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Jurisprudence : Marques

lundi 03 mai 1999
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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé du 3 mai 1999

La régie autonome des transports parisiens (RATP) / Laurent M. et Valentin L.

contrefaçon de marque - exception de parodie - marques - nom de domaine

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Vu l’assignation introductive de la présente instance, et les motifs y énoncé,

La régie autonome des transports parisiens (RATP), qui a pour activité l’exploitation des transports publics dans le cadre de la région parisienne, est propriétaire des marques suivantes:

– la marque « Régie Autonome des Transports Parisiens R.A.T.P. », déposée pour la première fois le 1er mars 1972 et renouvelée pour la dernière fois le 10 janvier 1992, ayant pour numéro d’enregistrement 1 195 253 (pièce n° 2),

– la marque figurative composée d’un visage bleu sur un cercle vert, déposée en couleur le 21 janvier 1992, ayant pour numéro national 92 402 044 (pièce n° 3),

– la marque figurative « Imagine « R » », déposée le 16 septembre 1998, ayant pour numéro national 98 749 848 (pièce n° 4),

– la marque « IMAGIN’R », déposée le 19 juin 1998, sous le numéro 98 737 936 (pièce n° 5),

– la marque figurative composée d’un « M » entouré d’un cercle, déposée le 17 septembre 1991, ayant pour numéro d’enregistrement 1 693 982 (pièce n° 6),

– la marque « COPILOT », déposée le 6 janvier 1995, ayant pour numéro national 95 552 539 (pièce n° 7),

– la marque « CARTE ORANGE », déposée le 13 novembre 1974 sous le numéro 181 317 et renouvelée pour la dernière fois le 29 juillet 1994 (pièce n° 9),

– la marque figurative « CARTE ORANGE », déposée le 13 novembre 1974, sous le numéro 181 318 et renouvelée pour la dernière fois le 29 juillet 1994 (pièce n° 8),

– la marque « ATTENTIFS, ENSEMBLE », déposée le 12 décembre 1996, sous le numéro 96 655 156 (pièce n° 10),

qui ont été déposées notamment dans la classe 39 pour désigner des produits et services d' »informations concernant les transports en commun des personnes ».

Ayant eu connaissance de l’existence d’un site ratp.org, enregistré par Monsieur M. et dont le responsable technique est Monsieur L., site ayant pour objet de fournir aux usagers des transports en commun « de prétendues informations sur les services que propose la RATP », sur lequel Messieurs M. et L. utilisent, en totale violation des droits de la RATP, la marque « RATP » comme nom de domaine, et qu’ils reproduisent illicitement l’ensemble des marques dont elle est propriétaire, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de constat dressé par Maître Jacky Denis, huissier de justice.

Maître Denis dû, le 22 décembre 1998, constater l’existence du site ratp.org alors qu’aucune autorisation n’a été sollicitée ni obtenue dans ce but.

La RATP, qui relève en outre que l’utilisation de ses marques aboutit à leur dénaturation et à leur avilissement et que le contenu du site créé par Messieurs M. et L. est particulièrement dénigrant à l’égard de la RATP, ces derniers n’hésitant pas, entre autres propos dénigrants :

– à qualifier la carte « Imagine « R » » proposée aux étudiants, lycéens et collégiens par la RATP d' »Abonnements Jeunes Cons », les bus de la RATP de « Promène couillons » et, allant même plus loin, indiquant : « En cette période de Beaujolais nouveau, les chauffeurs et l’ensemble du personnel de la RATP peuvent parfois présenter un taux d’alcoolémie supérieur à 0,5 g/l de sang. Soyez sympas ! Laissez-les dormir ! » et,

– à déformer des marques appartenant à la RATP, en présentant, par exemple, la marque figurative composée d’un visage bleu dans un cercle, avec un long nez ou en train de boire ce qu’on suppose être de l’alcool, eu égard aux propos tenus sur la prétendue ébriété du personnel de la RATP, ce qui ne peut être accepté au titre de l’humour, comme semble le revendiquer le site ratp.org,

est venue solliciter par l’acte introductif de la présente instance et sur le fondement des articles 808 et 809 du nouveau code de procédure civile, et L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, qu’il soit :

– dit et jugé que l’utilisation par Messieurs M. et L., tant à titre de nom de domaine que dans leur site Internet ratp.org, des marques n° 1 195 253, 92 402 044, 98 749 848, 98 737 936, 1 693 982, 95 552 539, 1 287 519, 181 317, 96 655 156 précitées appartenant à la RATP, constitue la contrefaçon desdites marques.

En conséquence, qu’il soit :

– fait interdiction à Messieurs M. et L., sous astreinte de 50 000 francs par infraction constatée à compter du jour suivant la signification de la décision à intervenir, d’utiliser les marques n° 1 195 253, 92 402 044, 98 749 846, 98 737 936, 1 693 982, 95 552 539, 1 287 519, 181 317, 96 655 156 appartenant à la RATP, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, notamment à titre de nom de domaine ou dans tout site du réseau Internet, et ordonner la radiation du nom de domaine ratp.org, sous astreinte de 50 000 francs par jour de retard à compter du jour suivant la signification de la décision à intervenir,

– dit et jugé que les propos tenus par Messieurs M.et L. dans leur site ratp.org constituent des actes de dénigrement à l’encontre de la RATP.

En conséquence :

– qu’il soit fait interdiction à Messieurs M. et L. de dénigrer la RATP, sous astreinte de 50 000 francs par jour à compter du jour suivant la signification de la présente décision à intervenir,

– que la publication de la décision à intervenir soit ordonnée dans trois quotidiens et dans les pages multimédia du « Monde » et de « Libération », ainsi que dans trois revues spécialisées en télécommunications, et sur trois sites Internet au choix du demandeur, aux frais du défendeur, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire nonobstant appel et sans constitution de garantie.

Elle sollicite enfin la condamnation de Messieurs M. et L. à payer à la RATP la somme de 20 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

A l’audience des débats, la RATP a déclaré se désister de sa demande à l’encontre de Valentin L., invoquant « un protocole transactionnel ».

Laurent M., qui soutient que le site qu’il a créé le 16 octobre 1998 avait pour unique objet de se livrer à une critique satirique et humoristique de certains dysfonctionnements du service public assuré par la RATP, comme celui de faire parler un escalier mécanique en grève, revendique le bénéfice de l’exception de parodie prévue à l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, ajoutant qu’il ne peut y avoir de risque de confusion entre la marque déposée et la marque parodiée, dès lors surtout qu’il est clairement indiqué en première page du site que « ceci n’est pas le site de la RATP » et en deuxième page que « ce site n’est pas le site officiel de la RATP ».

Il ajoute que sa demande ne procède aucunement d’une intention de nuire, qu’il ne se place aucunement en position de concurrencer la RATP.

Il indique enfin que le site litigieux est définitivement clôturé depuis le 14 janvier 1999.

Il sollicite en conséquence le rejet de la demande et l’allocation de la somme de 15 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Attendu que Laurent M., qui ne conteste pas l’utilisation sans autorisation des marques dont la RATP est titulaire, entend cependant se prévaloir de l’exception de parodie et contester ainsi l’existence d’un comportement fautif de sa part ;

Mais attendu qu’il appartiendra au seul juge du fond d’apprécier si l’usage desdites marques et leur association à des propos critiques, quel que soit le style employé, à l’encontre de la RATP et de ses supposés dysfonctionnements relèvent simplement de la parodie ou s’ils caractérisent une attitude outrancière, provocatrice et donc fautive comme le soutient la RATP ;

Attendu que pour ces motifs et quand bien même le défendeur déclare-t-il qu’il a fermé le site litigieux en janvier 1999, interdiction lui sera faite de le réactiver, ce sous astreinte et jusqu’àprès l’organisation d’un débat de fond.

PAR CES MOTIFS,

Constatons le retrait de la demande à l’encontre de Valentin L.

Faisons interdiction à Laurent M. de réactiver le site ratp.org, qu’il dit avoir fermé le 14 janvier 1999, ce sous astreinte de 5 000 francs par jour à compter de son éventuelle réactivation, et ce jusqu’à ce qu’il ait été statué au fond sur les mérites des demandes respectives.

Pour le surplus,

Disons n’y avoir lieu à référé.

Laissons provisoirement à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Le tribunal : M. Gomez (Président) ; Mme Soteau (Greffier en chef).

Avocats : Me Marie Hélène Tonnellier / Me Christophe Ayela ; Me Thierry Levy.

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