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Jurisprudence : Marques

vendredi 25 avril 1997
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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé du 25 avril 1997

Framatome / Association Internaute, Jérôme D., Olivier L., Xavier B.

accord transactionnel - contrefaçon de marque - nom de domaine

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

La société Framatome a assigné les défendeurs à la présente instance et pris à leur encontre les conclusions suivantes :

« Vu l’article 809 du nouveau code de procédure civile,

Vu le code de la propriété intellectuelle et notamment les articles L. 716-3 et L. 716-6,

Vu le procès-verbal établi par Maître Denis, Huissier de Justice,

– constater et dire que Framatome étant titulaire de la marque Framatome enregistrée sous le numéro 1 581 425 pour les classes : 1, 4, 6, 7. 8, 9, 11, 12, 13, 16, 21, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42, l’utilisation par Internaute et les autres défendeurs de cette marque comme nom de domaine sur le réseau Internet, pour accéder à un site Internet, constitue une contrefaçon de la marque déposée Framatome.

– constater que l’enregistrement du nom de domaine « http://www.framatome.com » sur Internet constitue une atteinte aux droits sur la dénomination sociale et le nom commercial de Framatome.

– interdire en conséquence à Internaute et aux autres défendeurs d’utiliser sous quelque forme que ce soit la marque déposée, la désignation sociale et le nom commercial Framatome, et notamment interdire à Internaute et aux autres défendeurs tout transfert du nom de domaine et/ou du contenu du site entre les mains de quelque autre que ce soit, et ce sous astreinte de 50.000 francs par infraction constatée.

– condamner les défendeurs in solidum à verser à Framatome la somme de 1.100.000 francs par provision sur les dommages-intérêts.

– ordonner sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard à compter du jour suivant le prononcé de l’ordonnance à Internaute et aux autres défendeurs de faire retirer le nom de domaine « http://www.framatome.com » et toute autre de utilisation du nom Framatome du réseau Internet en France.

– ordonner sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard à compter du jour suivant le prononcé de l’ordonnance à Internaute et aux autres défendeurs de faire retirer le nom de domaine « http://www.framatome.com » et toute autre utilisation du nom Framatome du réseau Internet dans le monde entier.

– ordonner la publication de la décision à intervenir dans les supports de presse écrite dont trois quotidiens tels que Le Monde, Les Echos, le Figaro, et dans les pages des suppléments multimédia des quotidiens « Le Monde » et « Libération », et dans trois revues spécialisées en télécommunication : Internet reporter-Planet Internet et Webmaster, aux frais in solidum des défendeurs sans que le montant de chaque insertion ne puisse dépasser 30.000 francs.

– faire injonction aux défendeurs de transférer au bénéfice de Framatome le nom de domaine, sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard à compter du jour suivant le prononcé de l’ordonnance à Internaute et aux autre défendeurs.

– faire injonction à Internaute et autres défendeurs de notifier la présente décision aux frais des défendeurs à InterNIC et à NIC France, à compter du jour suivant le prononcé de l’ordonnance sous astreinte de 50.000 francs par jour de retard.

– nommer tel huissier au constat et au contrôle des mesures ordonnées qu’il plaira à Monsieur le Président du tribunal désigné.

– condamner in solidum les défendeurs à payer à Framatome la somme de 35.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de Maître Jacques-Georges Bitoun, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

– dire et juger que, vu l’urgence et l’importance de l’affaire, l’ordonnance à intervenir sera rendue exécutoire et sur minute. »

A l’appui de sa demande, elle a exposé :

– qu’elle est une société dont l’activité est diversifiée et regroupe les aspects suivants : bureau d’études nucléaires, architecte industriel, entrepreneur général assurant la réalisation partielle ou complète de centrales nucléaires notamment selon le procédé à eau sous pression ; fabrication et commerce de tous produits mécaniques et de chaudronnerie, de tous appareils et machines s’y rapportant ; prestataire de services dans le domaine de l’intelligence artificielle ; la conception et la fabrication du combustible nucléaire ; la connectique.

– que son activité est française et internationale et que Framatome bénéficie d’une médiatisation et d’une renommée très importantes et permanentes, tant en France qu’à l’étranger.

– que par ailleurs elle est titulaire pour le territoire français de la marque Framatome suivant dépôt du 7 juin l989, enregistré sous le numéro 1 581 425, pour les classes : 1, 4, 6, 7, 8, 9 11, 12, 13, 16, 21, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42.

– qu’au plan mondial elle protège, en tant que marque, par la voie nationale et par la voie internationale le terme « Framatome » dans plus de 50 pays. Qu’elle protège notamment sa marque aux Etats-Unis par dépôt en date du 6 décembre 1989, enregistré sous le numéro 1930349 pour les classes l, 4, 6, 7, 8
9, 11, 12, 13, 16, 17, 21, 35, 36, 37, 40, 41, et 42.

– qu’elle a déposé 18 autres marques comportant le terme Framatome.

– qu’elle s’est intéressée dès 1994 au réseau Internet et a déposé en mars 1994 un nom de domaine « framatome.fr », afin notamment de communiquer avec ses principaux partenaires industriels, clients et fournisseurs.

Que chaque ordinateur dispose d’une adresse dite adresse lP (Internet Protocol) qui permet de pénétrer ou d’atteindre le contenu d’un site WEB.

Que le nom de domaine est la traduction par représentation alphanumérique de l’adresse IP.

Que les noms de domaine sont généralement constitués d’un préfixe, d’un radical et d’un suffixe.

Que le préfixe se présente habituellement sous la forme « http://www. » ou « www. » et caractérise ainsi le mode de communication utilisé à savoir le service Web. Que le radical est principalement constitué de l’identifiant de la structure éditrice du contenu du site, soit au travers d’une marque, d’une raison sociale ou de tout autre nom servant à identifier ledit éditeur. Que le suffixe est normalement constitué de quelques lettres permettant, soit d’identifier l’activité de l’éditeur du site (« .com » pour les activités commerciales ; « .gov » pour les entités gouvernementales ; « .mil » pour le milieu militaire…), soit d’identifier la localisation géographique de ce même éditeur (« .fr » pour la France, « .uk » pour la Grande Bretagne ; ‘.us’ pour les Etats-Unis d’Amérique,…).

Qu’elle veut rapidement renforcer sa présence sur Internet en créant un serveur sous le nom de domaine « http://www.framatome.com », car le « .com » est actuellement le suffixe le plus connu et le plus reconnu des utilisateurs d’Internet.

Qu’il a été porté récemment à sa connaissance que l’association Internaute (ci-après désignée par l’expression Internaute) dispose sur le réseau de télécommunication mondial dit Internet d’un site Web dont le nom de domaine est le suivant : « http://www.framatome.com ».

Qu’Internaute serait une association dont l’objet est de « défendre les motivations des entreprises européennes autour du réseau Internet et de leur permettre d’accéder au droit à l’expression totale sur Internet ».

Qu’elle a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée le 11 février 1997, Internaute de « retirer le nom de domaine framatome. com du réseau Internet en France et dans le monde entier, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de ladite lettre ».

Que Jérôme D., le 19 février 1997, se présentant comme le Président de l’association Internaute s’est rapproché de Cyrille P., de la direction juridique de Framatome, pour lui faire valoir :

1/ que le principe de territorialité de la marque et le fait que l’enregistrement du nom de domaine « framatome.com » avait été réalisé aux Etats-Unis d’Amérique, exemptent les défendeurs de contrefaçon sur le territoire français.

2/ le fait que le site Web n’était pas utilisé.

3/ les juges français seraient incompétents au profit des juridictions américaines dès lors que le nom avait été déposé auprès d’InterNIC (organisme américain compétent pour procéder à l’enregistrement des noms de domaines en « . com » ).

Que Jérôme D. a finalement conclu son entretien téléphonique en indiquant qu’il refusait de retirer le nom de domaine « http://www.framatome.com ».

Que ces arguments sont dénués de pertinence.

Que la marque Framatome est déposée tant en France qu’à l’étranger (en particulier aux Etats-Unis) et que la diffusion d’Internet étant par nature mondiale et accessible en France, l’acte de contrefaçon est en tout état de cause matérialisé et commis sur le territoire national.

Que les règles relatives à la contrefaçon reposent sur la seule reproduction illicite de la marque déposée.

Que si les règles de l’InterNIC prévoient la compétence des juridictions américaines, celles-ci sont inopposables aux tiers, dont Framatome.

Que l’InterNIC, en sa qualité d’entité chargée de procéder à l’enregistrement des noms de domaine, à l’inverse du NIC France (autorité déléguée pour la France pour l’attribution des noms de domaine en « .fr ») n’impose aucune justification pour l’attribution du nom de domaine. Qu’il applique la règle « premier venu, premier servi » sans donner de garantie aux droits et sous réserve des droits des tiers. InterNIC a enregistré le nom de domaine « http://www.framatome.com » alors qu’il existait déjà le nom de domaine « framatome.fr » enregistré par Framatome.

Que le 26 février 1997, Xavier B. a téléphoné à Monsieur F. de la communication extérieure de Framatome, pour lui proposer de rendre à Framatome le nom de domaine « http://www.framatome.com » en contrepartie d’une commande de prestations de services à Jérôme D. pour un travail d`infographiste.

Que Monsieur F. a eu de nouveau au téléphone Xavier B. le 25 mars 1997, et que ce dernier a proposé de rendre le nom de domaine à Framatome, moyennant paiement d’une somme comprise entre 150.000 et 80.000 francs et passation d’une commande dans le cadre du prochain appel d’offres de Framatome pour la création d’un site Web sous le nom de domaine « http://www.framatome.com ».

Que devant le refus ferme de Monsieur F., Xavier B. ramenait son offre à 50.000 francs et rappelait que Jérôme D. était déterminé à céder ou à transférer le nom de domaine « http://www.framatome.com » à une société ou à une association française ou étrangère, telle que l’association Greenpeace, si Framatome n’acceptait pas cette offre.

Que ces faits, outre leurs aspects caractéristiques d’un racket organisé pour une opération parasitaire, constituent des actes de contrefaçon de marque et d’atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial de Framatome d’autant plus graves que Framatome bénéficie d’une notoriété mondiale.

Les parties se sont toutefois rapprochées et ont conclu le protocole d’accord transactionnel qu’elles nous demandent d’homologuer et de joindre à la minute de l’ordonnance pour faire corps avec elle ;

PAR CES MOTIFS

Homologuons le protocole d’accord transactionnel ainsi que le mail d’effacement d’un nom de domaine en .com qu’elles nous ont remis ;

Disons que ce protocole et le mail seront annexés à notre ordonnance et feront corps avec elle.

Disons que les dépens de la procédure suivront le sort de l’accord des parties.

Le tribunal : J.J. Gomez (Vice-Président) ; C. Galant (Greffier).

Avocats : Me Bitoun – Me Thévenet.

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.