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Jurisprudence : Marques

vendredi 16 janvier 2004
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Cour d’appel de Paris 4ème chambre, section B Arrêt du 16 janvier 2004

Gucci France / Berluti, Olga Berluti

contrefaçon - marques - originalité

Faits et procédure

La cour est saisie d’un appel interjeté par la société Gucci France d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 23 janvier 2001 dans un litige l’opposant à la société Berluti et Olga S. dite Olga Berluti.

La société Berluti, fondée en 1895, a pour objet la fabrication et la commercialisation de souliers de luxe.

Olga Berluti a créé plusieurs modèles de chaussures dont l’un référencé 1494 et appartenant à la ligne « Tatoué » a été déposé chez un notaire la 12 février 1997 et l’autre référencé 902 appartenant à la ligne « Club » a également été déposé chez un notaire, le 26 octobre 1995.

Ces deux chaussures ainsi qu’une autre référence 1088 (appartenant à la ligne « Elégante ») sont commercialisées par la société Berluti à qui Olga Berluti a consenti une cession de ses droits d’exploitation le 26 juillet 2000.

Ayant constaté que Gucci France commercialisait trois modèles de souliers qui seraient la reproduction de ceux ci-dessus référencés, et après avoir fait pratiquer une saisie contrefaçon dans les locaux du magasin Gucci , le 1er août 2000, Olga Berluti et la société Berluti ont fait assigner à jour fixe cette société, par acte du 14 août 2000, sur le fondement de la contrefaçon et d’agissement parasitaires, pour obtenir, outre des mesures d’interdiction, et de publication, la remise des stocks et des maquettes et paiement de dommages-intérêts.

Gucci France avait conclu au rejet de l’ensemble de ces demandes et sollicité, reconventionnellement, paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

Par le jugement déféré, le tribunal a :

– dit que les modèles de souliers n°1494 et 902 dont Olga Berluti et la société Berluti détiennent les droits, bénéficient de la protection des livres I et III du code de la propriété intellectuelle,

– dit que Gucci en offrant à la vente et en vendant des modèles référencés 110/1503/0 et 111/5276/0 qui reproduisent les caractéristiques des modèles précités a commis des actes de contrefaçon au détriment de Olga Berluti et de la société Berluti,

– interdit à Gucci la poursuite de tels actes illicites sous astreinte de 5000 F par paire de chaussures offerte à la vente ou vendue ce, par tout moyen, à compter de la signification de la décision,

– ordonné sous astreinte de 20 000 F par jour de retard la confiscation du stock de souliers contrefaisants encore en la possession de Gucci et leur remise à la société Berluti dans les huit jours de la signification de la décision et ce, en vue de leur destruction sous contrôle d’huissier, aux frais de la société Gucci,

– condamné Gucci à payer à Olga Berluti la somme de 150 000 F en réparation de l’atteinte portée à son droit moral d’auteur,

– condamné Gucci à payer à la société Berluti la somme de 900 000 F en réparation de l’atteinte portée à son droit patrimonial d’exploitation,

– autorisé la publication du dispositif de la décision dans quatre journaux ou revues au choix des demanderesses aux frais de Gucci dans la limite de 200 000 F HT,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné Gucci à payer à la société Berluti et à Olga Berluti la somme de 100 000 F en application de l’article 700 du ncpc.

Appelante de ce jugement, Gucci, par ses dernières écritures du 13 novembre 2003, prie la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Berluti de sa demande d’indemnisation au titre d’agissements parasitaires et d’interdiction de commercialisation et de destruction du modèle Gucci référencé n°111/5273/0,

– l’infirmer pour le surplus,

– débouter Olga Berluti et la société Berluti de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

– reconventionnellement :

*condamner in solidum Olga Berluti et la société Berluti à réparer le préjudice commercial de la société Gucci pour un montant de 152 449,02 €,

*ordonner la publication judiciaire du dispositif de l’arrêt à intervenir dans quatre journaux au choix de Gucci et aux frais de la société Berluti et de Olga Berluti pour un montant de 91 468,41 €,

*condamner in solidum Olga Berluti et la société Berluti à verser à Gucci la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

Les intimées, par leurs dernières écritures du 6 novembre 2003, concluent à la confirmation du jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande formée par la société Berluti sur le fondement des agissements parasitaires à l’encontre de Gucci, et prient la cour de :

– dire et juger qu’en reproduisant à l’identique le modèle de souliers Berluti n°1088 par la commercialisation du modèle 111/5273/0 reprenant ainsi dans chacune des lignes un modèle caractéristique phare de la société Berluti et en commercialisant ceux-ci à un prix sensiblement inférieur, la société Gucci s’est rendue coupable d’agissements parasitaires et, en conséquence, de concurrence déloyale à l’encontre de la société Berluti,

– en conséquence :

*confirmer la condamnation de Gucci à payer à Olga Berluti la somme de 22 867,35 € en réparation de l’atteinte portée à son droit moral d’auteur,

*confirmer la condamnation de Gucci à payer à la société Berluti la somme de 137 204,11 € en réparation de l’atteinte portée à son droit patrimonial d’exploitation,
mais statuant à nouveau,

*condamner également Gucci à payer à Berluti la somme de 50 000 € en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de la poursuite des actes d’exploitation après le prononcé du jugement et des agissements parasitaires précités,

*débouter Gucci de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

*condamner Gucci à payer à la société Berluti et à Olga Berluti la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

La discussion

Sur la titularité des droits et sur l’originalité des chaussures référencées 1494 et 902

Considérant que les intimées se prévalent de droits d’auteur sur les chaussures suivantes :

– un modèle référencé 1494 constitué par un mocassin à pampilles réalisé en une seule pièce de cuir comportant une ligne de perforations circulaires partant de part de d’autre du coup de pied et suivant le pourtour du soulier délimitant ainsi un faux plateau,

– un modèle référencé 902 qui présente les caractéristiques suivantes : « un quartier de cuir plaqué sur le coup de pied donnant un effet de guêtre, prolongé sur l’extérieur par une lanière fixée dans une boucle métallique sensiblement carrée et doublée d’un passant en cuir, comportant en limite basse dudit quartier une bande délimitée par une double couture au centre de laquelle se trouve une ligne de perforation se prolongeant tout autour de l’ouverture du soulier, présentant des perforations placées l’une au dessus de l’autre, la partie antérieure du soulier comportant également une ornementation dite « fleurie » constituée par des perforations présentant deux mouvements circulaires l’un à coté de l’autre, centrés autour d’une perforation circulaire plus importante, et, en avant de ces deux motifs, une forme « en pointe » ;

Considérant que, selon l’appelante, les intimées ne démontrent pas l’existence d’un apport original ou d’une quelconque empreinte personnelle qui révélerait l’effort créateur attaché aux deux modèles ; qu’elle expose, en effet, que dans le domaine de la chaussure masculine classique, la marge de créativité est très réduite, les modèles proposés se résumant au nombre de quatre : le soulier à lacets de style « Richelieu », le mocassin, le soulier à guêtres et la bottine à élastique et qu’en l’espèce, les éléments caractéristiques des modèles revendiqués appartiennent au fonds commun du genre mocassin et guêtre ; qu’elle verse aux débats de nombreux documents qui, selon elle, sont susceptibles de démontrer que les deux objets ne reprennent que des formes et ornements communément employés dans le domaine de la chaussure masculine ;

Considérant qu’en ce qui concerne le modèle n°902 (soulier à guêtres), elle relève que :

– le quartier plaqué sur le coup de pied donnant un effet de guêtre, prolongé sur l’extérieur par une lanière fixée dans une boucle métallique sensiblement carrée et doublée d’un passant en cuir, correspond à la description traditionnelle de la chaussure à boucle dite « monk » car elle rappelle les sandales de moines,

– la ligne de perforations soulignant la partie basse du quartier correspond à une technique traditionnelle de perforation appelée « brogueings » réalisée à l’aide d’un emporte-pièces dont les dimensions sont connues,

– l’ornementation dite « fleurie » sur la partie antérieure de la chaussure est également une technique notoire relevant manifestement du domaine public dans laquelle seul le graphisme particulier des volutes présente un caractère original,

– cette combinaison d’éléments est présentée par le bottier Laszlo Vass (dans le livre intitulé « La chaussure pour homme faite main ») comme l’une des déclinaisons communes en matière de soulier fait à la main, et se retrouve dans les documents suivants : « monk à bout golf » de Finsbury, « monk lac italien » des Fratelli Rossetti, modèle « Chalfont » de la société Crockett & Jones ;

Considérant que sur le modèle n°1494 du genre mocassin, l’appelante soutient, en premier lieu, qu’alors que Mme Berluti admet s’être inspirée des modèles de Talbino Berluti, elle ne justifie pas être titulaire de droits d’auteur, dans la mesure où elle ne prouve pas être cessionnaire de droits sur ce modèle ;

Qu’elle ajoute que les intimées ne démontrent pas davantage d’existence d’un apport original, que ce mocassin à pampilles en une pièce avec faux plateau est tant dans sa forme que dans la combinaison de ses ornements bien connu du fonds commun du genre et est en raison de sa banalité esthétique, insusceptible d’appropriation et de protection par le droit d’auteur ;

Mais considérant que c’est en vain que l’appelante conteste à Mme Berluti la titularité de droits sur le modèle référencé n°1494 ; qu’en effet, même si cette dernière indique s’être inspirée des chaussures précédemment créées par ses prédécesseurs de la société Berluti, elle en a fait une interprétation personnelle qui mérite protection, n’étant pas contesté que les chaussures commercialisées par la société Berluti ont été en réalité créés par elle, la preuve de la date de création résultant en outre pour ce modèle d’un dépôt effectué le 12 février 1997, à son nom auprès de Me A., notaire à Paris ; qu’elle est à tout le moins, du fait de ce dépôt à son nom, et en l’absence de toute revendication de tiers, présumée titulaire de droits d’auteur sur ce modèle ;

Considérant, par ailleurs, que les premiers juges ont par des motifs pertinents que la cour fait siens et qui ne sont nullement démentis par les nouveaux documents mis aux débats en appel (dont au demeurant les dates sont incertaines) :

– certes relevé que les deux modèles de Berluti opposés au titre des droits d’auteur appartiennent au fonds commun de la chaussure masculine,

– mais retenu que la combinaison de plusieurs éléments dont le caractère banal ou usuel n’était pas démontré caractérisait l’originalité de ces chaussures ;

Qu’il sera seulement ajouté que le choix de ces éléments qui ne présentent aucun caractère technique nécessaire révèle l’effort créatif de l’auteur par l’effet esthétique particulier qui en résulte ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a jugé que ces deux modèles par la combinaison particulière correspondant aux caractéristiques des modèles telles que ci-dessus décrites par les intimées étaient originaux ;

Sur le bien fondé de l’action en contrefaçon

Considérant que pour contester l’existence de la contrefaçon, l’appelante soutient :

– que la reproduction des modèles litigieux doit s’apprécier strictement, eu égard notamment aux usages et exigences propres aux créations de la mode et des industries saisonnières,

– que les éléments communs sont des caractéristiques qui appartiennent au domaine public et qui ne sont pas en eux-mêmes protégeables puisqu’ils n’ont aucune originalité,

– qu’en conséquence, il ne peut lui être reproché de les reproduire ;

Qu’elle expose, en outre, que la contrefaçon, en l’espèce, ne peut s’apprécier « qu’eu égard aux ressemblances de détail que seul un consommateur averti et familier de ce domaine très spécifique qu’est la haute cordonnerie sera à même de déceler » et que le tribunal, « en opérant une appréciation d’ensemble des souliers litigieux, a accordé aux intimées le bénéfice de la protection d’une combinaison d’éléments fonctionnels relevant de l’industrie de la cordonnerie depuis plus d’un siècle, issus d’une longue tradition et de particularités artisanales nationales, et a refusé de considérer que les nombreux détails permettent de démontrer que les souliers en cause sont deux déclinaisons distinctes de combinaisons bien connues du public et des spécialistes » ;

Considérant que de ce point de vue, selon elle :

– le modèle référencé 902 et celui qui est argué de contrefaçon référencé 111/5276/0, caractérisent en réalité deux interprétations distinctes d’un même modèle, présentant des différences sur chacun des éléments et notamment s’agissant de la forme du soulier, de la boucle, de la lanière de la guêtre, de la bande de perforations, du dessin appliqué à l’ornementation fleurie, et de la couleur du cuir,

– le modèle de mocassin référencé n°1494 et celui argué de contrefaçon référencé n°110/1503/0 se distinguent par la ligne de perforations circulaires délimitant un faux plateau, la forme de la bande de cuir apposée en renfort sur le talon, la forme de la semelle, la couleur du cuir, la soudure entre la chaussure et la semelle ;

Mais considérant que, contrairement à ce que soutient l’appelante, les chaussures en cause ne reproduisent pas seulement des éléments qui appartiennent au domaine public mais la combinaison dont l’originalité a été reconnue ; qu’ainsi, comme l’a dit le tribunal par des motifs pertinents que la cour fait siens, se retrouvent dans le mocassin :

– le faux plateau délimité par une même bande de perforation ainsi que des pampilles, ce qui donne à la chaussure une même impression d’ensemble,

– dans la chaussure guêtre une même composition comportant un quartier de cuir montant délimité à sa base par une bande de perforation identique se prolongeant tout autour de l’ouverture du soulier, comportant une lanière à bride et sur l’avant de la chaussure une ornementation fleurie ;

Que les légères différences dans la représentation florale, dans la longueur de la bande de perforation, soulignant le quartier de cuir rappelant la guêtre, qui s’interrompt sur la partie arrière, dans la lanière et sa boucle métallique, ne suffisent pas à donner à la chaussure Gucci une physionomie distincte de celle des intimées puisque celle de Gucci reprend l’ensemble des caractéristiques originales de la chaussure de Berluti ; que le jugement sera confirmé de ces chefs, étant observé que la bonne foi, invoquée par l’appelante, est en ce qui concerne la contrefaçon inopérante ;

Sur les agissements parasitaires

Considérant sur les agissements parasitaires, que les intimées reprochent aux premiers juges d’avoir écarté leur demande ; qu’en effet, selon elles, Gucci a dans un même trait de temps repris de manière quasiment identique trois modèles de trois des lignes commercialisées par la société Berluti (ligne « Tatoué », ligne « Club », ligne « Elégante »), circonstance d’autant plus troublante qu’elle correspond à une modification radicale dans la présentation des produits de Gucci qui n’avait jusqu’alors commercialisé que peu de souliers, d’un genre différent (s’agissant de mocassins à barrettes) ; qu’elles font valoir qu’outre les deux modèles ci-dessus analysés au titre de la contrefaçon, Gucci a également commercialisé un modèle n°111/5273/0 qui présente de nombreuses similitudes avec celui diffusé par la société Berluti sous la référence 1088 à des prix, de plus, inférieurs ;

Que le caractère délibéré de l’acte de copie réalisé par Gucci serait, selon la société Berluti, évident au regard des pièces versées aux débats en appel, et notamment d’une attestation de M. B. du 12 avril 2001, directeur de la boutique Berluti de Londres précisant les circonstances dans lesquelles des achats ont été réalisés dans cette boutique par des stylistes de Gucci ainsi que d’une attestation, du 27 avril 2001 d’un client commun, M. C. s’étonnant « de constater, lors d’un voyage à Londres la commercialisation…de souliers très différents de ceux habituellement proposés par elle et reproduisant de manière servile les caractéristiques de trois des modèles Berluti » ;

Considérant que l’appelante estime que le jugement doit être sur ce point confirmé, faisant valoir qu’outre le fait que le modèle référencé 111/5273/0 est très différent de celui référencé 1088, chaussures qui appartiennent toutes deux au modèle traditionnel de derby à lacets, les attestations mises aux débats ne sont pas suffisamment pertinentes, à défaut de respecter les dispositions de l’article 202 du ncpc et que les produits qu’elle commercialise s’adressent à une « clientèle radicalement différente, moins traditionnelle que la clientèle habituelle et particulièrement ciblée des produits Berluti » et entrent dans la ligne des accessoires déclinés parallèlement à sa ligne de vêtements qui constituent les produits phares de la marque Gucci ;

Considérant cela exposé qu’il n’est pas démontré en appel que Gucci aurait brusquement modifié sa ligne de chaussures pour adopter, outre la commercialisation de chaussures déjà retenues comme étant la contrefaçon des modèles Berluti, un autre modèle qui serait également un modèle faisant partie d’une ligne habituellement exploitée par Berluti ; que sur ce point, l’attestation de M. R. qui ne relate que des impressions d’un client n’est pas suffisamment pertinente ; que l’attestation de M. B. ne prouve pas que les représentants de Gucci auraient effectué des achats dans la perspective de les utiliser à des fins de reproduction ; que c’est donc par un exact raisonnement que les premiers juges ont rejeté la demande fondée sur les agissement parasitaires, étant observé que la vente à des prix inférieurs n’est pas en soi révélateur d’un comportement déloyal ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a repoussé la demande sur les agissements parasitaires ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que, selon l’appelante, il y a lieu de réduire le montant des dommages-intérêts alloués par les premiers juges ; qu’en effet, selon elle, seul un petit nombre de chaussures (22 paires) a été vendu, de telle sorte que le préjudice subi par les intimées est minime, étant de plus rappelé que ces chaussures correspondaient à la collection automne-hiver 2000/2001 qui n’ont plus été distribuées après le jugement du 23 janvier 2001, tout le stock ayant été retourné en Italie à la maison mère ; qu’elle soutient encore qu’elle n’est pas responsable de la diffusion des informations sur le site internet www.gucci.com, puisque ce site a été réalisé pour les Etats-Unis par Gucci America Inc, et pour les autres pays par la société Guccio Gucci Spa, maison mère de Gucci France Sa ; qu’elle n’est pas davantage responsable des publicités, au demeurant peu nombreuses, parues dans des magazines étrangers dont il n’est pas démontré que ces magazines auraient été diffusés sur le territoire français ;

Considérant qu’elle souligne encore que n’étant que distributrice des produits en cause et non pas le fabricant, elle ne peut répondre à la demande de la société Berluti et de Olga Berluti tendant à obtenir sous astreinte la maquette et le matériel de fabrication des modèles litigieux, ce matériel n’étant pas en sa possession ;

Considérant que les intimées ne forment en appel aucune demande en restitution de maquette qui avait été rejetée par les premiers juges ; qu’elles font par ailleurs valoir que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi, en relevant que la publicité sur le site internet est accessible en France et a été effectuée au profit de Gucci France puisque les adresses des lieux où il était possible de se procurer les produits Gucci étaient mentionnées sur ce site ; qu’elles ajoutent qu’une somme complémentaire doit être allouée pour tenir compte des agissements parasitaires et du fait que pendant le cours de la procédure Gucci France a vendu la totalité du stock dont elle disposait, soit 252 paires ;

Mais considérant que les premiers juges ont à juste titre estimé que pour apprécier le préjudice, il devait être tenu compte, non seulement du nombre de chaussures, mais également du fait qu’elles étaient proposées également sur le site internet qui portait l’indication de différents magasins Gucci France ; que, toutefois, l’appelante fait valoir exactement que la publicité dans des magazines de langue étrangère n’a pas d’incidence sur le préjudice de Gucci France dans la mesure où il n’est pas établi que ces revues auraient été distribuées sur le territoire français ;

Considérant que compte tenu de ces circonstances, la cour estime que le préjudice subi par Olga Berluti pour l’atteinte portée à son droit moral sera réparé par l’allocation de la somme de 16 000 € et celui subi par la société Berluti à la somme de 75 000 € ;

Considérant qu’il ne sera pas fait droit à la demande de dommages-intérêts complémentaires réclamés par la société Berluti dès lors que sa demande pour agissements parasitaires a été rejetée et qu’il n’est pas établi que cette société aurait vendu les chaussures qu’elle avait importées d’Italie, ayant, en réalité, fait retour du stock à la maison mère en Italie ; que sur ce point le jugement sera réformé en ce qu’il avait ordonné la confiscation des souliers contrefaisant sous astreinte en vue de leur destruction, cette mesure n’ayant plus d’objet ;

Considérant que la mesure d’interdiction sous astreinte sera confirmée ; que les mesures de publication seront également confirmées dans leur principe mais limitées à trois et à un coût global de 5000 € à la charge de Gucci et tiendront compte du présent arrêt ;

Considérant que l’appelante réclame paiement de dommages-intérêts en raison du préjudice commercial qu’elle aurait subi du fait de la saisie opérée sur un modèle de souliers à lacets dont il est reconnu qu’il n’était pas litigieux et de « la perturbation apportée par les manœuvres déployées par les intimées » notamment par la mesure d’interdiction qui ne lui a accordé aucun délai raisonnable lui permettant de mettre en œuvre la mesure d’interdiction ;

Mais considérant que les intimées ne peuvent être rendues responsables des conséquences d’une mesure d’interdiction ordonnée par le tribunal et confirmée par la cour ; que par ailleurs, l’appelante ne justifie pas de ce que la saisie de « la chaussures à lacet » – qu’en réalité, elle aurait pu commercialiser – lui a causé un préjudice commercial réel ; que les demandes formées à ce titre (dommages-intérêts, publication) seront rejetées ;

Considérant que l’équité commande que soit allouée aux intimées, une somme de 5000 € pour les frais d’appel non compris dans les dépens ; que l’indemnité accordée à ce titre par les premiers juges aux intimées sera confirmée ;

Considérant que Gucci France qui succombe pour la grande part dans ses demandes, sera condamnée, outre les dépens de première instance, aux dépens d’appel ;

La décision

. Confirme le jugement sauf sur le montant des condamnations, sur les mesures de confiscation et de publication ;

Réformant de ces chefs, statuant à nouveau ;

. Condamne la société Gucci France à payer à titre de dommages-intérêts :

*à Olga Berluti la somme de 16 000 € au titre de la réparation de son préjudice moral,

*à la société Berluti la somme de 75 000 € au titre de la réparation de son préjudice patrimonial ;

. Dit que les publications ordonnées tiendront compte du présent arrêt et seront réduites à trois, aux frais de la société Gucci France dans la limite de 5000 € ;

. Condamne la société Gucci France à verser à Olga Berluti et à la société Berluti la somme de 5000 € au titre des frais d’appel non compris dans les dépens ;

. Rejette toutes autres demandes ;

. Condamne la société Gucci France aux entiers dépens.

La cour : Mme Pezard (président), Mme Regniez et M. Marcus (conseillers)

Avocats : Me Sophie Viaris de Lesegno, Me Patrice de Candé

 
 

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