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Jurisprudence : Logiciel

mercredi 09 juin 1999
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Cour d’appel de Paris, 14ème ch., section A, Décision du 9 juin 1999

SociétéTrésis et SA IPIB / SA Royal & SunAlliance

logiciel

Voir l’ordonnance de référé.

Vu l’appel interjeté le 15 janvier 1999 par les sociétés Trésis et IPIB d’une ordonnance rendue le 31 décembre 1998 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, qui a dit n’y avoir lieu à référé sur leur demande tendant à contraindre la société Royal & SunAlliance à proroger les effets du contrat d’assurances « responsabilité civile » qu’elles avaient souscrit auprès de cette compagnie, et ce, jusqu’à ce qu’elles aient pu souscrire un nouveau contrat.

Vu les conclusions du 4 mai 1999 aux termes desquelles les sociétés Trésis et IPIB, sociétés d’informatique et d’ingénierie, réitérant devant la cour leur demande de première instance :

– prétendent que la résiliation, par la société Royal & SunAlliance, de leur police responsabilité civile leur crée un dommage imminent, dès lors qu’elles ne bénéficient plus de garantie en raison des dysfonctionnements susceptibles de résulter du passage à l’an 2 000 et que cette absence de garantie compromet gravement leur activité ;

– soutiennent que la demande de prorogation des effets de la police d’assurances constitue une mesure conservatoire qui relève des pouvoirs du juge des référés ;

– sollicitent en conséquence l’infirmation de la décision entreprise et demandent paiement de la somme de 5 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les écritures du 13 avril 1999 aux termes desquelles la société Royal & SunAlliance :

– prétend que la résiliation de la police d’assurances, effectuée dans les termes du contrat et de la loi, est légitime et régulière et procède de la volonté de protéger ses intérêts, qu’elle est seule maîtresse d’apprécier ;

– conteste l’existence d’un dommage imminent qui ne peut, selon elle, s’apprécier qu’au regard d’un fait fautif, non établi en la cause ;

– prétend que la mesure de prorogation sollicitée est dépourvue de toute efficacité ;

– conclut à la confirmation de la décision entreprise et demande paiement de la somme de 10 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE,

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 873 alinéa 1, le président du tribunal peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Considérant que, respectivement créées en 1991 et 1994, les sociétés Trésis et IPIB ont souscrit, le 19 juin 1996, à effet au 1er janvier 1996, un contrat d’assurances auprès de la compagnie Royal & SunAlliance, à l’effet de garantir la responsabilité civile qu’elles sont susceptibles de voir engager à raison de leurs activités professionnelles relatives aux prestations informatiques et d’ingénierie.

Considérant que par lettre du 13 octobre I998, la compagnie d’assurances a, par l’intermédiaire de son courtier, dénoncé le contrat susvisé aux deux sociétés auxquelles elle a proposé un avenant excluant « les conséquences pécuniaires de la responsabilité leur incombant du fait des dommages qui trouveraient leur origine dans un dysfonctionnement provenant ou affectant des matériels électroniques ou informatiques, ainsi que des programmes et données informatiques, dès lors que ce dysfonctionnement est imputable au codage de l’année. » ;

Que cette dénonciation prive d’évidence les deux sociétés en cause de toute garantie au titre des dysfonctionnements informatiques résultant du passage à l’an 2000 et qui concerne la majeure partie de leur activité.

Considérant qu’il est constant qu’en raison de la proximité de la date de réalisation possible du risque assuré, les deux sociétés se sont vues refuser, par les assureurs qu’elles ont contactés, la prise en charge de ce risque, lesdits assureurs refusant sur ce point tout nouvel assuré ; que cette absence de garantie compromet gravement leurs activités tant futures que passées, certaines entreprises ayant déjà fait connaître qu’en dépit de la satisfaction qu’elles tirent des prestations fournies, elles seraient amenées à mettre un terme aux relations contractuelles en raison de l’absence de couverture d’assurances ; que la conclusion des contrats nouveaux s’en trouve affectée.

Considérant que si la dénonciation de la police d’assurances par la société Royal & SunAlliance est intervenue dans les délais contractuellement prévus, en respectant le préavis de deux mois, lesquelles stipulations sont au surplus conformes aux dispositions légales, il convient cependant de relever que la compagnie d’assurance, lorsqu’elle a accepté d’assurer les deux sociétés, sur des déclarations dont la sincérité n’est pas en cause, connaissait parfaitement la nature exacte de l’activité développée par ces dernières ; qu’elle n’ignorait pas, en 1996, comme l’ensemble des professionnels, les problèmes techniques que posait ou pourrait poser le passage à l’an 2 000 pour l’ensemble des matériels informatiques et des prestataires de services, en raison du codage de l’année universellement adopté ; qu’elle n’en a pas moins, à cette époque, alors que le problème était d’ores et déjà connu, accepté de garantir lesdites sociétés pour leurs activités, les confortant dans leur projet d’entreprendre d’importants investissements afin de développer leurs activités et les incitant, manifestement, à ne pas se retourner vers d’autres assureurs concurrents ;

Qu’en raison de ces circonstances, les sociétés appelantes pouvaient légitimement espérer plus de constance de la part de la compagnie Royal & SunAlliance à qui elles faisaient une totale confiance ;

Que le dommage imminent, au sens de l’article 873 du nouveau code de procédure civile précité, procède suffisamment de la privation de garantie, intervenue dans les conditions spécifiques qui viennent d’être exposées, et de la perte consécutive de clients, tant nouveaux que passés, susceptible d’en résulter, les attestations des sociétés Producta, d’avril 1999, Daumas Authernan, du 22 avril 1999, et Euriware justifiant des craintes exprimées par les deux sociétés ;

Que le dommage imminent, qui doit s’apprécier en soi et non, contrairement à ce que soutient l’intimée, « au regard d’un fait fautif imputé au défendeur présenté comme l’auteur prétendu du dommage qui serait avéré », est, en l’espèce, amplement caractérisé ;

Qu il convient, en conséquence, à titre conservatoire, de proroger les effets du contrat d’assurances jusqu’à ce que les sociétés appelantes soient en mesure de souscrire un nouveau contrat ;

Que la société Royal & SunAlliance invoque en vain, pour les raisons susdites, le fait qu’elle aurait découvert l’importance du risque en 1998 et qu’elle serait seule maîtresse d’en décider, de tels arguments étant sans influence sur l’existence du dommage imminent invoqué et sur la nécessité de prendre des mesures à titre conservatoire pour éviter sa réalisation ;

Que l’ordonnance entreprise doit donc être infirmée.

Considérant qu’il convient, par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, d’allouer aux sociétés Trésis et IPIB une indemnité pour leurs frais irrépétibles d’instance ; que la société Royal & SunAlliance qui succombe doit être déboutée de la demande qu’elle a formulée de ce chef.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme la décision entreprise et statuant de nouveau :

Proroge les effets du contrat d’assurances n° RCP 120477 après le 1er janvier 1999, jusqu’à ce que les sociétés Trésis et IPIB aient pu souscrire un nouveau contrat d’assurances ;

Condamne la société Royal & SunAlliance à payer aux sociétés Trésis et IPIB la somme de 5 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Royal & SunAlliance aux entiers dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

La Cour : Mme Marais (Président) ; Mmes Charoy et Cabat (Conseillers).

Avoués et avocats : Me Hardouin-Herscovici ; Me Y. Bismuth / SCP d’Auriac-Guizard ; Me Lacan.

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