Jurisprudence : Marques
Tribunal de Grande Instance de Paris Ordonnance de référé du 8 juillet 2002
Société Esso / Association Greenpeace France, Société Internet FR
contrefaçon - marque
Capture d’écran du site greenpeace.fr (27 juin 2002)
Faits et procédure
Nous, président,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,
Vu l’assignation délivrée le 19 juin 2002 par la société Esso SAF, suivant laquelle il est demandé en référé de :
Vu l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l’assignation au fond en date du 17 juin 2002,
– ordonner à Greenpeace France et à la société Internet FR de modifier le site www.greenpeacefrance.fr/stopasso de telle sorte que n’y apparaisse plus la marque semi-figurative n° 1 540 624 sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, sous astreinte de 80 000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– ordonner à Greenpeace France et à la société Internet FR de modifier le site, de telle sorte qu’il n’y apparaisse plus l’imitation de la marque dénominative Esso n° 1 238 980, seule ou en combinaison sous les formes, E$$O, Stop Esso, Stop E$$O ou sous toute autre forme, et ce, sous la même astreinte de 80 000 € par jour de retard,
– ordonner à Greenpeace France de modifier le code source de son site www.greenpeace.fr de telle sorte que n’apparaisse plus « Esso » seul, ou en combinaison E$$O, Stop Esso, Stop E$$O ou sous toute autre forme et ce, sous la même astreinte de 80 000 € par jour de retard,
– interdire à l’association Greenpeace France et à la société Internet FR de poursuivre ces agissements et de faire tout usage des marques n° 1 238 980 et 1 540 624 sous astreinte de 15 000 € par reproduction unitaire à compter de la décision à intervenir, quel qu’en soit le support,
– ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir, sans constitution de garantie, vu l’urgence,
– condamner in solidum l’association Greenpeace France et à la société Internet FR à payer à la société Esso SA Française la somme de 7500 € au titre de l’article 700 du ncpc et au paiement des dépens de l’instance qui pourront être recouvrés par la SEP J. Armengaud et S. Guerlain, conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.
Vu les conclusions de l’association Greenpeace France, de la société Internet FR et de la société Esso SAF en réplique ;
La discussion
La société Esso SA Française (Esso SAF) expose qu’elle utilise en France la dénomination Esso, non seulement à titre de dénomination sociale, mais aussi à titre de nom commercial et de marque dénominative depuis 1929, marque dont elle est titulaire et propriétaire, enregistrée sous le n° 1 238 980, avec renouvellement le 20 juin 1993, pour désigner les produits de la classe 4.
Elle se dit également titulaire et propriétaire de la marque semi-figurative constituée d’un ovale bleu avec à l’intérieur sur fond blanc, le mot Esso en rouge, enregistrée sous le n° 1 540 624, avec renouvellement le 10 mars 1997, pour désigner les produits et services des classes 1, 2, 3, 4, 5, 7, 9, 16, 19, 20, 21, 29, 30, 31, 32 et 33.
Elle souligne que ces signes distinctifs sont notoirement connus, compte tenu de leur ancienneté et de l’usage qui en fait sur l’ensemble du territoire français.
La consultation du site internet de Greenpeace France www.greenpeace.fr/stopesso fait apparaître la dénonciation de la politique d’Esso, qui serait contraire à l’environnement, suivant l’opinion de Greenpeace, et la société demanderesse souhaite dans le cadre de cette instance voir sanctionner la reproduction et l’usage fautifs de signes, qui constituent à ses yeux la contrefaçon et l’imitation illicite de sa marque semi-figurative Esso.
Ainsi, elle met en cause le remplacement des lettres S de sa dénomination par des signes évoquant la monnaie du dollar américain, seule ou en association avec le mot Stop (Stop Esso).
La même dénomination ainsi modifiée est utilisée en rouge sur fond blanc, à l’intérieur d’un logo ovale de couleur bleu.
Elle estime aussi que sous forme d’enseigne de station service, les deux S barrés se rapprocheraient de la forme de lettres gothiques, évoquant les SS, de sinistre mémoire.
Elle en conclut que les signes en question utilisés par Greenpeace constituent l’imitation des marques dénominatives et semi-figuratives d’Esso SAF au sens de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle, et qu’ils sont utilisés pour désigner des produits identiques à ceux objets des marques enregistrées, ou à tout le moins en relation avec ceux-ci.
Destinés à susciter une confusion dans l’esprit du public avec les marques dans leur forme authentique, il s’agit à ses yeux d’une imitation illicite au sens de l’article L 713-3 b du même code.
Greenpeace ne peut non plus à son sens justifier la reproduction de la marque semi-figurative Esso dans sa forme exacte par la nécessité de désigner la société Esso ou ses produits ou services, l’usage de la dénomination étant suffisant, et elle fait valoir que ni le droit à l’information, ni le droit à la liberté d’expression ne peut justifier l’atteinte portée ainsi au droit d’Esso SAF sur ses marques, l’imitation n’étant pas nécessaire à l’expression de cette opinion et ne servant que d’illustration.
Elle ajoute que du procès-verbal de constat en date du 21 mai 2002, résulte le fait que la marque Esso apparaît dans le code source, du site www.greenpeace.fr , ce qui permet à celui-ci d’être référencé en troisième position lors de l’interrogation « Esso France » sur les moteurs de recherche.
Il s’agit à son sens d’une contrefaçon par reproduction, ou en tout cas d’un acte de parasitisme préjudiciable à Esso.
La société Internet FR en sa qualité d’hébergeur du site www.greepeace.fr , met à la disposition du public les signes incriminés et participe à son sens à la contrefaçon.
La société Esso SAF s’estime fondée, compte tenu de la création très récente du site www.greenpeace.fr/stopesso , révélée récemment de demander l’interdiction à titre provisoire sous astreinte la poursuite des actes contrefaisants en application de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle.
La société Internet FR oppose en sa qualité d’intermédiaire technique les dispositions de l’article 43.8 de la loi du 1er août 2000, demande de ce fait d’être mise hors de cause et de lui donner acte en tant que de besoin de ce qu’elle appliquera les dispositions en question, sollicitant l’application des dispositions de l’article 700 du ncpc.
L’association Greenpeace France (Greenpeace France) soutient pour l’essentiel que les demandes d’interdiction et de modification du code source ne peuvent être admises, dans la mesure où l’action au fond n’apparaît pas sérieuse, au sens des dispositions de l’article L 716-6 § 2 du code de la propriété intellectuelle.
A titre subsidiaire, elle demande de dire que l’emploi d’E$$O ou Stop E$$O n’est pas constitutif de contrefaçon de marque, n’ayant fait qu’exercer son droit libre de critique et de parodie, consacré par l’arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation du 12 juillet 2000.
A défaut, elle conteste l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public au sens de l’article 4-1 b de la directive de 1989 (89/104/CEE) et de l’article L 713-3 b du code de la propriété intellectuelle ; elle sollicite en tant que de besoin la saisine de la cour de justice d’une question préjudicielle sur l’interprétation à donner de l’article 4-1-b de la directive en question et de surseoir à statuer dans l’attente.
Elle soutient encore l’irrecevabilité de la demande relative à un prétendu acte de parasitisme et tendant à la modification du code source dans le cadre de cette assignation en la forme des référés, et sollicite enfin l’application des dispositions de l’article 700 du ncpc.
Attendu tout d’abord que la société Esso SAF a bien assigné au fond par acte extrajudiciaire en date du 17 juin 2002 ;
Que la condition requise par les dispositions de l’article 716-6 du code de la propriété intellectuelle pour l’intervention du juge statuant en la forme des référés, soit avoir engagé une action au fond à bref délai à compter de la connaissance des actes argués de contrefaçon, est remplie ;
Qu’il s’agit ensuite d’apprécier si la demande formée au fond a de sérieuses chances d’aboutir, justifiant alors la demande d’interdiction faite auprès de cette juridiction ;
Sur l’utilisation de la marque dénominative et son imitation
Attendu que l’association Greenpeace France a pour objet « la protection de l’environnement et la préservation des équilibres fondamentaux de la planète dans le but d’assurer le bien être des sociétés humaines, la protection de la biodiversité animale et végétale, et la lutte contre toutes les formes de pollutions et nuisances en considération notamment de leur impact sur la santé humaine », et enfin « le désarmement et la promotion de la paix » ;
Qu’elle mène une campagne mettant en cause la politique de cette compagnie pétrolière, en ce qu’elle serait contraire à la préservation de l’environnement naturel, en développant très longuement ses arguments en ce sens, et en répondant également aux arguments en réponse attribués à la société Esso ;
Que si les expressions utilisées, soit « Esso : Ennemi climatique n°1 » en titre, ou, dans le corps du texte « qu’elle opère sous le nom d’Exxon, d’Esso ou de Mobil, cette compagnie pétrolière a fait plus que n’importe quelle autre pour saboter la lutte internationale contre les changements climatiques » ou encore « que la marque que vous connaissez soit Exxon, Esso ou Mobil, c’est le même criminel climatique qui agit partout dans le monde » (pièce 27, page 14 (coupée) du constat du 21/05/2002), sont d’évidence destinées à frapper l’esprit, le contenu accessible de l’argumentation se présente de façon élaborée, longuement développée avec de multiples références, notamment au protocole de Kyoto sur les changements climatiques ;
Qu’évoquent la politique attribuée par l’association à la société demanderesse, présentée comme numéro 1 du pétrole, supposée mettre en échec les efforts déployés par la communauté internationale pour lutter contre le réchauffement de la planète, afin de préserver les bénéfices tirés de la production de cette source d’énergie fossile, le contenu de ce site participe du libre débat d’idées ;
Que la société demanderesse, qui indique dans son assignation contester les affirmations et opinions de Greenpeace qu’elle qualifie de diffamatoires, ne précise pas avoir engagé d’action sur ce fondement, et ne peut prétendre interdire toute référence à sa dénomination, alors que dans le cadre de l’exercice de la libre expression des idées, droit de nature constitutionnelle et protégé par la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, une telle interdiction ne peut intervenir qu’en cas de contrefaçon, eu égard aux limites de notre saisine ;
Qu’en réalité, elle précise qu’elle n’entend pas mettre en cause les opinions exprimées dans le cadre de cette instance, comme dans le cadre de celle engagée au fond ;
Attendu que c’est à la lumière de cette constatation qu’il s’agit d’examiner la demande portant sur l’interdiction d’utiliser la dénomination Esso, seule ou associée, sur le site litigieux lui-même, ou pour donner accès comme code source au site litigieux ;
Que certes, il est constant que la société Esso SAF se trouve bien propriétaire de la marque Esso enregistrée sous le n° 1 238 980, pour désigner les produits de la classe 4 ;
Qu’il doit d’abord être relevé que l’association Greenpeace France n’utilise pas cette marque verbale comme nom de domaine ;
Qu’elle l’utilise, en revanche, comme code source, ce qui permet au moteur de recherche Google, en particulier, de faire apparaître le nom du site litigieux en troisième position derrière celui de la société Esso ;
Que, la demande de modification du code source n’est pas irrecevable, comme le soutient Greenpeace France ; que l’interdiction de la poursuite des actes argués de contrefaçon, effectivement limitativement prévue dans le cadre de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, avec la constitution de garanties de nature à assurer l’indemnisation, inclut nécessairement la possibilité de demander la suppression de la marque contrefaite, sur quelque support qu’elle se trouve, et en particulier au niveau de la source du site litigieux ; que la société demanderesse invoque d’abord la contrefaçon par reproduction, et ne fait grief qu’en second lieu de parasitisme ;
Que Greenpeace, qui fait valoir qu’il n’y a pas eu de sa part référencement « forcé » du site, ne peut cependant disconvenir que c’est l’éditeur du site qui a fait choix d’inclure dans la source de celui-ci le nom d’Esso, permettant ensuite aux moteurs de recherche de sélectionner le site lorsque l’interrogation porte sur cette dénomination ;
Attendu que pour autant l’utilisation de celle-ci, associée au mot accolé « stop », fait de toute évidence référence au caractère polémique du site, et n’a pour but que d’informer l’internaute de son existence ;
Qu’il ne peut dès lors être considéré avec un degré suffisant de certitude, en l’absence de confusion dans l’esprit du public au sens des dispositions de l’article 713-3 b, que l’action au fond pourrait conduire le tribunal à retenir l’existence d’une contrefaçon sur ce point ;
Qu’au surplus, l’atteinte portée par la suppression de cette référence du code source au principe de libre expression serait disproportionnée, relativement à l’impératif de protection du légitime droit de propriété incorporelle de la société Esso SAF ;
Qu’il ne sera pas fait droit à la demande tendant à la modification du code source ;
Que par ailleurs, un examen précis des pièces remise par le demandeur fait apparaître que hors le corps même des textes, la dénomination Esso, associée ou non au mot Stop, n’apparaît pas autrement dans les titres et liens hypertextes (excepté dans le menu déroulant, le titre « le cas Esso »), que sous la forme modifiée E$$O, y compris d’ailleurs au niveau du logo reproduit sur une station-service type servant de décor, et dans le logo reproduit (annexes 17, 18 du constat) en tête de rubriques avec incluse des étoiles, rappelant le drapeau américain vraisemblablement ;
Attendu qu’il s’agit de recueillir le soutien des internautes à la campagne que l’association développe sous différentes formes, notamment de pétition par voie électronique ;
Que l’objet de celle-ci, constituée suivant la loi du 1er juillet 1901 modifiée, est notoire, et les services qu’elle offre ou l’information qu’elle délivre en usant de la dénomination en question, sans modification, ne peuvent un instant être confondus dans l’esprit des personnes consultant le site, ou présenter quelque similitude que ce soit, avec les produits et services offerts par la société Esso, société commerciale qui a par définition vocation à réaliser des bénéfices ;
Que faire droit à la demande telle sue présentée dans le dispositif de l’assignation, soit modifier le site pour ne plus voir apparaître la marque dénominative non modifiée, reviendrait à interdire à la lecture du contenu du site toute identification de la société dont le comportement est mis en cause ;
Qu’au demeurant, il n’est véritablement fait état dans les motifs de l’assignation que l’imitation par substitution du signe du dollar aux lettres S, et des dispositions de l’article 713-3 b ;
Qu’il sera donc fait droit à la demande d’interdiction portant sur la marque dénominative non modifiée ;
Qu’il s’agit donc d’examiner si les conditions d’application des dispositions de l’article L 713-3 b sont réunies, et par conséquent s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du fait de l’imitation de la marque dénominative et de son usage, comme de la marque semi-figurative ;
Qu’en effet, si l’interdiction est également demandée au sujet de l’usage de la marque semi-figurative dans sa forme exacte, un examen attentif des éléments versés aux débats ne permet pas de faire ressortit un tel usage ;
Que la demande sous cet aspect sera rejetée ;
Sur l’imitation de la marque
Attendu que la société Esso SAF est propriétaire de la marque dénominative, comme indiqué plus haut, pour désigner les produits de la classe 4, comme de la marque semi-figurative, enregistrée sous le n° 1 540 624, avec renouvellement le 10 mars 1997, pour désigner les produits et services des classes 1, 2, 3, 4, 5, 7, 9, 16, 19, 20, 21, 29, 30, 31, 32, et 33 ;
Que cette dernière est constituée d’un caractère ovale de couleur bleu avec à l’intérieur sur fond blanc, le mot Esso en rouge ;
Que cette marque est reprise à l’identique sur le site litigieux, seules les lettres S du nom Esso, étant remplacées par le sigle représentant le dollar, $, ce qui d’évidence cherche à illustrer le propos polémique développé dans la campagne menée par l’association ;
Que de même, la marque dénominative est reprise avec les mêmes lettres, excepté la lettre S, remplacée par le signe du dollar ;
Qu’en revanche, il n’apparaît nullement à l’examen des documents soumis aux débats, en particulier au niveau du logo reproduit, en petites dimensions, sur la station-service évoquée, que l’association ait cherché à entretenir une quelconque confusion entre le sigle en question, et celui désignant les membres des Waffen Schutz-Staffel, communément désignés sous le sigle SS, en lettres gothiques, effectivement de sinistre mémoire ;
L’association Greenpeace fait valoir qu’il ne s’agit pas d’imitation illicite, mais de caricature, impliquant un grossissement burlesque de la marque tournée en dérision dans un but critique, à savoir qu’Esso ferait passer ses intérêts financiers avant le souci de la préservation de l’environnement naturel ;
Que selon Greenpeace, l’appropriation par elle de la marque obéirait exclusivement à la nécessité d’informer le public par le réseau internet des objectifs poursuivis par la société qui en est propriétaire, tels qu’allégués par cette association, par le moyen de la caricature ;
Que se faisant, la défenderesse entendrait transposer en matière de droit des marques l’exception aux droits de l’auteur tel que le retient l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Que la demande de la société Esso SAF ne s’appuie pas sur le droit de propriété incorporelle tirée d’une œuvre de l’esprit, mais sur celui destiné à protéger le signe permettant de distinguer ses produits ou services ;
Que Greenpeace France de son coté ne soutient pas sérieusement s’être placée, lorsqu’elle s’est appropriée la marque, sur le terrain de la création artistique originale, excluant la possibilité pour l’auteur d’interdire la caricature, dès l’instant qu’elle obéit aux lois du genre, et assurant aux auteurs de toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient les genres ou formes d’expression, y compris les adaptations, le bénéfice de la propriété intellectuelle ;
Que la jurisprudence invoquée relevant l’absence de risque de confusion entre la réalité et l’œuvre satirique n’est donc pas appropriée ;
Attendu en réalité que le risque de confusion dans l’esprit de l’internaute moyennement attentif doit s’apprécier globalement en fonction du degré de notoriété de la marque, très importante et ancienne en l’espèce, du fait que celle-ci se trouve reproduite quasiment à l’identique, et de l’association qui peut être faite entre le signe utilisé et la marque ;
Qu’à cet égard, il n’apparaît pas que les dispositions de l’article 713-3 b du code de la propriété intellectuelle puissent se trouver en contradiction avec les critères retenus en matière de contrefaçon par la directive citée pour la définition du concept de risque de confusion ;
Que la substitution du symbole du dollar aux lettres S du mot Esso, seul ou inclus dans le logo, a pour objet de capter l’attention de l’internaute moyennement informé, alors que la marque semi-figurative est reproduite à l’identique, tant sur le plan graphique que des couleurs, excepté en ce qui concerne les deux lettres S ; que de ce fait, la première perception du logo comme de la marque verbale si légèrement modifiée évoque immanquablement les produits et services offerts par cette marque notoire ; qu’il ne peut, au surplus, être fait abstraction du fait que la campagne développée en France sur le site associe de manière systématique au logo ou à la dénomination Esso modifiée en E$$O le mot Stop et la représentation stylisée d’une station service, ni de la stigmatisation ci-dessus citée de la marque, faite notamment en page d’accueil ;
Que la terminologie adoptée, même si elle n’appelle pas explicitement au boycott des produits de la marque, tend bien, comme le soutient la société demanderesse, à porter atteinte à son image, et par conséquent, à détourner le public de celle-ci, comme le confirme l’évocation d’actions menées en vue de perturber la distribution, ou l’illustration par des pompes à essence, l’une de la marque comportant barrage d’une croix au niveau du produit, à coté d’une autre en vert, frappée du sigle de Greenpeace ;
Qu’en définitive, l’appropriation opérée de la marque, dans le cadre d’une présentation utilisant, pour les titres et logos imités reproduits, des polices de caractère de grande dimension et en couleur, ne participe pas exclusivement de la nécessité de communiquer les opinions de l’association, et ses objectifs ;
Qu’il existe en définitive un risque de confusion en ce sens dans l’esprit du public, au sens des dispositions de l’article L 713-3 b du code de la propriété intellectuelle ;
Que cette appropriation présente par conséquent un caractère illicite par l’atteinte portée au droit de la demanderesse protégé par les dispositions des articles L 713-3 et 716-4 du code déjà cité ;
Qu’en conséquence, la demande introduite devant le tribunal ayant des chances sérieuses d’aboutir, il sera interdit à l’association Greenpeace France de faire figurer sur son site l’imitation de la marque dénominative Esso n° 1 238 980, et de la marque semi-figurative n° 1 540 624 ainsi que précisé au dispositif ;
Que passé ce délai de quatre jours à compter de la signification de la présente décision, l’association Greenpeace France sera soumise à une astreinte de 5000 € par jour de retard et pour chacune d’elle ;
Qu’en revanche, il ne peut être fait droit à la demande formulée de manière générale, tendant à l’interdiction également de faire usage des marques en question sur quelque support que ce soit, en l’absence d’autres éléments que ceux relatifs à la diffusion sur le site internet de la campagne ;
Qu’enfin, nous nous réservons la liquidation éventuelle de l’astreinte provisoire ;
Sur la mise en cause de la société Internet FR
Attendu qu’aux termes de ces dispositions de l’article 43-8 de la loi n°2000-719 du 1er août 2000, les prestataires de services d’hébergement des sites ne sont pénalement ou civilement responsable du fait du contenu des services que si ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n’ont pas agi promptement pour en empêcher l’accès ;
Attendu qu’il est demandé à celle-ci, comme à Greenpeace France, de modifier le site ;
Qu’il ne peut qu’être demandé à la société Internet FR d’empêcher l’accès au contenu de ce site, au cas où Greenpeace ne respecterait pas l’injonction ;
Que dans cette mesure, étant constaté que la société Internet FR intervient pour signifier qu’elle entend bien mettre tout en œuvre à cette fin, celle-ci ne sera pas mise hors de cause ;
Qu’il nous en sera référé en cas de difficultés ;
Sur les autres demandes
Attendu qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la société Internet FR, que la société Esso SAF, avait intérêt à attraire dans cette instance, au moins dans le cadre des dispositions de l’article 43-8 de la loi du 1er août 2000, la charge de ses frais irrépétibles ;
Qu’il n’est pas contraire à l’équité, en considération de la situation socio-économique respective des parties, de mettre à la charge de l’association Greenpeace France la charge d’une indemnité de 1500 € au titre des frais irrépétibles ;
Que toute autre demande sera rejetée ;
Qu’étant saisie en la forme des référés, il sera ordonné l’exécution provisoire de la présente décision, ce que commandent la nature de l’affaire et l’urgence ;
Que les dépens seront laissés à la charge de l’association Greenpeace France.
La décision
Statuant publiquement, en la forme des référés, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Vu les dispositions des articles L 713-3 b et 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;
Vu l’assignation du 17 juin 2002 ;
. Faisons interdiction à l’association Greenpeace France de faire usage sur son site www.greenpeace.fr de la marque dénominative Esso n° 1 238 980 imitée, sous la forme E$$O, seule ou sous la forme associée Stop E$$O, ou associé avec tout autre terme ou expression, et ce dans le délai de quatre jours suivant la signification de la présente décision ;
. Disons qu’à défaut d’exécution dans ce délai, l’injonction sera assortie d’une astreinte de 5000 € par jour de retard ;
. Faisons interdiction à l’association Greenpeace France de faire usage sur son site www.greenpeace.fr de la marque semi-figurative n° 1 540 624, imitée par la substitution du nom E$$O, et le cas échéant adjonction d’étoiles, et ce dans le délai de quatre jours suivant la signification de la présente décision,
. Disons qu’à défaut d’exécution dans ce délai, l’injonction sera assortie d’une astreinte de 5000 € par jour de retard ;
. Nous réservons la liquidation éventuelle de l’astreinte provisoire ;
. Constatons que la société Internet FR, prestataire de services d’hébergement de sites, entend agir promptement, au sens des dispositions de l’article 43-8 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, pour le cas échéant empêcher l’accès au site ;
. Disons qu’il nous en sera référé en cas de difficultés ;
. Condamnons l’association Greenpeace France à payer à la société Esso SAF la somme de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du ncpc ;
. Déboutons la société Esso SAF de toute autre demande;
. Laissons les dépens à la charge de l’association Greenpeace France.
Le tribunal : M. Binoche (premier vice président)
Avocat : Me Armengaud, Me Choukroun, Me Caretto
Notre présentation de la décision
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