Jurisprudence : Diffamation
Cour d’appel de Paris 4ème chambre, section A Arrêt du 26 avril 2006
Universeal International / Oneseal
concurrence déloyale - courrier électronique - dénigrement - diffamation
FAITS ET PROCEDURE
Vu l’appel interjeté par la société Universeal International, ci-après, Universeal, du jugement rendu le 1er avril 2005 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
– dit que la société Universeal a commis des actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de la société de droit danois Oneseal,
– interdit à la société Universeal de renouveler un tel acte de dénigrement, sous astreinte provisoire de 5000 € par infraction constatée, passé le délai de 48 heures après la signification du jugement,
– condamné la société Universeal à payer à la société Oneseal en réparation du préjudice subi la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts,
– condamné la société Universeal à verser à la société Oneseal la somme de 7000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc ainsi qu’aux dépens ;
Vu les dernières écritures signifiées le 2 mars 2006 par lesquelles la société Universeal, poursuivant la réformation du jugement entrepris, demande à la cour aux termes de « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du ncpc, de :
– débouter la société Oneseal de l’ensemble de ses demandes,
– accueillir sa demande reconventionnelle et condamner la société Oneseal à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour avoir jeté le discrédit sur sa réputation,
– autoriser la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix, aux frais avancés par la société Oneseal, le coût de chaque insertion ne pouvant excéder la somme de 3000 €,
– condamner la société Oneseal à lui verser la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du ncpc ainsi qu’aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 mars 2006 aux termes desquelles la société de droit danois Oneseal prie la cour de confirmer le jugement déféré sauf sur le montant des dommages-intérêts, réclamant l’allocation des sommes suivantes :
– 5000 € à titre de dommages-intérêts pour acte de dénigrement,
– 100 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– 7000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;
DISCUSSION
Considérant que la société de droit danois Oneseal et la société Universeal sont concurrentes sur le marché de la fabrication de scellés de haute protection et adhérent à l’Association internationale de fabricants de scellés dit Isma qui a mis au point un code de déontologie imposant à chacun de ses membres d’agir avec honnêteté et intégrité et d’éviter tout conflit d’intérêt présent ou futur dans les relations personnelles et professionnelles ;
Que le 22 mars 2004, l’un des dirigeants de la société Universeal, Claude W., a adressé un e-mail à « Pascal B., Stephen C., John M., LIJ, Alex C., noboru » relatant un test officiel réalisé par les douanes britanniques, dont la conclusion est que le modèle flexible Oneseal n’est pas en conformité avec la norme Iso/Pas 17712 ; qu’il poursuivait en indiquant :
« Je pense qu’il s’agit d’une nouvelle accablante pour Oneseal. Cette information est officielle, vous pouvez la communiquer à toute personne intéressée (clients, douanes, etc) et l’évoquer librement » ;
Que ce document relate ensuite les résultats des tests pour conclure :
« Visiblement, ces tests révèlent que le produit Oneseal le plus populaire n’est pas conforme -loin de là- à la norme Iso/PS » ;
Qu’estimant que le contenu de ce courriel était destiné à jeter le discrédit sur elle, à travers ses produits en répandant des informations malveillantes à son égard, la société Oneseal a assigné la société Universeal devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir constater des actes de concurrence déloyale par dénigrement ;
Sur les acte de concurrence déloyale
Considérant que la société Universeal, critiquant le jugement entrepris, soutient que les tests ont été commandés pour répondre aux déclarations trompeuses de la société Oneseal et que l’e-mail était interne au groupe Universeal, de sorte que la preuve du caractère public du dénigrement n’est pas rapportée ;
Mais considérant que la société Universeal prétend vainement que cet e-mail a été adressé aux seuls responsables du groupe désignés nommément en entête alors qu’au contraire son rédacteur invite les destinataires à communiquer l’information qui y est contenue à toute personne intéressée (clients, douanes, etc), ajoutant que l’information de la Ssta est officielle et peut être évoquée librement ; que la société Universeal reconnaît dans ses écritures que le contenu de ce courriel a été connu d’un client de la société Universeal UK, l’armateur canadien CP-Ships, peu important que la demande en ait été faite par ce tiers ; que le caractère public de la diffusion est donc établi ;
Considérant que le contenu de ce courriel, qui traduit une pratique contraire aux règles loyales de la concurrence, est constitutif de dénigrement à l’encontre des produits de la société Oneseal qu’il qualifie de non conformes à la norme en vigueur ; qu’en effet, à supposer même que les scellés, objet des tests, ne répondent pas aux critères exigés par les normes applicables, le responsable de la société Universeal procède par des affirmations mensongères sur la nature du test et l’autorité qui l’a demandé dans le dessein de lui conférer une portée incontestable, en annonçant qu’il s’agit d’un test officiel réalisé par les douanes britanniques, alors qu’il a été initié par elle-même afin de démontrer que les publicités faites par la société Oneseal sur son site internet étaient trompeuses et dans le seul but de les comparer à ses propres produits ;
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a retenu que la société Universeal avait commis des actes de dénigrements constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de la société Oneseal ;
Sur le préjudice
Considérant qu’en l’absence de tout document comptable de nature à rapporter la preuve d’une diminution de sa capacité de concurrence en relation avec la diffusion de l’e-mail litigieux, le trouble commercial subi par la société Oneseal ensuite des actes de dénigrement a été exactement réparé par l’allocation d’une indemnité de 10 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Que la mesure d’interdiction prononcée par les premiers juges pour mettre un terme aux agissements illicites doit également être confirmée ;
Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Universeal, sa demande de publication ainsi que celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du ncpc ;
Qu’en revanche, il sera fait application de ce texte au profit de la société Oneseal, la somme complémentaire de 7000 € devant lui être allouée à ce titre ;
DECISION
Par ces motifs ;
. Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
. Condamne la société Universeal International à verser à la société Oneseal la somme complémentaire de 7000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc,
. Condamne la société Universeal International aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du ncpc.
La cour : M. Carre Pierrat (président), Mmes Marie Gabrielle Magueur et Dominique Rosenthal Rolland (conseillers)
Avocats : Me Claude Rodhain, Me Liliane Saber
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