsieur le procureur de la République suivant acte de Me Lacombe, huissier de justice à Caussade, délivré le 21/02/2006 à sa personne ;

Que la citation est régulière ; qu’il est établi qu’elle en a eu connaissance ;

Attendu que la prévenue a comparu ;

Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement ;

Attendu qu’elle est prévenue d’avoir à Albias (82), pendant l’année 2004 et jusqu’au 15 février 2005, sans autorisation de l’artiste interprète, du producteur de phonogrammes alors qu’exité, fixé, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, ou télédiffusé, une prestation, un phonogramme, un vidéogramme ou un programme audiovisuel ;

infraction prévue par les articles 335-4 al. 1, 212-3 al. 1, 213-1 al. 2, 215-1 al. 2, 216-1 du code de la propriété intellectuelle et réprimée par les articles 335-4 al. 1, 335-5 al. 1, 335-6 du code de la propriété intellectuelle ;

d’avoir à Albias (82), pendant l’année 2004 et jusqu’au 15 février 2005, sciemment recélé des fichiers musicaux qu’elle savait provenir d’une contrefaçon, commise au préjudice de la SCPP ;

infraction prévue par les articles 321-1 al. 1, al. 2, 311-1 du code pénal, et réprimée par les articles 321-1, 321-3, 321-9, 321-10, 311-14 3° du code pénal ;

Le 16 août 2004, à Neuilly sur Seine, Stéphane L., agent assermenté, conformément aux dispositions de l’article L 331-2 du code de la propriété intellectuelle, constatait après avoir téléchargé sur son ordinateur le logiciel d’échange « Kazaa », que dans la liste des internautes utilisant ce logiciel et sous le pseudo « Pénélope@Kazaa » un utilisateur avait mis à disposition 1565 fichiers dont 995 enregistrements audio encodés au format MP3 et WMA correspondant aux titres d’articles appartenant au répertoire social géré par la SCPP.

Les constatations faisaient l’objet d’un procès verbal dressé le même jour.

Le 5 novembre 2005, Jean Pierre P. es-qualité de responsable des enquêtes anti-piraterie de la SCPP dénonçait les faits auprès de la Brigade centrale pour la répression des contrefaçons industrielles et artistiques et le 18 janvier 2005 auprès du SRPJ de Toulouse.

Dans le cadre de l’enquête préliminaire les OPJ de la BCRCIA de Nanterre obtenaient du fournisseur d’accès Tiscali l’identité de l’utilisateur ayant pour pseudonyme Pénélope et le 15 février 2005, perquisitionnaient au domicile de Marie-Thérèse O.

Ils découvraient :
– une unité centrale PC : Olidata équipée d’un graveur de CD ;
– 2889 fichiers musicaux de type MP3 dans un dossier du logiciel Kazaa ;
– de nombreux CD gravés, reprenant des listes de chansons et de chanteurs.

Marie-Thérèse O. reconnaissait les faits de chargement illicite à travers le système Kazaa.

Elle se justifiait en évoquant son désir de retrouver les chanteurs et chansons « de sa jeunesse » et de découvrir de nouveaux chanteurs. Elle se défendait d’avoir livré à la diffusion ses fichiers par d’autres moyens que le répertoire partagé Kazaa.

Elle faisait valoir qu’elle achetait aussi des CD originaux dans le commerce.

Sa connexion internet était de 56 KO.

A l’audience, in limine litis, Marie-Thérèse O. a fait plaider que la SCPP et son service, d’enquête « anti-piraterie » n’avait pas obtenu, ni même sollicité l’autorisation de la Cnil telle qu’exigée par les articles 25 et suivants de la loi 2004-801 du 6 août 2004.

La SCPP a fait remarquer que l’exception n’avait pas été soulevée avant le débat au fond.

Marie-Thérèse O. a répondu, rappelant que le 2 juin 2006, le tribunal statuant en juge unique, avait renvoyé l’affaire devant le tribunal correctionnel statuant en formation collégiale.

Subsidiairement, la SCPP a rappelé qu’en application de l’article L 331-2 du code de la propriété intellectuelle, le procès verbal litigieux avait été établi régulièrement par un agent assermenté, lequel n’avait commis aucune violation aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978.

Le ministère public a demandé au tribunal d’écarter l’exception soulevée.

Le tribunal a joint l’incident au fond.

Marie-Thérèse O. a fait plaider l’absence d’intention frauduleuse et rappelé qu’elle ne vendait pas les CD qu’elle gravait.

Subsidiairement, elle a demandé au tribunal de la dispenser de peine.

DISCUSSION

Sur l’exception soulevée

Les pièces du dossier permettent de constater que l’agent assermenté a agi dans le cadre des articles L 331-2 et L 321-1 du code de la propriété intellectuelle en constatant les infractions à ce code.

Il a recueilli, via un pseudo, une adresse IP exploitée ensuite par un officier de police judiciaire, lequel a identifié l’internaute après réquisition au fournisseur d’accès.

L’agent assermenté, agissant comme il est dit au procès verbal du 16 août 2004, n’a pas outrepassé les droits qu’il tire de l’article L 331-2 du code de la propriété intellectuelle.

L’exception de nullité sera écartée.

Sur le fond

Les faits ont été régulièrement constatés et ils n’ont fait l’objet d’aucune contestation.

Ils sont constitutifs de l’infraction visée à la prévention.

48 CD ont été gravés.

Marie-Thérèse O. a admis qu’elle savait qu’elle agissait illégalement.

Dans ces conditions, il y a lieu de la déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation.

Les constatations des enquêteurs, les débats à l’audience, n’autorisent pas à retenir que la prévenue faisait commerce des CD qu’elle gravait ou que sa pratique excédait l’usage privé de ses copies.

Sur l’action civile

La SCPP s’est constituée partie civile ;

Sa demande est recevable et régulière en la forme ;

Sa demande tend à :
– la condamnation de Marie-Thérèse O. au paiement de la somme de 1990 € en réparation des préjudices subis par la profession de producteurs de phonogrammes ;
– la condamnation de Marie-Thérèse O. au paiement de la somme de 1200 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
– la confiscation de l’ensemble du matériel informatique saisi ainsi que les Cdrom de musiques gravés saisis à l’issue de la perquisition opérée au domicile de la prévenue ;
– la publication par extrait du jugement à intervenir, aux frais de Marie-Thérèse O., dans deux journaux ou magazines ainsi que sur un site internet au choix de la SCPP et ce sans que le coût ne dépasse par insertion la somme de 2000 € ;
– l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel ;

Il sera tenu compte des ressources de Marie-Thérèse O., du nombre de CD gravés, du fait aussi qu’elle consacre une partie de ses faibles revenus à l’acquisition légale et régulière de CD originaux (140 à 150 selon les enquêteurs).

Marie-Thérèse O. sera condamnée à payer à la SCPP 495,50 € correspondant au nombre de titres d’artistes appartenant au répertoire social géré par la SCPP et aux dommages qui lui sont causés, évalués à 0,50 € par titre musical contrefait.

Elle sera en outre condamnée au paiement de la somme de 750 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

La partie civile sera déboutée de ses autres demandes.

DECISION

Statuant publiquement et en premier ressort ;

Contradictoirement à l’égard de Marie-Thérèse O. ;

Sur l’action publique

. Ecarte l’exception de nullité ;

. Déclare Marie-Thérèse O. coupable des faits qui lui sont reprochés ;

Vu les articles 131-6, 131-7 et 131-9 du code pénal ;

. Prononce à titre de peine principale la confiscation au profit de l’Etat des 48 CD saisis et déposés au greffe du tribunal de grande instance de Montauban sous le n° de scellé : 121/2005 – scellé 1 – ;

. Conformément à l’article 141 de la loi du 4 janvier 1993 créant l’article 1018 A du code général des impôts la présente décision est assujettie d’un droit fixe de procédure d’un montant de 90 € dont est redevable chaque condamné.

Sur l’action civile

Par jugement contradictoire à l’égard de la SCPP ;

. Reçoit la SCPP en sa constitution de partie civile ;

. Condamne Marie-Thérèse O. à payer à la SCPP la somme de 495,50 € à titre de dommages-intérêts ;

. Condamne Marie-Thérèse O. à verser à la SCPP, au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, la somme de 750 € ;

Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du code de procédure pénale et des textes susvisés ;

Le tribunal : M. Birgy (président), Mme Pouteau et M. Karsenty (juges assesseurs)

Avocats : Me Ravinetti, Me Pujol

Cette décision fait l’objet d’appel.

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