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Jurisprudence : Logiciel

mercredi 01 décembre 2004
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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 29 novembre 2004

Edouard de L. / Ordre des avocats, Election Europe et Yves R.

expertise - internet - logiciel - vote électronique

FAITS ET PROCEDURE

Vu l’autorisation d’assigner en référé à heure indiquée accordée le vendredi 26 novembre 2004 à 16 heures en vue de notre audience de cabinet du lundi 29 novembre à 9 heures 30 ;

Vu l’assignation en référé introductive d’instance, délivrée – avec visa du Bâtonnier – aux défendeurs le 26 novembre 2004, et les motifs y énoncés ;

Vu les conclusions prises par l’Ordre des avocats à la Cour de Paris le 29 novembre 2004 ;

Vu les conclusions prises par Yves R. le même jour ;

Vu les conclusions orales de la société Election Europe ;

Edouard de L. expose :

– qu’il s’est présenté aux élections du successeur du Bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris qui se sont déroulées le mardi 23 novembre 2004 et le mercredi 24 novembre 2004 ;
– que lors du premier tour de scrutin, il est arrivé en tête des élections, ayant obtenu 2934 voix sur 8394 suffrages exprimés, contre 2148 voix à Yves R., arrivé en deuxième position ;
– que les résultats du premier tour n’ayant été connus que nuitamment, le 23 novembre 2004, le 24 novembre 2004 s’est néanmoins déroulé le second tour de ces élections qui ont mis en présence Edouard de L. et Yves R. ;
– que le résultat final de ce second tour donna vainqueur du scrutin Yves R., avec 4460 voix contre 4080 à Edouard de L. ;

Le demandeur précise qu’entre le premier et le second tour de scrutin, il a constaté des irrégularités techniques de nature à affecter de manière déterminante le résultat de ces élections. Il fait valoir à cet égard que la société Election Europe, en charge d’assurer techniquement le vote des avocats via le réseau internet, n’a pas exécuté ses obligations contractuelles conformément aux règles de l’art et aux spécifications convenues en procédant, notamment, à des tests de paramétrage entre les deux tours de manière non contradictoire et dans des conditions de conformité contestables. Il estime que les dysfonctionnements qu’il dénonce ont eu un impact déterminant sur le résultat des votes.

Edouard de L. sollicite en conséquence, par application de l’article 145 du ncpc, la nomination d’un expert en vue d’établir et de conserver, avant toute action au fond, la preuve des modalités techniques du déroulement des élections des 23 et 24 novembre 2004, notamment afin de déterminer les conditions dans lesquelles se sont effectués les votes des avocats via le réseau internet.

Il invoque l’urgence résultant du risque de dépérissement des preuves, dès lors que l’ordinateur qui a permis le vote litigieux via le réseau internet est situé à Nanterre et doit servir également aux élections des membres du Conseil de l’Ordre de Nanterre qui auront lieu dès ce jour, 29 novembre 2004.

L’Ordre des avocats à la Cour de Paris, tout en estimant que rien ne laisse supposer l’existence de dysfonctionnements dans les opérations électorales en cause, s’oppose à la désignation d’un expert, mais indique entendre ne pas empêcher le demandeur de procéder au décompte de ses voix, la production des éléments nécessaires, spontanément offerte, pouvant être assortie de la désignation d’un huissier en qualité de constatant, autorisé à se faire assister par un sapiteur en informatique.

Yves R. nous demande, à titre principal, de nous déclarer incompétent pour statuer sur la demande formée par Edouard de L., la cour d’appel étant, selon lui, seule compétente pour connaître du contentieux électoral des avocats.

Régis J., au nom de la société Election Europe dont il est le gérant et qu’il représente, fait valoir que les opérations de vote ont été régulières, que les bulletins sont certes dématérialisés mais qu’il est toujours possible d’imprimer l’ensemble des bulletins et de s’assurer de l’absence d’erreur.

DISCUSSION

Sur l’exception d’incompétence soulevée par Yves R.

Attendu que la compétence de droit commun du président du tribunal de grande instance en matière de référé connaît des restrictions qui tiennent notamment à la compétence d’un juge spécialisé ;

Qu’en d’autres termes, la compétence de principe du président du tribunal de grande instance cesse là où un autre juge est spécialement investi de la compétence dans un domaine particulier ;

Que, s’agissant des avocats, le contentieux électoral est réglé par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant cette profession ;

Attendu qu’aux termes de l’articles 12 dudit décret, pris en application de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, « Les avocats disposant du droit de vote peuvent déférer les élections à la cour d’appel dans le délai de huit jours qui suivent ces élections […] » ;

Attendu que si l’exclusivité attribué au juge spécialisé n’est pas absolue, il apparaît pourtant qu’une demande d’expertise fondée sur les dispositions de l’article 145 du ncpc doit être présentée à la juridiction qui, seule, a compétence pour connaître du contentieux électoral né de l’élection ordinale aujourd’hui contestée ;

Qu’en effet, le contentieux électoral est un contentieux spécial et dérogatoire qui doit traiter et résoudre rapidement l’ensemble des contestations relatives à une même élection, particulièrement lorsque les résultats officiels ont été proclamés et que leur enjeu est aussi important que celui de l’élection du futur Bâtonnier de Paris ;

Qu’en outre, ainsi que l’observe pertinemment Yves R., le fait que le législateur ait choisi de limiter le nombre de degrés de juridictions en matière de contentieux électoral des avocats, apparaît incompatible avec la saisine du président du tribunal de grande instance sur le fondement de l’article 145 du ncpc qui permet à tout juge saisi d’ordonner la mesure sollicitée ;

Attendu, en conséquence, que la cour d’appel de Paris, seule appelée à connaître du contentieux électoral relatif aux élections des 23 et 24 novembre 2004, pourra être valablement saisie de la présente demande ;

Qu’il y a lieu, dans ces conditions, de nous déclarer incompétent et d’inviter le demandeur à mieux se pourvoir ;

DECISION

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort,

. Nous déclarons incompétent pour connaître de la demande, au profit de la Cour d’appel de Paris ;

. Invitons en conséquence le défendeur à mieux se pourvoir ;

. Le condamnons aux dépens ;

Le tribunal : M. Jean Claude Magendie (président)

Avocats : Me Bensoussan, Me Henri Alterman, Me Jean Michel Darrois, Me Christiane Feral-Schuhl

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