Jurisprudence : Responsabilité
Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 30 septembre 2011
Gaël N. / 20 minutes France, Pierre-Jean B.
diffamation - dommages-intérêts - éditeur - hébergeur - notification - presse
FAITS ET PROCÉDURE
Vu l‘autorisation d‘assigner en référé à heure indiquée délivrée par le magistrat délégué par le président de ce tribunal le 19 juillet 2011 pour l’audience du 2 septembre suivant ;
Vu l‘assignation qu’en suite de cette autorisation Gaël N. a fait délivrer, le 26 juillet 2011, à Pierre-Jean B., en qualité de directeur de la publication du site internet accessible à l’adresse www.20minutes.fr, et à la société 20 Minutes France, par laquelle il nous demande, au visa des articles 809 du Code de procédure civile, 6 l.-2°, 3° et 8° de la loi du 21 juin 2004, 1382 du Code civil :
– de “prescrire” au site internet 20 Minutes, en sa qualité d’hébergeur du blog “l’armée mexicaine”, de supprimer l’article intitulé “Marine Le Pen a trouvé son Henri G.” mis en ligne le 24 mai 2011, en ce qu’il contient des propos diffamatoires et injurieux à son égard ;
– de lui “accorder” une somme provisionnelle de 50 000 € sur le fondement des articles 1382 du Code civil et 6 I.-2° de la loi du 21 juin 2004 ;
– de lui “accorder” une somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
Vu la dénonciation de l’assignation au procureur de la République en date du 27 juillet 2011 ;
Vu les conclusions en réplique déposées à l’audience par Pierre-Jean B. et la société 20 Minutes France tendant à voir :
– dire irrecevable l’action engagée par le demandeur à l‘encontre de Pierre-Jean B. pour défaut d’intérêt à agir et, à titre subsidiaire, rejeter l’intégralité des demandes formées à son encontre ;
– débouter Gaël N. des demandes formées à l’encontre de la société 20 Minutes France ;
– condamner le demandeur aux entiers dépens et à payer à Pierre-Jean B. et à la société 20 Minutes France la somme globale de 5000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions en réponse déposées à l’audience par le demandeur reprenant les demandes contenues dans son acte introductif d’instance ;
Les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries respectives et avis leur a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2011, à 14 heures.
DISCUSSION
Il sera donné acte au demandeur de son désistement d’action à l’égard de Pierre-Jean B., assigné en qualité de directeur de la publication du site internet accessible à l’adresse www.20minutes.fr, désistement formulé lors de l’audience du 2 septembre 2011 et acté dans les notes d’audience.
Il convient de rappeler :
– d‘une part, qu’il appartient au juge des référés de se placer au jour où il statue, et non au jour où il est saisi de la demande formée devant lui, pour apprécier la réalité du trouble manifestement illicite qui justifierait son intervention en application des dispositions de l’article 809 du Code de procédure civile, en son premier alinéa ;
– d’autre part, que le juge des référés ne saurait se prononcer sur une mesure devenue sans objet au jour où il statue.
En l’espèce, le juge des référés est saisi d’une demande tendant à voir mettre un tenue au trouble manifestement illicite qui serait constitué par le maintien en ligne d’un article contenant des propos diffamatoires et injurieux à l’égard du demandeur, en “prescrivant” au site internet 20 Minutes, en sa qualité d‘hébergeur du blog “l‘armée mexicaine”, accessible à l’adresse http://larmeemexicaine.20minutes-blogs.fr, de supprimer l’article litigieux intitulé : “Marine Le Pen a trouvé son Henri G.”.
Tant dans ses dernières écritures que lors de l’audience du 2 septembre 2011, il a été constaté que le demandeur ne contestait pas que la société défenderesse avait déféré à la demande de suppression, à la délivrance de l’assignation, et qu’en conséquence le trouble manifestement illicite poursuivi sur le fondement de l’article 809, alinéa 1er, du Code de procédure civile, avait disparu, rendant, de ce fait, la mesure de suppression sollicitée pour faire cesser le trouble allégué sans objet.
Il convient, en conséquence, de dire n’y avoir lieu à référé sur l’existence, au jour où le juge statue, du trouble manifestement illicite invoqué au soutien de la demande tendant à faire cesser ce trouble sur le fondement de l’article susvisé.
Sur la demande de provision d’un montant de 50 000 €, il y a lieu de constater :
– d’une part, qu’elle est formée, non pas sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 809 du Code de procédure civile, mais sur celui de l’article 1382 du Code civil et de l’article 6 I.-2° de la loi du 21 juin 2004, aux termes duquel : “Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d‘écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d‘un destinataire de ces services si elles n‘avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite […] ou si, dès le moment où elles ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l‘accès impossible.” ;
– d’autre part, qu’elle est motivée par le fait que la société défenderesse n’aurait pas “agi promptement pour retirer les données ou en rendre l‘accès impossible”, ainsi que précisé dans le dispositif de l’assignation et des dernières conclusions en demande.
Le juge des référés est donc saisi en l’espèce, non d’une demande d’allocation d’une provision qui serait motivée par la mise en ligne d’un article diffamatoire et injurieux, mais au seul motif que “le site 20 Minutes, en sa qualité d’hébergeur, a eu effectivement connaissance du caractère des propos poursuivis en ce qu‘il a reçu deux notifications de contenus illicites répondant aux exigences légales de l’article 6 I.-5° de la loi du 21 juin 2004 et qu‘il n‘a pas agi promptement pour retirer les données ou pour en rendre l’accès impossible comme l’exige l’article 6 I.-2° de la même loi”.
La société défenderesse soutient, pour sa part, qu’elle a procédé au retrait du texte litigieux le 27 juillet 2011, soit le lendemain du jour de la délivrance de l’assignation “à titre purement conservatoire et sans reconnaissance de responsabilité” et qu’elle en a informé le demandeur par un courrier du même jour produit aux débats.
Par ailleurs, elle conteste la régularité des deux “notifications de contenu illicite” qui lui ont été successivement adressées par courriers recommandés des 26 mai et 20 juin 2011.
Il convient de considérer que le caractère sérieux de la contestation opposée en défense exclut la compétence du juge des référés, juge de l’évidence, pour apprécier le bien-fondé de la demande d’allocation d’une provision exclusivement fondée sur le fait que la société défenderesse n’aurait pas agi promptement pour procéder au retrait de l’article litigieux après l’envoi des deux courriers susvisés.
Sur ce second chef de demande, il sera, en conséquence, également dit n’y avoir lieu à référé.
Il convient, en la présente espèce, de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et de rejeter leur demande respective d’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
DECISION
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort ;
. Donnons acte à Gaël N. de son désistement d’action à l’égard de Pierre-Jean B. ;
. Constatons, par la présente décision de dessaisissement, l’extinction de l’instance engagée à l’encontre de Pierre-Jean B. ;
. Constatons que l’article poursuivi a fait, en son entier, l’objet d’une suppression par la société 20 Minutes France du site internet accessible à l’adresse http://larmeemexicaine.20minutes-blogs.fr ;
. Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes formées par Gaël N. ;
. Disons que chacune des parties à l’instance conservera la charge de ses propres dépens ;
. Rejetons la demande respective d’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal : M. Alain Bourla (président)
Avocats : Me Caroline Elkouby-Salomon, Me Anne Cousin
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