Jurisprudence : E-commerce
Cour de cassation, civile, ch. com., arrêt du 5 juillet 2017
Concurrence / Amazon services Europe, Samsung Electronics France
clause - distribution sélective - place de marché - rupture des relations commerciales - site internet
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que la société Concurrence, qui exerce une activité de vente au détail de produits électroniques grand public par le biais d’un magasin situé à Paris et de son site de vente en ligne sous le nom de domaine « concurrence.fr », a conclu avec la société Samsung Electronics France (la société Samsung) un contrat de distribution sélective portant notamment sur des produits de la gamme Elite, produit haut de gamme de la marque Samsung ; que la société Samsung ayant reproché à la société Concurrence, en commercialisant des produits via une place de marché, de violer la clause du contrat qui le lui interdisait, et lui ayant notifié la fin de leur relation commerciale, la société Concurrence l’a assignée afin d’obtenir la livraison de ces produits sans être tenue de respecter cette clause, qu’elle estimait appliquée de manière discriminatoire ; qu’après rejet de ses demandes par un arrêt du 25 octobre 2012, rendu en matière de référé, devenu irrévocable, la société Concurrence, invoquant de nouvelles transgressions de la clause au sein du réseau, a assigné devant les juridictions françaises la société Samsung, aux mêmes fins, ainsi que la société Amazon services Europe, établie au Luxembourg, pour obtenir de celle-ci le retrait de toute offre en place de marché portant sur des produits Samsung sur ses sites « amazon.fr », « amazon.de », « amazon.co.uk », « amazon.es » et « amazon.it » ; que par un arrêt du 10 novembre 2015, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (la CJUE) d’une question préjudicielle portant
sur l’interprétation de l’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Concurrence fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes contre la société Samsung alors, selon le moyen :
1°/ que l’ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en référé en cas de circonstances nouvelles ; qu’en retenant que la demande de la société Concurrence, tendant à ce qu’il soit mis fin aux pratiques discriminatoires de la société Samsung dans l’application de la clause du contrat de distribution sélective prévoyant l’interdiction de vente sur les places de marché en ligne sur l’internet, se heurtait à l’autorité de chose jugée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 octobre 2012 qui, statuant en référé, l’avait déjà rejetée, après avoir pourtant constaté que le rejet de cette demande était fondée sur le fait que l’allégation selon laquelle la société Samsung ne ferait pas respecter le contrat de distribution sélective était insuffisamment étayée de preuve, de sorte que les transgressions de la clause litigieuse, postérieures à l’arrêt du 25 octobre 2012, et invoquées par la société Concurrence caractérisaient des circonstances nouvelles permettant d’écarter l’autorité de chose jugée, la cour d’appel a violé les articles 488 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
2°/ que l’ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en référé en cas de circonstances nouvelles ; qu’en se bornant à affirmer, pour opposer l’autorité de chose jugée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 octobre 2012, que l’existence ou non d’un moyen de preuve nouveau importait peu sans rechercher, comme elle y était invitée si les transgressions de la clause litigieuse, postérieures à l’arrêt du 25 octobre 2012, le non-respect de la lettre du 11 septembre 2012 de la société Samsung enjoignant à la société Amazon de ne pas faire apparaître les produits « Elite » sur ses places de marché en ligne, et l’accroissement des infractions au réseau de distribution, ne caractérisaient pas des circonstances nouvelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 488 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
3°/ que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en retenant que l’étanchéité d’un système de distribution sélective n’était pas une condition de sa validité pour en déduire que la reconnaissance de la validité du réseau par l’arrêt du 29 (25) octobre 2012 ne pouvait être remise en cause en fonction du nombre de transgressions imputées au fabricant, quand la société Concurrence rappelait qu’elle ne contestait pas la validité du réseau de distribution sélective de la société Samsung et que sa demande tendait simplement à faire cesser l’application discriminatoire par la société Samsung de la clause du contrat de distribution sélective interdisant la revente sur les places de marché en ligne, la cour d’appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’après avoir constaté que l’arrêt du 25 octobre 2012, rendu entre les mêmes parties, a rejeté la demande de la société Concurrence tendant à voir juger qu’elle n’était pas tenue d’appliquer la clause du contrat de distribution sélective lui interdisant de vendre en place de marché les produits de la gamme Elite en raison de son application discriminatoire par la société Samsung qui laissait d’autres distributeurs y contrevenir, l’arrêt relève que cet arrêt a reconnu la validité du réseau, laquelle ne peut être remise en cause en fonction du nombre de transgressions commises par les distributeurs, l’étanchéité d’un réseau n’étant pas une condition de sa validité ; qu’ayant constaté que le litige qui lui était soumis avait le même objet, opposait les mêmes parties et reposait sur la même cause que celui tranché par l’arrêt du 25 octobre 2012, la cour d’appel en a exactement déduit, sans méconnaître les termes du litige, que la demande de la société Concurrence était irrecevable, la preuve de nouvelles transgressions au sein du réseau, sans incidence sur la solution du litige, ne constituant pas une circonstance nouvelle au sens de l’article 488 du code de procédure civile ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Concurrence fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes contre la société Amazon services Europe alors, selon le moyen :
1°/ qu’il appartient à celui qui se prévaut d’une cause d’exonération de responsabilité de rapporter la preuve qu’il remplit les conditions d’application de celle-ci ; qu’en retenant, pour débouter la société Concurrence de ses demandes à l’encontre de la société Amazon services Europe, que cette dernière pouvait opposer l’exonération de responsabilité prévue par l’article 6-I-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dès lors que la société Concurrence ne démontrait pas que la société Amazon Service Europe jouait un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du code civil ;
2°/ que le prestataire d’un service sur Internet ne relève pas du champ d’application de l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dès lors, qu’au lieu de se limiter à une fourniture neutre du service au moyen d’un traitement purement technique et automatique des données fournies par ses clients, il joue un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle de ces données ; qu’en se bornant à relever que la société Concurrence ne démontrait pas que la société Amazon services Europe jouait un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées sans rechercher, comme elle y était invitée, si la possibilité de création d’offres à l’international, la prise en charge de l’encaissement des règlements en cartes bleues ou par chèque, des modalités de livraison et d’échéances en cas de problème de transport et éventuellement d’envoi des produits ne constituaient pas des éléments de nature à lui conférer un rôle actif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économique numérique ;
3°/ que les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ; qu’en retenant que la société Amazon services pouvait se prévaloir de l’exonération de responsabilité prévue par l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, sans même vérifier, comme elle y était invitée, si la société Amazon services Europe, n’avait pas pris connaissance par la lettre adressée le 11 septembre 2012 par la société Samsung de l’existence du réseau de distribution sélective, de la clause d’interdiction de vente sur les places de marché en ligne et du caractère manifestement illicite des offres litigieuses, faits de nature à la priver de la possibilité de se prévaloir de l’exonération de responsabilité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économique numérique ;
Mais attendu, en premier lieu, que l’article 6- I, 2° de la loi du 21 juin 2004 prévoyant une responsabilité limitée des prestataires techniques d’hébergement, c’est sans inverser la charge de la preuve et par une appréciation souveraine des éléments versés aux débats, que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que la société Concurrence ne démontrait par aucune des pièces produites, notamment ses pièces 95 à 104, que la société Amazon services Europe avait tenu un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées, la privant du bénéfice du régime de responsabilité limitée applicable aux hébergeurs ;
Et attendu, en second lieu, que la société Concurrence ne s’étant pas prévalue, dans ses écritures d’appel, de la lettre du 11 septembre 2012 adressée par la société Samsung à la société Amazon services Europe comme d’un fait de nature à priver celle-ci du bénéfice de l’article 6, I-2° de la loi du 21 juin 2004, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
Attendu que par un arrêt du 21 décembre 2016 (C-618/15), la CJUE a dit pour droit que l’article 5, point 3, de ce règlement doit être interprété, aux fins d’attribuer la compétence judiciaire conférée par cette disposition pour connaître d’une action en responsabilité pour violation de l’interdiction de vente en dehors d’un réseau de distribution sélective résultant de l’offre, sur des sites internet opérant dans différents États membres, de produits faisant l’objet dudit réseau, en ce sens que le lieu où le dommage s’est produit doit être considéré comme étant le territoire de l’État membre qui protège ladite interdiction de vente au moyen de l’action en question, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes ;
Attendu que pour dire les juridictions françaises incompétentes pour connaître des demandes relatives aux sites de la société Amazon services Europe à l’étranger, l’arrêt retient que le juge français n’est compétent pour connaître des litiges liés à la vente sur internet que si le site sur lequel la distribution est assurée vise le public de France et que dès lors, c’est à bon droit que le premier juge s’est déclaré incompétent pour ce qui concerne les « sites d’Amazon à l’étranger », en l’occurrence amazon.de, amazon.co.uk, amazon.es et amazon.it ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DÉCISION et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il se déclare incompétent pour connaître des demandes formées contre la société Amazon services Europe relatives aux sites amazon.de, amazon.co.uk, amazon.es et amazon.it et en ce qu’il statue sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société Concurrence et la société Amazon services Europe, l’arrêt rendu le 6 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Met hors de cause, sur sa demande, la société Samsung Electronics France, dont la présence devant la cour de renvoi n’est plus nécessaire à la solution du litige ;
Condamne la société Amazon services Europe aux dépens, incluant ceux exposés devant la Cour de justice de l’Union européenne, à l’exception de ceux relatifs à la mise en cause de la société Samsung Electronics France qui resteront à la charge de la société Concurrence ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Amazon services Europe à payer à la société Concurrence la somme de 3 000 euros, condamne la société Concurrence à payer à la société Samsung Electronics France la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Concurrence.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré irrecevables les demande de la société Concurrence à l’encontre de la société Samsung Electronics ;
AUX MOTIFS QUE par arrêt du 25 octobre 2012, la présente Cour a confirmé l’ordonnance du juge des référés du 18 avril 2012 ayant rejeté toutes les demandes de la société Concurrence, y ajoutant, a rejeté les demandes de ladite société formées en cause d’appel, tendant notamment à faire juger illicite le contrat de distribution sélective conclu par cette société avec la société Samsung relatif à la gamme des produits Elite, motif pris du caractère discriminatoire de l’interdiction de vente de ces produits sur les places de marché imposée par Samsung puisque d’autres distributeurs utilisaient ce mode de commercialisation dans les sites de la société Amazon, et à voir ordonner à la société Samsung de lui livrer les produits de cette gamme ; que la Cour a retenu que « ces difficultés, personnelles (alléguées par la société Concurrence), ne sauraient, au stade du référé, mettre à mal le réseau tout entier, non plus que l’allégation, insuffisamment étayée de preuves, de ce que Samsung ne ferait pas respecter le contrat de distribution sélective, alors que le 30 mai 2012, cette dernière rappelait à Concurrence qu’elle lui avait déjà apporté la preuve des pouvoirs de police qu’elle exerçait au sein du réseau (pièce 44 Samsung) ; que dans une lettre du 11 septembre 2012, Samsung a rappelé au site Internet Amazon qu’il était « expressément interdit aux distributeurs agréés Elite de vendre les produits Elite via un site de place de marché, ce dernier ne leur appartenant pas en nom propre et ne répondant pas aux critères d’agrément de notre distribution sélective pour la vente en ligne de produits Elite » ; que le litige soumis à la Cour, qui concerne les mêmes parties, a le même objet que celui tranché par l’arrêt du 25 octobre 2012, à savoir d’obtenir la non-application par la société Concurrence de la clause d’interdiction de vente en place de marché, et repose sur la même cause, l’application discriminatoire de cette clause par la société Samsung ; qu’en outre, l’étanchéité d’un système de distribution sélective n’est pas une condition de sa validité et que la reconnaissance de cette validité par l’arrêt du 25 octobre 2012 ne peut être remise en cause en fonction du nombre de transgressions que le demandeur à une nouvelle instance impute au fabricant ; que dès lors, la demande nouvelle se heurte à la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, peu important l’existence ou non d’un moyen de preuve nouveau ; que l’ordonnance entreprise, qui a dit n’y avoir lieu à référé s’agissant des demandes de Concurrence à l’encontre de Samsung, sera réformée et que les demandes de Concurrence seront déclarées irrecevables ;
1°) ALORS QUE l’ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en référé en cas de circonstances nouvelles ; qu’en retenant que la demande de la société Concurrence, tendant à ce qu’il soit mis fin aux pratiques discriminatoires de la société Samsung dans l’application de la clause du contrat de distribution sélective prévoyant l’interdiction de vente sur les places de marché en ligne sur l’internet, se heurtait à l’autorité de chose jugée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 octobre 2012 qui, statuant en référé, l’avait déjà rejetée, après avoir pourtant constaté que le rejet de cette demande était fondée sur le fait que l’allégation selon laquelle la société Samsung ne ferait pas respecter le contrat de distribution sélective était insuffisamment étayée de preuve, de sorte que les transgressions de la clause litigieuse, postérieures à l’arrêt du 25 octobre 2012, et invoquées par la société Concurrence caractérisaient des circonstances nouvelles permettant d’écarter l’autorité de chose jugée, la cour d’appel a violé les articles 488 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
2°) ALORS QUE l’ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en référé en cas de circonstances nouvelles ; qu’en se bornant à affirmer, pour opposer l’autorité de chose jugée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 octobre 2012, que l’existence ou non d’un moyen de preuve nouveau importait peu sans rechercher, comme elle y était invitée si les transgressions de la clause litigieuse, postérieures à l’arrêt du 25 octobre 2012, le non-respect de la lettre du 11 septembre 2012 de la société Samsung enjoignant à la société Amazon de ne pas faire apparaître les produits « Elite » sur ses places de marché en ligne, et l’accroissement des infractions au réseau de distribution, ne caractérisaient pas des circonstances nouvelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 488 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
3°) ALORS QUE l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en retenant que l’étanchéité d’un système de distribution sélective n’était pas une condition de sa validité pour en déduire que la reconnaissance de la validité du réseau par l’arrêt du 29 octobre 2012 ne pouvait être remise en cause en fonction du nombre de transgressions imputées au fabricant, quand la société Concurrence rappelait qu’elle ne contestait pas la validité du réseau de distribution sélective de la société Samsung (conclusions de la société Concurrence p. 4, §5) et que sa demande tendait simplement à faire cesser l’application discriminatoire par la société Samsung de la clause du contrat de distribution sélective interdisant la revente sur les places de marché en ligne (conclusions p. 3, dernier §), la cour d’appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l’article 4 du code de procédure civile.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté la société Concurrence de ses demandes à l’encontre de la société Amazon Services Europe ;
AUX MOTIFS QUE les parties sont en désaccord sur la responsabilité de la société Amazon Services Europe en tant que gestionnaire de la place de marché ; que cette dernière estime n’avoir que la qualité d’hébergeur, tandis que Concurrence soutient que le rôle de la société Amazon Services Europe excède celui de simple hébergeur ; que selon l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN), les prestations techniques d’hébergement de services sur internet sont le fait des « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication du public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services » ; que l’article 6-I-7° de la même loi précise que les hébergeurs ne sont pas soumis « à une obligation générale de surveillance des informations qu’ils stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites» ; que la société Concurrence ne démontre par aucune des pièces produites (notamment ses pièces 95 à 104) que la société Amazon Services Europe joue un rôle actif de connaissance où de contrôle des données stockées, et que son rôle ne relève pas du régime de responsabilité, limité, applicable aux hébergeurs ; que la société Concurrence, qui par ailleurs n’allègue ni en toute hypothèse ne prouve que la responsabilité de société Amazon Services Europe serait engagée en qualité d’hébergeur, sera, par conséquent, déboutée en ses demandes en tant que dirigées contre la société Amazon Services Europe ;
1°) ALORS QU’il appartient à celui qui se prévaut d’une cause d’exonération de responsabilité de rapporter la preuve qu’il remplit les conditions d’application de celle-ci ; qu’en retenant, pour débouter la société Concurrence de ses demandes à l’encontre de la société Amazon Services Europe, que cette dernière pouvait opposer l’exonération de responsabilité prévue par l’article 6-I-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dès lors que la société Concurrence ne démontrait pas que la société Amazon Service Europe jouait un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du code civil ;
2°) ALORS QUE le prestataire d’un service sur Internet ne relève pas du champ d’application de l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dès lors, qu’au lieu de se limiter à une fourniture neutre du service au moyen d’un traitement purement technique et automatique des données fournies par ses clients, il joue un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle de ces données ; qu’en se bornant à relever que la société Concurrence ne démontrait pas que la société Amazon Services Europe jouait un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 14, §1 et s.), la possibilité de création d’offres à l’international, la prise en charge de l’encaissement des règlements en cartes bleues ou par chèque, des modalités de livraison et d’échéances en cas de problème de transport et éventuellement d’envoi des produits ne constituaient pas des éléments de nature à lui conférer un rôle actif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économique numérique ;
3°) ALORS QUE, les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ; qu’en retenant que la société Amazon Services pouvait se prévaloir de l’exonération de responsabilité prévue par l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, sans même vérifier, comme elle y était invitée (conclusions de la société Concurrence p. 16, §3 et s.), si la société Amazon Services Europe, n’avait pas pris connaissance par la lettre adressée le 11 septembre 2012 par la société Samsung de l’existence du réseau de distribution sélective, de la clause d’interdiction de vente sur les places de marché en ligne et du caractère manifestement illicite des offres litigieuses, faits de nature à la priver de la possibilité de se prévaloir de l’exonération de responsabilité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économique numérique.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir dit le juge français incompétent pour ce qui concerne les sites d’Amazon à l’étranger et renvoyé la société Concurrence à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le juge français n’est compétent pour connaître des litiges liés à la vente sur internet que si le site sur lequel la distribution est assurée vise le public de France ; que dès lors, c’est à bon droit que le premier juge s’est déclaré incompétent pour ce qui concerne les « sites d’Amazon à l’étranger », en l’occurrence amazon.de, amazon.co.uk, amazon.es et amazon.it ;
ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER ADOPTÉS, DU PREMIER JUGE QUE nous nous déclarons incompétent pour connaître des demandes de Concurrence à l’encontre des sociétés étrangères du groupe Amazon qui ne sont d’ailleurs pas dans la cause ;
1°) ALORS QUE qu’en matière délictuelle, sont compétentes les juridictions de l’Etat sur le territoire duquel le site internet incriminé est accessible ; qu’en retenant, pour dénier sa compétence pour connaître de l’activité des sites de la société Amazon Services Europe à l’étranger, amazon.de, amazon.co.uk, amazon.es et amazon.it, que le juge français n’était compétent pour connaître des litiges liés à la vente sur internet que si le site sur lequel la distribution est assurée vise le public de France quand la seule accessibilité du site en France justifiait sa compétence, la cour d’appel a violé l’article 5.3 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale ;
2°) ALORS QUE, à supposer que le critère de l’accessibilité du site internet ne soit pas suffisant, en s’abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de la société Concurrence p. 14, in fine), si le système de vente sur les places de marché en ligne de la société Amazon Services Europe permettait d’expédier les produits proposés à la vente non seulement dans le pays d’origine du site, mais aussi dans les autres pays européens, et notamment en France, ce qui permettait de justifier la compétence du juge français, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5.3 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale.
La Cour : Mme Mouillard (président)
Avocats : Me Ricard, SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Richard
Source : legifrance.gouv.fr
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