Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de grande instance de Nanterre Ordonnance de référé du 17 mai 2001
France 2, France 3 / Kim S.
contenus illicites - nom de domaine - pornographie
Le 24 avril 2001, la société France2 et la société France3 ont assigné en référé d’heure à heure Kim S. domicilié en Corée sur le fondement des articles 1382, 1383 du code civil, 809 du ncpc et L 713-5 du code de la propriété intellectuelle.
Elles demandent :
– qu’il soit jugé qu’en enregistrant les noms de domaine internet « france2.com » et « france3.com » pour désigner des sites à caractère pornographique, Kim S. a porté atteinte à leurs droits privatifs sur leur dénomination sociale, leur nom commercial, leur nom de domaine et leurs marques et a commis des agissements engageant sa responsabilité ;
– qu’il lui soit fait interdiction d’utiliser les dénominations France 2 et France 3, sous astreinte de 20 000 F par infraction constatée, chaque affichage à l’écran constituant une infraction distincte ;
– que soit ordonné le transfert des noms de domaine ;
– que chacune des sociétés France 2 et France 3 puissent transmettre copie de la décision requise à la société Hangang Systems Inc, société agréée par l’Icann et registrar des noms de domaine pour le compte de Kim S. aux fins de procéder aux transferts ;
– que Kim S. soit condamné à payer à chacune des sociétés France 2 et France 3 la somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts provisionnels ;
– que l’ordonnance soit publiée dans 10 journaux ou revues, aux frais de Kim S. ;
– qu’il soit rappelé que l’exécution provisoire est de droit, sur minute ;
– que Kim S. soit condamné à payer à chacune des sociétés France 2 et France 3, la somme de 50 000 F au titre de l’article 700 du ncpc.
Il est établi que Kim S. assigné à parquet a eu connaissance de l’acte introductif d’instance ainsi que l’exige l’article 479 du ncpc ; il n’a pas constitué avocat.
La discussion
Les sociétés France 2 et France 3 sont des sociétés nationales de programmes de télévision ; elles sont titulaires respectivement de la marque France 2 déposée le 14 janvier 1982 ; et de la marque France 3 déposée le 14 janvier 1992 ; ces dénominations constituent depuis de nombreuses années par leur notoriété, l’emblème représentatif des sociétés nationales de télévision France 2 et France 3.
Elles exploitent chacune un site internet aux adresses france2.fr et france3.fr.
Elles ont découvert que Kim S. avait enregistré auprès de l’organisme Hangang Systems Inc, opérateur de noms de domaine internet agréée par l’Icann, les noms de domaine « france2.com » et « france3.com ».
Elles ont fait effectuer un constat d’huissier le 20 avril 2001 ; il a été constaté qu’en se connectant à ces adresses, l’internaute était conduit à deux sites à caractère pornographique.
Il est incontestable qu’en adoptant pour noms de domaine les dénominations France 2 et France 3, Kim S. a reproduit les marques des sociétés nationales de télévision France 2 et France 3, sans l’autorisation de ces dernières.
Mis en demeure, le 20 avril 2001, par le conseil des sociétés nationales de télévision de procéder au transfert des noms de domaine, Kim S. répondait : « mon enregistrement des noms de domaine est légal de même que les sites web que j’exploite ; les noms de domaine sont internationaux, mes sites sont mon commerce avec lesquels je fais beaucoup d’argent ».
Les marques France 2 et France 3 qui ont acquis une notoriété auprès du public, doivent bénéficier de la protection conférée par l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée, pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque.
En l’occurrence, la reproduction des marques France 2 et France 3 sur internet à titre de noms de domaine porte atteinte aux sociétés nationales de télévision, en effet en saisissant les noms de domaine « france2.com » et « France3.com » les personnes connectées à l’internet accèdent à un site pornographique, ce qui crée pour ces sociétés un considérable préjudice d’image ; il en est pour preuve la publication de plusieurs articles dans la presse.
Par ailleurs les agissements de Kim S. portent atteinte aux droits des sociétés nationales de télévision France 2 et France 3, sur leurs dénominations sociales, leurs noms commerciaux.
Ils constituent pour ces sociétés un trouble manifestement illicite.
Dans ces conditions, il sera fait droit aux mesures d’interdiction et de transfert, sous astreinte, tel qu’il est précisé au dispositif de l’ordonnance;
Eu égard aux éléments de la cause, il sera allouée à chacune des sociétés nationales de télévision France 2 et France 3, la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts provisionnels.
Cette indemnisation sera complétée par une mesure de publication, ainsi qu’il est énoncé au dispositif.
Compte tenu de l’urgence, il convient d’ordonner que la mesure de transfert des noms de domaine sera exécutoire au seul vu de la minute.
Les conditions d’application de l’article 700 du ncpc sont réunies et il convient d’allouer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 30 000 F.
La décision
Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, en premier ressort, en référé,
. Faisons interdiction à Kim S. d’utiliser les dénominations France 2 et France 3, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard, passé le délai de 72 heures suivant la signification de la présente ordonnance,
. Lui faisons injonction de procéder aux formalités de transfert des noms de domaine « france2.com » et « france3.com » au profit des sociétés nationales de télévision France 2 et France 3,
. Disons que ces sociétés pourront, pour le compte de Kim S., transmettre à la société Hangang Systems Inc copie de la présente décision, afin de procéder aux transferts des noms de domaine,
. Condamnons Kim S. à payer à chacune des sociétés nationales de télévision France 2 et France 3, la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts provisionnels,
. Autorisons la publication de cette décision dans 5 journaux ou revues au choix des sociétés demanderesses, aux frais de Kim S., dans la limite de la somme de 10 000 F par insertion,
. Rappelons que l’exécution provisoire est de droit ; disons que la mesure de transfert sera exécutoire sur minute,
. Condamnons Kim S. à payer à chacune des sociétés nationales de télévision France 2 et France 3, la somme de 30 000 F au titre des frais irrépétibles.
. Le condamnons aux dépens.
Le tribunal : M. Dominique Rosenthal-Rolland
Avocat : SCP Courtois-Lebel
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