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Jurisprudence : Responsabilité

vendredi 28 août 2009
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Tribunal d’instance de Bordeaux Juridiction de août proximité Jugement du 18 août 2008

Pierre M. / Free, France Télécom

responsabilité

PROCEDURE, FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS

Par ordonnance du 27 juillet 2007 rendue sur requête de Monsieur M. Pierre, il était enjoint à la société Free de rétablir la ligne internet et services associés de Monsieur M. au numéro 055….et décidé que l’affaire serait examinée à l’audience du 20 août 2007.

Monsieur M. signalait la perte d’accès à sa ligne téléphonique et des services auxquels il avait souscrit auprès de la société Free.

Sa demande en condamnation à des dommages et intérêts était rejetée

Par assignation du 3 août 2007, la société Free mettait en cause la société France Télécom au motif que sa ligne n’étant plus accessible il revenait à Monsieur M. de souscrire un nouvel abonnement auprès de France Télécom, après résiliation de son abonnement souscrit auprès de Free.

A l’audience du 20 août 2007, la jonction, des deux procédures était ordonnée ; il était donné acte à la société France Télécom de son acceptation de rétablir la ligne téléphonique de Monsieur M. sur sa demande et les débats étaient renvoyés.

A l’audience de renvoi Monsieur M. déclare qu’il a pu être reconnecté en totalité le 27 décembre 2007 après demande d’une nouvelle ligne, sans récupération de sa ligne initiale.

Il renouvelle sa demande en condamnation de la société Free à lui rembourser 149,95 € de prélèvement effectués par cette dernière depuis, le 4 mai 2008, date de la perte de sa ligne téléphonique et des services internet et de lui payer 247,94 € de dépassement d’un forfait mobile Orange, 20,80 € de frais de courriers, 20 € de frais divers, 116,28 € de frais facturés par France Télécom et 3000 € de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la perte de service.

La société Free déclare qu’elle n’est pas responsable du problème de connexion rencontré par Monsieur M., provenant d’une cause qui lui est totalement étrangère.

Elle précise qu’aucune faute n’a été prouvée par le demandeur dans l’exécution du mandat par lequel elle est intervenue pour son compte et en son nom auprès de la société France Télécom.

Elle ajoute que la société France Télécom a été sollicitée pour un rétablissement de la ligne de Monsieur M., le 7 mai 2007, au moyen d’une demande de vérification sur ses lignes, que confrontée à l’impossibilité de cette opération, elle avait dès le 28 mai 2007 suggéré à Monsieur M. de procéder aux démarches nécessaires aux fins de rétablissement de la connexion et que ses recommandations n’ont été suivies d’effet que très tardivement.

Elle rappelle que la société France Télécom s’est engagée à rétablir la ligne de Monsieur M. à l’audience du 20 août 2007.

Elle affirme que la défaillance signalée résulte d’une erreur de câblage imputable à France Télécom, en appliquant à Monsieur M. un déménagement qui était en réalité le fait de sa voisine quelques jours avant qu’il ne perde sa connexion.

Elle relève que la société France Télécom ne justifie ni du déménagement qui aurait concerné la ligne, ni d’un ordre de déconstruction de celle-ci émanant de Monsieur M.

Elle en conclut que la société France Télécom est seule l’origine de l’intégralité du préjudice dont Monsieur M. fait état.

Elle demande à titre principal que Monsieur M. soit débouté de demande et à titre subsidiaire, de condamner France Télécom à la garantir de toutes les condamnations qui seraient mises à sa charge et à lui verser la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société France Télécom répond sur le fond à cet appel en garantie, en précisant que la société Free est engagée par contrat à l’égard de ses clients à une obligation de résultat, constituée par la fourniture des liaisons téléphoniques et internet et qu’elle ne saurait s’exonérer de ce contrat en se retranchant derrière des problèmes techniques découlant de ses relations avec elle.

Elle dit que la société Free ne justifie pas de ce qu’elle aurait manqué à ses obligations dans le cadre des opérations de câblage et de portabilité.

Elle prétend qu’en vertu de la convention cadre entre France Télécom et les autres opérateurs, elle est garantie contre toute réclamation contestation, recours ou action de quelque nature que ce soit intentés par le client final ou un opérateur tiers.

Elle déclare que la société Free n’a jamais sollicité auprès d’elle, avant le mois de décembre 2007, le rétablissement de la ligne ou la création d’une nouvelle ligne au profit de Monsieur M., alors que France Télécom ne peut rétablir une ligne ou construire une nouvelle ligne qu’à la demande l’opérateur tiers mandaté par son client.

La société France Télécom demande que la société Free soit déboutée de son appel en garantie et condamnée à lui payer la somme de 2500 € sur le fondement de I’article 700 du nouveau code de procédure civile.

DISCUSSION

Les débats, conclusions et, pièces du dossier, conduisent la juridiction à statuer comme suit.

La demande de Monsieur M. comporte deux objets distincts conduisant la juridiction, dans le cadre de la procédure d’injonction de faire puis celui de l’instance, à statuer dans un ordre chronologique inversé de celui des faits.

– le rétablissement de la ligne permettant à Monsieur M. d’accéder aux services auxquels il avait souscrit, soit l’exécution des obligations incombant à la société Free
– l’interruption desdits services et le préjudice en résultant.

Au regard de ces objets, il sera évité de confondre les différentes obligations des intervenants dans l’exécution des prestations que Monsieur M. et la société Free étaient en droit d’attendre, en vertu de dispositions contractuelles distinctes :

– l’offre « Freebox – Dégroupage total » souscrite, par Monsieur M. le 5 février 2007 ;

– l’offre d’accès à la boucle locale de France Télécom : il est d’autant moins contesté que la société Free est signataire de la convention d’accès à la boucle locale de France Télécom que cette dernière y fait référence, sur un seul point.

Il est également souligné que les moyens développés sont tous fondés sur la responsabilité contractuelle.

Sa connexion ADSL ayant été activée, le 5 mars 2007, Monsieur M. ne disposait plus des services de la société Free depuis le 3 mai 2007.

Par lettre du 3 mai 2007, il a mandaté celle-ci pour rétablir son dégroupage total avec portabilité du numéro et pour consulter la plateforme multi-opérateurs de France Télécom afin de lui communiquer le nom de l’opérateur qui a commandé l’écrasement de sa ligne.

En réponse la société Free lui a indiqué par écrit, le 27 juin 2007, que son accès ADSL avait été coupé suite à un « décâblage » effectué par France Télécom, « dont la gestion se fait directement entre vous et ce dernier dans le cadre d’un contrat d’abonnement qui vous lie ».

Sur cette base Monsieur M. était invité à se rapprocher lui-même de I’opérateur historique.

Or il n’y avait plus de lien contractuel entre Monsieur M. et France Télécom par le fait du dégroupage total.

Dans ce contexte le premier des objets précités motivait l’ordonnance du 27 juillet 2007 enjoignant à la société Free dé rétablir la ligne de Monsieur M.

En l’absence d’exécution, il est apparu à la date du 20 août 2007 fixée pour examiner l’affaire, que le rétablissement nécessitait l’intervention de la société France Télécom.

D’où la mise en cause de cette dernière par la société Free, l’acceptation de l’opérateur historique de rétablir la ligne téléphonique de Monsieur M. et la poursuite de l’instance pour qu’il soit statué sur la responsabilité et la demande renouvelée par ce dernier de dommages et intérêts.

Interruption des services :

En vertu du seul contrat de dégroupage total auquel il a souscrit, Monsieur M. n’était en droit d’attendre la fourniture des services auxquels il avait souscrit que de la société Free.

Quelle que soit la cause de I’interruption de cette fourniture, en l’absence de circonstances de force majeure et de sa propre faute, Monsieur M. est fondé à demander réparation du dommage en résultant à la société Free, celle-ci étant tenue à son égard à une obligation de résultat.

Rétablissement des services :

En réponse à la demande de Monsieur M. du 30 mai 2007, ce dernier s’est vu recommander une démarche contractuellement inapplicable et différente de la seule procédure permettant une réponse des services, dont la société Free se prévaut dans I’instance pour attribuer à Monsieur M. la responsabilité du délai de rétablissement.

De plus Monsieur M. n’était pas contractuellement soumis à l’obligation de souscrire à nouveau pour qu’elle soit en mesure de remplir ses obligations.

Sa requête était donc fondée et justifiée sur ce point.

L’appel en garantie de la société Free à l’encontre de la société France Télécom

Interruption des services :

La nature de l’obligation de résultat incombant à la société Free à l’égard de Monsieur M. en ce qui concerné la fourniture des services ne fait pas obstacle à la recherche de responsabilité dans le cadre des relations Free – France Télécom.

Il est précisé que cette recherche ne concerne pas la formalisation du mandat donné par le client final à l’opérateur tiers pour la mise en oeuvre de la demande d’accès à la boucle locale de France Télécom et que cette dernière n’est pas garantie, aux termes du paragraphe 3.2.2.2 de l’offre d’accès (convention cadre) contre toutes autres actions que celles relatives à cette formalisation.

La prestation de fourniture d’un accès total par la société France Télécom, à sa boucle locale comporte « la maintenance de I’accès mis à disposition »

La ligne de Monsieur M. était opérationnelle au moment de sa souscription auprès de le société Free ; postérieurement elle I’est demeurée pendant 2 mois.

Or cet accès n’a pas été maintenu.

L’inversion du câblage avec le domicile de la voisine de Monsieur M., invoquée par la société Free, n’est pas prouvée.

Le seul fait que la nécessité de reconstruire une ligne, ce qui a été réalisé, démontre que la ligne préexistante a été « déconstruite », ne traduit pas la faute.

Mais elle est suffisante à démontrer l’inexécution de la maintenance.

Il n’est d’ailleurs pas contesté qu’il y a eu perte de I’accès bénéficiant à Monsieur M.

Or il appartient à la société France Télécom, en qualité de débiteur de l’obligation de maintenance, de justifier que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

Elle n’apporte aucun élément permettant de I’exonérer de sa responsabilité.

Elle ne fournit ni explication ni pièce justificative des causes et circonstances de la résiliation du support analogique.

Rétablissement des services

Par lettre du 14 septembre 2007 France Télécom a fait savoir à la société Free que celle-ci devait demander le rétablissement de la ligne de son client.

A cette fin, le fait qu’il ait été donné acte à l’audience du 20 août 2007 de l’acceptation de principe de la société France Télécom ne comportait pas dispense d’appliquer la seule procédure permettant d’y parvenir : résiliation du contrat Free en cours, demande de Monsieur M. à France Télécom d’ouverture de ligne et nouvelle inscription en dégroupage.

De plus, compte tenu de cette procédure, la société Free ne peut valablement, assimiler sa demande de vérification adressée le 7 mai 2007 au Guichet d’Accueil Maintenance des Opérateurs Tiers (Gamot) à une demande de rétablissement, cette dernière lui ayant notifiée qu’en l’état cette opération était impossible ;

Mais il est au premier chef retenu que s’il n’y avait pas eu résiliation de la ligne gérée par France Télécom ; Monsieur M. n’aurait souffert d’aucun délai d’attente pour qu’une nouvelle ligne soit mise à sa disposition.

Vu les circonstances des faits de la cause et des actions engagées ce délai ne sera pas considéré au-delà du 20 août 2007, date a laquelle il est apparu que rien ne s’opposait au rétablissement de la ligne de Monsieur M. sauf pour les parties à respecter la procédure applicable en la matière.

Le 24 décembre 2007 Monsieur M. bénéficiait de nouveau d’une ligne et des prestations de l’opérateur choisi, en l’occurrence le même que précédemment sans conservation du numéro initial.

Vu l‘article 1147 du code civil.

Sur la demande principale

Si la demande principale comporte deux objets dont I’un a été rempli comme il vient d’être indiqué les dommages et intérêts réclamés par Monsieur M. outre les frais dont il demande le remboursement, concernent jusqu’à la date considérée le dommage résultant de l’interruption des services auxquels il avait souscrit auprès de la société Free consistant en une privation de téléphone et de connexion internet.

Au titre de l’obligation de résultat, à laquelle est tenu l’opérateur, la société Free sera condamnée à payer à Monsieur M. la somme fixée à 1300 € de dommages et intérêts, incluant 149,95 € de prélèvements effectués par la société Free depuis le 4 mai 2007, 55 € de frais d’ouverture de la nouvelle ligne et 54,49 € de frais de déplacement payés à France Télécom, 20,80 € de frais de courriers, excluant les frais de divers non justifiés, le dépassement du forfait de communications qui n’ont pas été facturées à Monsieur M. et dont le lien avec les faits n’a pas été démontré.

Sur la demande en garantie formée par la société Free

Au titre, du défaut de maintenance de I’accès mis à disposition, la société France Télécom sera condamnée à garantir la société Free de la condamnation prononcée à son encontre.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Free les frais irrépétibles qu’elle a du engager dans instance.

La société France Télécom sera condamnée à lui payer la sommé de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

DECISION

La Juridiction de proximité statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

. Donne acte à la société France Télécom et à la société Free respectivement d’une ouverture de ligne au profit de Monsieur M., sans conservation du numéro initial et de la mise à disposition de ce dernier des services Freebox auxquels il a souscrit sur cette ligne,

. Condamne la société Free à payer à Monsieur M. Pierre 1300 € de dommages et intérêts,

. Condamne la société France Télécom à garantir la société Free des condamnations mises à sa charge,

. Condamne la société France Télécom à payer à la société Free la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamne la société Free aux dépens de l’action exercée à son encontre par Monsieur M. Pierre,

. Condamne la société France Télécom aux dépens de I’action exercée à son encontre par la société Free.

Le tribunal : M. Decout (juge)

Avocats : SCP Ancelet Douchin Elie Saudubray, SCP Gravellier-Lief

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