Jurisprudence : Marques
Tribunal de Grande Instance de Paris Ordonnance de référé du 3 avril 2001
Association Office du Tourisme de La Plagne C/ BPO Box 52 et Pere P.
contrefaçon de marque - marques - nom de domaine
Faits et procédure
Nous, Président,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,
Vu l’assignation introductive de la présente instance en référé aux termes de laquelle l’association demanderesse expose et conclut :
– qu’elle est propriétaire de la marque » La Plagne, toute la montagne en 10 stations » et d’un logo figuratif déposés en France dans la classe 35 depuis au moins le 13 septembre 1983 et, par ailleurs, titulaire de la marque » La Plagne, toute la montagne en 10 stations » et d’un logo figuratif déposés en France depuis au moins le 12 mai 2000 sous le numéro 00 3 028 565 servant à désigner les produits et services des classes 16, 25, 26, 35, 38, 39, 41, 42 et enfin titulaire du nom de domaine » la-plagne.com » ;
– qu’elle a réalisé et développé un site web qu’elle exploite à l’adresse http://www.la-plagne.com ;
– qu’il existe notamment sur ce site une présentation des 10 stations du site de La Plagne ;
– que ce site officiel est destiné à assurer la promotion du domaine de La Plagne et de permettre aux internautes de préparer leur séjour en leur offrant la possibilité d’opérer des réservations sécurisées en ligne ;
– que le site présente l’ensemble des possibilités offertes aux skieurs s’ils choisissent de venir skier à La Plagne et s’inscrit très exactement dans l’objet social de l’association » Office du Tourisme de La Plagne » ;
– qu’il est possible par ailleurs sur le site d’obtenir des informations sur les membres de l’association, et notamment les différentes communes, ainsi que sur leur domaine skiable ;
– qu’ainsi, le site regroupe un certain nombre d’informations sur ces communes et aussi des liens qui permettent d’accéder directement au site dont ses différents membres sont par ailleurs titulaires ;
– qu’elle a souhaité enregistrer divers noms de domaine dont » laplagne.com » ;
– qu’elle a alors pu constater que son nom de domaine était déjà enregistré par un tiers auprès d’internet ;
– qu’elle a fait procéder à un constat de cet enregistrement par Me Dymant, huissier de justice à Paris, le 6 novembre 2000 ;
– qu’il ressort de celui-ci que l’enregistrement a été réalisé le 15 décembre 1998 par Pere P. (en individuel) et qu’il est exploité à l’adresse http://www.laplagne.com un site internet présentant, à l’aide de liens, différentes stations de ski tant en France qu’à l’étranger, autre que les stations du domaine skiable de La Plagne ;
– que, par ailleurs, Pere P. est titulaire d’un nom de domaine » cataloniatrading.com » et qu’il exploite à l’adresse http://www.cataloniatrading.com un site internet sur lequel il propose de louer ou de vendre des noms de domaine dont » laplagne.com » ;
– que les nombreuses pièces qu’elle produit aux débats démontrent à l’évidence que Pere P. a entendu monnayer l’enregistrement auquel il avait procédé en totale infraction à ses droits ;
– qu’en tout état de cause, elle a constaté que l’enregistrement ainsi obtenu l’empêchait d’exploiter son site sous ce nom et d’envoyer les internautes sur son site principal qui est à partir de la composition du nom de domaine » laplagne.com » ;
– qu’elle entend, en conséquence, voir Pere P. condamné :
. à assurer le transfert sous astreinte de 30 000 F par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, au profit de l’association Office du Tourisme de La Plagne, du nom de domaine » laplagne.com « , déposé par lui-même ;
. à une interdiction de procéder ou faire procéder à tout nouvel enregistrement de nom de domaine comportant la mention » la plagne » ou toute mention portant à confusion ;
. à assurer la publication de la décision à intervenir dans deux revues au choix de la demanderesse ;
. à verser par provision à l’association Office du Tourisme de La Plagne la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêt et 30 000 F au titre de l’article 700 du NCPC,
ce afin de voir cesser ce trouble manifestement illicite, et ce notamment en application des dispositions de l’article 809 du NCPC et pour prévenir un dommage imminent ;
– qu’elle entend, de surcroît, obtenir par provision réparation de son préjudice ;
– qu’en effet, si la consultation de l’adresse http://www.laplagne.com dirige l’internaute vers un site qui peut faire croire être le site officiel du domaine skiable de La Plagne alors qu’il n’en est rien et qu’au contraire, le site ainsi consulté renvoie à toute autre station, tant en France qu’à l’étranger, totalement étrangère au domaine skiable de La Plagne ainsi qu’au domaine skiable des communes membres de l’association Office du Tourisme de La Plagne ;
– que Pere P. n’a pu enregistrer le nom de domaine » laplagne.com » que dans le but de l’utiliser, à l’entier préjudice du titulaire de la marque » La Plagne » et qu’il l’empêche d’exploiter son propre site internet à partir de la composition d’adresse comportant le nom de domaine » laplagne.com » ;
– que ce trouble causé par Pere P. est d’autant plus accentué par l’attachement de l’association Office du Tourisme de La Plagne à assurer les meilleurs services aux skieurs et à ses adhérents, Pere P. étant bien en peine de justifier l’intérêt pour lui d’avoir déposé un tel nom de domaine, celui-ci ne présentant aucun intérêt puisque son site ne présente pas le domaine skiable de La Plagne ;
Attendu qu’il est manifeste qu’une telle attitude n’a été adoptée que dans l’intention de nuire à l’association demanderesse et à ses membres et que, à tout le moins, le but de monnayer à terme l’adresse qu’il avait précédemment enregistrée et qu’il savait pouvoir intéresser l’association ;
et ce surtout qu’il exploite sur le site internet d’autres domaines skiables à l’exclusion de ceux de La Plagne et qu’il peut diriger les internautes en tapant sur les moteurs de recherche les mots clés » La Plagne » sur son propre site ;
Pere P. n’a pas comparu, ni personne pour lui,
Vu, pour le surplus, les écritures en demande et les pièces produites aux débats,
Attendu que Pere P. ne peut justifier d’aucun droit sur les dénominations, marques et logos La Plagne dont l’association demanderesse est la légitime propriétaire ;
Qu’au contraire, il ressort de l’analyse des pièces produites aux débats qu’il a fait procéder à l’enregistrement du nom de domaine » laplagne.com » à seule fin de le revendre, y compris à son détenteur légal, c’est-à-dire à celui qui était seul habilité à en solliciter l’enregistrement comme étant le titulaire des marques et dénominations, véritables supports du nom de domaine en cause ;
Qu’un tel comportement doit être qualifié de fautif au sens de l’article 1382 du Code civil et doit, en conséquence, être sanctionné dans les termes du dispositif de notre décision ;
Attendu que la demanderesse justifiant d’un principe de préjudice consécutivement aux agissements de Pere P., il y a lieu de lui allouer la somme de 15 000 F à titre de dommages et intérêts provisionnels ;
Qu’il lui sera également alloué une indemnité au titre de l’article 700 du NCPC, outre la somme de 2 251,68 F au titre des frais de constat ;
Par ces motifs
Statuant publiquement en premier ressort, par ordonnance contradictoire :
. ordonnons le transfert, sous astreinte de 30 000 F par jour à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, par Pere P., du nom de domaine » laplagne.com » à l’association Office du Tourisme de La Plagne, entraînant cession à titre gratuit du nom de domaine » laplagne.com » ;
. faisons interdiction à Pere P. tout nouvel enregistrement de nom de domaine comportant la mention » la plagne » ;
. disons qu’en cas d’inaction de Pere P., la demanderesse pourra faire valoir ses droits directement auprès de l’organisme qui a enregistré le nom de domaine ;
. condamnons Pere P. à verser à l’association Office du Tourisme de La Plagne la somme de 15 000 F à titre de provision à valoir sur dommages et intérêts ;
. ordonnons la publication de l’ordonnance aux frais avancés de la demanderesse, dans deux revues de son choix ;
. condamnons Pere P. à payer à l’association Office du Tourisme de La Plagne la somme de 10 000 F au titre de l’article 700 du NCPC ;
. condamnons Pere P. à payer à l’association Office du Tourisme de La Plagne la somme de 2 251,68 F en remboursement du coût de l’établissement du constat d’huissier du 6 novembre 2000 ainsi qu’aux entiers dépens.
Le tribunal : M. Jean-Jacques Gomez (premier vice-président au tribunal de grande instance de Paris, tenant l’audience publique des référés par délégation du président du tribunal).
Avocats : Me Jean-Paul Ravalec.
Notre présentation de la décision
[Voir ordonnance de référé->?page=jurisprudence-decision&id_article=345]
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