Jurisprudence : Logiciel
Tribunal de grande instance de Bobigny 5ème chambre, section 3 Jugement du 15 mai 2007
DivX / JPF Entertainment
logiciel
FAITS ET PROCEDURE
1. La société DivX, Inc. est une société américaine dont le siège social est situé à San Diego en Californie. Elle exploite des logiciels utilisés pour la compression et la décompression des fichiers vidéo divulgués sous son nom et qui sont connus sous la désignation de « codec ». Elle est propriétaire de la marque française « DivX » enregistrée sous le n° 03 3 232 193.
2. La société JPF Entertainment (ci-après JPF) exerce notamment l’activité de grossiste sous la marque « HS » dans le domaine des produits électroniques et plus particulièrement des lecteurs DVD.
3. Les sociétés DivX, Inc. et JPF ont signé une licence provisoire le 3 février 2003 en vertu de laquelle la société JPF pouvait utiliser les logiciels de la société DivX, Inc. et la marque « DivX ». Cette licence a pris fin le 30 octobre 2003.
4. Par ordonnance en date du 29 septembre 2004, la société DivX, Inc. a été autorisée à pratiquer une saisie contrefaçon descriptive et réelle au siège social de la société JPF Entertainment afin de constater l’importation et la vente en France de lecteurs incluant les logiciels de la société DivX, Inc ainsi que la contrefaçon de la marque DivX.
Il s’agit de lecteurs comportant dans leur mémoire morte le codec Divx permettant la décompression des fichiers vidéo encodés sous ce format.
5. La société DivXNetworks Inc a assigné la société JPF Entertainment devant le tribunal de Grande Instance de Bobigny par exploit d’huissier en date du 15 octobre 2004.
La société demanderesse a saisi le Tribunal de Céans aux fins de :
Vu notamment les articles L 622-22 et L 622-23 du Code de Commerce,
Vu les dispositions de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 notamment en son article 5,
Vu notamment les articles L 111-1, L 112-2. L 113-1, L 122-6, L. 335-3, L 711-1, L 713-1, L. 713-2, L 713-3 et L 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle,
Vu l’article 1382 du Code Civil,
– Dire l’appel en intervention forcée de Me Bernard H. ès qualité d’administrateur judiciaire de la société JPF Entertainment société anonyme et Maître Jacques M. ès qualité de mandataire judiciaire de la société JPF Entertainment société anonyme effectué par la société DivX, Inc. recevable ;
– Constater que la marque “DivX” dont est titulaire la société DivX, Inc. anciennement dénommée DivXNetworks, Inc. jouit en France d’une exceptionnelle notoriété ;
– Dire et juger que la société DivX, Inc. anciennement DivXNetworks, Inc. est titulaire des droits d’auteur sur le logiciel “DivX” créé aux Etats-Unis en 2002 et divulgué au public sous son nom le 25 août 2002 ;
– Dire et juger que l’importation et la mise sur le marché français des lecteurs DX 3220, DX 3225 et des dispositifs HT 6500 par la société JPF Entertainment S.A., sans l’autorisation de la société DivX, Inc., constituent des actes de contrefaçon des droits de cette dernière sur ledit logiciel ;
– Dire et juger que l’usage des signes “DivX” et “BivX”, par la société JPF Entertainment SA., sans l’autorisation de la société DivX, Inc. constitue des actes de contrefaçon et d’imitation illicite des droits de cette dernière sur la marque française « DivX » n° 03 3 232 193 du 20 juin 2003 ;
– Dire et juger que l’usage des références des logiciels de la société DivX, Inc., soit « 3.11, 4.0 et 5.0”, seules ou en combinaison avec les signes “BivX” et “XviD », pour désigner et promouvoir lecteurs DX 3220, DX 3225 et les dispositifs HT 6500, constitue des actes de concurrence déloyale ;
En conséquence,
– Interdire à la société JPF Entertainment S.A. l’importation et la mise sur le marché français des lecteurs DX 3220, DX 3225 et des dispositifs HT 6500 sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 1000 € par infraction commise à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– Interdire à la société JPF Entertainment S.A, l’usage des signes “DivX” et “BivX”, en relation avec les produits désignés au dépôt de la marque française “DivX” n° 03 3 232 193 sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 1000 € par infraction commise à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– Interdire à la société JPF Entertainment S.A. l’usage des références des logiciels de la société DivX soit “311 4.0 et 5.0”, seules ou en combinaison avec les signes “BivX” et “Xvib”, pour désigner et promouvoir les lecteurs DX 3220, DX 3225 et les dispositifs HT 6500 sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 1000 € par infraction commise à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– Dire que le Tribunal de Céans se réservera la liquidation des astreintes ordonnées ;
– Ordonner une expertise judiciaire ayant pour objet de déterminer la masse contrefaisante et de fournir au Tribunal tous éléments susceptibles de lui permettre de chiffrer l’intégralité du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon des droits d’auteur et de la concurrence déloyale dont la société DivX Inc. est victime ;
– Fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif de la société JPF Entertainment SA, à titre de provision, à la somme de 116 127 euros en réparation du préjudice du fait des actes de contrefaçon des droits d’auteur ;
– Fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment S.A, à titre de provision à la somme de 100 000 € du fait des actes de concurrence déloyale ;
– Fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment SA à la somme de 100 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marque ;
– Autoriser la société DivX, Inc. à faire publier le jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix et aux frais avancés de la société JPF Entertainment S.A,, le coût de chaque insertion ne devant pas excéder la somme de 10 000 euros hors taxes ;
En conséquence,
– Fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment SA au titre des publications à intervenir à 50 000 euros ;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir pour l’ensemble des mesures sollicitées au présent dispositif, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
– Débouter la société JPF Entertainment SA. de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– Fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment S.A à la somme de 50 000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
– Condamner Maître Jacques M. ès qualité de mandataire judiciaire de la société JPF Entertainment et Maître Bernard H. ès qualité d’administrateur judiciaire de la société JPF Entertainment S.A. à la somme de 50 000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
– Condamner la société JPF Entertainment SA aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me WiIliam James Kopacz, avocat, en application de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
6. La société JPF demande au tribunal de Céans de :
– Constater la nullité de la saisie contrefaçon diligentée le 1er octobre 2004 à la demande de DivX Inc dans les locaux de la société JPF,
– Constater l’absence de preuve de l’originalité du ou des logiciel(s) dont DivX, Inc se prétend titulaire,
– Constater que le(s) logiciel(s) dont DivX, Inc se prétend titulaire ne peut être protégé par le droit d’auteur,
– Constater l’absence de preuve de la qualité d’auteur de DivX Inc du ou des logiciel(s) dont DivX, Inc se prétend titulaire,
– Constater que DivX Inc n’apporte pas la moindre preuve que les puces intégrées dans les DVD et Home Cinéma identifiés chez JPF comportent des logiciels qui reproduiraient ses prétendus propres logiciels.
En conséquence,
– Dire que l’action en contrefaçon de logiciel formée par DivX, Inc doit être rejetée ;
De plus,
– Constater que JPF ne reproduit pas la marque « DivX® »,
– Constater le caractère générique du signe DivX,
En conséquence,
– Dire que l’action en contrefaçon de marque par reproduction du signe DivX formée par DivX, Inc ne saurait prospérer,
En outre, à titre reconventionnel,
– Prononcer l’annulation de la marque DivX pour défaut de caractère distinctif de la marque Divix ;
ou, en tout état de cause,
– Prononcer la déchéance de la marque DivX pour dégénérescence.
Encore,
– Dire que l’action en contrefaçon de marque par imitation du signe DivX formée par DivX, Inc ne saurait prospérer,
Dès lors,
– Rejeter toutes les demandes formées par DivX, Inc.
A titre reconventionnel.
– Faire injonction à la société de cesser tout dénigrement de la société JPF, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, et ce sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée,
– Condamner la société DivX. Inc à payer à la société JPF une somme de 1 million d’euros, au titre de l’atteinte à la réputation commerciale de la requérante, nécessairement induite par les agissements illicites de la société DXN,
– Condamner la société DivX, Inc à payer à la société JPF une somme de 5 millions d’euros, sauf à parfaire, au titre du trouble commercial occasionné par la compagne de dénigrement menée par la société DXN,
– Ordonner, aux frais de la société DXN, la publication du jugement à intervenir dans un quotidien ou une revue spécialisée au choix de la société JPF,
– Condamner DivX, Inc à verser à JPF une indemnité de 150 000 € pour procédure abusive,
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,
– Condamner la société DivX, Inc à payer à la société JPF une somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du NCPC,
– Condamner la société DivX, Inc aux entiers dépens.
DISCUSSION
Sur la saisie contrefaçon
Attendu que la société JPF soutient que le procès-verbal de constat établi le 11 octobre 2004 par Me Frédéric A. comporte une liste de produits qui n’ont aucun lien avec l’objet du litige qui a fondé la saisie-contrefaçon ; qu’il résulte de l’article L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle et d’une jurisprudence constante que l’huissier doit respecter les seuls constats qui ont été autorisés par le Président du Tribunal de Grande Instance ; que l‘huissier a outrepassé les termes de l‘ordonnance en copiant des informations confidentielles qui relèvent du secret des affaires de la société JPF ;
Attendu que la société DivX, Inc. fait valoir que les documents copiés par l’huissier n’ont pas le moindre intérêt commercial ni pour la société DivX, Inc. ni pour la société JPF et qu’il n’en résulte aucun préjudice pour la société JPF ; que les documents en question n’ont jamais été publiés ou utilisés ; qu’en conséquence, le procès verbal de constat est valide ;
Mais attendu que s’il est exact que l’huissier doit respecter les termes de l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance, il ne les outrepasse pas en copiant tout document qu’il peut juger nécessaire lors de la saisie, et ce, même si certains documents se révèlent plus pertinents que d’autres ; Qu’en conséquence, l’huissier n’a pas outrepassé les termes de l’ordonnance délivrée par le Président du Tribunal de Grande Instance ;
Que ce premier moyen doit donc être rejeté.
Sur la protection du logiciel par la loi
Attendu que la société Divx, Inc fait valoir que le logiciel objet du litige, ci-après nommé codec, protégé en France par les articles L 111-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, a été créé en 2002 dans les laboratoires de la société Divx, Inc à San Diego en Californie par les salariés de la société et divulgué sous sa dénomination sociale ; qu’en conséquence, selon la loi des Etats-Unis, la société DivX, Inc. est considérée comme l’auteur de l’œuvre ; que le codec a été automatiquement protégé par la loi sur la protection des droits d’auteur aux Etats-Unis ; que la jurisprudence française a posé le principe selon lequel les actes d’exploitation commerciale sous le nom de la personne morale constituent de actes de possession de nature à faire présumer la titularité du droit de propriété incorporelle de l’auteur ; que la loi française protège l’oeuvre dès sa création ; que la Convention de Berne et plus précisément son article 5, le principe du traitement national, ont vocation à s’appliquer ou présent litige ; que selon cet article 5, l’oeuvre créée aux Etats-Unis est protégée en France de la même manière que si elle avait été créée en France ; qu’en conséquence le codec créé à San Diego en 2002 par les salariés de la société DivX, Inc. est protégé en France et la société DivX, Inc. est considérée comme I‘auteur de I‘œuvre ;
Attendu que la société JPF soutient qu’une jurisprudence constante a établi que, pour qu’un logiciel soit protégé par le droit d’auteur, son code source doit présenter les caractéristiques d’originalité et refléter la personnalité de son auteur ; qu’il ressortirait des constats effectués par Monsieur Hubert B., expert en informatique auprès de la Cour de Cassation, que le code source produit par la société demanderesse sous la pièce 2A présenterait des similitudes avec des fonctions de conversion déjà utilisées dans d’autres codecs vidéos se fondant sur une formule mathématique identique ; que la société DivX, Inc. n’a apporté ni la preuve de l’originalité du codec ni celle de sa qualité d’auteur ; qu’en outre, il serait notoirement connu dans le milieu des nouvelles technologies que la première version du codec DivX ayant circulé sur internet aurait été élaborée à partir de la version piratée du codec de Microsoft proche du MPEG 4 ; qu’en application de l’article 52 de la Convention de Berne, l’auteur d’un logiciel originaire des Etats-Unis doit préalablement rapporter la preuve qu’il bénéficie dans le pays d’origine de l’oeuvre d’une protection au titre du droit d’auteur ; que la société DivX, Inc. ne rapporte pas la preuve de la titularité des droits sur le codec DivX aux Etats-Unis ; qu’en conséquence la société DivX, Inc. ne saurait revendiquer en France la protection du droit d’auteur français puisque la convention de Berne n’est pas applicable au litige ;
Mais attendu que le codec a été crée à San Diego, aux Etats-Unis, et divulgué sous la dénomination sociale de la demanderesse en 2002 ; que si la loi fédérale Américaine encourage l’enregistrement des oeuvres, il ne s’agit que d’une modalité permettant, entre autre, l’octroi de dédommagements plus importants ; que cet enregistrement ne conditionne aucunement la protection d’un logiciel par la loi américaine ; qu’il en résulte que le codec Divx est protégé par la loi américaine ;
Que dès lors, en vertu de l’article 5 de la Convention de Berne, le codec bénéficie de la protection accordée par le droit français de la propriété intellectuelle ; qu’il importe peu que le codec en question présente des fonctions identiques à celles d’un autre codec ; qu’enfin il ne revient pas à la société JPF d’opposer à la société demanderesse la contrefaçon d’un codec dont elle ne détient pas les droits, en l’occurrence le codec MPEG 4 de la société Microsoft ; Qu’en conclusion, le société DivX, Inc. est titulaire des droits d’auteur sur le codec Divx et bénéficie de la protection du droit d’auteur français ;
Sur les actes de contrefaçon
Sur le codec DivX
Attendu que la société demanderesse affirme que la société JPF aurait vendu des lecteurs de DVD utilisant le codec DivX, et plus précisément la technologie « MT 1389 DE », après les avoir acquis auprès d’un licencié de la société Divx, Inc. ; qu’en dépit d’avertissements de la part de la société demanderesse informant la société JPF de l’obligation de souscrire une licence afin d’utiliser cette technologie, la société JPF aurait continué à vendre ses lecteurs sans verser de redevances ; que le rapport de l’expert Monsieur Hubert B. opposé par la société JPF pour contester la contrefaçon du logiciel est sans intérêt puisqu’il ne se fonde pas sur le “Software Development Kit » qui contient le code source du codec ; qu’en conséquence, la société JPF aurait totalement désorganisé le programme de licence de la société DivX, Inc et contrefait son codec ainsi que la technologie « MT 1389 DE » ;
Attendu que la société JFP soutient que la société Divx, Inc. n’apporte aucune preuve de la reproduction du codec dans les matériels identifiés chez JPF ; qu’il ressortirait des constats effectués par Monsieur Hubert B. que le code source produit par la société demanderesse sous la pièce 28 présenterait une fonction d’enregistrement et d’encodage d’un flux vidéo sous un format vidéo différent, qui ne pourrait être reproduit dans les lecteurs saisis chez JPF puisque ceux-ci ne permettent pas d’encoder ; que la société JPF n’a fait qu’acquérir de bonne foi les puces MT 1389 auprès de la société Cosmic Digital ; qu’en conséquence, la société JPF n’a pas contrefait le codec DivX en l’intégrant à ses Home Cinéma et ses lecteurs de salon ;
Mais attendu qu’il n’est pas contesté que les appareils vendus par la société JPF ont été acquis auprès de la société Cosmic Digital ; que cette société avait souscrit une licence auprès de la société Divx,Inc. et commercialisait la technologie MT 1389 DE qui contient le codec en question ; que la société Divx,Inc. a prévenu la société JPF de la nécessité de verser une redevance pour la commercialisation de cette technologie ; que dès lors, la société JFP ne peut se retrancher derrière sa bonne foi, à supposer qu’elle soit efficace ; que le constat effectué par Monsieur Hubert B. ne se fonde pas sur le “Software Development Kit” qui contient la version du code source contenue dans la puce MT 1389 DE et ne peut, à ce titre, venir contester la présence dudit codec au sein des produits de la société JPF ;
Qu’en conclusion, la société JPF a contrefait le codec de la demanderesse en commercialisant des produits contenant cette technologie ;
Sur la marque DivX
Attendu que la demanderesse soutient que la société JPF apposerait la marque DivX, ainsi qu’une imitation « BivX sur les emballages de ses produits, et plus précisément le “DX 3220”, le “DX 3225” et le “HT 6500” ; qu’en utilisant cette marque comme un terme générique elle porterait atteinte à sa notoriété ; que le rapport d’huissier en date du 24 février 2004 n’a pas la moindre valeur puisque c’est la société JPF qui a choisi et donné les produits examiné à l’huissier ; que l’article L 713-6 du Code de la Propriété intellectuelle s’applique lorsqu’il s’agit d’accessoires et de pièces détachées et que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que l’Inpi et l’Ohmi ont conclu que “DivX” était un terme distinctif et a enregistré le terme en tant que marque ; qu’en conséquence de cela, la société JPF a contrefait la marque DivX ;
Attendu que la société JPF oppose à la société DivX, Inc. qu’elle n’appose pas la marque DivX sur ses produits mais le terme générique DivX ; Que le terme générique Bivx désigne des vidéos encodées sous le format DivX mais avec deux pistes sons ; Que le terme DivX est devenu un terme usuel et générique pour désigner un format vidéo et est utilisé abondamment dans la presse et sur internet ; qu’au surplus, l’examinateur de l’Inpi avait décidé de lever, par courrier du 5 février 2004, son objection de fond au dépôt de la marque ; qu’en conséquence la marque « DivX® » présenterait un défaut de caractère distinctif et qu’il ne saurait dès lors, y avoir contrefaçon de la marque DivX ; Qu’à titre reconventionnel, la société JPF demande que soit prononcée l’annulation de la marque DivX pour défaut de caractère distinctif de la marque DivX, ou, en tout état de cause, que soit prononcé la déchéance de la marque DivX pour dégénérescence ;
Mais attendu que la validité d’une marque et son pouvoir distinctif doivent être appréciés à la date de son dépôt ; que le terme « DivX n’était pas entré dans le langage courant français pour designer un codec vidéo à la date de son dépôt et ne peut voir sa distinctivité contestée ; que, s’il est vrai qu’un titulaire d’une marque puisse perdre ses droits s’il ne cherche pas à empêcher l’utilisation usuelle de se marque par le public, tel n’est pas le cas en l’espèce ; que les exemples d’utilisation du terme Divx relevés par la société JPF ne sauraient apporter la preuve d’une déchéance de la marque mais tout au plus d’une notoriété mondiale ; que, si le terme BivX pour Bi-Divx fait clairement référence à la marque de la société demanderesse, il désigne une fonctionnalité différente et est impropre à créer une confusion chez le consommateur ; qu’en conséquence, la société JPF a contrefait la marque Divx ;
Attendu que les agissements de la société JPF Entertainment S.A, doivent conduire à l’interdiction de l’importation et la mise sur le marché français des lecteurs DX 3220, DX 3225 et des dispositifs HT 6500 sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 100 euros par infraction commise à compter de la signification de la présente décision et à l’interdiction de l’usage du signe “DivX”, en relation avec les produits désignés au dépôt de la marque française “DivX” n° 03 3 232 193 sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 100 euros par infraction commise à compter de la signification de la présente décision ;
Que les pièces régulièrement versées aux débats permettent de :
– fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif de la société JPF Entertainment S.A, à la somme de 68 000 euros en réparation du préjudice du fait des actes de contrefaçon des droits d’auteur compte tenu des éléments ;
– fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment S.A à la somme de 50 000 euros du fait des actes de concurrence déloyale compte tenu des éléments ci-avant exposés dont le tribunal dispose ;
– fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment S.A à la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marque compte tenu des éléments ci-avant exposés dont le tribunal dispose ;
Qu’il convient, à titre de dommages et intérêts complémentaires, d’autoriser la société DivX, Inc. à faire publier le jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix et aux frais avancés de la société JPF Entertainment S.A., le coût de chaque insertion ne devant pas excéder la somme de 3000 euros hors taxes ; qu’il convient de fixer la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment S.A au titre des publications à intervenir à 15 000 euros compte tenu des éléments ci-avant exposés dont le tribunal dispose ;
Sur les actes de concurrence déloyale
Attendu que la société DivX, Inc. soutient que la société JPF utilise les termes “3.11, 4.0 et 5.0” aux côtés de la marque DivX ; que ces termes sont utilisés par la société DivX, Inc. pour identifier le versions de son codec ; que ces trois nombres regroupés ensemble indiquent au consommateur que les appareils en question incluent les versions correspondantes du codec ; qu’en conséquence, l’utilisation de ces trois nombres sont constitutifs d’agissements parasitaires sanctionnés par l’article 1382 du Code Civil ;
Attendu que la société JPF affirme que la société DivX, Inc. ne rapporte pas la preuve que ces numéros feraient référence au codec dans l’esprit du consommateur ; que de nombreux logiciels portent sur des versions 3.11 ; qu’en conséquence, cette suite de nombres est en fait une mention couramment utilisée pour les mises à jours de logiciels et que leur utilisation ne saurait constituer un acte de concurrence déloyale ;
Mais attendu que s’il est exact que de nombreux logiciels utilisent une combinaison de chiffres pour désigner la version en vigueur, la suite de chiffre « 3.11, 4.0 et 5.0 », lorsqu’elle est apposée aux côtés de la marque DivX, Inc. fait clairement référence à la compatibilité matérielle du lecteur avec les différentes versions du codec ;
Qu’en conséquence, la société JPF s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale ;
Attendu que la société JPF allègue que la société DivX, Inc. a porté des accusations qui lui ont causé un préjudice extrêmement important à la réputation commerciale et l’image même de la société JPF ; que les agissements illicites de la société DivX, Inc. entraîneraient une chute du chiffre d’affaire très importante de 5 millions d’euros ; Que la société DivX, Inc. s’est donc rendue coupable d’actes de concurrence déloyale ;
Attendu que la société DivX, Inc oppose à la société JPF qu’il est courant et banal pour les propriétaires de marques d’envoyer des lettres de protestation demandant aux contrefacteurs de cesser leurs agissements ; que la société JPF n’apporte pas la moindre preuve que la société DivX, Inc. aurait participé à une campagne de diffamation, pas plus qu’elle aurait communiqué la moindre information inexacte concernant la société JPF ou ses dirigeants ;
Mais attendu que si des actes de dénigrement peuvent être constitutifs d’actes de concurrence déloyale, la société JPF n’apporte pas la preuve de tels agissements ; que les courriers échangés et les mises en demeure émises par la société DivX, Inc. ne peuvent être constitutifs d’actes de concurrence déloyale ; que la société DivX, Inc. n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale ;
Sur la demande reconventionnelle de la société JPF
Attendu que la société JPF soutient que la procédure intentée contre elle présenterait un aspect particulièrement abusif dans les moyens qui ont été mis en oeuvre par la société DivX, Inc. ; qu’en plus des courriers menaçants et des procédures extrajudiciaires et judiciaire visant à faire supprimer toute référence DivX sur les emballages et notices des produits de la société JPF, le second procès-verbal que la société DivX, Inc. a fait pratiquer par Me Frédéric A. comporte la copie d’un fichier qui contiendrait des informations confidentielles et relevant du secret des affaires ; que de tels agissements dépourvus de motifs légitimes et totalement fautifs seraient constitutifs d’une procédure abusive ;
Attendu que la société DivX, Inc. affirme que la procédure ne serait pas abusive puisqu’en l’espèce la contrefaçon serait flagrante ; que les documents saisis lors de la saisie contrefaçon ne créeraient aucun préjudice à la société JPF puisqu’ils n’auraient jamais été publiés ou utilisés et ne seraient d’aucun intérêt pour la société DivX, Inc. ou pour toute autre personne ; qu’en conséquence la procédure intentée par la société demanderesse ne saurait être abusive ;
Mais attendu que la procédure intentée par la société DivX, Inc. ne présente pas d’aspect particulièrement abusif, tant dans son fondement que dans les moyens mis en œuvre ; que la preuve d’une intention de nuire, d’une malveillance ou d’une mauvaise foi n’est pas apportée par la défenderesse ;
Qu’en conséquence, la procédure intentée par la société DivX, Inc. n’est pas abusive et la demande reconventionnelle doit être rejetée ;
Sur la liquidation Judiciaire de la société JPF Entertainment S.A
Attendu que la société JPF Entertainment S.A fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ; que les sommes réclamées par la société DivX, Inc. ne pourront qu’être fixées au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment SA ;
Sur l’article 700
Attendu qu’il convient de condamner la société JPF Entertainment SA. qui succombe à la somme de 10 000 euros envers la société Divx, Inc. au titre de l’article 700 du ncpc ;
Que le même motif conduit à condamner la société JPF Entertainment SA aux entiers dépens ;
DECISION
Statuant publiquement, en premier ressort par jugement réputé contradictoire,
. Rejetant tous autres moyens, motifs, conclusions, arguments, plus amples ou contraires ;
. Constate la validité de la saisie contrefaçon diligentée le 1er octobre 2004 ;
. Constate que le logiciel » DivX » dont la société DivX, Inc. est titulaire des droits d’auteur, est protégé par le droit d’auteur français ;
. Dit que la marque DivX, Inc. ne présente aucun défaut de caractère distinctif ou de dégénérescence ;
. Dit que l’importation et la mise sur le marché français des produits référencés DX 3220, DX 3225 et HT 6500 par la société JPF Entertainment S.A. sans l’acquittement d’une licence auprès de la société DivX, Inc. constituent des actes de contrefaçon du logiciel DivX ;
. Dit que l’usage des références du logiciel « DivX », « 3,11, 4.0 et 5.0 » sur l’emballage des produits de la société JPF sont constitutifs d’actes de concurrence déloyale mais seulement lorsqu’elles sont apposées aux côtés du nom du codec ;
. Interdit à la société JPF Entertainment S.A. l’importation et la mise sur le marché français des lecteurs DX 3220, DX 3225 et des dispositifs HT 6500 sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 100 euros par infraction commise à compter de la signification de la présente décision ;
. Interdit à la société JPF Entertainment S.A. l’usage du signe “DivX”, en relation avec les produits désignés au dépôt de la marque française “DivX » n° 03 3 232 193 sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 100 euros par infraction commise à compter de la signification de la présente décision ;
. Fixe la créance de la société DivX, Inc. ou passif de la société JPF Entertainment S.A, à titre de provision à la somme de 68 000 euros en réparation du préjudice du fait des actes de contrefaçon des droits d’auteur compte tenu des éléments ci-avant exposés dont le tribunal dispose ;
. Fixe la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment SA à la somme de 50 000 euros du fait des actes de concurrence déloyale compte tenu des éléments ci-avant exposés dont le tribunal dispose ;
. Fixe la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment S.A à la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marque compte tenu des éléments ci-avant exposés dont le tribunal dispose ;
. Autorise la société DivX, Inc. à faire publier le jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix et aux frais avancés de la société JPF Entertainment SA., le coût de chaque insertion ne devant pas excéder la somme de 3000 € HT ;
. Fixe la créance de la société DivX, Inc. au passif du redressement judiciaire de la société JPF Entertainment SA au titre des publications à intervenir à 15 000 euros compte tenu des éléments ci-avant exposés dont le tribunal dispose ;
. Ordonne l’exécution provisoire du jugement à intervenir pour l’ensemble des mesures sollicitées au présent dispositif, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
. Déboute la société JPF Entertainment SA de I’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
. Condamne Maître Jacques M. ès qualité de mandataire judiciaire de la société JPF Entertainment et Maître Bernard H. ès qualité d’administrateur judiciaire de la société JPF Entertainment S.A. à la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
. Condamne la société JPF Entertainment SA aux entiers dépens.
Le tribunal : Mme Gillet (vice présidente), M. Pansier et Mme Olivier (juges)
Avocats : Me William Kopacz, Selarl Pardo Boulanger
« Le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 15 mai 2007 est devenu définitif le 28 janvier 2010 par suite du retrait de l’appel du défendeur. »
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