Jurisprudence : Jurisprudences
Conseil de Prud’hommes de Meaux, jugement du 23 juillet 2021
Mme X. / EuroDisney
caractère professionnel - employeur - messagerie électronique - messagerie spontanée - mot de passe - présomption - salarié
Madame X. a été embauchée par la société Euro Disney suivant contrat à durée indéterminée en date du 17 février 1 992 en qualité d’agent administratif confirmé.
Depuis Je 1er octobre 2020, Madame X. était employée au poste d’assistante de communication.
Par courrier remis en mains propres Je 23 mars 2018, Madame X. a été convoquée
à un entretien préalable à un licenciement qui s’est tenu Je 5 avril 2018.
Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 17 avril 2018, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse avec dispense d’exécuter son préavis contractuel.
Contestant son licenciement, Madame X. a saisi le Conseil des prud’hommes de
Meaux par requête en date du 20 septembre 2018.
Les parties ont été convoquées à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation du 17 janvier 2019, à la suite de laquelle, le Président du Conseil de Prud’hommes a ordonné le changement de la section Encadrement, au profit de la section Activités Diverses et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 12 septembre 2019. à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 24 octobre 2019 puis à celles du 13 février 2020. du 14 mai 2020 et enfin à celle du 22 octobre 2020 à l’issue de laquelle, faute de conciliation, la clôture a été ordonnée et les parties convoquées en bureau de jugement à l’audience du 18 janvier 2021 . date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 12 avril 2021.
Le bureau de jugement n’ayant pu se départager, l’affaire a été renvoyée devant la formation de départage du conseil de prud’hommes à l’audience du 7 mai 2021.
A l’audience. Madame X. représentée par son conseil demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
– à titre principal , dire et juger que son licenciement est nul et, en conséquence. condamner la société Euro Disney à lui verser la somme de 1 03 044, 24 euros équivalent à 36 mois de salaire ;
– à titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamner la SAS Eurodisney à lui verser la somme de 103 044. 24 euros équivalent à 36 mois de salaire ou, à tout le moins. la somme de 52 953. 29 euros équivalent à 18, 5 mois de salaire ;
– en tout état de cause :
*condamner la société Euro Disney à lui verser 5 000 euros au titre du préjudice résultant de la violation de sa vie privée,
*condamner la société Euro Disney à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamner la société Euro Disney aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions. elle a repris oralement ses conclusions écrites auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
La société Euro Disney Associés, représentée par son conseil demande au tribunal de juger le licenciement de Madame X. justifié, la débouter de l’ensemble de ses demandes et, à titre reconventionnel , la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il a repris oralement ses conclusions écrites auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
L’affaire a été mise en délibéré au 2 juillet 2021, prorogé au 23 juillet 2021.
DISCUSSION
Sur la demande tendant à juger discriminatoire la rupture du contrat de travail de Madame X. et la demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail,
Il résulte des dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné. licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en rai son notamment de son âge.
L’article L. 1134-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige fondé sur une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Enfin, il résulte de l’article L. 1235-3-1 du code du travail que lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une nullité pour discrimination, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En l’espèce, Madame X. soutient que son licenciement revêt un caractère discriminatoire puisque lié à son âge. Elle en veut pour preuve qu’elle a été licenciée en raison de propos tenus sur un fil de discussion de la boîte de messagerie reliée au réseau social Facebook qui comptait six participants à la date de découverte des propos et que, sur ces six participants, seuls quatre ont été licenciés, tous âgés d’une quarantaine d’année ou plus, comme elle, alors âgée de 49 ans, qu ‘en revanche les deux plus jeunes participants à cette conversation n’ont fait l’objet d’aucune sanction et ce alors qu’ils ont tenu des propos de même nature que ceux tenus par Madame X.
Or, le simple fait que seuls les quatre salariés les plus âgés. sur les six ayant participé à la conversation litigieuse aient été licenciés, alors que ceux-ci présentent des écarts d’âge importants (de 39 à 60 ans) et que. comme le précise l’employeur, les deux autres participants à cette conversation. en effet plus jeunes. n’étaient qu’apprentis au sein de la société ne saurait suffire à supposer l’existence d’une discrimination fondée sur l’âge.
En conséquence, il convient de rejeter la demande tendant à juger discriminatoire la rupture du contrat de travail de Madame X. et la demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail.
Sur la demande tendant à juger abusif le licenciement de Madame X. et la demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.
Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail , tout licenciement doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’m1icle L. 1235-1 , alinéa 3. du même code dispose qu’en cas de contestation il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. Pour cela, il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné.au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La charge de la preuve d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pèse sur l’employeur qui peut la rappot1er par tous moyens, à condition que celle-ci soit licite et loyale.
A défaut de rapporter la preuve d’une cause réelle et sérieuse, Je licenciement doit être considéré comme infondé.
En l’espèce, il appartient à la société Eurodisney qui a procédé au licenciement de Madame X. de rapporter la preuve d’une cause réelle et sérieuse de nature à justifier sa décision.
A ce titre, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :
« Vous occupez actuellement un emploi d’assistante de communication, statut agent de maîtrise assimilé cadre.
Votre longue expérience de ce métier au sein de notre société vous amène nécessairement à en connaitre ses prérequis essentiels. Ainsi vous n’ignorez pas la relation de travail sereine que vous devez entretenir avec les membres du management avec lesquels vous travaillez et le respect que vous devez avoir à l’égard de vos collègues directs de travail.
Il s’agit là d’une qualité essentielle de savoir-être et de professionnalisme dont résultent votre fiabilité de votre travail et l’accomplissement serein du travail en équipe à l’appui de vos collègues de travail directs.
Or nous avons eu à constater récemment de votre part de nombreux agissements graves et contraires à cet attendu pourtant simple.
Lors de l’absence temporaire à son poste de travail de Mme Y. le 11 février
2018, il a été demandé à deux collaborateurs du département d’accéder à l’ordinateur de travail habituellement utilisé par Mme Y. pour récupérer des documents de travail contenus sur cet ordinateur. A cette occasion, les deux collaborateurs ont dû se servir du réseau de l’entreprise pour l’envoi digitalisé de ces documents. C’est alors qu’elles ont pris connaissance des conversations que vous entreteniez via votre session de messagerie instantanée sur le réseau social « Facebook » avec d’autres collèges du département dont vous sous le pseudo « Davy Crockett ». Ces collaborateur, choqués par la teneur grave de ces échanges les visant également et dont les plus anciennes ont eu lieu dès le mois de septembre 2017, en ont avisé M. Z. , le sénior manager du département le jour même. Ces agissements fautifs et leur gravité ont justifié la mise en œuvre de la procédure dont vous faites actuellement l’objet et qui sont re pris ci-dessous.
Ainsi, vous échangez de manière répétée avec vos collègues de travail du même service via une messagerie instantanée « Messenger / Facebook » sous le pseudo « Davy Crockett », certains pendant le temps de travail et sur le lieu de travail, des propos dégradants. insultants humiliants voire discriminants sur d’autres de vos collègues ou le management à l’appui de prise de photographies diffusées via celle messagerie dont certaines prises dans nos locaux de travail en coulisse.
Vous tenez les propos dénigrant.· suivants visant votre management et y associez des insultes (…) »
La lettre de licenciement reprend alors le contenu des messages datant respectivement du 27 décembre 2017, de mi-octobre 2017 et du 24 novembre 2017.
« Vous avez des comportements inquiétants et insidieux devant le domicile privé d’une collègue de travail (Mme T.). Vous vous garez régulièrement et volontairement devant le domicile privé de votre collègue de travail. Vous prenez une photographie de sa boite aux lettres et la diffusez sur la messagerie instantanée du réseau social « Facebook » le 1-111012017. Vous y associez le message suivant ( …)
Peu importe le contexte dans lequel se sont tenus ces propos, ils matérialisent une atteinte grave à l’intégrité morale de vos collègues de travail visés et rendent impossibles les relations sereines de travail en équipe. Au-delà du manque de loyauté évident qu’ils consacrent dans nos relations contractuelles, vos agissements entretiennent un climat dégradant les conditions de travail et humiliant voire isolant certains de vos collègues de travail directs par la constitution de « clan » et sont susceptibles en outre de constituer une forme grave de harcèlement moral au travail.
Ces faits ont affecté la santé morale des collègues visés qui vous ont lu. Par mesure de prévention quant à la santé morale des autres collègues de travail visés, nous ne leur avons pas relayé vos propos et agissements.
Ils contreviennent en outre à plusieurs dispositions de notre règlement intérieur régulièrement porté à votre connaissance.
Ils sont d’autant plus graves que vous avez déjà été sanctionnée récemment pour des.faits comportementaux similaires. s’agissant de manque de respect et d’insulte envers vos collègues de travail.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien du 5 avril 2018 ne m’ont pas permis de modifier mon appréciation à ce sujet. (…)
Par conséquent, nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. (…) »
Ainsi, il est établi et non contesté que l’ensemble des griefs reprochés à Madame X. au soutien de son licenciement résultent du contenu de la conversation Messenger découverte sur le poste informatique de Madame Y. le 14 février 2018.
Sur la loyauté de la preuve des faits reprochés
Madame X. soutient que cette conversation ne peut fonder son 1icenciement dès lors que sa production en justice ne peut être admise son obtention résultant d’une violation de sa vie privée.
L’employeur réplique que la conversation en question s’est ouverte de manière automatique au moment du lancement du navigateur internet sur l’ordinateur de Madame Y. alors que celle-ci avait sciemment donné son code d’accès à son supérieur hiérarchique, comme en attestent Mesdames V. et W., salariées à l’origine de sa découverte ; qu’ainsi Madame Y. avait donc laissé ouverte et apparente sa page Facebook rendant visible de façon automatique la conversation litigieuse et faisant perdre à cette dernière son caractère privé.
Sur ce.
L’article 9 du code civil , pose le principe du droit de chacun au respect de sa vie privée. Par application de l’article 9 du code de procédure civile. il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention et les preuves apportées doivent être obtenues de manière licite et loyale.
Il est admis que le salarié a droit même au temps et au 1ieu du travail au respect de l’intimité de sa vie privée et que celle-ci implique le secret des correspondances même reçues sur un outil informatique mis à sa disposition pour son travail.
Il est de jurisprudence établie que les fichiers ou courriels intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à la disposition du salarié et non identifiés comme personnels sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors la présence du salarié.
De même, les courriers adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.
S’agissant toutefois des messages électroniques reçus par un salarié sur sa messagerie personnelle, distincte de la messagerie professionnelle dont il dispose pour son activité. il est de droit que ceux-ci ne peuvent être produits en justice sans porter atteinte au secret des correspondances.
En l’espèce. il est acquis aux débats que les messages échangés par Madame X. et ses collègues ont été découverts par deux salariées de l’entreprise sur la session Facebook de Madame Y. collègue de Madame X. à partir de son ordinateur professionnel mis à sa disposition par son employeur alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie et avait transmis le code d’accès à son ordinateur à son supérieur hiérarchique, Monsieur Z. afin que des documents professionnels puissent être récupérés et envoyer sur le réseau de l’entreprise.
Ainsi il n’est pas soutenu que les messages litigieux étaient publiés sur le « mur » de la salariée concernée et accessibles à tous.
Il est en revanche constant que ceux-ci provenaient de la messagerie personnelle de Madame Y., intégrée dans son compte Facebook.nécessairement protégée par le secret des correspondances qui a du être consultée pour accéder à son contenu, peu important à ce titre que la fenêtre de discussion soit. comme le soutiennent les deux salariées à l’origine de la découverte, apparue spontanément au moment de l’ouverture du moteur de recherche Internet dès lors qu’il n’est pas démontré que cet affichage résulte d’un acte volontaire de Madame Y. Cela ne saurait d’ailleurs être soutenu dès lors que la salariée se trouvait en arrêt de travail depuis plusieurs jours, que son ordinateur était éteint ou du moins verrouillé et qu’elle n’a transmis son mot de passe qu’à la demande de son employeur et uniquement pour permettre à celui-ci de récupérer et transférer des documents de nature professionnelle.
Dès lors, les messages ainsi récupérés en l’absence de la salariée et même si ceux-ci n’étaient pas protégés par un mot de passe, ne peuvent, sous peine de porter atteinte au secret des correspondances, être produits en justice et fonder un licenciement.
En l’absence de tout motif de licenciement étranger à la conversation litigieuse, c’est à bon droit, au vu de ce qui précède.que Madame X. soutient que son le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières du licenciement
Le licenciement de Madame X. étant abusif, celle-ci est en droit de solliciter le versement de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice lié à la perte de son emploi.
Madame X. soutient, à titre principal, que l’indemnisation du préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait être limitée par les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017. cet article étant inconventionnel au regard des dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne et de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail dès lors qu’elles instaurent des plafonds d’indemnisation contraires tant au rôle dissuasif que doit jouer l’indemnisation auprès de l’employeur qu’au principe de réparation intégrale du préjudice.
Elle sollicite ainsi une indemnité d’un montant de 1 03 044, 24 euros.
A titre subsidiaire. elle soutient qu’elle est fondée à obtenir une indemnité égale à 18,5 mois de salaire, soit la somme de 52 953. 29 euros.
La société Eurodisney soutient que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont conformes aux nonnes conventionnelles et que Madame X. ne démontre pas l’étendue du préjudice dont elle entend obtenir réparation.
Sur ce,
L’article L. 1235-3 du code du travail prévoit que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article qui prévoit, pour les salariés justifiant d’une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés, une indemnité comprise entre un mois et deux mois de salaire.
L’article 24 de la partie II de la Charte sociale européenne révisée le 3 mai 1996 est ainsi rédigé :
« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »
L’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail dispose que « si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur. ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l’article 24 de ladite Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre personnes privées, de sorte qu’elles ne peuvent être utilement invoquées par Madame X. dans le cadre du présent litige.
Il est admis, en revanche, que les articles de la Convention n° 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail sont d’application directe en droit interne.
Il convient d’observer que l’instauration d’un plafond d’indemnisation, tel qu’il a été prévu par le législateur à l’article L. 1235-3 du code du travail précité, n’est pas, dès lors qu’il laisse au juge français une certaine marge d’appréciation dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise, en soi contraire aux dispositions de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT imposant aux Etats signataires, en cas de licenciement injustifié.de garantir au salarié une indemnité adéquate ou une réparation appropriée.
En l’espèce, la société Eurodisney employait plus de onze salariés et Madame X. justifiait au moment de son licenciement, durée du préavis comprise, d’une ancienneté de 26 ans et 4 mois de sorte qu’elle peut prétendre au versement d’une indemnité d’un montant compris entre trois moi s et dix-huit mois et demi de salaire.
Madame X. entend justifier de l’étendue de son préjudice en établissant les faits suivants :
– son licenciement est intervenu alors qu’elle était âgée de 49 ans ;
– elle a effectué l’ensemble de sa carrière professionnelle au sein de la société Euro Disney et n’est en mesure de justifier d’aucune autre expérience professionnelle ;
– elle se trouve dans un état psychologique très faible nécessitant la prise d’an ti dépresseurs depuis mai 2018 ;
– elle est la mère de trois enfants mineurs ou étudiants ;
– au 18 janvier 2021 elle n’avait pas retrouvé d’emploi.
Elle ne justifie cependant pas de sa situation actuelle au regard de l’emploi ni des démarches accomplies depuis son licenciement afin de tenter de retrouver un emploi.
Compte tenu de ces différents éléments, de l’âge de la salariée au moment de la rupture de son contrat et des conséquences du licenciement à son égard, l’allocation à Madame X. d’une somme correspondant à quinze mois de salaire offre à cette dernière une indemnisation adéquate du préjudice résultant de son licenciement injustifié, de sorte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail précité plafonnant le montant de l’indemnité à laquelle peut prétendre l’intéressée ne sauraient être considérées, pour le cas d’espèce, comme contraires aux dispositions de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT précitées.
Madame X. sera, en conséquence, déboutée de sa demande principale en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 103 044, 24 euros.
Il conviendra en revanche de faire partiellement droit à la demande formulée par la salariée à titre subsidiaire en condamnant la société Euro Disney à lui payer la somme de 42 935 euros, soit quinze mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sa ns cause réelle et sérieuse.
Sur la demande tendant à juger attentatoire à la privée de la salariée la consultation d’une conversation électronique à caractère personnel et la demande de dommages et intérêts sur le fondement des articles 9 du Code Civil et L. 1121-1 du code du travail,
Madame X. soutient qu’en consultant le contenu de sa messagerie personnelle sans son accord et en en extrayant des éléments, son employeur a porté atteinte à sa vie privée ainsi qu’au secret des correspondances, lui causant un préjudice distinct de celui entraîné par le licenciement sans cause réelle et sérieuse dont elle sollicite la réparation à hauteur de la somme de 5 000 euros.
La société Eurodisney soutient quant à elle que la salariée sollicite ainsi la réparation d’un préjudice non direct et dont la responsabilité repose sur Madame Y. qui n’a pas préservé la nature privée des échanges et qu’en tout état de cause, s’il existe une violation de la vie privée, celle-ci est demeurée proporti01mée au regard des impératifs du droit à la preuve.
Sur ce,
L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales garantit le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Aux termes de l’article 9 du code civil. chacun a droit au respect de sa vie privée. L’article L. 1121-1 du code du travail précise que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Il est admis que le salarié a droit même au temps et au lieu du travail au respect de l’intimité de sa vie privée et que celle-ci implique le secret des correspondances même reçues sur un outil informatique mis à sa disposition pour son travail.
Comme il a été précédemment expliqué, la consultation, l’extraction et la production en justice d’extraits d’une conversation électronique ayant un caractère privé sans l’accord des salariés participants à cette conversation est constitutif d’une atteinte à la vie privée de ces salariés. Or, l’employeur échoue à démontrer que l’accès à la conversation litigieuse découle d’une démarche volontaire de Madame Y. et ne justifie d’aucun motif impérieux de nature à justifier une telle atteinte à la vie privée.
En conséquence, Madame X. est fondée à solliciter la réparation du préjudice qu’elle a nécessairement subi du fait de la violation de sa vie privée. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 2 000 euros.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé. dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En application de ces dispositions, il convient de condamner la société Euro Disney à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées. le cas échéant. à Madame X. du jour de son licenciement au jour du présent jugement, à concurrence de six mois.
Les créances indemnitaires sont génératrices d’intérêts au taux légal à compter du présent jugement entrepris, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.
La société Euro Disney, partie perdante en l’espèce, sera condamnée au x dépens.
Il serait inéquitable que Madame X. supporte l’intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, la société Euro Disney sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire en raison de son ancienneté. sera ordonnée en application de l’article 515 du code de procédure civile.
DECISION
Le juge départiteur, après en avoir délibéré conformément aux dispositions de l’ordonnance du 24 novembre 2020 du Président du tribunal judiciaire de Meaux prise sur le fondement de l’article 4 de l’ordonnance 11° 2020-1400 du 18twvembre 2020, par jugement contradictoire,rendu en premier ressort, publiquement,par mise à disposition auprès du greffe,
DIT que la rupture du contrat de travail conclu entre Madame X. et la SA Euro Disney Associés s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SA Euro Disney Associés à payer à Madame X. les sommes de :
– 42 935 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de sa vie privée ;
avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
ORDONNE, en tant que de besoin, le remboursement par la SA Euro Disney Associés aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Madame X. du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois dans les conditions prévues à l’article L. 1235-4 du code du travail et dit que le secrétariat greffe, en application de l’article R. 1235-2 du code du travail, adressera à la Direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l’objet d »un appel ;
CONDAMNE la SA Euro Disney Associés aux dépens ;
CONDAMNE la SA Euro Disney Associés à payer à Madame X. la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de toute autre demande, fin ou prétention plus ample ou contraire ;
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.
Le Conseil : Mathilde Sezer (président juge départiteur), Sophie Rouziers (assesseur conseiller (S)), Véronique Pascual (assesseur conseiller (E)), Nicolas Strich (greffier)
Avocats : Me Romain Darrière, Me Kheir Affane
Source : Legalis.net
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