Jurisprudence : Logiciel
Cour d’appel de Versailles 1ère chambre, 1ère section Arrêt du 25 septembre 2003
Chabane K. / Apsys
contrefaçon - expertise - logiciel
FAITS ET PROCEDURE
Chabane K. a relevé appel du jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Versailles du 17 mai 2002 qui a :
– dit qu’il était avec la société Apsys co-auteur des développements réalisés du mois de juillet 1998 au mois de mars 2000 sur le logiciel de gestion et de planification des traitements de déchets industriels, logiciel enregistré à l’Agence pour la Protection des Programmes sous le nom de MKGT 4.1.1,
– l’a condamné à payer à la société Apsys 25 000 € à titre de dommages-intérêts,
– rejeté les demandes plus amples ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire,
– l’a condamné à payer à la société Apsys 1500 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc et à supporter les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 23 juin 2003, il conclut à la réformation du jugement déféré et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
– dire qu’il est le seul propriétaire des droits patrimoniaux sur le logiciel MKGT 4.1.1,
– rejeter les demandes de la société Apsys et la débouter de son appel incident,
– la condamner à lui payer 152 449 € à titre de dommages-intérêts et 6000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
Il fait valoir qu’il est le seul créateur et auteur du logiciel MKGT installé en décembre 1998 au sein de la société Sorediv et qu’il en détient les codes sources qui ont été déclarés à l’Agence pour la Protection des Programmes le 21 mai 2001, étant précisé que ce logiciel a toujours été appelé MKGT.
Il déclare que la société Apsys a reconnu sa qualité d’auteur en lui faisant des propositions lors des négociations qu’elle menait avec la société Sorediv en vue de la cession des droits de propriété intellectuelle du logiciel.
Il relève qu’ayant été embauché par la société Apsys postérieurement à l’installation du logiciel, cette société ne peut lui opposer les dispositions de l’article L 113-9 du code de la propriété intellectuelle.
Il considère que c’est à tort que le tribunal a retenu que la société Apsys était avec lui-même coauteur du logiciel, la société Apsys n’ayant pas contribué à son élaboration d’une part et seules des personnes physiques pouvant être déclarées coauteurs en application de l’article L 113-2 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle.
Il allègue que les logiciels dénommés Facturation au fil de l’eau et Transql, développés au cours de l’année 2000 par la société Apsys sont des logiciels distincts du logiciel MKGT, sur lesquels il ne revendique aucun droit.
Il estime que les logiciels étant indépendants, la société Apsys ne peut lui opposer les dispositions de l’article L 113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle relative à l’œuvre collective.
Il considère qu’étant le seul auteur du logiciel MKGT, il n’a commis aucune faute en déposant ses codes sources à l’Agence pour la Protection des Programmes.
Il affirme subir un préjudice important, d’éventuels acquéreurs pouvant douter de sa qualité d’auteur du fait de la contestation soulevée par la société Apsys et l’originalité du logiciel s’amoindrissant au fil des années.
Aux termes de ses dernières écritures du 19 juin 2003, la société Apsys conclut :
– à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a reconnu que Chabane K. a commis une faute en s’appropriant le logiciel de gestion et de planification de traitement des déchets industriels,
– à la réformation en ce qu’il a dit qu’elle était avec Chabane K. coauteur des développements réalisés de juillet 1998 à mars 2000 et en ce qu’il a condamné ce dernier à lui payer 25 000 € à titre de dommages-intérêts, demandant à la cour de la déclarer seule propriétaire des droits patrimoniaux sur le logiciel destiné à la gestion et à la planification des retraitements des déchets industriels et de condamner Chabane K. à lui payer 60 979,61 € à titre de dommages-intérêts et 5000 € par application de l’article 700 du ncpc.
Elle soutient qu’elle a développé les fonctionnalités du logiciel de gestion de planning et de facturation et statistiques qui lui a été commandé par la société Sorediv, Chabane K. n’ayant rempli qu’une tache de programmateur qui ne peut constituer une œuvre de l’esprit ;
Elle précise que tous les documents relatifs à ce logiciel portaient le nom d’Apsys et que, sans son autorisation, à partir de juin 2000, Chabane K. a remplacé ce nom par celui de MKGT ;
Elle affirme que la proposition qu’elle a faite le 5 juin 2000 à Chabane K. a été faite sous la contrainte, ce denier l’ayant menacé de ne pas lui fournir les codes sources et que la convention postérieure, non signée, est sans valeur et suspecte.
Elle considère qu’il existe une dépendance certaine entre le logiciel initial et les développements réalisés en 1999 et 2000 et que le logiciel créé à son initiative, publié et divulgué sous son nom, ne peut qu’être sa propriété en application de l’article L 113-5 du code de la propriété intellectuelle.
Elle reproche à Chabane K. d’avoir commis un acte de concurrence déloyale en s’étant approprié le logiciel pour le proposer à sa cliente.
Elle soutient que le montant de son préjudice a été sous-estimé par le tribunal.
L’instruction de l’affaire a été déclarée close le 25 septembre 2003.
DISCUSSION
Considérant que les pièces produites aux débats, outre la technicité de la matière, ne permettent pas à la cour de déterminer qui est l’auteur du logiciel de gestion et de planification des traitements des déchets industriels sans l’avis de l’homme de l’art ;
Qu’il convient, en conséquence d’instituer une mesure d’expertise, avant dire droit au fond ;
DECISION
La cour statuant publiquement, contradictoirement et avant dire droit au fond,
. Ordonne une expertise,
. Commet pour y procéder : M. Marc Thorin, avec pour mission de :
– prendre connaissance du dossier, entendre les parties et se faire remettre tous documents utiles,
– fournir tous éléments permettant à la cour de déterminer qui est l’auteur du logiciel de gestion et de planification des traitements de déchets industriels installé en décembre 1998 chez la société Sorediv,
– dire si les logiciels Facturation au fil de l’eau et Trans sont des logiciels distincts ou s’ils constituent une seule et même œuvre,
– d’une manière générale, faire toutes constatations utiles à la manifestation de la vérité et répondre aux dires éventuels des parties.
. Dit que l’expert, qui sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile, établira un rapport écrit qu’il déposera au greffe de la cour (service des expertises) avant le 1er mars 2004, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du magistrat chargé des expertises,
. Fixe à 2286,75 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par la société Apsys à ce même greffe avant le 1er novembre 2003,
. Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet,
. Sursoit à statuer sur les demandes des parties jusqu’au dépôt du rapport d’expertise à intervenir,
. Réserve les dépens.
La cour : Mme Francine Bardy (président), Mmes Simonot et Liauzun (conseillers)
Avocats : Me Mour, Me Olivier Groc
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