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Jurisprudence : Jurisprudences

mardi 04 février 2020
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Cour d’appel de Paris, arrêt du 29 octobre 2019

Contexte / M. X. et Euractiv.com

contrefaçon de marque - licence - presse en ligne - site internet

La société de droit anglais Euractiv.com exploite et édite un réseau de médias en ligne gratuits consacrés aux politiques européennes, consultables à l’adresse www.euractiv.com.

Elle indique exploiter pour cette activité la marque verbale internationale ‘Euractiv’ no 712539 déposée par son dirigeant M. X.

Elle a consenti en 2006 un contrat de franchise à la société française Acteurs d’Europe alors en cours de constitution, l’autorisant à exploiter le concept du site euractiv.com, la marque ‘Euractiv’ et le nom de domaine euractiv.fr.

La société Euractiv.com était actionnaire de la société Acteurs d’Europe dont le gérant et associé majoritaire (avec sa société Mogaya) était M. Y.

Les relations entre M. Y. et la société Euractiv.com se sont dégradées en 2013, et la société Euractiv.com a décidé, le 28 février 2013, de résilier le contrat de franchise dont la rupture est devenue effective le 3 septembre 2013.

Selon les explications fournies, M. Y. souhaitait élargir la ligne éditoriale du site www.euractiv.fr aux politiques françaises et le rendre payant. Face au désaccord de la société Euractiv.com, il a pris le parti de réaliser son projet avec plusieurs salariés de la société Acteurs d’Europe, à travers une autre société dénommée Contexte créée le 3 septembre 2013 et il a lancé un média en ligne payant consacré aux politiques françaises et européennes consultables à l’adresse www.contexte.com.

La société Acteurs d’Europe a cessé son activité et son actif, incluant le matériel informatique, les applications mobiles, les archives éditoriales, la base d’abonnés newsletters et la base commerciale, a été vendu sous forme de lots sans décision de dissolution ou de liquidation.

Un contentieux a été engagé devant le tribunal de commerce de Paris, en septembre 2013, par la société Euractiv.com contre la société Acteurs d’Europe au sujet de la cession d’un des lots. Cette action s’est conclue par un jugement du tribunal de commerce rendu en juin 2014 qui a estimé que la demande de la société Euractiv.com était devenue sans objet.

Une autre action introduite en novembre 2013 par la société Euractiv.com devant le tribunal de commerce de Paris à l’encontre de M. Y., à qui elle reproche des fautes de gestion dans l’exercice de ses fonctions de gérant de la société Acteurs d’Europe, est actuellement pendante devant cette cour après que la société Euractiv.com ait été déboutée en première instance.

Par ailleurs, la société Euractiv.com, reprochant à la société Contexte d’avoir utilisé la marque ‘Euractiv’, en septembre 2013, pour le lancement de son nouveau média, l’a fait assigner, par exploit du 26 septembre 2014, devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

Au cours de la procédure, M. X., dirigeant de la société Euractiv.com, est intervenu volontairement au soutien des demandes de cette dernière.

Par un jugement du 21 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

• dit la société Euractiv.com et M. X. recevables à agir en contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ dont M. X. est titulaire,
• dit M. X. irrecevable à agir en concurrence déloyale,
• dit qu’en reproduisant le signe ‘Euractiv’ dans le mail du 27 septembre 2013, la société Contexte s’est rendue coupable d’acte de contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ dont la société Euractiv.com est licenciée,
• condamné la société Contexte à payer à la société Euractiv.com la somme de 15 000 euros assortie de la capitalisation des intérêts à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre,
• dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande formée à titre subsidiaire au titre de la contrefaçon par M. X.,
• débouté la société Euractiv.com de sa demande formée au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
• débouté la société Contexte de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts pour procédure abusive,
• condamné la société Contexte aux dépens et au paiement à la société Euractiv.com de la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
• ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 9 novembre 2017, la société Contexte a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses uniques conclusions transmises le 13 février 2018, la société Contexte demande à la cour :

• de ‘rejeter’ le jugement entrepris en ce qu’il a :
• dit la société Euractiv.com et M. X. recevables à agir en contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ no 712539,
• dit qu’en reproduisant le signe Euractiv dans l’email du 27 septembre 2013, la société Contexte s’est rendue coupable d’acte de contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ n° 712539,
• condamné la société Contexte à payer à la société Euractiv.com la somme de 15 000 euros, assortie de la capitalisation des intérêts, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre,
• débouté la société Contexte de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive,
• condamné la société Contexte aux dépens et au paiement à la société Euractiv.com de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuant à nouveau,

– à titre principal :

• de juger que la société Euractiv.com n’a pas qualité pour agir en son action en contrefaçon, en ce qu’elle n’est pas titulaire de la marque ‘Euractiv’,
• de juger que la société Euractiv.com ne démontre pas son intérêt à agir sur la base d’une licence d’exploitation de la marque
‘Euractiv’,
• de juger que M. X. ne démontre pas sa qualité à agir,
• en conséquence, de déclarer la société Euractiv.com et M. X. irrecevables en leur action en contrefaçon,

-à titre très subsidiaire,

• de juger que la société Euractiv.com et M. X. ne justifient pas d’actes de contrefaçon commis par la société Contexte,
• de juger que la société Euractiv.com et M. X. ne justifient pas avoir subi de préjudice,
• en conséquence, de débouter la société Euractiv.com et M. X. de l’ensemble de leurs demandes,

-à titre reconventionnel.

• de juger que la société Euractiv.com et M. X. ont abusé de leur droit d’agir en justice et ainsi fait subir à la société Contexte un préjudice financier et moral,
• en conséquence, de les condamner à lui verser solidairement la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
• en tout état de cause, de les condamner à lui payer solidairement la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs uniques conclusions transmises le 9 juillet 2018, la société Euractiv.com et M. X. demandent à la cour

à titre principal,

• de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
• dit la société Euractiv.com et M. X. recevables à agir en contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ dont M. X. est titulaire,
• dit qu’en reproduisant le signe Euractiv dans le mail du 27 septembre 2013, la société Contexte s’est rendue coupable d’acte de contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ dont la société Euractiv.com est licenciée,
• condamné la société Contexte à payer à la société Euractiv.com des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre,
• condamné la société Contexte à payer à la société Euractiv.com la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre incident

•d’émender le jugement entrepris et de fixer le montant des dommages et intérêts au titre de l’atteinte à la marque ‘Euractiv’ à hauteur de 93 500 €,
•de condamner la société Contexte à verser :
• à la société Euractiv.com la somme de 93 500 € au titre de l’atteinte à la marque ‘Euractiv’ ou, subsidiairement, 60 000 € au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
• à M. X. la somme de 93 500 € au titre de l’atteinte à la marque ‘Euractiv’,

en toute hypothèse :

• de débouter la société Contexte de l’ensemble de ses demandes,
• d’ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code de ‘procédure civile,
• de condamner la société Contexte à régler à la société Euractiv.com la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2019.

Lors de l’audience tenue le 17 septembre 2019, comme indiqué au plumitif, sur demande de la cour, le conseil de la société Euractiv.com et de M. X. a précisé que dans le dispositif de ces conclusions, la demande tendant à la condamnation de la société Contexte à payer à M. X. la somme de 93 500 € au titre de l’atteinte à la marque ‘Euractiv’ doit s’entendre comme une demande subsidiaire, telle que présentée en première instance, à la demande principale tendant à la condamnation de la société Contexte à payer à cette même somme à la société Euractiv.com au titre de l’atteinte à la marque.


DISCUSSION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non critiqués

Le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a dit M. X. irrecevable à agir en concurrence déloyale, ni en ce qu’il a rejeté la demande de la société Euractiv.com en concurrence déloyale formée à titre principal.

Dès lors, en l’absence de toute critique, le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs par adoption de ses motifs pertinents et exacts, tant en fait qu’en droit.

Sur l’action en contrefaçon de la marque verbale internationale ‘Euractiv’ n° 712539

Sur la recevabilité de l’action de M. X. et de la société Euractiv.com

La société Contexte soutient que la société Euractiv.com n’a pas qualité à agir en contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ dans la mesure où elle ne démontre pas sa qualité de licenciée exclusive de la marque, qui ne ressort nullement du contrat de franchise conclu entre les sociétés Euractiv.com et Acteurs d’Europe- contrat au demeurant non publié et qui lui est donc inopposable -, et où elle n’a pas adressé de mise en demeure préalable au titulaire de la marque dans les conditions prévues à l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle. Elle fait valoir que le défaut de qualité à agir de la société Euractiv.com ne peut être couvert par l’intervention volontaire à l’instance de M. X. qui n’établit pas être titulaire de la marque et, partant, avoir qualité à agir, et avance que la société Euractiv.com ne pouvait en aucune façon initier l’action en contrefaçon mais pouvait seulement agir par voie d’intervention.

La société Euractiv.com et M. X. demandent la confirmation du jugement pour les motifs qu’il contient et ajoutent que la formalité de publication du contrat de licence ne peut avoir d’incidence que sur l’opposabilité de ce contrat aux tiers, la société Contexte ne pouvant prétendre, en l’espèce, avoir ignoré l’existence de ce contrat, son dirigeant, M. Y., ayant été signataire, pour la société Acteurs d’Europe dont il est le gérant, du contrat de franchise portant licence d’utilisation de la marque.

L’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que ‘Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre’.

C’est par des motifs pertinent et exacts, tant en fait qu’en droit, adoptés par la cour, que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir de la société Contexte en constatant, d’une part, que M. X., par les pièces qu’il produisait, établissait sa qualité de titulaire de la marque ‘Euractiv’ et, d’autre part, que l’intervention à l’instance du titulaire de la marque aux côtés de la société Euractiv.com, au jour où le tribunal statuait, privait de fondement la fin de non-recevoir tirée de l’article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, la qualité de licenciée de la société Euractiv.com étant par ailleurs établie à suffisance par l’attestation de M. X., corroborée par le contenu du contrat de franchise consenti par la société Euractiv.com à la société Acteurs d’Europe, que la société Contexte, créée par M. Y. par ailleurs gérant de la société Acteurs d’Europe, ne pouvait ignorer.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit la société Euractiv.com et M. X. recevables à agir en contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ dont M. X. est titulaire.

Sur le bien-fondé des demandes de la société Euractiv.com en contrefaçon de la marque Euractiv

La société Contexte soutient que le tribunal a fait une mauvaise appréciation de la copie du courriel du 27 septembre 2013 adressé aux abonnés de la newsletter de la société Acteurs d’Europe, puisque le signe ‘Euractiv’ auquel il fait référence n’est pas compris dans le contenu du message envoyé mais provient d’un document produit par les demandeurs, lequel est une copie du courriel, imprimée à partir de la messagerie de la société Euractiv.com. Elle argue que le courriel litigieux ne contient en réalité aucune reprise illicite de la marque, qu’il n’y a pas d’usage à titre de marque pour désigner des services et encore moins ceux désignés par la marque opposée, que l’utilisation du terme ‘EurActiv.fr’ a pour seul objet de désigner le site internet auxquels étaient abonnés les clients de la société Acteurs d’Europe, dont elle a régulièrement acquis la base de contacts, aux fins de les informer de cette acquisition et de leur droit de s’opposer au transfert de leurs données à caractère personnel, conformément à l’article 32 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, et que toutes les mentions de la dénomination ‘EurActiv’, dans le corps du mail font référence au site internet euractiv.fr et ont pour objet de renseigner les abonnés du transfert de la base de contacts et de leur droit de se désinscrire. La société Contexte conteste le préjudice allégué par la société Euractiv.com à défaut de pièces attestant de la valeur de la marque ou des conséquences économiques des actes de contrefaçon reprochés et souligne que le préjudice invoqué ne peut être évalué sur la valeur vénale de la marque, dès lors que son modèle économique n’est pas fondé sur le prix de cession de ladite marque, mais sur les revenus susceptibles d’être engendrés par une franchise sur l’exploitation du concept du site euractiv.com. Elle estime injustifiée la somme de 15 000 € accordée par le tribunal au titre du préjudice moral.

La société Euractiv.com et M. X. répondent que l’accord de franchise qui liait la société Euractiv.com et la société Acteurs d’Europe, conférant à cette dernière un droit d’usage de la marque ‘Euractiv’ et du nom de domaine euractiv.fr a cessé le
3 septembre 2013, au terme de la période de préavis convenue contractuellement, et que le 27 septembre 2013, les dirigeants de la société Contexte ont adressé à l’ensemble des abonnés de la newsletter d’Acteurs d’Europe un courrielleur indiquant que leur abonnement était transféré à la société Contexte, dans lequel elle utilise à plusieurs reprises la marque tout en se revendiquant de celle­ ci et en se présentant comme la continuatrice de la société Euractiv.com, commettant ainsi un acte de contrefaçon au sens de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle.

Sur les actes de contrefaçon

L’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi que

‘ Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : ‘formule, façon, système, imitation, genre, méthode’, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement;

b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.’

L’article L. 713-3 du même code prévoit que :

‘ Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.’.

La marque verbale ‘Euractiv’ a été déposée pour des services des classes 35, 41 et 42, et notamment les ‘services de reporter et de journalistes, notamment commentaires sur l’actualité européenne’.

Le signe litigieux ‘euractiv.fr’ constitue un signe identique à la marque opposée ‘Euractiv’, la différence induite par l’ajout du suffixe ‘fr’ étant insignifiante et pouvant passer inaperçue aux yeux du consommateur moyen qui percevra immédiatement et seulement le terme ‘euractiv’.

La Cour de justice a dit pour droit (CJCE, 12 juin 2008, C-533/06, 02 Holdings) que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire à un tiers l’usage d’un signe identique à sa marque que si quatre conditions sont réunies : un usage de la marque dans la vie des affaires ; un usage sans le consentement du titulaire de la marque ; un usage pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; un usage qui porte atteinte à une des fonctions de la marque, qu’il s’agisse de sa fonction essentielle qui est de garantir la provenance des produits ou des services ou d’une de ses autres fonctions.

L’article 32 de la loi no 78-17du 6 janvier 1978, dite loi Informatique et Libertés, dans sa version applicable au moment de faits litigieux, prévoyait : 1.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel/a concernant est informée, sauf si elle l’a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :

1o De l’identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;

2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel/es données sont destinées ;

3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;

4o Des conséquences éventuelles, à son égard, d’un défaut de réponse ;

5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;

6° Des droits qu’elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre ;

7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d’un État non membre de la Communauté européenne.

(…)

III.- Lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au 1 dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.

(…) ‘.

Le courriel litigieux, adressé le 27 septembre 2013 aux abonnés de la newsletter d’Euractiv.fr de la société Acteurs d’Europe contient :

– un bandeau en haut avec le message ‘Votre abonnement à Euractiv.fr est transféré à Contexte ‘-puis en dessous, le texte suivant

‘ Cher monsieur…
Vous étiez jusqu’à présent abonné aux newsletters d’Euractiv.fr. Contexte, nouveau journal en ligne sur les politiques françaises et européennes, a acquis la base de contacts et vous propose de poursuivre votre abonnement.

Contexte expliqué en 1 mn : (une vidéo suit)
Le journal est en ligne en version beta disponible dès à présent. Les contenus sont accessibles gratuitement jusqu’au lancement le 15 novembre. Au-delà une partie du site sera disponible sur abonnement.

Contexte couvre à la fois des politiques publiques européennes et françaises. À Paris et Bruxelles, la rédaction est composée de l’ancienne équipe dEurActiv.fr et de journalistes experts des politiques françaises (…)

Soucieux du respect de vos droits au titre de la loi Informatique et Libertés, Contexte vous informe de votre droit de vous opposer au traitement des données vous concernant. Si vous ne souhaitez pas que vos données abonnés EurActiv.fr soient transmises à Contexte, nous vous prions de vous rendre sur cette page (en cas d’opposition vos données seront supprimées)

À bientôt sur Contexte,

M. Y., Mme Z. et Mme W. Président, Rédactrice en chef et Directrice générale Contexte ‘

– en note de bas de page : ‘Contexte SAS 2013 Contexte. Vous recevez cet email parce que vous étiez abonné à EurActiv.fr. Se désabonner (…) ‘.

La société Contexte fait valoir à juste raison que le tribunal a commis une erreur en considérant que le courriellitigieux reproduisait en haut et à gauche, au-dessus du bandeau Votre abonnement à Euractiv.fr est transféré à Contexte’, la marque ‘Euractiv’ « expressément », alors que cette reprise (sans l’ajout de « fr ») n’est due qu’au fait que le courriel produit aux débats par la société Euractiv.com devant le tribunal provenait de sa propre messagerie. La société appelante produit à titre de comparaison et de démonstration une copie de ce même courriel, imprimée à partir de sa propre messagerie, qui fait alors apparaître en haut et à gauche, au­ dessus du bandeau, le signe ‘Contexte’, ce qui confirme l’exactitude de ses dires.

L’obligation incombant à la société Contexte, en vertu de l’article 32 de la loi Informatique et Libertés, d’informer les clients de la société Acteurs d’Europe, dont elle avait acquis la base de contacts, de cette acquisition et de leur droit de s’opposer au transfert de leurs données à caractère personnel est satisfaite par la mention ‘Soucieux du respect de vos droits au titre de la loi Informatique et Libertés, Contexte vous informe de votre droit de vous opposer au traitement des données vous concernant. Si vous ne souhaitez pas que vos données abonnés EurActiv.fr soient transmises à Contexte, nous vous prions de vous rendre sur cette page (en cas d’opposition vos données seront supprimées) ‘.

Cependant, comme le tribunal l’a retenu, le courriel litigieux ne se borne pas à répondre à l’obligation invoquée par la société Contexte. Cette obligation ne lui imposait nullement, en effet, d’indiquer ‘Votre abonnement à Euractiv.fr est transféré à Contexte’,

ce qui revient à confondre le transfert de la base de données et le transfert des abonnements des clients – cette mention placée en haut du message, et dans un bandeau très visible, retenant immédiatement et nécessairement l’attention du lecteur -, ou encore }A Paris et Bruxelles, la rédaction est composée de l’ancienne équipe dEurActiv.fr et de journalistes experts des politiques françaises (…) qui, comme la mention précédente, laisse penser que la société Contexte est la continuatrice de la société Euractiv.

Ce faisant, la société Contexte se réfère à la marque ‘Euractiv’, et pas seulement au seul site internet auquel étaient abonnés les clients de la société Acteurs d’Europe. Comme le tribunal l’a jugé, la reprise du signe ‘euractiv.fr’ quand il désigne l’ancienne équipe du site euractiv.fr de la société Acteurs d’Europe et le transfert de l’abonnement fait référence à la marque sous laquelle le média en ligne était exploité. Il s’agit d’un usage de la marque dans la vie des affaires, dès lors que cet usage intervient dans le cadre de l’activité économique de la société Contexte, qui concerne des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée et cet usage porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir la provenance des produits ou des services, en faisant croire au public concerné que les services ont la même provenance.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit qu’en reproduisant le signe ‘Euractiv’ dans le courriel, la société Contexte s’est rendue l’auteur d’acte de contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ dont la société Euractiv.com est licenciée.

Sur la réparation

La société Euractiv.com fait valoir que la valeur de sa marque s’établit en France à la somme de 187 500 € et qu’elle est fondée à réclamer la moitié de cette somme, soit 93 500 € en réparation de son préjudice.

Cependant, pas plus qu’en première instance, elle ne justifie de la valeur de sa marque alors que la société appelante fait valoir à juste raison que le préjudice invoqué ne peut être évalué sur la valeur vénale de la marque, le modèle économique de la société Euractiv.com n’étant pas fondé sur le prix de cession de cette marque.

Pour autant, la contrefaçon de sa marque a incontestablement entraîné une certaine dévalorisation de celle-ci.

Il sera fait une juste appréciation du préjudice généré par la contrefaçon en allouant à la société Euractiv.com la somme de 10
000 € à titre de dommages et intérêts.

Il ne sera pas fait droit à la demande de capitalisation des intérêts formée par la société Euractiv.com, la somme allouée correspondant à l’évaluation d’un préjudice fixé à la date de cet arrêt.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur l’action subsidiaire en contrefaçon de la marque ‘Euractiv’ de M.X.

La contrefaçon alléguée à titre principal par la société Euractiv.com étant retenue, il n’y a lieu de statuer sur la demande subsidiaire présentée sur le même fondement par M. X. Le jugement est confirmé sur ce point également.

Sur l’action en concurrence déloyale et parasitaire formée à titre subsidiaire par la société Euractiv.com

La contrefaçon alléguée à titre principal par la société Euractiv.com étant retenue, il n’y a lieu de statuer sur sa demande formée, en appel, à titre subsidiaire, sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.

Sur la demande de la société Contexte pour procédure abusive

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande formée par la société Contexte, qui succombe, pour procédure abusive. Le jugement est confirmé sur ce point également et la demande en ce qu’elle serait formée au titre de la procédure d’appel est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Contexte qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société Contexte au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société Euractiv.com peut être équitablement fixée à 3 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.


DÉCISION

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société Euractiv.com et la capitalisation des intérêts,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Contexte à payer à la société Euractiv.com la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre,

Dit n’y avoir lieu à capitalisation,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande formée, à titre subsidiaire, par la société Euractiv.com en concurrence déloyale et parasitaire,

Déboute la société Contexte de sa demande pour procédure abusive,

Condamne la société Contexte aux dépens d’appel et au paiement à la société Euractiv.com de la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.


La Cour :
David Peyron (président de chambre), Isabelle Douillet (conseillère), François Thomas (conseiller), Mme KA (greffier)

Avocats : Me  Jérôme G., Me  Alexandra  Perquin, Me Nicolas D.

Source : inpi.fr

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