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Jurisprudence : Jurisprudences

vendredi 16 février 2024
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Cour d’Appel de Paris, pôle 5 – ch. 1, arrêt du 14 février 2024

Entr'Ouvert / Orange

action en contrefaçon - contrat - droit d'auteur - licence - non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle responsabilité contractuelle - responsabilité contractuelle - violation du contrat

La société Entr’Ouvert est une société coopérative de production détenue par ses dix-neuf salariés, créée le 2 septembre 2002 ayant pour activité le service informatique et notamment la réalisation de logiciels, le conseil, l’expertise et la formation.

Elle précise accompagner depuis 20 ans les collectivités locales et administrations françaises dans leur gestion de la relation dématérialisée avec les usagers en développant notamment des solutions de gestion d’identité numérique et avoir conçu un logiciel dénommé LASSO (Liberty Alliance Single Sign On), permettant la mise en place d’un système d’authentification unique, afin que l’internaute ne s’identifie qu’une seule fois pour accéder à plusieurs services ou sites en ligne, évitant ainsi d’avoir autant d’identifiants que de services en ligne.

Elle indique être seule titulaire des droits de propriété intellectuelle sur ce logiciel qu’elle exploite depuis mars 2004 et qu’elle diffuse soit sous licence libre GNU GPL version 2, soit sous licence commerciale, en contrepartie du paiement de redevances à son profit, si l’utilisation souhaitée du logiciel LASSO est incompatible avec la licence GNU GPL.

La société Orange, anciennement France Télécom, est une société française qui compte parmi les principaux opérateurs de télécommunications dans le monde.

La société Orange Business Services (« ci-après société OBS »), venant aux droits de la société Orange Applications For Business, est une filiale de la société Orange spécialisée dans la fourniture de prestations de services informatiques à destination des entreprises.

Dans le cadre d’un appel d’offre lancé fin 2005 par l’Agence pour le gouvernement de l’administration électronique (ADAE), rattachée ensuite à la Direction générale de la modernisation de l’état (DGME), en vue de la conception et de la réalisation du portail dénommé « Mon service Public » qui a fonctionné de début 2009 jusqu’au 1er juillet 2016, la société Orange a obtenu la réalisation du lot n°2, relatif à la fourniture d’une solution informatique de gestion d’identités et des moyens d’interface à destination des fournisseurs de service, au moyen d’une plate-forme logicielle dénommée Identité Management Platform (« IDMP »), intégrant le logiciel LASSO de la société Entr’Ouvert, dans sa version GNU GPL Version 2, sous licence libre.

Préalablement, la société Orange avait sollicité des propositions commerciales auprès de la société Entr’Ouvert concernant le logiciel LASSO et, notamment, une proposition commerciale concernant le projet « Mon service public », du 5 janvier 2005 ainsi que des formations et renseignements techniques et pratiques sur ce dernier.

La société Entr’Ouvert estimant que la mise à disposition du logiciel LASSO par la société Orange dans le cadre du projet « Mon Service Public », n’était pas conforme aux stipulations de la licence libre, a fait procéder suivant procès-verbal des 22 et 27 avril 2011, aÌ une saisie-contrefaçon au siège de la société Orange, puis l’a par acte du 29 avril 2011 fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et parasitisme.

La société Orange Applications For Business, aux droits de laquelle se trouve la société OBS, est intervenue volontairement à la procédure.

Par une ordonnance du 31 mai 2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. Cozien en qualité d’expert judiciaire, qui a déposé son rapport le 23 octobre 2017.

Le juge chargé du contrôle des expertises a, le 26 mars 2016, rejeté la demande des sociétés Orange de voir modifier la mission d’expertise et voir ordonner une mesure de confidentialité, puis, saisi à nouveau, a débouté les mêmes par ordonnance du 5 mai 2017 de leurs demandes relatives à l’expertise et aux conditions de son déroulement.

Par un jugement du 21 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

– dit sans objet la demande tendant « au prononcé de la validité du rapport d’expertise »,
– dit n’y avoir lieu à statuer sur la validité des procès-verbaux des 22 et 27 avril 2011,
– déclaré la société Entr’Ouvert irrecevable a agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon et en ses demandes qui y sont accessoires,
– rejeté la demande de la société Entr’Ouvert au titre du parasitisme,
– rejeté la demande subsidiaire de la société Entr’Ouvert aux fins de communication de pièces comptables et financières par les défenderesses,
– condamné la société Entr’Ouvert aux dépens, y incluant les frais d’expertise,
– condamné la société Entr’Ouvert à payer à chacune des sociétés Orange et OAB, la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 5 septembre 2019, la société Entr’Ouvert a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 19 mars 2021, la cour d’appel de Paris (chambre 5-2) a :

– Dit sans objet la demande d’irrecevabilité à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle présentée par les sociétés Orange SA et Orange Business Services,
– Confirmé le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la société Entr’Ouvert de ses demandes sur le fondement de la concurrence parasitaire, et en ses condamnations prononcées au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile,

Y substituant et y ajoutant,
– Condamné la société Orange SA à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme,
– Débouté les sociétés Orange SA et Orange Business Services de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rejeté toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
– Condamné la société Orange SA aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais de l’expertise judiciaire, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et, vu l’article 700 de ce code, la condamne à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

La société Entr’Ouvert a formé un pourvoi en cassation (n°21-15.386) contre cet arrêt. Les sociétés Orange et OBS ont formé un pourvoi incident.

Par arrêt du 5 octobre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a :

– Cassé et annulé partiellement, mais seulement en ce qu’il a déclaré la société Entr’Ouvert irrecevable à agir en contrefaçon, l’arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
– Remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
– Condamné les sociétés Orange et Orange Business Services aux dépens ;
– En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par les sociétés Orange et Orange Business Services et les a condamnées à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 5 000 euros ;
– Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, son arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

La société Entr’Ouvert, par déclaration du 19 octobre 2022, a saisi la cour d’appel de Paris, désignée comme cour de renvoi.

Par avis du 7 février 2023, l’affaire a été fixée à bref délai pour l’audience du 19 décembre 2023, en application de l’article 905 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 2, notifiées le 31 octobre 2023, la société Entr’Ouvert, appelante, demande à la cour de :

Vu les dispositions du Code de la propriété intellectuelle sur les droits d’auteur en matière de logiciel et la contrefaçon,
Vu les conclusions et pièces versées au débat, et vu le rapport final d’expertise du 23 octobre 2017,
Vu l’Arrêt CJUE du 18 décembre 2019, affaire C-666/18 (IT Development SAS c/ Free Mobile SAS) selon lequel: «la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, (…) relève de la notion d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle au sens de la directive 2004/48 (…)»
Vu l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation (n°21-15.386) en date du 5 octobre 2022

– Déclarer que les sociétés Orange et Orange Business Services n’ont pas respecté les obligations résultant du contrat de licence GNU GPL v2 applicable au logiciel LASSO, en incorporant / encapsulant le logiciel LASSO dans un nouveau logiciel IDMP qu’elles ont commercialisé seules auprès de l’État,
– Déclarer en conséquence que ces violations de la licence GNU GPL v2 commises par les sociétés Orange et Orange Business Services sont constitutives de contrefaçons et portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société Entr’Ouvert sur son logiciel LASSO, qui est original, ce qui cause de multiples préjudices à la société Entr’Ouvert,

En conséquence,
– Infirmer le jugement du 21 juin 2019 en ce qu’il a déclaré la société Entr’Ouvert irrecevable à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon, et en ses demandes qui y sont accessoires,
– Infirmer le jugement du 21 juin 2019 en ce qu’il a condamné la société Entr’Ouvert aux dépens, y incluant les frais d’expertise, et en ce qu’il l’a condamnée à payer à chacune des sociétés Orange et OBS (devenue Orange Business Services) la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :
– Déclarer que la société Entr’Ouvert est recevable à agir en contrefaçon de son logiciel LASSO, et en ses demandes qui y sont accessoires,
– Dire et juger que les sociétés Orange et OBS (devenue Orange Business Services) se sont rendues coupables de contrefaçon du logiciel LASSO par violation du contrat de licence associé dit GNU GPL v2 en ses articles 2, 3, 4 et 10 et non-respect et son droit moral,
– Condamner in solidum les sociétés Orange et Orange Business Services à payer à la société Entr’Ouvert les sommes suivantes :
• 3 000 000 euros (trois millions d’euros) en raison des conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits d’auteur de la société Entr’Ouvert, dont le manque à gagner et la perte subis,
• 500 000 euros (cinq cent mille euros) au titre du préjudice moral subi par la société Entr’Ouvert,
• 500 000 euros (cinq cent mille euros) au titre des bénéfices réalisés par les sociétés Orange et Orange Business Services.
– Autoriser la société Entr’Ouvert à procéder à la publication de tout ou partie de la décision à intervenir après signification de l’arrêt, dans trois magazines professionnels spécialisés choisis par la société Entr’Ouvert, ainsi que sur les sites internet des sociétés Entr’Ouvert et Orange, aux frais d’Orange, dans la limite de 5 000 euros HT par publication ;
– Condamner in solidum les sociétés Orange et Orange Business Services à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 100 000 euros (cent mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’Huissiers dont ceux relatifs à la saisie-contrefaçon.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives, numérotées 2, notifiées le 13 octobre 2023, les sociétés Orange et Orange Business Services, intimées, demandent à la cour de :

Vu les articles 1156 et suivants du Code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016.
Vu l’’article L.331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 5 octobre 2022,

A titre principal,
– Débouter Entr’Ouvert de l’intégralité de ses demandes en contrefaçon de logiciel dans la mesure où elle ne justifie pas de l’originalité de la bibliothèque logicielle LASSO.

A titre subsidiaire,
– Débouter Entr’Ouvert de l’intégralité de ses demandes en ce qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un quelconque manquement d’ Orange et OBS aux stipulations de la licence GNU GPL Version 2.

A titre infiniment subsidiaire,
– Débouter Entr’Ouvert de l’intégralité de ses demandes financières en ce qu’elle ne justifie ni du principe, ni du quantum du préjudice qu’elle allègue avoir subi.
– Débouter Entr’Ouvert de sa demande de publication qui apparait manifestement disproportionnée.

En tout état de cause,
– Déclarer Entr’Ouvert irrecevable en sa demande au titre des frais irrépétibles de 1ère instance et d’appel qui a été définitivement tranchée par l’arrêt de la Cour d’appel du 19 mars 2021.
– Débouter Entr’Ouvert de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou, à tout le moins, la réduire à de plus justes proportions.
– Condamner Entr’Ouvert à payer à Orange et OBS une somme en cause d’appel sur renvoi de 5 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner Entr’Ouvert aux entiers dépens d’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023.

DISCUSSION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur l’étendue de la cassation prononcée et de la saisine de la cour de renvoi

L’article 624 du code de procédure civile dispose : “La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire”.

L’article 625 du même code prévoit: “Sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.
Elle entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Si elle en est requise, la Cour peut dans le dispositif de l’arrêt de cassation prononcer la mise hors de cause des parties dont la présence devant la cour de renvoi n’est plus nécessaire à la solution du litige”.

En l’espèce, la cassation partielle prononcée par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 octobre 2022 porte uniquement sur le chef de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 19 mars 2021 en ce qu’il déclare la société Entr’Ouvert irrecevable à agir en contrefaçon au motif que :

« Vu l’article L. 335-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, les articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle et l’article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur :
13. Selon le premier de ces textes, constitue un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle.
14. Conformément au deuxième, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l’engagement d’une action au fond, puissent, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu’une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d’échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s’y rapportant.
15. En application du troisième, les Etats membres veillent à ce que les autorités judiciaires, lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte, ou, à titre d’alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.
16. En vertu du quatrième, les Etats membres doivent protéger les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur.
17. La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18).
18. Si, selon l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d’inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que les mesures d’instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer.

19. Il s’en déduit que, dans le cas d’une d’atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s’il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon.
20. Pour déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon de droits d’auteur formées par la société Entr’Ouvert au titre de la violation du contrat de licence liant les parties, l’arrêt retient que la CJUE ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et il en déduit que, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable.
21. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

L’arrêt de la cour d’appel de Paris n’est cependant pas remis en cause en ce qu’il a confirmé le tribunal qui a :
– dit sans objet la demande tendant « au prononcé de la validité du rapport d’expertise »,
– dit n’y avoir lieu à statuer sur la validité des procès-verbaux des 22 et 27 avril 2011,
– rejeté la demande subsidiaire de la société Entr’Ouvert aux fins de communication de pieÌces comptables et financières par les défenderesses,
et en ce qu’il a :
– dit sans objet la demande d’irrecevabilité à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle présentée par les sociétés Orange SA et Orange Business Services,
– condamné la société Orange SA à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme.

Les demandes plus amples ou contraires des parties devront donc être rejetées comme ne rentrant pas dans le cadre de la saisine de cette cour de renvoi résultant de la cassation partielle de l’arrêt de la Cour de cassation du 5 octobre 2022.

Sur la recevabilité de l’action en contrefaçon

Selon l’article L. 335-3 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, constitue un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle.

Puis, en vertu de l’article 7 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l’engagement d’une action au fond, puissent, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu’une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d’échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s’y rapportant.

Et selon l’article 13 de cette même directive, les Etats membres veillent également à ce que les autorités judiciaires, lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte, ou, à titre d’alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.

Enfin, selon l’article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, les Etats membres doivent protéger les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur.

Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18).

En outre, si selon l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d’inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que les mesures d’instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer.

Il s’en déduit que, dans le cas d’une d’atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s’il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon.

En l’espèce, la société Entr’Ouvert reproche aux sociétés Orange notamment la violation des clauses du contrat de licence du programme LASSO, portant sur ses droits de propriété intellectuelle en tant que titulaire revendiqué de droits d’auteur sur ce programme, ce qui relève de la notion d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, de sorte qu’elle est recevable à agir sur le fondement de la contrefaçon alléguée de ses droits, ce qui n’est plus contesté par les sociétés Orange.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement sur ce point.

Sur la contrefaçon du logiciel LASSO

A titre liminaire, il convient de constater qu’il n’est pas contesté par les sociétés Orange que la société Entr’Ouvert est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur LASSO.

Sur l’originalité du logiciel LASSO

La société Entr’Ouvert rappelle que LASSO est un logiciel de gestion d’identité, écrit dans le langage informatique C, comprenant 591.260 lignes de codes, écrites par des développeurs pendant plus de 13 ans, qui permet la mise en place d’un système d’authentification unique (Single Sign On- SSO) afin que l’internaute ne s’identifie qu’une seule fois pour accéder à plusieurs services ou sites en ligne, évitant ainsi d’avoir autant d’identifiants que de services en ligne. Elle ajoute que son logiciel permet de concilier les nécessités d’une authentification, avec le respect de la vie privée des internautes, ces derniers pouvant décider des informations personnelles qu’ils souhaitent voir partager entre les divers services en ligne accessibles via une seule authentification.
Elle soutient que LASSO est le résultat de plusieurs choix créatifs et arbitraires qui en font son originalité, allant bien au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante ou de la simple implémentation de normes. Elle produit à ce titre deux attestations des développeurs de LASSO qui détaillent les choix créatifs opérés et citent les extraits du code source matérialisant cette originalité. La société Entr’Ouvert ajoute que le logiciel LASSO est empreint de la personnalité de son auteur car il se différencie de la plupart des logiciels SAML, en ce que, notamment il s’écarte de la plupart des concepts complexes du standard SAML simplifiant ainsi le travail d’intégration pour les non- spécialistes du domaine. Selon la société Entr’Ouvert, les caractéristiques originales de LASSO ont pour effet d’en faire un logiciel qui s’implémente facilement et rapidement dans une application, à la différence d’autres logiciels. Dès lors, selon elle, le logiciel LASSO est original dans sa composition, dans son architecture et dans son expression, au regard des apports intellectuels et efforts personnalisés qu’il implique et qu’il matérialise. Enfin, elle fait valoir que l’originalité du logiciel n’est en réalité pas contestée par Orange, sinon par simple voie d’affirmations péremptoires. Elle constate notamment que M. Hubert Bitan, docteur en droit, ingénieur Télécoms et informatique et expert en informatique consulté en sa qualité d’expert en informatique par les sociétés Orange pour établir une « note technique », a en réalité rédigé une note plus juridique que technique, ce qui n’entre pas dans le cadre de sa mission et qu’en tout état de cause, il ne peut prétendre pouvoir apprécier l’originalité du logiciel LASSO, alors qu’il reconnaît lui-même ne pas avoir examiné ses codes sources.

Les sociétés Orange et OBS font valoir que la société Entr’Ouvert échoue à caractériser l’originalité de la bibliothèque LASSO. Elles soutiennent qu’il ne suffit pas à Entr’Ouvert de justifier qu’elle a fait des choix pour concevoir et réaliser la bibliothèque LASSO, mais qu’elle doit rapporter la preuve que ces choix étaient créatifs, c’est-à-dire allant au-delà de la logique informatique, pour être éligibles à la protection du droit d’auteur. Or, selon elles, la société Entr’Ouvert se borne à procéder par voie d’affirmations en listant les prétendues différences entre la bibliothèque LASSO et « la plupart des logiciels SAML » mais n’opère aucune comparaison étayée des codes sources de la bibliothèque LASSO avec ceux d’autres bibliothèques logicielles. Les sociétés Orange et OBS estiment ainsi que la société Entr’Ouvert ne produit aucune pièce probante au soutien de ses affirmations puisqu’elle se limite à produire aux débat les codes sources de LASSO ainsi que deux attestations de ses développeurs. Elles font valoir également que les fonctionnalités d’un programme et le langage de programmation ne sauraient caractériser l’originalité pas plus que le critère de nouveauté; que la société Entr’Ouvert a été nécessairement bridée par la norme SAML v2 de la LIBERTY ALLIANCE ; qu’une interface, par essence, n’a pas vocation à être éligible à la protection au titre du droit d’auteur des logiciels ; et enfin que le temps consacré et le nombre de lignes de codes ne saurait caractériser l’originalité, démonstration qu’elles appuient d’une consultation technique établie par M. Hubert Bitan, en qualité d’expert informatique.

Sur ce, la cour rappelle qu’en vertu de l’article L.112-2 -13 du code de propriété intellectuelle, sont considérés comme œuvres de l’esprit les logiciels, y compris les matériels de conception préparatoires, mais que pour être éligible à la protection du droit d’auteur, le logiciel doit être original.

En matière de logiciel, la condition de l’originalité implique que son auteur ait fait preuve, au travers des choix opérés, d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort réside dans une structure individualisée portant la marque de son apport intellectuel.

Il appartient à la société Entr’Ouvert qui revendique l’originalité de son logiciel LASSO d’en apporter la preuve, celle-ci étant contestée par les sociétés Orange.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que LASSO est un logiciel de gestion d’identité écrit dans le langage informatique C, comprenant 591.260 lignes de code, ayant nécessité plus de dix années de travail pour ses développeurs. Il s’agit ainsi d’une bibliothèque de gestion d’identité qui permet notamment de sécuriser les accès aux applications sur les réseaux publics et privés, de simplifier l’accès aux applications et d’assurer le respect de la vie privée des personnes qui s’identifient en ligne au travers d’une authentification unique.

Il s’inscrit dans la famille des SAML (Security assertion markup language), standard ouvert informatique définissant un protocole pour échanger des informations, permettant de transférer des données d’authentification entre deux parties (le fournisseur d’identité et le fournisseur de services).

Dans ce contexte, la société Entr’Ouvert démontre que LASSO offre une interface de programmation d’application (API) qui se distingue de certains des concepts complexes du standard SAML au travers d’objets simples et génériques (login/logout/session/identité), simplifiant ainsi le travail d’intégration pour les non-spécialistes du domaine et, plutôt que de proposer une interface de programmation d’application modelée sur le format des messages échangés, il offre une API « moyen niveau » qui suit le flux « métier » des échanges. Il simplifie par ailleurs les aspects de la persistance (soit la partie du programme qui écrit des données sur un stockage persistant) pour que le programme puisse continuer son travail en cas d’arrêt et s’appuie ainsi pour cela sur deux chaînes de caractère, la sérialisation de l’objet LassoSession (assertions reçues au cours de la session authentification en cours) et la sérialisation de l’objet LassoIdentity (persistance des informations de l’utilisateur au cours de plusieurs sessions, telles que son NameID, [identificateur de nom ]).

A l’occasion de la certification SAML de LASSO, il a pu être écrit dans la presse spécialisée « contrairement à la plupart des implémentations de Liberty Alliance, Lasso n’est pas limité aux plateformes Java/JEE, Lasso propose un interfaçage avec les langages C, Java, PHP, Perl et Python, ce qui facilite l’intégration dans la réalité hétérogène des systèmes informatiques. Lasso fonctionne sous GNU/Linux, Windows, Mac OS X et les autres systèmes de type UNIX. Lasso repose sur des bibliothèques standards et performantes (libxml2, xmlsec, OpenSSL) et peut ainsi supporter des charges extrêmement importantes. »

Ainsi, les caractéristiques originales de LASSO, qui ne se limitent pas à ses fonctionnalités ou à son langage de programmation, ont pour effet d’en faire un logiciel qui s’implémente facilement et rapidement dans une application, à la différence d’autres logiciels.

Par ailleurs, outre que la société Entr’Ouvert a communiqué l’intégralité du code source de son logiciel, elle verse également aux débats les attestations de deux des développeurs de LASSO qui détaillent l’originalité du logiciel en s’appuyant sur des extraits du code source.

Si la valeur probante de ces attestations est remise en cause par les intimées qui soutiennent que la société Entr’Ouvert ne peut se constituer une preuve à elle-même, il n’en demeure pas moins qu’en tant que développeurs de LASSO ces deux salariés sont les mieux à même d’en décrire les caractéristiques originales comme tout auteur d’une œuvre, de sorte que ces attestations doivent être prises en compte, et ce d’autant que les sociétés Orange ne démontrent nullement que leur contenu serait erroné.

Ainsi, M. P. atteste de ce que « le logiciel LASSO est le résultat de choix arbitraires allant bien au-delà de la simple implémentation de normes ( telles que les protocoles SAML ou ID-FF 1.2) et au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante. Nous avons fait des centaines de choix dans la conception et le développement du logiciel. Les exemples ci-après témoignent de certains de ces choix arbitraires (…) :
– « Ne pas inclure de couche transport dans la bibliothèque » : « Dans une application exploitant LASSO, on voit ci-dessous les appels Lasso et que les informations que la bibliothèque crée (msg_url et msg_body) sont passées à un appel de l’applicatif, qui n’est pas LASSO, appel qui est le soap_request, et que ce qui est ainsi obtenu est ensuite transmis à Lasso pour TRAITEMENT : [Citation d’extraits du code source de LASSO matérialisant ce choix]

« Une bibliothèque qui intégrerait la couche transport n’aurait pas ce découpage, ne demanderait pas à l’applicatif de gérer l’envoi de la requête SOAP. »
– « Exposer une API métier, suivant le cycle de vie applicatif (« création d’une session », « initialisation d’une requête »)»,
[Citation d’extraits du code source de LASSO matérialisant ce choix]
– Une « utilisation d’objets au travers des bibliothèques glib/gobject », [Citation d’extraits du code source de LASSO matérialisant ce choix]
– La « mise en œuvre de liaisons natives vers des langages haut-niveau (bindings), interfaces permettant d’utiliser la bibliothèque en langage C dans d’autres langages de programmation »
– La « formalisation des schémas XSD décrivant les messages à échanger sous forme de structures dédiées (XmlSnippet), »
[Citation d’extraits du code source de LASSO matérialisant ce choix] ».
M. D., autre développeur, atteste comme suit de certains des choix arbitraires qui ont guidé la conception de LASSO :
– « Définir une bibliothèque interne de macro pour la gestion mémoire, uniformisant celle- ci et limitant les erreurs de type « fuite mémoire » ou « utilisation de mémoire après libération (user after free).
[Citation d’extraits du code source de LASSO matérialisant ce choix]
Cette approche de la programmation est très importante pour un logiciel ayant une fonction de sécurité (ici l’authentification) et est un choix délibéré de nos équipes ».
– « Définir une bibliothèque interne de macro pour systématiser la gestion d’erreur » [Citation d’extraits du code source de LASSO matérialisant ce choix]
« De la même manière que pour la gestion de mémoire, l’introduction de ces macros oblige à une programmation plus structurée et plus défensive, augmentant la qualité du logiciel produit ».

L’ensemble de ces éléments n’est pas utilement contredit par les sociétés Orange.

Ainsi, si elles versent une note technique de M. Bitan réalisée non contradictoirement contestant l’originalité de LASSO à partir de certains documents, de l’expertise judiciaire et des deux attestations susmentionnées, il n’est nullement établi que ce dernier a effectivement analysé son code source, ce qui limite la portée des critiques qu’il formule notamment à l’encontre des attestations des deux développeurs ou pour en contester l’originalité.

Par ailleurs, si quelques unes des caractéristiques des composantes du logiciel étaient déjà connues, la cour rappelle que ce point ne saurait suffire à contester l’originalité de l’œuvre dans son ensemble, au regard de la combinaison spécifique et précisément revendiquée dans une expression singulière par la société Entr’Ouvert et ses développeurs.

Les intimées ne démontrent pas davantage en quoi le fait que le logiciel LASSO a fait l’objet d’une certification de conformité au protocole SAML 2.0 impliquerait qu’il ait été « bridé » par cette norme et permettrait donc de dénier toute originalité. A cet égard, la société appelante démontre que bien qu’évoluant dans un secteur nécessairement normé de système d’authentification unique, elle a effectué des choix de programmation arbitraires et créatifs, qui lui ont permis de se démarquer dans ce domaine, ce dont atteste au demeurant le choix des sociétés Orange de recourir spécifiquement à LASSO dans le cadre de leur participation à la conception du portail « Mon service public ».

Les sociétés Orange ne peuvent davantage être suivies quand elles invoquent des décisions de justice ayant dénié toute originalité à des interfaces graphiques qui se distinguent du logiciel LASSO, qui ne se résume au demeurant pas à sa seule interface de programmation (API).

Enfin, contrairement à ce que plaident les sociétés Orange, l’originalité telle que revendiquée ne repose nullement uniquement sur le temps passé pour la conception du logiciel, le nombre de ses lignes de code, les fonctionnalités ou le langage de programmation de LASSO, ni même sur sa « nouveauté ».

La cour retient en conséquence que la société Entr’Ouvert démontre que le logiciel LASSO est original dans sa composition, son architecture et son expression au regard des apports intellectuels et personnalisés qu’il comporte et matérialise et qu’il est donc le résultat de choix créatifs et arbitraires, allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante. Il est donc éligible à la protection par le droit d’auteur.

Sur les actes constitutifs de contrefaçon

La société Entr’Ouvert soutient que le non-respect du contrat de licence par les sociétés Orange est constitutif de contrefaçon, rappelant la décision de la Cour de cassation intervenue dans la présente affaire notamment. Elle fait valoir qu’en l’espèce, le logiciel LASSO est intégré dans le logiciel IDMP commercialisé par Orange auprès de l’État pour la réalisation du portail « mon service Public », tel que constaté dans le rapport d’expertise judiciaire. Elle rappelle à ce titre que c’est en vain que les intimées soutiennent que le rapport d’expertise serait dénué de toute force probante, ce rapport étant le résultat d’une expertise longue de 4 ans et demi, au cours de laquelle les intimées ont soulevé plusieurs incidents, afin de remettre en cause l’expert et sa mission, et ont été déboutées à deux reprises par le juge chargé du contrôle de l’expertise par deux ordonnances des 25 mars 2016 et 5 mai 2017 des diverses demandes et contestations émises.
La société Entr’Ouvert estime qu’Orange a violé les articles 2, 3, 4 et 10 du contrat de licence GNU GPL v.2 auquel est soumis le logiciel LASSO. Elle précise à ce titre que les sociétés Orange et OBS ont modifié le logiciel LASSO pour l’intégrer au sein d’IDMP et ont ainsi violé les dispositions de l’article 2 de la licence GNU GPL v2 en ne communiquant pas d’avis de modification, ni les dates de modification et en ne concédant pas IDMP, comme un tout, à titre gratuit auprès d’un tiers, à savoir l’État. Elles ont également violé, selon elle, l’article 3 de la licence en ayant distribué LASSO au sein d’IDMP après l’avoir modifié mais sans avoir communiqué l’intégralité du code source de LASSO, ce qui est reconnu et admis par ORANGE et OBS, et en ne proposant pas de fournir à un tiers une copie intégrale du code source. Elle plaide que les sociétés Orange ont violé également les articles 4 et 10 du contrat de licence du fait de l’incompatibilité entre la licence GNU GPL v2 et de la distribution d’IDMP effectuée par les intimées auprès de l’État, l’environnement propriétaire d’IDMP étant incompatible avec cette licence gratuite, ce que la proposition commerciale qu’elle avait adressée à la société ORANGE le 5 janvier 2005 dans le cadre du projet « mon service public » mentionnait. Enfin, la société Entr’Ouvert soutient que les intimées ont violé son droit moral d’auteur sur ce logiciel, notamment en distribuant LASSO, à travers IDMP, uniquement sous le nom de « France Telecom » et en ayant sciemment dissimulé auprès de l’État l’étendue du rôle de LASSO dans IDMP, donc sans respecter son droit à la paternité.

Les sociétés Orange et OBS font d’abord valoir que la licence GNU GPL version 2 a été rédigée sur la base du droit américain et contredit certains principes d’ordre public du droit de la propriété intellectuelle française, qu’elle fait référence à des notions inconnues du droit français et que son texte comporte de nombreuses ambiguïtés, de sorte que la cour doit interpréter la licence selon les principes édictés aux articles 1156 et suivants du code civil et en leur faveur.
Par ailleurs, elles soutiennent que la société Entr’Ouvert ne rapporte pas la preuve qu’elles auraient manqué à l’une des stipulations de la licence, la seule preuve sur laquelle s’appuie Entr’Ouvert étant le rapport d’expertise dont elles contestent le déroulement des opérations et la valeur probante. Les sociétés Orange et OBS font valoir à ce titre que l’expert n’a pas motivé ses avis sur la base de constatations objectives, faits et analyses, que le rapport comporte de nombreuses contradictions, imprécisions et approximations et qu’il ne répond pas à leur dire récapitulatif. Les sociétés Orange estiment également que les réponses de l’expert aux chefs de sa mission sont critiquables et qu’il n’a pas notamment décrit les fonctionnalités d’IDMP (seul) et de LASSO, qu’il n’a pas explicité les complémentarités qui existeraient entre IDMP et LASSO ou leur fonctionnement éventuellement indépendant ou encore les interactions existantes, ni n’a établi les modifications qu’elles auraient apportées au code source de LASSO.
Elles ajoutent que la société Entr’Ouvert ne justifie pas d’un quelconque manquement de leur part aux stipulations de la licence GNU GPL V2. A ce titre, elles soulignent notamment qu’elles n’ont pas violé l’article 2 de la licence dans la mesure où la plateforme IDMP et la bibliothèque LASSO sont indépendantes au sens de la licence GNU GPL V2, et où les avis de modification ont été publiés, qu’elles n’avaient pas l’obligation de communiquer le code source de la bibliothèque LASSO dans la mesure où elles ne l’ont pas distribué au sens de l’article 3 de la licence et qu’elles n’ont pas violé les articles 4 et 10 de la licence dans la mesure où elles n’ont pas incorporé LASSO dans un autre programme libre dont les conditions de distribution étaient différentes de la licence opposée.

Sur ce, les sociétés Orange consacrent de longs développements dans leurs écritures pour critiquer tant le déroulement des opérations d’expertise (problème du respect du contradictoire), que les conclusions de l’expert. Cependant, la cour constate qu’elles ont eu l’occasion de saisir, à deux reprises, le juge chargé du contrôle des expertises pour voir trancher un certain nombre de problèmes et modifier la mission de l’expert, et n’ont jamais formulé de demandes de nullité la concernant, tandis que ce dernier a regretté « la résistance des sociétés Orange à autoriser l’accès contradictoire à certaines de leurs ressources informatiques (simulateur) ainsi que leur résistance à transmettre les codes sources de IDMP en leur possession » et que, contrairement à ce qu’elles soutiennent, l’expert a bien répondu à leur dire récapitulatif dans son rapport (page 31 et suivantes du rapport).
Elles ne sont donc pas fondées à soutenir, de manière générale, que ce dernier serait dénué de « toute force probante », la cour constatant qu’aucune demande n’est formulée à son égard dans le dispositif de leurs conclusions et appréciera la pertinence des différents points en débat, dans le cadre de l’examen au fond des griefs formulés par la société Entr’Ouvert contre les sociétés Orange.

De même, si les sociétés Orange attirent l’attention de la cour sur le fait que la licence en cause était rédigée originellement en anglais et a fait l’objet d’une traduction en français, elles ne démontrent nullement que la traduction telle que produite ne serait pas conforme. En outre, afin d’éviter toute ambiguïté, la cour reproduira en tant que de besoin les stipulations discutées également en anglais.

Enfin, les société Orange font valoir de manière générale dans leurs écritures que ce contrat de licence a été rédigé sur la base du droit américain et « contredit certains principes d’ordre public du droit de la propriété intellectuelle française », mais ne précisent cependant pas les stipulations concernées ni n’en tirent aucune demande dans le dispositif de leurs conclusions, ne mettant pas la cour en mesure d’examiner ce moyen.

Au titre des faits de contrefaçon, la société Entr’Ouvert invoque trois violations du contrat de licence qu’il convient d’examiner comme suit, étant rappelé que le logiciel LASSO peut soit être exploité sous licence dite GNU GPL v2, licence « libre » et gratuite, soit sous licence commerciale si l’utilisation souhaitée n’est pas compatible avec les conditions imposées par cette licence libre.

Sur le non-respect de l’article 2 du contrat de licence GNU GPL v2

L’article 2 du contrat de licence stipule que : « Vous pouvez modifier votre copie ou des copies du Programme [sous licence GNU GPL] ou n’importe quelle partie de celui-ci, créant ainsi un ouvrage fondé sur le Programme, [you may modify your copy or copies of the program or any portion of investissement, thus forming a work based on the Program] et copier et distribuer de telles modifications ou ouvrage selon les termes de l’Article 1 ci-dessus, à condition de vous conformer également à chacune des obligations suivantes :
a) Vous devez munir les fichiers modifiés d’avis bien visibles stipulant que vous avez modifié ces fichiers, ainsi que la date de chaque modification ;
b) Vous devez prendre les dispositions nécessaires pour que tout ouvrage que vous distribuez ou publiez, et qui, en totalité ou en partie, contient ou est fondé sur le Programme – ou une partie quelconque de ce dernier – soit concédé comme un tout, à titre gratuit, [you must cause any work that you distribute or publish, that in whole or in parts contains or is derived from the Program or any part thereof, to be licensed as o whole at no charge to all third parties under the termes of this license] à n’importe quel tiers, au titre des conditions de la présente Licence.
c) Si le programme modifié lit habituellement des instructions de façon interactive lorsqu’on l’exécute, vous devez, quand il commence son exécution pour ladite utilisation interactive de la manière la plus usuelle, faire en sorte qu’il imprime ou affiche une annonce comprenant un avis de droit d’auteur ad hoc, et un avis stipulant qu’il n’y a pas de garantie (ou bien indiquant que c’est vous qui fournissez la garantie), et que les utilisateurs peuvent redistribuer le programme en respectant les présentes obligations, et expliquant à l’utilisateur comment voir une copie de la présente Licence.

Ces obligations s’appliquent à l’œuvre modifiée dans son ensemble. Si des éléments identifiables de cette œuvre ne sont pas dérivés du programme et peuvent raisonnablement être considérés comme des œuvres indépendantes et distinctes en elles-mêmes, alors la présente licence et ses conditions ne s’appliquent pas à ces éléments lorsque vous les distribuez en tant qu’œuvres distinctes. Mais lorsque vous distribuez ces mêmes éléments comme partie d’un tout qui est une œuvre fondée sur le programme, la distribution de ce tout doit être soumise aux conditions de la présente licence [But when you distribute the same sections as part of a whole which is a work based on the program, the distribution of the whole must be on the terms of this license] et les autorisations qu’elle octroie aux autres licenciés s’étendent à l’ensemble de l’œuvre et donc à chaque et toute partie indifféremment de qui l’a écrite. Par conséquent, l’objet du présent article n’est pas de revendiquer des droits ou de contester vos droits sur un ouvrage entièrement écrit par vous ; son objet est plutôt d’exercer le droit de contrôler la distribution d’ouvrages dérivés ou d’ouvrages collectifs fondés sur le programme (…) »

Il n’est pas contesté par les sociétés Orange que le logiciel LASSO a été utilisé pour la conception du portail « Mon service public » (pièce 9 des sociétés Orange) ayant été intégré dans la plate-forme IDMP, ce que l’expert a, au demeurant, constaté dans le cadre de ses opérations, de sorte qu’IDMP contient le programme LASSO au sens du contrat de licence.

Les sociétés Orange estiment cependant ne pas avoir violé le contrat de licence dans la mesure où, selon elles, IDMP n’est pas « fondé » sur LASSO au sens de ce contrat, IDMP et LASSO fonctionnant de manière indépendante.
Or sur ce point, l’expert a clairement relevé que le logiciel LASSO représentait 57% de la plateforme IDMP, que « IDMP/MSP [Mon service public] ne saurait fonctionner sans LASSO. Les liens sont multiples et profonds. IDMP, dans le cadre de MSP est totalement dépendant de la présence de LASSO », que « cette dépendance est transversale et elle début dès la conception du code source pour se poursuivre lors de la pré-compilation, de la compilation et de l’usage d’IDMP (…) LASSO offre à IDMP une nouvelle fonctionnalité », ajoutant pour marquer son désaccord avec les sociétés Orange qu’en
« l’absence à la fois de LASSO et de tout dispositif équivalent de secours, les cas d’usages décrits par les dossiers de spécification et de conception indiquent clairement que l’utilisateur ne sera pas dument authentifié puisque sa connexion ne sera pas conforme aux contraintes de sécurité. Cette absence d’authentification a alors comme conséquence l’impossibilité d’accéder aux services idoines. (…) LASSO et IDMP n’existent pas côte à côte de façon séparée et indépendante. En réalité LASSO est encapsulé dans au moins un des composants de IDMP et d’autres, ont, dès le code source, des liens de dépendance extrêmement forts. IDMP/MSP s’appuient entièrement sur LASSO. De ce point de vue l’interaction est totale et permanente »

A cet égard, si les sociétés Orange critiquent les conclusions de l’expert estimant que ce dernier n’a pas répondu à sa mission en ne décrivant notamment pas les fonctionnalités d’IDMP seul, les complémentarités, liens ou interactions existant avec LASSO, la cour considère que ses conclusions telles que reprises, dont la validité n’est remise en cause par aucun élément de preuve tangible, et notamment la note de M. Bitan qui s’est contenté de commenter les conclusions de l’expert sans se livrer à un examen des logiciels en cause, permettent de caractériser, sans ambiguïté, les fonctions de ces logiciels, leurs liens et complémentarité, l’absence de LASSO ne permettant plus l’authentification sécurisée de l’utilisateur, sa connexion n’étant alors pas conforme aux contraintes de sécurité, ni donc son accès aux services recherchés, alors qu’IDMP vise précisément à permettre cette authentification à des services administratifs en ligne. De même, les sociétés intimées ne peuvent être suivies lorsqu’elles soutiennent que l’expert procède à un raisonnement par évidence, et non par démonstration, au regard des réponses étayées et précises apportées aux questions posées par le juge de la mise en état dans son ordonnance, à la suite de nombreuses réunions d’expertise.

Il convient donc de retenir que IDMP est effectivement « fondé », au sens du contrat de licence sur le logiciel LASSO.
Par ailleurs, les sociétés Orange n’ont jamais distribué les différents logiciels intégrés dans IDMP comme des « œuvres distinctes ».

L’expert a par ailleurs constaté que les sociétés Orange et OBS ont modifié le logiciel LASSO pour l’intégrer au sein de la plate-forme logicielle IDMP, l’expert notant que, pour les deux versions de LASSO utilisées pour la réalisation de IDMP « il est mis en évidence de nombreuses modifications entre les versions développées par Entr’Ouvert et celles transmises dans le cadre de la présente expertise et donc utilisées au sein d’IDMP », ajoutant dans ses conclusions «la quantité et l’importance de ces modifications (…) apparaît comme considérable. (…) Ce sont ces résultats qu’Entr’Ouvert avait produit en annexe 1 de son dire n°10. Orange et OAB n’ont pas commenté cette annexe et n’ont, au long de l’expertise jamais apporté d’information quant à ces modifications. Ainsi, il nous apparaît que le code source de LASSO dans sa version 2.2.90 a été substantiellement modifiée en 2010. Ces modifications sont un marqueur très fort, dans le monde du logiciel libre, des notions de « distribution » et de « redistribution » et cela aura vraisemblablement un impact lors de l’examen des différentes licences. En effet, de façon évidente, le code source de LASSO a été modifié en quantité et en profondeur afin de le rendre utilisable par IDMP. Ou, plus précisément de permettre aux fournisseurs de services externes d’accéder et bénéficier du protocole de sécurité SAML (embarqué par LASSO) à travers le gestionnaire d’identité IDMP.»

Si les sociétés Orange critiquent également les opérations et les conclusions d’expertise sur ce point estimant que l’expert n’a pas établi, de manière probante, les modifications, adaptations, retraits, ajouts qui auraient été apportés au code source de LASSO, la cour retient qu’en tout état de cause, les sociétés Orange ont admis dans leurs écritures avoir procédé à des modifications du code source. Par ailleurs, si désormais devant la cour d’appel de renvoi, les sociétés Orange contestent la valeur probante des documents fournis à l’expert par la société Entr’Ouvert s’agissant de la comparaison du code source de son logiciel LASSO avec celui intégré dans IDMP, la cour constate qu’elles n’ont pas fait valoir, en temps utile, de remarques ou contestations sur ce point, alors que les opérations d’expertise ont duré près de quatre ans et demi, générant de très nombreux dires à l’expert ainsi que six réunions d’expertise. Les sociétés Orange ne démontrent au demeurant nullement que le document fourni par la société Entr’Ouvert à l’expert portant sur les modifications du code source de LASSO serait établi sur la base d’un logiciel n’ayant pas date certaine et lui enlevant toute force probante.

La cour en déduit donc que les sociétés Orange ont violé les dispositions de l’article 2 du contrat de licence, ayant procédé à des modifications de LASSO sur lequel est fondé IDMP, en ne concédant pas IDMP comme un tout gratuit auprès de l’Etat.

Sur le non-respect de l’article 3 du contrat de licence GNU GPL v2

En vertu de l’article 3 du contrat de licence : « Vous pouvez copier et distribuer [you may copy and distribute the Program (or a work based on investissement)] le Programme (ou un ouvrage fondé sur lui, selon l’Article 2) sous forme de code objet ou d’exécutable, selon les termes des Articles 1 et 2 ci-dessus, à condition que vous accomplissiez l’un des points suivants :
a) L’accompagner de l’intégralité du code source correspondant, sous une forme lisible par un ordinateur, lequel doit être distribué au titre des termes des Articles 1 et 2 ci- dessus, sur un support habituellement utilisé pour l’échange de logiciels; ou,
b) L’accompagner d’une proposition écrite, valable pendant au moins trois ans, de fournir à tout tiers, à un tarif qui ne soit pas supérieur à ce que vous coûte l’acte physique de réaliser une distribution source, une copie intégrale du code source correspondant sous une forme lisible par un ordinateur, qui sera distribuée au titre des termes des Articles 1 et 2 ci-dessus, sur un support habituellement utilisé pour l’échange de logiciels; ou,
c) L’accompagner des informations reçues par vous concernant la proposition de distribution du code source correspondant. (Cette solution n’est autorisée que dans le cas d’une distribution non commerciale et seulement si vous avez reçu le programme sous forme de code objet ou d’exécutable accompagné d’une telle proposition – en conformité avec le sous-Article b ci-dessus.)
Le code source d’un ouvrage désigne la forme favorite pour travailler à des modifications de cet ouvrage. Pour un ouvrage exécutable, le code source intégral désigne la totalité du code source de la totalité des modules qu’il contient, ainsi que les éventuels fichiers de définition des interfaces qui y sont associés, ainsi que les scripts utilisés pour contrôler la compilation et l’installation de l’exécutable. Cependant, par exception spéciale, le code source distribué n’est pas censé inclure quoi que ce soit de normalement distribué (que ce soit sous forme source ou binaire) avec les composants principaux (compilateur, noyau, et autre) du système d’exploitation sur lequel l’exécutable tourne, à moins que ce composant lui-même n’accompagne l’exécutable.
Si distribuer un exécutable ou un code objet consiste à offrir un accès permettant leur copie depuis un endroit particulier, alors l’offre d’un accès équivalent pour copier le code source depuis le même endroit compte comme une distribution du code source – même si les tiers ne sont pas contraints de copier le code source en même temps que le code objet.»

Il n’est pas contesté par les sociétés Orange qu’elles n’ont pas communiqué le code source de LASSO, mais elles soutiennent cependant qu’elles n’étaient pas tenues à cette communication n’ayant pas « distribué », au sens du contrat de licence, la bibliothèque LASSO.

Sur ce, il ressort des éléments versés aux débats que les sociétés Orange ont agi, dans la présente affaire, comme prestataire agissant pour le compte d’un client, soit la DGME, en lui fournissant la plate-forme IDMP qui a ensuite été exploitée sur le site internet www.mon.service.public.fr dans le cadre d’un marché public.

Aussi, la cour considère que la distribution est constituée, au sens du contrat de licence, et sans qu’il soit nécessaire de procéder à son interprétation, dans la mesure où les sociétés Orange ont vendu, livré et transféré à un tiers, l’Etat, l’ouvrage IDMP fondé sur le logiciel LASSO modifié sous licence GPL, dans le cadre de l’élaboration du site « Mon service public », pour être intégré à ce portail, ce qu’a, au demeurant, relevé l’expert dans le cadre de ses opérations.

Si, comme le plaident les sociétés Orange, elles estimaient, se basant sur des FAQ échangés dans le cadre de la communauté open source, que l’obligation de publication des codes sources d’un logiciel libre modifié ne s’applique pas lorsqu’il est utilisé par l’intermédiaire d’un site internet destiné à être exploité par le client, et non directement par elles qui n’agissaient qu’en qualité de prestataire, il leur appartenait à tout le moins, en tant que professionnelles et au vu des termes non ambigus du contrat, de se rapprocher de la société Entr’Ouvert, titulaire des droits afin de faire préciser ce point, le contrat de licence les invitant au demeurant à se rapprocher des auteurs en cas de questions quant au respect de son contenu. En outre, les différentes propositions commerciales qui leur ont été adressées dans le cadre d’une exploitation commerciale de LASSO par la société Entr’Ouvert rappelant les conditions de son utilisation à titre gratuit ou à titre payant permettaient d’écarter tout doute sur ce point.

En conséquence, il convient de retenir que les sociétés Orange n’ont pas respecté l’article 3 du contrat de licence.

Sur le non-respect des articles 4 et 10 du contrat de licence GNU GPL v2

L’article 4 du contrat de licence stipule que « vous ne pouvez copier, modifier, concéder en sous-licence, ou distribuer le Programme sauf tel qu’expressément prévu par la présente Licence » et son article 10 que « Si vous souhaitez incorporer des parties du Programme [if you wish to incorporate parts of the Program] dans d’autres programmes libres dont les conditions de distribution sont différentes, écrivez à l’auteur pour lui en demander l’autorisation »

Il ressort des constats déjà opérés que les sociétés Orange ont copié, modifié et distribué LASSO sans respecter l’ensemble des conditions du contrat licence, en violation en conséquence de l’article 4 de ce dernier.

La cour considère par ailleurs que le programme LASSO a bien été « incorporé » au sens du présent contrat de licence dans la plate-forme IDMP et sans qu’il y ait lieu à interprétation en l’absence de doute ou d’ambiguïté quant aux termes en cause, comme l’ont démontré les opérations d’expertise (l’expert mentionnant « Lasso est encapsulé dans IDMP via ‘libwassup’ et via ‘liberty_agent’ »), IDMP étant qualifié par Orange elle-même « d’environnement propriétaire » dans le code source d’IDMP saisi en 2011, les sociétés Orange ne pouvant être suivies lorsqu’elles plaident que LASSO n’a pas été « incorporé » mais qu’il s’agit d’un logiciel parmi d’autres logiciels indépendants « interfacés » avec la plate-forme IDMP.

En outre, la cour relève que dans la proposition commerciale adressée par la société Entr’Ouvert le 5 janvier 2005 à France Telecom, aux droits de la laquelle a succédé Orange, et qui concernait le projet « Mon service public » dans sa phase pilote, il était mentionné « le groupe France Telecom a été retenu par l’ADAE pour mettre en œuvre un projet de création pilote d’un nouveau service à destination des usagers de l’administration dénommé « Mon service Public ». (…) Dans le cadre ce de projet, la société Setib, filiale de France Telecom a pour mission entre autres de fournir un système d’authentification « Liberty enabled ». (…) la société Setib a émis les besoins suivants une licence d’utilisation du logiciel Lasso en environnement propriétaire non compatible avec la licence GNU GPL, afin d’implémenter la bibliothèque Lasso dans un IDP», outre des prestations de développement à mener par la société Entr’Ouvert, de sorte que, dès l’origine du projet, la non comptabilité de l’implémentation du programme LASSO au sein d’IDP avec la licence gratuite GNU GPL était connue par les intimées.

Ainsi, en incorporant LASSO dans la plate-forme IDMP, dont les conditions de distribution sont différentes et sans demander l’autorisation à la société Entr’Ouvert, les sociétés Orange ont violé également l’article 10 du contrat de licence.

Sur la violation du droit moral

En vertu de l’article L.121-1 du code de propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.

En l’espèce, la société Entr’Ouvert démontre que les sociétés Orange ont distribué LASSO sans respecter son droit à la paternité, l’examen par l’expert d’un des fichiers du code source démontrant la distribution d’IDMP uniquement sous le nom de « France Telecom » et ce alors que deux versions de LASSO ont été utilisées dans IDMP et ont ainsi porté atteinte à son droit moral.

Il s’évince de cet ensemble de manquements et violations des clauses du contrat de licence GNU GPL V2 du logiciel LASSO, dont les intimées avaient au demeurant connaissance au regard des propositions commerciales émises par la société Entr’Ouvert comme déjà vu, que les sociétés Orange ont commis des actes de contrefaçon portant atteintes aux droits de propriété intellectuelle de la société Entr’Ouvert.

Sur les mesures réparatrices

La société Entr’Ouvert soutient que l’utilisation de la bibliothèque LASSO par les sociétés Orange et OBS, en violation des stipulations de la licence GNU GPL Version 2, lui a occasionné des préjudices devant être indemnisés selon les modalités suivantes :
– 3 000 000 euros au titre des conséquences économiques négatives (manque à gagner sur le marché public « mon.service-public.fr », pertes subies en rapport avec ce marché);
– 500 000 euros au titre des bénéfices réalisé par Orange et OBS au regard notamment de l’ampleur de déploiement du portail « mon service public » impliquant des bénéfices considérables de 2009 à 2016 ainsi que les bénéfices promotionnels et d’image, outre les économies d’investissements réalisées;
– 500 000 euros au titre du préjudice moral (compte tenu des précédentes relations contractuelles entre les parties, de la gravité des agissements, de l’exploitation commerciale de LASSO par les intimés et du non-respect du droit à la paternité d’Entr’Ouvert sur son logiciel).
Elle sollicite également une mesure de publication.
Les sociétés Orange et OBS font valoir que les demandes exorbitantes d’Entr’Ouvert ne sont fondées, ni dans leur principe, ni dans leur quantum.

En vertu de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014, applicable au litige, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte. Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. »

A titre liminaire, la cour constate que les sociétés Orange n’ont versé aux débats que des pièces éparses et très partielles relatives au marché remporté pour la conception d’IDMP au sein du projet Mon service public, invoquant le secret d’affaires dont elles ne justifient cependant pas des conditions, telles que posées aux articles L.151-1 et suivants du code du commerce.

Consécutivement aux faits de contrefaçon commis par les sociétés Orange, la société Entr’Ouvert a d’abord subi des conséquences économiques négatives liées au manque à gagner sur le marché public « mon.service-public.fr » puisque si les sociétés Orange avaient respecté le contrat de licence et conclu une licence payante, elles auraient dû lui verser une redevance, ce qu’elles ne pouvaient ignorer au regard des différentes propositions commerciales adressées par la société Entr’Ouvert à France Telecom devenue Orange, une première proposition du 12 juillet 2004 pour une « expérimentation articulée autour de LASSO » mentionnant une exploitation sous licence GNU GPL si elle est compatible avec cette licence et, à défaut, sous licence commerciale moyennant une redevance commerciale de 10.000€ par jour, une autre proposition commerciale du 13 octobre 2004, car « France Telecom souhaite pouvoir utiliser la bibliothèque Lasso dans le cadre de différents projets », Entr’Ouvert proposant une licence commerciale non exclusive par processeur pour 80.000€, et une licence non exclusive par entreprise pour 3 millions d’euros et, enfin une proposition commerciale du 5 janvier 2005, concernant le projet « mon service public » en phase pilote dans lequel la filiale de France Telecom faisait état, comme déjà vu, de ses besoins « d’une licence d’utilisation du logiciel Lasso en environnement propriétaire non compatible avec la licence GNU GPL», dans lequel le cout de la licence n’est pas mentionné.
En outre, il ressort des opérations d’expertise que deux versions de LASSO ont été utilisées par les intimées.

Les sociétés Orange versent au demeurant au débat un mail interne de la société Entr’Ouvert en date du 16 septembre 2004 s’inscrivant manifestement dans les négociations commerciales au sujet de la licence du logiciel LASSO faisant état de deux propositions, soit « une licence Lasso illimitée à 500.000€ ( à débattre :))) » ou «une licence Lasso par utilisateurs à 0,4€ (c’est la solution que je pousserai volontiers (…) ». Elles versent également une autre proposition commerciale de la société Entr’Ouvert en date du 23 juin 2010 portant notamment sur une licence commerciale du logiciel LASSO dans le cadre de projets en cours de France Telecom pour lesquels un prix de 250.000€ est proposé.

Il doit également être tenu compte de l’ampleur du projet en cause, le portail Mon service Public, guichet unique des démarches administratives en ligne, ayant été exploité de 2009 à 2016 et présenté comme un tournant dans l’évolution de l’accès de l’administration auprès de ses usagers dans l’ère numérique, comptabilisant en 2014 260 millions de visiteurs et 10 millions de comptes ouverts, le budget relatif au fonctionnement et aux investissements liés à ce portail s’élevant en 2015 à la somme de 8,3 millions d’euros pour l’Etat, chiffres non démentis par les sociétés Orange.

Pour contester le bien-fondé de cette demande et le préjudice invoqué, les sociétés Orange ne sont pas fondées à se référer aux bénéfices ou au chiffre d’affaires réalisés par ailleurs par la société Entr’Ouvert, puisque précisément cette dernière a subi un manque à gagner lié à l’absence de toute perception de redevances en contrepartie de l’exploitation de son logiciel sur un projet de grande ampleur, ni à exiger la communication de ses comptes sociaux afin d’attester de la réalité du préjudice subi, elles-mêmes s’abstenant au demeurant de communiquer certaines données financières relatives au marché public qu’elles ont remporté.

Enfin, si les sociétés Orange soutiennent ne pas avoir « facturé » à l’Etat de licence pour l’exploitation de LASSO au sein d’IDMP, il n’en demeure pas moins qu’au regard du rôle crucial joué par LASSO au sein d’IDMP et alors qu’IDMP a bien été facturé, les intimées ont retiré des bénéfices de cette exploitation illicite. A cet égard, la seule pièce 81 versée par les intimées correspondant à un extrait très partiel du bordereau de prix établi dans le cadre du marché public IDMP et faisant état d’une somme de 239.200€ correspondant à la ligne de budget « progiciels spécifiques-licence libératoire » ne permet nullement de retenir que les bénéfices seraient limités à ce montant.

Dans ce même contexte, l’exploitation gratuite du logiciel LASSO par les sociétés Orange a généré nécessairement des bénéfices pour ce marché public de grande ampleur qui a perduré pendant 7 ans, outre les retombées en termes d’image, ce portail ayant été primé. Cette exploitation leur a permis de profiter d’économies d’investissement, puisqu’en exploitant gratuitement le logiciel LASSO qui leur permettait de remplir les standards de sécurité exigés par l’ADAE, les sociétés Orange ont pu économiser des frais de recherches et développement, la société Entr’Ouvert précisant, sans être démentie, que ce logiciel a nécessité treize années de travail, ayant été certifié en 2006 conforme aux standards de sécurité fixés par la Liberty Alliance. Il doit cependant être pris en compte le fait que la société Entr’Ouvert a déjà été indemnisée au titre du parasitisme, la cour, dans son arrêt du 19 mars 2021, ayant jugé de manière définitive que la société Orange « a, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert » et lui a alloué à ce titre une somme de 150.000€, de sorte que celle-ci n’est pas fondée à voir indemniser deux fois le même préjudice au titre des économies d’investissements.

Enfin, la société Entr’Ouvert a subi un préjudice moral conséquent, compte tenu des précédentes relations contractuelles ayant pu lier les parties, outre l’absence de toute référence au nom de la société Entr’Ouvert dans le code source d’IDMP, emportant violation du respect du droit à la paternité de son créateur d’autant plus préjudiciable que ce projet a bénéficié d’une renommée incontestable, préjudice qui ne peut être compensé par le fait que, dans son seul acte d’engagement dans le cadre du marché public, la société Orange a mentionné l’existence de LASSO de la société Entr’Ouvert au sein de la plate- forme IDMP.
Par là même, l’appelante du fait des agissements des sociétés Orange, a perdu une chance de pouvoir revendiquer être un acteur notable sur le marché de la gestion des identités numériques, alors en plein essor.

Il doit cependant être pris en compte le fait que le marché public remporté par les sociétés Orange ne portait pas sur l’ensemble du portail mais uniquement sur le lot n°2 relatif à la fourniture d’une solution informatique de gestion d’identités et des moyens d’interface à destination des fournisseurs de service, soit la plate-forme logicielle IDMP, le projet étant divisé en deux lots, le lot n°1 étant lui-même subdivisé en trois lots. Il n’est pas davantage contesté qu’IDMP intègre également d’autres logiciels ( Wassup, Liberty, Authent ou Refresh)
Par ailleurs, comme il a été vu, la société Entr’Ouvert a déjà été indemnisée sur le terrain au titre du parasitisme.

En conséquence, au vu de cet ensemble d’éléments examinés distinctement, la cour dispose de suffisamment d’éléments pour chiffrer les préjudices subis par la société Entr’Ouvert consécutivement aux faits de contrefaçon commis par les sociétés Orange, au titre des conséquences économiques négatives à hauteur d’une somme de 500.000€, au titre des bénéfices réalisés par les contrefacteurs à hauteur d’une somme de 150.000€, outre 150.000€ au titre du préjudice moral, que devront supporter in solidum les sociétés Orange.

La cour considère par ailleurs que le préjudice de la société Entr’Ouvert est suffisamment réparé et qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de la présente décision qui n’apparaît pas justifiée en l’espèce.

Sur les autres demandes

La cour rappelle qu’en vertu de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris ceux afférents à la décision cassée, le fût-elle partiellement (1re Civ 21 septembre 2022 pourvoi 21-12.344), de sorte que les sociétés Orange ne sont pas fondées à soutenir que ce point a été définitivement tranché et que la demande présentée à ce titre serait irrecevable.

Les sociétés Orange, succombant, seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise judiciaire et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés à l’occasion de ces instances.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner les sociétés Orange à verser à la société Entr’Ouvert une somme de 60.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


DECISION

La cour, statuant dans les limites de la cassation partielle,

Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable la société Entr’Ouvert à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon et en ses demandes qui y sont accessoires ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– Dit que la société Entr’Ouvert est recevable à agir en contrefaçon de son logiciel LASSO à l’encontre de la société Orange et de la société Orange Business Services,

– Dit que les sociétés Orange et Orange Business Services ont commis des actes de contrefaçon du logiciel LASSO par violation du contrat de licence associé dit GNU GPL v2 en ses articles 2, 3, 4 et 10 et non-respect de son droit moral,

– Condamne en conséquence in solidum les sociétés Orange et Orange Business Services à payer à la société Entr’Ouvert les sommes suivantes :
• 500.000 euros en raison des conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits d’auteur de la société Entr’Ouvert,
• 150.000 euros au titre du préjudice moral subi par la société Entr’Ouvert,
• 150.000 euros au titre des bénéfices réalisés par les sociétés Orange et Orange Business Services,

– Déboute la société Entr’Ouvert de sa demande de publication de la présente décision,

– Déclare recevable la demande présentée par la société Entr’Ouvert au titre de l’infirmation du jugement s’étant prononcé sur les frais irrépétibles et les dépens,

– Condamne in solidum les sociétés Orange et Orange Business Services aux dépens de première instance et d’appel comprenant les frais d’expertise judiciaire,

– Condamne in solidum les sociétés Orange et Orange Business Services à verser à la société Entr’Ouvert une somme de 60.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

La Cour : Isabelle Douillet (présidente de chambre), Françoise Barutel, Déborah Bohée (conseillères), Karine Abalkalon (greffière)

Avocats : Me Matthieu Boccon Gibod, Me Olivier Itéanu, Me Nicolas Herzog

Source : Legalis.net

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