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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 05 octobre 2007
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Tribunal de grande instance de Paris 5ème chambre, 1ère section Jugement du 26 juin 2007

Marc L. / Free

e-commerce

FAITS

Marc L. a souscrit par internet un abonnement à l’offre Free haut débit au mois d’octobre 2003.
Au mois de septembre 2004, il a sollicité de la société Free le bénéfice de l’abonnement en dégroupage total. L’ensemble des services s’étant interrompu le 25 octobre 2004, Marc L. a sollicité de la société Free une intervention technique. Le service a été restauré le 21 janvier 2005.

Estimant que la société Free n’avait pas rempli ses obligations contractuelles, Marc L. a saisi le tribunal d’instance du 8ème arrondissement d’une demande tendant à l’indemnisation du préjudice subi.
Par un jugement du 1er avril 2005 ce tribunal s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris, les demandes de Marc L. excédant son taux au ressort.

Marc L. fonde son action sur l’article L 121-20-3 du code de la consommation qui impose au fournisseur de service une obligation de résultat. Il relève qu’il a été privé pendant trois mois d’une connexion internet et d’une ligne téléphonique en raison des manquements de la société Free à ses obligations contractuelles. Il ajoute qu’il a adressé de multiples demandes à son cocontractant, sans effet.

Marc L. sollicite les indemnités suivantes en réparation de son préjudice :
– 89,96 € au titre du remboursement de l’abonnement et des communications passées à l’aide d’un téléphone portable d’emprunt,
– 20,40 € en remboursement des communications passées à la ligne d’assistance technique de Free,
– 1500 € en compensation du temps passé à solliciter l’aide de la société Free,
– 2500 € en réparation du préjudice moral,
– 2500 € en réparation du préjudice d’agrément,
– 1000 € en réparation du préjudice professionnel.

Il sollicite en outre l’exécution provisoire du jugement et une indemnité de 3000 € en application de l’article 700 du ncpc.

La société Free répond que dans le cadre d’une demande d’intervention pour mettre en place le dégroupage total, elle est intervenue en qualité de mandataire de Marc L. et non en tant que fournisseur d’une prestation de service commandée par internet.

La société Free précise que les difficultés rencontrées par Marc L. ont pour origine un défaut sur l’installation de France Télécom et qu’elle n’a pas la possibilité de contrôler les techniciens de cette société tierce ni d’intervenir directement sur les installations de France Télécom. La société Free estime que ces difficultés techniques ont les caractères de la force majeure et l’exonèrent de sa responsabilité contractuelle.

La société Free reproche à Marc L. de n’avoir pas été diligent dans la réponse à ses demandes, de n’avoir pas contacté l’assistance technique par téléphone et d’avoir tardé à répondre à la proposition d’intervention d’un technicien à domicile.
La société Free conclut au rejet des demandes.

Subsidiairement, la défenderesse propose de rembourser à Marc L. la somme de 89,97 € correspondant à trois mois d’abonnement sans service.
Elle ajoute que toutes les autres demandes d’indemnisation ne sont pas justifiées et en sollicite le rejet.

La société Free demande enfin une indemnité de 1000 € en application de l’article 700 du ncpc.

Marc L. répond que les difficultés rencontrées par la société Free dans ses relations avec France Télécom sont connues et dès lors ne présentent pas les caractères de la force majeure.
Il maintient l’intégralité de ses réclamations.

DISCUSSION

Sur l’action en responsabilité

Au mois de septembre 2004, Marc L. a sollicité la société Free afin de bénéficier du dégroupage total de sa ligne téléphonique. Il a rempli à cet effet un formulaire papier téléchargé sur le site internet de la société Free et l’a adressé par courrier à la défenderesse.

Ce document présente deux titres : « Formulaire de commande de dégroupage total » et « Mandat de dégroupage ».

Le contrat conclu entre les parties a pour objet de confier à la société Free la mission de solliciter à France Télécom l’usage de sa boucle locale afin de fournir un nouveau service de télécommunication à Marc L. Il ne s’agit pas d’un simple contrat de mandat, la société Free étant chargée d’une démarche administrative auprès de France Télécom et de la fourniture d’un service de communication (accès internet, téléphonie, télévision).

Il s’agit de la réalisation d’une prestation de service par la société Free à la demande de Marc L. Le contrat ayant été conclu à distance entre un consommateur et un professionnel, il est soumis aux dispositions de l’article L 120-20-3 du code de la consommation qui dispose que « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de service ».

En l’espèce, il est établi que la société Free n’a pas respecté ses engagements contractuels. En effet, par un courriel du 25 octobre 2004, Marc L. a été informé que sa ligne téléphonique venait d’être raccordée en dégroupage total. Marc L. s’est cependant immédiatement plaint de l’interruption du service (téléphone et connexion internet) qui n’a été rétabli que le 21 janvier 2005, soit trois mois plus tard.
En application du texte précité, la société Free a engagé sa responsabilité contractuelle de plein droit.

En réponse la société Free oppose l’article 8-1 des conditions générales de vente applicables au cours de l’année 2004.
Cependant, par un jugement du 21 février 2006, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré que cette stipulation constituait une clause abusive. La société Free ne peut donc pas s’en prévaloir.
La défenderesse ne peut pas non plus invoquer les conditions générales de vente éditée en 2006, l’incident technique dont le tribunal est saisi étant antérieur à l’entrée en vigueur de ces stipulations contractuelles.

En application de l’article L 120-20-3 dernier alinéa du code de la consommation, la société Free peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en démontrant que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable au consommateur ou au fait imprévisible et insurmontable d’un tiers au contrat.

La société défenderesse explique l’interruption du service dû à Marc L. par un incident technique survenu sur le réseau de France Télécom. Elle estime que cet incident est imprévisible.

Le tribunal relève cependant que ce type d’incident est suffisamment connu pour que la société Free ait tenté d’échapper à sa responsabilité en édictant en 2004 des conditions générales de ventes jugées partiellement abusives.

En outre, la société Free verse aux débats un schéma établi par la société France Télécom le 12 décembre 2003, soit antérieurement à l’incident rencontré par Marc L., détaillant la répartition de la responsabilité sur une ligne téléphonique.
Ce document démontre que la fréquence des incidents a conduit la société France Télécom à établir un tel document.

En conséquence, la société Free n’est pas fondée à soutenir que l’incident technique survenu sur la ligne téléphonique de Marc L. est imprévisible.

La défenderesse ajoute que la panne était un événement irrésistible à son égard.

Il résulte cependant des pièces versées aux débats par la société Free que lorsque cette dernière a consenti à répondre aux demandes de Marc L., la difficulté a été rapidement résolue.

En effet, la société Free a envoyé un technicien au domicile de Marc L. le 14 janvier 2005. Il a constaté que l’installation du demandeur était conforme.

Parallèlement, la société Free s’est adressée à France Télécom le 7 janvier 2005, elle a relancé le propriétaire des installations téléphoniques le 15 et le 19 janvier. Le service a été rétabli le 21 janvier 2005.
Ces pièces démontrent que lorsque la société Free remplit ses obligations contractuelles, le service est rétabli en 14 jours. La défenderesse n’est donc pas fondée à soutenir que la panne technique survenue sur le réseau de France Télécom est un événement insurmontable.

La société Free estime enfin que l’interruption du service résulte de l’inertie de Marc L. qui a tardé à faire vérifier l’installation de son domicile.

Le demandeur justifie avoir signalé l’interruption du service dès le 25 octobre 2004 par une télécopie et un courrier. Il a adressé un second courrier le 2 novembre 2004 puis une lettre recommandée de mise en demeure le 5 novembre 2004.

Marc L. justifie en outre avoir adressé au service technique de la société Free 16 courriels entre le 25 octobre 2004 et le 6 janvier 2005.

La société Free a répondu par l’envoi d’une lettre type le 23 novembre 2004. Ce n’est que le 27 décembre 2004 que le service technique de la défenderesse a adressé un courriel à Marc L. Elle a relancé son client les 6 et 10 janvier 2005 pour faire intervenir un technicien à son domicile. Le demandeur exerce une activité professionnelle qui ne lui permet pas d’être immédiatement à la disposition de la société Free, cette dernière ayant attendu plus de deux mois avant de proposer l’intervention d’un technicien.

Ce n’est qu’à partir du 7 janvier 2005 que la société Free s’est effectivement mobilisée auprès de France Télécom pour faire rétablir le service dû à Marc L.

L’examen de ces documents démontre que la société Free n’a pas immédiatement répondu aux demandes de Marc L. et que le retard pris dans le rétablissement du service lui est exclusivement imputable.

La société Free n’est en conséquence pas fondée à invoquer la faute de Marc L. comme une cause exonératoire de sa responsabilité contractuelle.

Sur l’indemnisation du préjudice

La société Free sera condamnée à rembourser à Marc L. la somme de 89,97 € correspondant au paiement de trois mois d’abonnement sans service.

Il résulte de l’examen de la liste des événements enregistrés sur l’abonnement de Marc L. par la société Free qu’il y a eu un appel sur la ligne téléphonique d’assistance le 25 octobre 2004.
Le demandeur ne justifie par avoir contacté cette ligne à d’autres dates.
La communication, facturée 0,34 cents d’euros par minute sera indemnisée par la somme forfaitaire de 10 €.

Marc L. démontre avoir emprunté un téléphone mobile à l’un de ses amis en remplacement de la ligne téléphonique que la société Free devait lui fournir. Il justifie avoir dépensé la somme de 111,13 € en abonnement et communications. La société Free sera condamnée à lui rembourser ce montant.

Marc L. demande une indemnité pour compenser le temps passé à résoudre ce litige, à contacter des institutions publiques et à faire des démarches auprès de la justice. Ce chef de demande relève de l’application de l’article 700 du ncpc.

Le demandeur indique avoir subi un préjudice moral, la privation de la connexion internet pendant la période des fêtes de fin d’années, ayant perturbé ses relations amicales et familiales. Marc L. justifie de la réalité de ce dommage en produisant aux débats les témoignages de ses amis et de sa famille. Le fait que le demandeur dispose d’une connexion internet sur son lieu de travail ne fait pas disparaître le dommage. En effet, cette connexion professionnelle n’a pas pour objet d’être utilisée à titre personnel. La société Free sera condamnée à verser au demandeur une indemnité de 800 €.

Marc L., informaticien, indique que l’un de ses loisirs est d’utiliser internet et de créer des sites internet. Il a été privé de ce divertissement pendant trois mois. La société Free sera condamnée à lui verser en réparation une indemnité de 500 €.

Le demandeur invoque un préjudice professionnel en précisant que la perte de sa connexion internet et de sa ligne téléphonique l’ont conduit à retarder sa rechercher d’emploi.

Il verse aux débats le témoignage de Pascal M. selon lequel Marc L. a exprimé son souhait de changer d’emploi au mois de janvier 2005, à une époque où le service dû par la société Free était rétabli. Marc L. sera débouté de cette demande d’indemnisation.

La société Free sera condamnée à verser à Marc L. la somme de 1511,10 €.

Le demandeur sollicite les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2004, date de la lettre recommandée adressée à la société Free. Cette mise en demeure porte cependant sur une somme inférieure à la condamnation. Cette date ne sera pas retenue.

Les demandes de Marc L. ont été formalisées lors de l’audience devant le tribunal d’instance le 4 février 2005. Cette date sera retenue comme point de départ du cours des intérêts au taux légal.

L’ancienneté du litige justifie que l’exécution provisoire soit ordonnée.

La société Free sera condamnée à verser à Marc L. la somme de 3000 € en application de l’article 700 du ncpc.

Elle sera enfin condamnée à payer les dépens de l’instance.

DECISION

Le tribunal, statuant par un jugement rendu en audience publique, contradictoire et en premier ressort,

. Condamne la société Free à verser à Marc L. la somme de 1511,10 € qui produira intérêts au taux légal à partir du 4 février 2005,

. Ordonne l’exécution provisoire,

. Condamne la société Free à verser à Marc L. une indemnité de 3000 € en application de l’article 700 du ncpc,

. Condamne la société Free à payer les dépens de l’instance.

Le tribunal : Mme Julie Mouty Tardieu (juge)

Avocats : Me Sidonie Roufiat, SCP Ancelet Douchin Elie Saudubray

 
 

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