Jurisprudence : Contenus illicites
Cour de Cassation Chambre criminelle 11 mai 2006
Antoine X... / Ministère public
contenus illicites - image - internet - mineur - nullité - pédophilie - procédure - provocation
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Antoine,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 8 juin 2005, qui, pour détention d’images de mineurs présentant un caractère pornographique, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt confirmatif attaqué et des pièces de procédure qu’à la demande de policiers de la brigade des mineurs, Thierry Y… s’est connecté, sur le réseau internet, à un site de rencontre homosexuel en se faisant passer pour un adolescent de 14 ans ; qu’il est entré en contact avec Antoine X… qui a accepté de lui transmettre des images de mineurs à caractère pornographique ; que les deux hommes ont pris rendez-vous ; que les renseignements fournis par Thierry Y… aux policiers leur ont permis d’interpeller Antoine X… au lieu fixé pour la rencontre ; qu’aucune image illicite n’a été trouvée en possession de l’intéressé ; qu’Antoine X… a reconnu avoir conservé dans la mémoire de son ordinateur les images qu’il avait transmises à Thierry Y… ; qu’il a été cité directement devant le tribunal correctionnel pour détention, diffusion et transmission en vue de leur diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique ; que, par l’arrêt confirmatif attaqué, la cour d’appel a constaté l’irrégularité des poursuites engagées des chefs de diffusion et de transmission en vue de leur diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique et rejeté les autres exceptions de nullité soulevées par le prévenu ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, des droits de la défense, des articles 53, 56, 76, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation des poursuites en ce qui concerne le délit de détention ou représentation d’images d’un mineur présentant un caractère pornographique ;
« aux motifs, propres et adoptés, qu’Antoine X… explique que le procès-verbal d’audition de Thierry Y… porte, en marge, une référence se rapportant à une procédure concernant « Eric Z… » et révélant l’existence d’actes antérieurs non versés aux débats dont le prévenu n’a pas été mis en mesure d’apprécier la régularité, notamment au regard des dispositions relatives à la flagrance ; que, cependant, il apparaît que les déclarations de Thierry Y… sont à l’origine des poursuites contre Antoine X…, et ne se rattachent à aucun fait mettant en cause Eric Z… ; que, même si l’enquête visant Antoine X… faisait suite à la découverte de faits nouveaux dans une précédente enquête visant ledit Eric Z…, les actes des présentes poursuites resteraient étrangers à cette enquête, et il ne résulte d’aucune disposition légale que la procédure Z… doive être, à peine de nullité, versée dans la procédure incidente ;
« alors que le droit à un procès équitable et au respect de la vie privée et familiale, du domicile et des correspondances imposent que le prévenu puisse bénéficier d’un contrôle effectif et efficace de la régularité d’une procédure de flagrant délit à l’occasion de laquelle des actes de perquisition et fouille sont menés, hors son assentiment exprès ; que, par suite, la cour d’appel, qui ne conteste pas que le procès-verbal d’audition de Thierry Y… porte, en marge, une référence se rapportant à une procédure concernant un certain « Eric Z… », révélant ainsi l’existence d’actes antérieurs non versés aux débats, avait l’obligation de se faire communiquer ces actes et de vérifier, au regard de ces actes, la régularité de la procédure de flagrance poursuivie contre le prévenu » ;
Attendu que, pour écarter l’exception de nullité prise du défaut de versement aux débats d’une procédure d’enquête initiale mettant en cause un nommé Eric Z…, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les actes de la procédure engagée contre le prévenu sont étrangers à la première enquête ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs, et dès lors que la procédure de flagrance mise en oeuvre contre Antoine X… résultait des seules déclarations de Thierry Y…, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, des droits de la défense, du principe de loyauté de la preuve, des articles 53, 54, 56, 76, 78-2, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation des poursuites en ce qui concerne le délit de détention ou représentation d’images d’un mineur présentant un caractère pornographique commis courant décembre 2002 ;
« aux motifs qu’il apparaît que les déclarations de Thierry Y… sont à l’origine des poursuites contre Antoine X… ( ) ; qu’il résulte des débats, et notamment du témoignage de Thierry Y…, que celui-ci a agi à la demande de la brigade des mineurs pour se présenter, sur des sites de rencontres homosexuels, comme un adolescent de 14 ans intéressé par des relations sexuelles, afin de piéger des pédophiles et permettre leur identification puis, éventuellement, leur interpellation par la police ;
que la provocation et la participation simulée à des actions illicites, qu’elles soient commises par des policiers ou par le truchement de tiers agissant en concertation avec eux, vicient une procédure lorsqu’elles déterminent la personne intéressée à commettre l’infraction poursuivie ; qu’en l’espèce, la brigade des mineurs a utilisé un stratagème, par le truchement de Thierry Y…, pour obtenir d’Antoine X… qu’il lui envoie des images illicites ; qu’ainsi, les poursuites, en ce qu’elles concernent les délits de diffusion et de transmission en vue de leur diffusion d’images de mineurs à caractère pornographique, sont irrégulières ;
qu’en revanche, le principe de loyauté n’est pas méconnu quand l’intervention des policiers ou des tiers a eu pour seul effet de permettre la constatation d’infractions déjà commises et d’y mettre fin, ce qui est le cas pour le délit de détention d’images de mineurs présentant un caractère pornographique, puisque cette détention était antérieure à l’intervention de Thierry Y…, Antoine X… ayant précisé dans ses conclusions écrites qu’il possédait des photographies depuis l’année 2000 ; ( ) que les faits rapportés aux policiers par Thierry Y… ont constitué des indices apparents révélant l’existence d’agissements délictueux de détention d’images pornographiques illicites déjà commis justifiant, en application des articles 53 et 78-2 du Code de procédure pénale, le contrôle d’identité d’Antoine X… sur le lieu du rendez-vous convenu avec Thierry Y… ( ) ;
qu’il ressort (du procès-verbal d’audition du 17 décembre 2002) qu’Antoine X… s’était présenté spontanément au commissariat de police afin de compléter l’enquête, principalement sur les éléments de personnalité, et l’officier de police judiciaire avait toute latitude pour décider de ne pas placer cette fois-ci Antoine X… en garde à vue, alors même qu’avaient été révélés à son encontre des indices de participation à une infraction, suffisants pour justifier un placement en garde à vue quelques jours auparavant ;
que c’est le prévenu lui-même qui a déclaré aux services de police qu’il détenait des images, cette détention était antérieure à l’intervention de Thierry Y…, en conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient de déclarer irrégulières les poursuites engagées pour diffusion et transmission, en vue de leur diffusion, d’images de mineurs à caractère pornographique, et de rejeter la demande d’annulation des poursuites pour l’infraction de détention de ces images ;
« alors, d’une part, que le fait, pour la police, d’utiliser un stratagème, par le truchement d’un tiers qui n’est pas soumis à la même obligation de loyauté que les fonctionnaires de police, qui a pour but et pour effet de déterminer un délinquant éventuel à commettre les délits de diffusion et transmission d’images illicites et, par ce biais, le fait d’obtenir des indices apparents d’un délit de détention de ces mêmes images déjà commis ou en train de se commettre, permettant ainsi d’ouvrir une enquête de flagrance hautement coercitive et de contrôler l’identité du prévenu, élude les règles de procédure, compromet les droits de la défense et entraîne la nullité de toute la procédure, y compris en ce qu’elle vise des faits de détention d’images illicites ;
« alors, d’autre part, que constitue une violation du droit à un procès équitable et du principe de loyauté de la preuve entraînant la nullité de toute la procédure, y compris en ce qu’elle vise les faits de détention d’images illicites, l’utilisation, par la police, d’un stratagème, qui n’a pas eu, selon les propres constatations de l’arrêt, pour seul effet de révéler de tels faits mais a déterminé le prévenu à commettre les délits de diffusion et transmission d’images illicites et, ce faisant, permis d’obtenir des indices de détention de ces mêmes images ;
« alors, enfin, que la nullité, sanction de la violation du principe de loyauté de la preuve, frappe les actes de procédure qui procèdent de ce stratagème et s’étend à tous les actes subséquents ; que la nullité peut n’être que partielle et donne lieu, en ce cas, à retrait ou cancellation des seuls actes ou mentions litigieuses ;
qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui constate que la procédure est irrégulière et que l’annulation est encourue pour violation du principe de loyauté à raison d’un stratagème policier ayant déterminé le prévenu à commettre les faits de diffusion et transmission d’images illicites, était tenue de prononcer la nullité des actes de procédure procédant de ce stratagème, en premier lieu, de l’audition de Thierry Y… à l’origine de l’ensemble des poursuites, ce qui l’aurait nécessairement amenée à constater la nullité de toute la procédure subséquente, y compris en ce qu’elle visait des faits de détention d’images illicites » ;
Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe de la loyauté des preuves ;
Attendu que porte atteinte au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d’une infraction par un agent de l’autorité publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d’un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus ;
Attendu que, pour rejeter l’exception de nullité des poursuites exercées pour détention d’images de mineurs présentant un caractère pornographique, l’arrêt, après avoir constaté que Thierry Y… avait, à l’instigation des policiers, incité le prévenu à lui transmettre de telles images, retient que les faits rapportés aux policiers par Thierry Y… ont constitué des indices apparents révélant l’existence d’agissements délictueux de détention d’images illicites déjà commis justifiant le contrôle d’identité d’Antoine X… sur le lieu du rendez-vous convenu ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, et alors que l’audition au cours de laquelle Antoine X… a reconnu détenir les images illicites était consécutive à la provocation ayant déterminé l’ensemble des poursuites, la cour d’appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
DECISION
Par ces motifs,
. Casse et annule, en ses dispositions concernant Antoine X…, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Bordeaux, en date du 8 juin 2005, et pour qu’il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
. Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
. Ordonne l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Bordeaux, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
La Cour : M. Cotte (président), Mme Ponroy (conseiller rapporteur), M. Le Gall, Mme Chanet, MM. Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup (conseillers de la chambre), M. Sassoust, Mme Caron (conseillers référendaires );
Avocat général : M. Finielz ;
Avocat : SCP Waquet, Farge et Hazan
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