Jurisprudence : Diffamation
Cour d’appel d’Aix en Provence, 1ere chambre c, arrêt du 29 octobre 2015
Corinne G. épouse L., Association Agir ensemble pour Rognac / Jean-Christophe C., Laurent C., Claude C., Sarl Electro Moteur C.
blog - bonne foi - critères - diffamation - directeur de la publication - élections - modération
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de
Marseille en date du 31 juillet 2014 enregistrée au répertoire général sous le
N° 14/02855.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2015,
Signé par Monsieur Serge Kerraudren, président, et Monsieur Serge Lucas, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte du 4 juin 2014, M. Jean-Christophe C., M. Laurent C., M. Claude
C. et la société Électro Moteur C. ont assigné en référé l’association “Agir
Ensemble pour Rognac” (AEPR) et Mme Corinne L. aux fins de voir juger, au visa
de la loi du 29 juillet 1881, que les commentaires postés le 28 mars 2014 à 6h13 et à
9h45 par le modérateur du blog AEPR sont diffamatoires envers eux en raison des
passages suivants :
“ J’ai un ami Laurent C. qui a écrit un mot de soutien à M. Guillaume. Je suis
étonné avec tout ce qu’il pouvait me dire sur lui, mais Guillaume achète tout le monde.”
“Il faut se débarrasser de tout cette clique”. “Nous savons que cet individu ne vaut rien pour Rognac ! Voilà encore une preuve que le clientélisme est maître chez les guillaumistes. Présentation de la société Électro Moteur C. cette entreprise est
spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de gros (commerce interentreprises) de fournitures et d’équipements industriels divers. Guillaume serait-il pas de la famille G.? Posons nous la question”.
Ils soutenaient également que les réponses écrites de Mme L. à ces commentaires étaient également diffamatoires envers eux en raison des passages suivants :
“ Tiens ce nom me dit quelque chose. De mémoire il s’agit d’une entreprise qui
travaille avec la mairie pour la réparation de pompes et autres choses dans ce genre.
En fait, c’est un concurrent direct de notre entreprise. Bizarre non ???? […]
Vous savez, rien n’est gratuit pour certains. Un vote se fait en échange de
marchés ou autres.”
“… Cette famille est bien connue… Peur de perdre les marchés ou chantage ???”
“Je ne me poserai pas une telle question en ce qui concerne le dernier point, je
sais juste que le soutien en question n’est pas gratuit…mais peu importe, je crois
effectivement que pas grand monde n’est dupe”.
Ils soutenaient encore que le site http://…. portait atteinte aux droits de la personnalité protégés par l’article 9 du code civil, envers Laurent C. et se livrait à la collecte de données à caractère personnel en violation de la loi Informatique
et Liberté du 6 janvier 1978.
Ils demandaient au juge des référés :
– qu’il soit ordonné au directeur de la publication du blog, sous astreinte, de
procéder à la suppression intégrale des propos ou écrits diffamatoires à l’égard de MM Laurent, Jean-Christophe et Claude C. et de la société Électro Moteur C.,
– qu’il lui soit fait interdiction sous astreinte de publier ou de contribuer à publier notamment sur le réseau internet tout propos diffamatoire à leur égard,
– qu’il soit fait la même interdiction à Mme L.,
– que le dispositif de l’ordonnance soit publié dans trois journaux aux frais du
directeur de publication du blog et Mme L.,
– que toute référence au nom patronymique C. et à la société Électro Moteur
C. soit supprimée sur le site du blog de l’AEPR et la publication de l’ordonnance à
venir sur ce site,
– que le directeur de la publication du blog et Mme L. soient condamnés
in solidum à payer une provision sur dommages et intérêts de 20 000 euros à la société Électro Moteur C., de 2 000 euros à M. Claude C., à de 5 000 euros M. Jean-
Christophe C. et de 10 000 euros à M. Laurent C. en raison des propos
diffamatoires, outre 3 000 euros à ce dernier sur le fondement de l’article 9 du code civil, pour atteinte à la vie privée,
– qu’ils soient condamnés in solidum à verser à chaque requérant la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association AEPR, in limine litis, avait invoqué la nullité de l’assignation.
Par ordonnance du 31 juillet 2014, le juge des référés du tribunal de grande
instance de Marseille, au visa de l’article 809 du code de procédure civile, de la loi du
29 juillet 1881, de l’article 9 du code civil et de la loi du 6 janvier 1978, a :
– Déclaré l’assignation régulière,
– Jugé que les commentaires postés le 28 mars 2014 à 6h13 et à 9h45 par le
modérateur du blog AEPR et les réponses écrites de Mme L. à ces commentaires
ont été diffamatoires envers les requérants,
– Constaté que le trouble avait cessé au jour où il statuait,
– Fait, en tant que de besoin, interdiction aux assignées de publier à nouveau ou contribuer à publier à nouveau, notamment sur le réseau internet, tout propos
diffamatoire à l’égard des requérants, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction
constatée,
– Condamné in solidum Mme ou M. Le directeur de publication du blog de
l’AEPR et Mme L. à payer, à titre provisionnel, à valoir sur dommages et intérêts
toutes causes de préjudice confondu, à chacun des requérants la somme de 2 000 euros,
– Condamné les mêmes à verser aux requérants la somme globale de 1800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné les mêmes aux dépens, en ce compris tous fais de citation,
notifications, constats d’huissier de justice rendus nécessaires par la procédure,
– Rejeté le surplus des demandes.
Le juge a retenu
– que l’assignation ne laissait place à aucune confusion entre injure et
diffamation, son dispositif mentionnant des propos diffamatoires,
– que le caractère diffamatoire des propos incriminés était manifeste,
– qu’aucune preuve d’un préjudice particulier n’était rapportée,
– qu’en raison de la cessation du trouble, il n’y avait pas lieu d’ordonner
la publication de la décision.
Mme L. a interjeté appel de cette décision par déclaration du 29 août 2014
et l’association AEPR en a interjeté appel le 2 septembre 2014. Les deux instances ont été jointes le 4 décembre 2014.
Par ses dernières conclusions du 18 septembre 2015, l’association AEPR demande
à la cour de :
A titre principal,
Rejeter l’ensemble des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure
civile et de la mettre hors de cause,
A titre subsidiaire,
Annuler l’ordonnance,
Déclarer nulle l’assignation,
Juger que les demandes concernant le retrait des propos litigieux étaient sans objet et que l’obligation était sérieusement contestable,
Juger que les conditions de l’article 809 du code de procédure civile n’étaient pas réunies,
Se déclarer incompétent,
Juger que les propos ne sont pas diffamatoires et que le préjudice est inexistant,
Rejeter l’ensemble des demandes et condamner in solidum les intimés à lui verser
la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association, qui rappelle le contexte de campagne électorale dans lequel les faits
se sont déroulés, M. Laurent C. soutenant ouvertement la liste opposée à celle dont
Mme L. était tête de liste intitulée “Agir ensemble pour Rognac”, développe, en
substance, les arguments suivants :
– Elle justifie d’un droit à agir, en l’état d’une ambiguïté avérée de l’ordonnance
attaquée sur le débiteur des provisions allouées,
– Son représentant légal a qualité à agir en son nom en justice, sans avoir à
justifier d’un pouvoir spécial, en l’état de son règlement intérieur qui prévoir que le
Président représente en permanence l’association,
– L’assignation est nulle au regard des articles 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, l’acte étant confus et mentionnant à la fois la diffamation et l’injure,
– Le juge des référés était incompétent dès lors que Mme L., dès réception
de l’assignation, a supprimé les propos en cause du blog,
– L’obligation était sérieusement contestable, en l’absence de préjudice établi et
de tentative des requérants de faire cesser la publication en contactant le modérateur du blog, de sorte qu’aucune provision de pouvait être allouée et que la bonne foi de Mme L. était établie,
– Les propos en cause ne comportaient l’allégation d’aucun fait précis mais une
opinion critique relevant du seul débat d’idée.
Par ses dernières conclusions du 29 septembre 2015, Mme L. demande à
la cour:
– d’annuler l’ordonnance,
A titre principal,
– déclarer nulle l’assignation,
A titre subsidiaire,
– juger que les demandes concernant le retrait des propos litigieux était sans objet et que l’obligation était sérieusement contestable,
– juger que les conditions de l’article 809 du code de procédure civile ne sont pas réunies, et se déclarer incompétent,
A titre infiniment subsidiaire,
– juger que les propos ne sont pas diffamatoires,
– juger que le préjudice est inexistant,
Par voie de conséquence et en tout état de cause,
– juger qu’en cas d’annulation de l’ordonnance les intimés devront restituer
l’intégralité des sommes payées par l’appelante et lui verser la somme de 5000 euros en réparation des conséquences dommageables,
– condamner in solidum les intimés à lui verser la somme de 4500 euros sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les motifs de ces demandes sont, en substance, les mêmes que ceux développés
par l’association.
Dans leurs dernières conclusions du 17 septembre 2015, les consorts C. et la
société Électro Moteur C. demandent à la cour de :
A l’égard de l’AEPR :
In limine litis et à titre principal,
– juger irrecevable l’appel de l’association AEPR prise en la personne de son
représentant légal pour défaut de qualité,
– juger irrecevable son appel pour absence d’intérêt à agir,
A titre subsidiaire,
– déclarer régulière l’assignation,
– dire que le juge des référés est compétent,
– constater que l’association AEPR n’a pas offert, dans les conditions de l’article
55 de la loi de 1881, de faire la preuve des faits diffamatoires,
– juger que les propos revêtaient un caractère diffamatoire,
– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions et débouter l’AEPR de toutes ses demandes,
– la condamner à une amende civile de 3 000 euros en application de l’article 559 du code de procédure civile, à leur verser la somme de 4000 euros en raison du caractère abusif de l’appel, et 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
A l’égard de Mme L.,
– déclarer l’assignation régulière,
– dire le juge des référés compétent,
– constaté que Mme L. n’a pas offert de faire la preuve des faits
diffamatoires,
– confirmer l’ordonnance,
– débouter Mme L. de toutes ses demandes et la condamner à leur verser
4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que l’AEPR n’a pas qualité à agir, faute pour son président d’avoir
reçu un mandat spécial, ni intérêt à le faire, faute d’avoir été condamnée par la décision attaquée ; que l’assignation est régulière car sans ambiguité ; que le juge des référés restait compétent malgré la cessation du trouble ; que tout propos diffamatoire est constitutif d’un préjudice car il porte inévitablement atteinte à l’honneur et à la considération de la personne ; que les propos imputaient à la famille C. des infractions (trafic d’influence -art. 432-11 code pénal ; le chantage – art. 312-10 code pénal) ; que les appelants ont fait un usage abusif du droit d’appel.
DISCUSSION
Le blog , qui se définit comme un site internet et réalise une communication au
public en ligne, relève de l’article 1 IV de la loi pour la confiance dans l’économie
numérique du 21 juin 2004, modifiée par la loi du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance. Il est également soumis, à ce titre au régime général de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté d’expression, mais aussi à la loi du 29 juillet 1881 sur le droit de la presse.
Le blogueur ou le directeur de la publication est responsable du contenu des
informations mises à disposition du public sur le blog et à ce titre des éventuelles
infractions à la loi du 29 juillet 1881, même résultant de messages émanant de tiers
écrivant sur le blog, lorsqu’ils ont été préalablement fixés.
En l’espèce, le blog de l’AEPR a été “géré” par Mme L. (p. 3 de ses conclusions) et qui indique (p.20 des conclusions) qu’elle en est la directrice de publication.
Sur la recevabilité de l’appel de L’AEPR :
* Sur la régularité de la représentation de la personne morale
La déclaration d’appel ne mentionne pas l’organe représentant l’AEPR,
contrairement aux dispositions énoncées aux articles 58 et 901 du code de procédure
civile, mais se borne à indiquer que celle-ci est représentée par “son représentant légal”. Cependant, le défaut de désignation de l’organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu’un vice de forme. Cette irrégularité ne peut donc conduire à la nullité de l’acte, en l’espèce, aucun grief n’étant démontré par les intimés.
* Sur l’intérêt à faire appel de l’AEPR
Le fait que l’association AEPR n’ait fait l’objet d’aucune condamnation
pécuniaire ne la prive pas d’un intérêt à faire appel dès lors que l’ordonnance fait
défense “aux assignées”, dont l’association AEPR, sous astreinte, de procéder à certaines publications.
L’appel de l’association sera donc déclaré recevable.
Sur la nullité de l’assignation :
Il résulte de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, qui est applicable en matière
civile, que : “La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte
de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle
contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée
tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite”.
En l’espèce, si les visas du dispositif de l’assignation font référence à l’article 29
de la loi de 1881, qui concerne à la fois la diffamation et l’injure, il est demandé à la cour de juger que “les commentaires postés sont diffamatoires”, d’ordonner “la suppression intégrale des propos ou décrits diffamatoires”, d’interdire sous astreinte “de publier ou contribuer à publier, notamment sur le réseau internet, tout propos diffamatoire”. Par ailleurs, le corps de l’assignation comporte un paragraphe 3 intitulé “sur la diffamation”, dans lequel il est indiqué “qu’il sera démontré que les éléments constitutifs de la diffamation publique sont parfaitement présents en l’espèce…” (p. 8) et, plus loin, que le message du modérateur posté à 6H13 constitue une allégation “constitutive d’une diffamation publique à l’égard de M. Laurent C. au sens de l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimée par l’article 32 alinéa 1″ de la même loi. Le même reproche est fait en page 11, 13 et 14 de l’assignation concernant le message posté par Mme L. en réponse. Par ailleurs le paragraphe 4 de l’acte est intitulé “Sur les préjudices subis par les demandeurs à l’instance du fait de la diffamation”. Enfin, le résumé des prétentions figurant page 15 mentionne exclusivement le délit de diffamation.
Il apparaît ainsi que l’assignation remplit les conditions de précision requises par
l’article 53 de la loi et permettait parfaitement à ses destinataires de connaître la
qualification unique sous laquelle les faits étaient incriminés et le fondement de l’action.
Sur la compétence du juge des référés :
En soulevant l’incompétence du juge des référés, les appelantes invoquent en
réalité le fait que l’action ne remplirait ni les conditions du premier ni celles du second
alinéa de l’article 809 du code de procédure civile.
Cette incompétence résiderait, tout d’abord, dans le fait qu’au jour où le juge des
référés a statué le trouble manifestement illicite supposé avait cessé puisque Mme
L. avait, dès la délivrance de l’assignation, supprimé les propos incriminés du
blog.
Cependant, si le juge des référés doit se placer au jour où il statue pour apprécier
l’existence du trouble manifestement illicite, il tient de l’alinéa 1er de l’article 809 du
code de procédure civile le pouvoir de prévenir un dommage imminent, même en
présence d’une contestation sérieuse, et de l’alinéa 2 celui d’accorder une provision au créancier ou d’ordonner l’exécution d’une obligation. L’appréciation de l’existence d’un droit de créance non sérieusement contestable imposait au juge des référés de vérifier si un trouble manifestement illicite, consistant dans la publication de propos diffamatoires, avait existé, s’il était susceptible de se reproduire et s’il avait causé un préjudice.
Il est ensuite soutenu que les propos incriminés n’étaient pas diffamatoires.
En l’espèce, les messages diffusés et reproduits dans l’assignation (capturés sur
écran par un constat d’huissier de justice du 1 avril 2014) insinuent clairement que M. Laurent C., qui est expressément visé par les messages diffusés à 6h13, et la société Électro Moteur C., qui est expressément mentionnée dans celui de 9h45, auraient reçu des sommes d’argent ou des promesses de contrats en échange de leur soutien à un candidat aux élections, faits qui sont pénalement réprimés et susceptibles d’être vérifiés.
Il en est ainsi du premier commentaire d’un blogueur anonyme, posté par le
modérateur du blog à 6h13, qui mentionne que le candidat pour laquelle M. Laurent C. invitait à voter “achète tout le monde”, ce qui laisse clairement entendre qu’il a “acheté” le vote de M. C., imputation qui, à l’évidence, ne relève pas du débat d’idée. Il en va de même de la réponse faite par Mme L. qui indique : “rien n’est gratuit pour
certains. Un vote se fait en échange de marchés ou autres […] cette famille est bien
connue. Peur de perdre les marchés, chantage ?”.
Il en va de même du commentaire posté par Mme L. à 9h45, qui en réponse
à un commentaire d’internaute concernant le soutien de la société Électro Moteur C.
à la liste opposée indique “… je sais juste que le soutien en question n’est pas gratuit…”.
Ces allégations sont, à l’évidence, de nature à porter atteinte à l’honneur et la
considération des personnes visées (M. Laurent C. et la société Électro Moteur C.)
au sens de l’article 29, alinéa 1er, de la loi de 1881. Elles font naître à leur profit un droit à réparation du préjudice qui a pu résulter des messages publiés. Compte tenu de la diffusion d’un blog, qui peut être lu par toute personne le consultant sur la toile, et du fait que ce blog, par son caractère électoral, était susceptible d’être d’autant plus consulté que les faits se sont déroulés en période électorale, le préjudice moral subi par M. Laurent C. et la société n’est pas sérieusement contestable.
Le fait que le commentaire initial de 6h15 n’ait pas été écrit par l’AEPR ou Mme
L. est sans incidence sur la responsabilité du directeur de publication dès lors que
le message a été posté par le modérateur du blog, étant au demeurant relevé que
l’absence de mise en cause de ce tiers, dont l’identité est inconnue, est sans incidence sur la possibilité d’agir contre le directeur de la publication sur le fondement de la loi de 1881.
Pour soutenir que les messages ne pouvaient être qualifiés de diffamatoires, Mme
L. et l’AEPR soutiennent qu’ils ont été écrits et diffusés de bonne foi.
S’il ne peut être opposé aux appelantes le délai de 10 jours prévu à l’article 55 de
la loi de 1881, qui n’est pas applicable au fait justificatif de bonne foi, leur bonne foi ne peut être établie que par la preuve de circonstances particulières et de faits justificatifs, tenant à l’objectivité des messages incriminés, à la prudence avec laquelle ils ont été écrits et diffusés, à l’absence d’animosité personnelle et à la légitimité du but poursuivi par leur auteur, ces quatre critères étant cumulatifs.
Mme L. soutient que ses propos s’appuyaient sur les commentaires mis par
M. Laurent C. lui-même sur son propre blog invitant à voter pour la liste opposée et
précisant “N’oubliez pas d’aller voter aujourd’hui pour la liste “Unis pour l’avenir de
Rognac” [opposée à celle de Mme L.]. Si vous ne le faites pas pour eux, faites le
pour moi”. Mme L. en déduit que M. C. avait un intérêt personnel au succès de
cette liste et qu’un lien pouvait être établi avec le fait que cette personne, résidant dans une autre commune, avait son entreprise sur Vitrolles.
Cependant, ces éléments, qui ne s’appuient sur aucune information factuelle, sont insuffisants à établir l’objectivité d’un message procédant par insinuation, étant relevé
que les autres mentions du blog de M. C., invoquées par Mme L. pour justifier
de sa bonne foi, sont postérieures aux propos incriminés du 27 mars 2014 et ne peuvent donc établir sa bonne foi. Ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres critères de la bonne foi, ce fait justificatif ne sera pas retenu.
Le fait que M. C. n’ait pas cherché amiablement à faire disparaître les propos
du site, qu’il en ait fait mention sur sa page facebook ou qu’il ait attendu plusieurs
semaines avant d’assigner ne fait pas disparaître le préjudice causé, mais doit être pris en compte pour en évaluer le quantum.
Enfin, le fait que les propos aient été tenus en période électorale ne constitue pas
un fait justificatif en soi, étant au demeurant observé que M. Laurent C. et les
membres de la société C. n’étaient pas candidats à l’élection.
Il entrait donc dans les pouvoirs du juge des référés d’accorder une provision à
ces personnes à valoir sur la réparation de leur préjudice, l’obligation à réparation n’étant pas sérieusement contestable.
S’agissant de MM. Jean-Christophe et Claude C., respectivement co-gérant et
fondateur de la société Électro Moteur C., il y a lieu de considérer qu’ils ont également
été victimes des messages diffamatoires dès lors que l’un des commentaires vise “la
famille” C., laissant entendre que toute la famille est impliquée dans les pratiques
illicites visées.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de confirmer l’évaluation de la provision
faite par le premier juge, sauf en ce qui concerne M. Jean-Christophe C. et M. Claude
C. qui recevront chacun 1000 euros, leur nom n’étant pas cité expressément par les
commentaires incriminés. Par ailleurs le préjudice non sérieusement contestable de la
société Électro Moteur C. apparaît limité à 1000 euros, dès lors que si la société peut
justifier d’un préjudice de réputation, elle ne produit aucun élément sur des pertes
actuelles et effectives de marché ou de clientèle, la lettre qu’elle produit (pièce13)
n’établissant pas l’existence d’un tel préjudice.
Sur les demandes annexes :
La décision étant confirmée en son principe, la demande de dommages et intérêts
formulée par Mme L. en raison du préjudice que lui a causé l’exécution de la
décision de première instance ne peut qu’être rejetée. Par ailleurs, la présente décision constituant un titre permettant la restitution des sommes trop versées en exécution de la première décision, la demande tendant à ce que la cour ordonne cette restitution est sans objet.
La preuve de l’intention malicieuse ou de la légèreté blâmable de l’AEPR dans
l’appel interjeté n’étant pas rapportée, il n’y a pas lieu à amende civile ou condamnation de cette association sur le fondement de l’article 1382 du code civil.
Mme L. succombant, elle sera condamnée aux dépens d’appel et à verser
aux intimés la somme totale de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il en sera de même de l’AEPR. La demande des appelantes, formées sur le même fondement, doivent être rejetées.
DECISION
La cour,
– Déclare l’appel interjeté par l’association “Agir Ensemble pour Rognac”
recevable,
– Confirme l’ordonnance attaquée, sauf en ce qui concerne l’évaluation de la
provision due à M. Jean-Christophe C., M. Claude C. et la société Électro Moteur
C.,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– Condamne Mme L. et l’association “Agir Ensemble pour Rognac” à
verser à M. Jean-Christophe C., M. Claude C. et la société Électro Moteur C. une
provision de 1000 euros chacun,
– Rejette les demandes de M. Jean-Christophe C., M. Laurent C., M. Claude
C. et la société Électro Moteur C. de condamnation de l’AEPR à une amende civile
et à verser de dommages et intérêts pour appel abusif,
– Condamne l’association “Agir Ensemble pour Rognac” à verser à M. Jean-
Christophe C., M. Laurent C., M. Claude C. et la société Électro Moteur C. la
somme globale de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure
civile,
– Condamne Mme L. à verser à M. Jean-Christophe C., M. Laurent
C., M. Claude C. et la société Électro Moteur C. la somme globale de 1000 euros
sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rejette les demandes formées sur le même fondement par Mme L. et
l’association “Agir Ensemble pour Rognac”,
– Condamne Mme L. et l’association “Agir Ensemble pour Rognac” aux
dépens.
La Cour : Serge Kerraudren (président), Danielle Demont (conseiller), Lise Leroy-Gissinger (conseiller), Serge Lucas (greffier)
Avocats : Me Alexa Dubarry, Me Emmanuelle Mattei, Me Martine Desombre, Maître Stéphane Bonomo
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.