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Jurisprudence : Marques

mardi 18 novembre 2014
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Tribunal de grande instance de Paris , 3ème chambre, 4e section, jugement du 25 septembre 2014

JR Connect et Night Management Production / M. Eliott S. alias DJ EI'S

contrefaçon - réseaux sociaux - vie des affaires

DISCUSSION

La société Night management production (ci-après NMP.) exploite un club discothèque à l’enseigne « VIP ROOM » à Paris, Saint Tropez et Cannes pendant la période du festival international du film.

« VIP ROOM» est également une marque déposée par Jean-Roch P auprès de l’INPI, le 6 novembre 2001 et cédée à la société JR Connect, le 14 juin 2011. Par contrat du 3 janvier 2013, avec effet au 14 juin 2011, la société JR Connect a consenti à la société NMP un contrat de licence. Ce contrat valable 3 ans et renouvelable par tacite reconduction, autorise la société NMP à faire usage de cette dénomination, à titre d’enseigne et de nom commercial.

Les sociétés JR Connect et NMP ont appris qu’Eliott S utilisait la marque « VIP ROOM» pour faire la promotion de son activité, en se présentant comme le DJ officiel ou le DJ résident du VIP ROOM où il a effectué quelques prestations. Le 17 décembre 2013, elles ont fait constater par un huissier dejustice la reproduction non autorisée de leur marque sur la page Facebook de l’intéressé.

Le 23 décembre 2013, les sociétés JR Connect et NMP ont fait assigner Eliott S devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon de la marque « VIP ROOM » et ont sollicité, outre des mesures d’interdiction, la condamnation du défendeur à payer à la société JR
Connect la somme de 50 000 € en réparation des atteintes portées à sa marque et à la société NMP la somme de 30 000 € en réparation de l’atteinte portée à son nom commercial et à son enseigne. Elles réclament également la publication du jugement, son exécution provisoire et l’allocation d’une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions du 22 mars 2014, les sociétés JR Connect et NMP font valoir que ces actes leur portent un grave préjudice car la marque « VIP ROOM » est notoire et elles réalisent d’importants investissements pour la promouvoir.

En réponse aux écritures de Eliott S, les demanderesses exposent qu’Eliott S est un DJ professionnel, qu’il connaît la signification des expressions « DJ officiel » et « DJ résident » et qu’il a renoncé au statut de salarié. Elles soutiennent que l’ajout à la main lors du renouvellement de la marque en 2011
des classes 43 et 45 n’affecte pas sa validité, car il ne s’agissait pas d’ajouter de nouveaux services mais de tenir compte des modifications apportées à la classification des marques. Elles font, en outre, valoir qu’Eliott S a reconnu les faits de contrefaçon puisqu’il a retiré la dénomination « VIP ROOM» de sa page facebook, même s’il continue d’en faire usage sur le réseau Instagram. Elles considèrent qu’il s’agit d’un usage dans la vie des affaires et déclarent qu’Eliott S utilise leur marque notoire pour attirer de nouveaux night clubs parmi ses clients.

Eliott S explique qu’il exerce l’activité de DJ sous le nom DJ’Els et qu’il a été engagé par le club VIP ROOM pour animer des soirées dans ses différents établissements, ainsi qu’il ressort des diverses pièces qu’il verse aux débats. Il conclut donc qu’il a bien été le DJ résident ou officiel du VIP ROOM et qu’il a donc été son salarié, selon la présomption de l’article L762-1 du code du travail, statut auquel il n’a pas renoncé.

Eliott S ne conteste pas avoir fait figurer sur sa page Facebook deux invitations sur lesquelles figuraient les mentions « DJ officiel VIP ROOM » mais il déclare que leur retrait ne constitue pas une reconnaissance des actes de contrefaçon qui lui sont reprochés. Il ajoute qu’il n’est pas l’auteur de ces
invitations. Il relève, en outre, que la capture d’écran produite relative au réseau Instagram ne présente pas de caractère probant.

Eliott S conteste la contrefaçon en faisant valoir qu’il n’a pas fait usage de la dénomination « VIP ROOM » dans la vie des affaires. Il ajoute que la page Facebook fait usage de CV et que le nom des entreprises dans lesquelles il a exercé est donc mentionné. Il relève, en outre, que les sites sur lesquels
l’huissier de justice a effectué des constatations relèvent de la responsabilité de tiers.

Eliott S soutient également qu’il n’a pas porté atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle de garantie d’origine. Il déclare qu’il ne fait pas usage de la dénomination « VIP ROOM » à titre de marque mais pour désigner l’établissement éponyme pour lequel il a exercé son
activité. Il relève d’ailleurs que les demanderesses n’indiquent pas dans leurs écritures les services qui auraient été reproduits ou imités. Il conclut qu’il s’agit uniquement d’une référence et que le public ne peut se méprendre.

Enfin, Eliott S conteste l’existence d’une atteinte au nom commercial et à l’enseigne pour les mêmes motifs, tout en relevant que la société NMP ne justifie pas de son nom commercial. Il demande que la lettre constituant la pièce 11 des demanderesses soit écartée des débats.

Il conclut donc au rejet des demandes formées à son encontre et reconventionnellement, réclame la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 4 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ sur la contrefaçon de marque

La société JR Connect est titulaire de la marque « VIP ROOM » déposée le 6 novembre 2001 et enregistrée sous le n° 01 3 129 696. Elle a été renouvelée en 2011 pour des produits et services des classes 3, 9, 25, 38, 41, 42, 43 et 45.

Les dernières écritures du défendeur ne contiennent aucune critique sur la modification des classes et sur la validité du renouvellement.

Le procès-verbal de constat du 17 décembre 2013 fait apparaître que sur la page Facebook accessible à l’adresse www.facebook.com/DEEJAYELS, Eliott S a fait figurer plusieurs photographies pour annoncer sa présence dans divers établissements, avec la mention « DJ officiel VIP ROOM ST TROPEZ » ou encore « résident VIP ROOM CANNES ».

La demanderesse verse également aux débats une copie d’écran d’une page Instagram reprenant une des photographies avec la mention « DJ officiel VIP ROOM ST TROPEZ » sans que l’adresse de cette page puisse être identifiée. Dans la mesure où ce document est contesté par le défendeur, il sera écarté
des débats, son origine n’étant pas suffisamment établie.

Il ressort de ces éléments que la dénomination « VIP ROOM » sur laquelle la société JR Connect dispose d’un droit de marque, est reproduite sur la page Facebook d’Eliott S.

Cette marque est déposée pour de multiples produits et services et les écritures de la demanderesse ne contiennent pas de mention précise pour désigner les services visés à l’acte d’enregistrement, qui seraient concernés par les actes reprochés au défendeur, alors que cette mention est indispensable pour établir la contrefaçon.
Néanmoins la demanderesse fait exclusivement état de l’activité de discothèque exercée sous cette dénomination de telle sorte que l’on retiendra qu’elle a implicitement mais suffisamment clairement entendu se prévaloir uniquement des services de discothèque.

La page Facebook de Eliott S rend compte de son activité de DJ. Il s’agit d’une page «fan » qui ont la possibilité de poser des questions ou d’effectuer des commentaires, ce qui permet à son titulaire d’animer une discussion sur ses réalisations. Ces pages «fan » sont couramment utilisés par les
annonceurs dans un but de promotion. L’examen de la page Facebook de Eliott S fait d’ailleurs apparaître qu’elle comporte des mentions « contact booking ».

Aussi, il y a lieu d’admettre que cette page Facebook constitue un instrument de promotion de l’activité professionnelle de DJ de Eliott S et que la dénomination « VIP ROOM» est donc utilisée dans la vie des affaires.

Néanmoins, la dénomination « VIP ROOM » est toujours suivie d’un lieu « ST TROPEZ », « CANNES ». de telle sorte que celle-ci ne vise pas des services mais l’établissement où Eliott S a exerce son activité de DJ. Ainsi il ne fait pas un usage de cette dénomination à titre de marque pour désigner des
services mais à titre d’enseigne. Par ailleurs, il ne crée aucune confusion sur l’origine des services puisque la mention « VIP ROO ») désigne effectivement les établissements de la société JR Connect.

Il importe peu de savoir si Eliott S y a exercé son activité professionnelle à titre indépendant ou en qualité de salarié ni de savoir s’il remplissait ou non les conditions pour se prévaloir du titre de DJ résident ou officiel, dès lors qu’en utilisant les mentions « DJ VIP ROOM ». Eliott S désigne les prestations de DJ effectuées au sein des discothèques « VIP ROOM» et que l’internaute ne peut être induit en erreur à ce sujet.

Ainsi, il y a lieu de retenir que Eliott S ne fait pas usage de la dénomination « VIP ROOM » à titre de marque mais pour désigner un établissement dans lequel il a exercé son activité professionnelle.

La société JR Connect verra donc ses demandes, fondées sur la contrefaçon de marque, rejetées.

2/ Sur les demandes fondées sur l’atteinte au nom commercial et à l’enseigne

La société NMP exploite des établissements de nuit à l’enseigne « VIP ROOM ». En revanche, elle ne verse pas de documents faisant apparaître qu’elle utilise la dénomination « VIP ROOM » à titre de nom commercial pour désigner son fonds de commerce el le registre du commerce ne comporte aucune mention à ce sujet.

Comme il a été indique ci-dessus. Eliott S utilise la dénomination « VIP ROOM » pour désigner les établissements de la société NMP où il a exercé son activité professionnelle.

La désignation d’un établissement où Eliott S s’est effectivement produit par son enseigne ne constitue pas en soi une faute alors qu’il est admis qu’un professionnel puisse faire état de ses clients pour décrire-son activité, sauf circonstances particulières exigeant la confidentialité.

En mentionnant les établissements VIP ROOM. Eliott S tire profit de leur notoriété auprès du publie concerné ; néanmoins la société NMP ne démontre pas que ce comportement porte une atteinte injustifiée à l’enseigne.

Ainsi les demandes de la société NMP seront également rejetées.

3/ Sur les autres demandes

Eliott S n’établit pas la mauvaise foi des demanderesses, non plus qu’une légèreté blâmable dans l’appréciation de leurs droits ; aussi il n’y a pas lieu de les condamner au paiement de dommage-sintérêts.

Il sera alloué à Eliott S la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés demanderesses seront condamnées aux dépens.

La nature de la décision ne rend pas nécessaire son exécution provisoire.

DECISION

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en 1er ressort.

Rejette les demandes de la société JR Connect fondée sur la contrefaçon de la marque « VIP ROOM»,

Rejette les demandes de la société NMP fondées sur l’atteinte à son nom commercial et à son enseigne.

Rejette la demande de Eliott S en dommages-intérêts pour procédure abusive.

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Condamne les sociétés JR Connect et NMP in solidum à payer a Eliott S la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés JR Connect et NMP aux dépens.

La Cour : Marie-Claude H., Thérèse A, François Thomas (juges), Sarah Boucris (greffier)

Avocats : Me Yves Marcellin, Me Claude Baranes

Source : inpi.fr

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