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Jurisprudence : Marques

mercredi 13 octobre 1999
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Cour d’appel de Paris 14ème chambre Arrêt du 13 octobre 1999

Fashion TV / Christian Dior Couture, World Média Live, Société d'édition et de création média (Secm) et W2M.

cassette vidéo - constat agent assermenté app - contrefaçon de marque - reproduction

La société Christian Dior Couture est propriétaire des marques Christian Dior et Dior enregistrées pour différents types de produits et de services.

Ayant découvert que des sites Internet présentaient des photographies des modèles de ses collections sur lesquels elle se prévaut de droits d’auteur exclusifs, un « clip » vidéo extrait d’une cassette intitulée « Best of Dior » proposée à la vente et représentant les derniers défilés Dior, des images de créations ou défilés reproduisant les marques précitées, la société Christian Dior Couture a engagé une procédure de référé.

Par ordonnance du 22 février 1999, le président du tribunal de grande instance de Paris a notamment :

fait interdiction à la société Fashion TV Paris et en tant que de besoin à la société World, sous astreinte, de faire usage et de reproduire les marques Christian Dior, ainsi que les modèles de collection de Dior sur son site Internet,

fait interdiction aux mêmes parties de vendre et de proposer à la vente des cassettes vidéo concernant les marques défilés susvisés,

ordonné la communication à la demanderesse, la société Christian Dior Couture, de toutes pièces de nature à déterminer le nombre de cassettes revendues au jour de la délivrance de l’assignation,

ordonne le séquestre entre les mains de la demanderesse du master et des cassettes litigieuses.
Pour statuer comme il l’a fait, le juge des référés a retenu l’atteinte aux droits exclusifs détenus par la société demanderesse sur les marques et modèles présentés.

La société Fashion TV Paris a interjeté appel de cette décision le 9 mars 1999.

Selon ses dernières conclusions signifiées le 15 septembre 1999, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet des prétentions et moyens développés,

la société Fashion TV Paris demande à la cour d’infirmer l’ordonnance, de dire n’y avoir lieu à référé et de condamner la société Christian Dior Couture à lui payer la somme de 50 000 F au titre de l’article 700.

Au soutien de son appel, la société Fashion TV Paris fait valoir :

que seul le juge de la mise en état est compétent pour se prononcer sur la demande,
que la société Christian Dior Couture n’expose pas lequel de ses modèles serait contrefait et ne démontre pas être titulaire des droits afférents aux dix modèles,
qu’il n’y a pas eu en l’espèce contrefaçon de marque,
que la demande, si elle est accueillie, violerait les droits d’auteur détenus par Fashion TV Paris sur le « clip »,
qu’elle n’a nullement commercialisé les cassettes litigieuses, ni autorisé World Média Live à le faire.
– que les mesures prises par le premier juge ne sont pas justifiées.

La société Christian Dior Couture a conclu le 14 septembre 1999 à la confirmation de l’ordonnance et à la condamnation de la société Fashion TV Paris au paiement de la somme de 50 000 F au titre de l’article 700.

Réitérant son argumentation initiale, elle demande à la cour de rejeter les moyens soutenus par l’appelante.

Les sociétés World Média Live, Secm et W2m ont signé le 23 juin 1999 des conclusions sollicitant la mise hors de cause des deux dernières sociétés, la constatation du rôle déterminant de Fashion TV Paris dans la commercialisation des cassettes, la confirmation de l’ordonnance sur les autres points, la condamnation de la société Fashion TV Paris à payer à World Média Live la somme de 50 000 F au titre de l’article 700.

SUR LA COMPETENCE

Considérant que, si préalablement à la procédure de référé, la société Christian Dior Couture a engagé pour les mêmes faits une action devant les juges du fond, cette circonstance ne saurait à elle seule rendre la juridiction des référés incompétente pour statuer sur la demande dès lors que, d’une part sa saisine procède d’une exacte application de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle et que d’autre part, en toute hypothèse, le juge de la mise en état n’est compétent, selon l’article 771 du nouveau code de procédure civile, pour se prononcer sur une mesure provisoire qu’à compter de sa désignation, dont il n’est pas justifié en l’espèce ; que l’exception ne peut en conséquence être accueillie.

SUR LE BIEN FONDE DE LA DEMANDE

Considérant que la demande a été présentée sur un double fondement, celui de la contrefaçon de la marque et de l’atteinte au droit de propriété intellectuelle sur des modèles de vêtements.

La contrefaçon de marques
Considérant qu’aux termes de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, « lorsque le tribunal est saisi d’une action de contrefaçon, son président, saisi et statuant en la forme des référés, peut interdire, à titre provisoire, sous astreinte, la procédure des actes argués de contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation.

La demande d’interdiction ou de constitution de garanties n’est admise que si l’action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un bref délai à compter du jour où le propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée.

Considérant que c’est par un constat établi aux mois de janvier et février 1999, quelques jours avant l’engagement de la procédure, que l’organisme dénommé Agence pour la protection des programmes (APP) a permis à la société Christian Dior Couture d’apprendre que les marques Christian Dior étaient reproduites en particulier sur le site Internet de Fashion TV Paris.

Considérant que le titulaire d’une marque jouissant sur celle-ci d’un droit absolu qui lui permet d’en interdire la reproduction par un tiers à quelque titre que ce soit, l’utilisation faite en l’espèce des dénominations protégées suffit à elle seule à établir le sérieux de l’action engagée à bref délai et à justifier l’intervention du juge des référés, sur le fondement de l’article 716-6 du code de la propriété intellectuelle.

Considérant que la contestation par la société Fashion TV Paris de la valeur probante du constat de l’APP ne saurait être retenue ni justifier une expertise, dès lors que l’appelante n’invoque aucune circonstance susceptible de contredire les énonciations de ce document ; qu’il importe peu également qu’elle n’ait pas, comme elle le prétend, cherché à faire naître une confusion sur la nature du programme diffusé, une telle confusion étant indifférente à la protection de la marque reproduite.

L’atteinte au droit de propriété intellectuelle sur les modèles
Considérant que le même constat de l’APP révèle, sans être sérieusement contredit par la société Fashion TV Paris, que le site Internet de celle-ci montre des modèles de collections Christian Dior, présentés sous forme de photographies ou à l’occasion des défilés de mannequins organisés par le couturier.

Considérant qu’il n’apparaît pas sérieusement contestable, d’une part que ces modèles constituent au sens de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle une œuvre de l’esprit protégée, d’autre part que la titularité des droits d’auteur sur cette œuvre appartienne à la société Christian Dior Couture, sous le nom de qui elle a été divulguée, étant observé que l’appelante n’invoque aucun fait de nature à contredire cette présomption.

Considérant que les modèles Christian Dior ou Dior constituant des créations originales appartenant à la société Christian Dior Couture, leur représentation ou reproduction sur un site Internet sans le consentement de celle-ci caractérise un trouble manifestement illicite, au sens de l’article 809 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile, justifiant l’intervention du juge des référés pour y mettre

fin ; que ce trouble résulte également de la confection et de la mise en vente de cassettes vidéo montrant, sans que Fashion TV Paris puisse se prévaloir d’une autorisation, les défilés des modèles Christian Dior : que la société appelante ne saurait, pour ces cassettes, ou le « clip » diffusé, invoquer la protection des droits d’auteur, l’œuvre ne pouvant être réalisée au mépris des prérogatives d’un autre titulaire ; qu’il convient dans ces conditions de confirmer l’ordonnance, dont les effets sont nécessairement provisoires, sauf à préciser que les sociétés Secm et

W2m, dont les rôles ne sont pas précisés et incriminés, doivent être mises hors de cause.

Considérant que l’appréciation des rôles respectifs de Fashion TV Paris et de World Média Live dans la confection ou la commercialisation des cassettes vidéo contestées n’a pas à être prise en considération dans le cadre de la présente instance et relève des attributions des juges du fond.

Considérant que la société Fashion TV Paris, qui succombe en son appel, doit être condamnée aux dépens et à payer à la société Christian Dior Couture une indemnité pour ses frais irrépétibles.

Considérant en revanche qu’aucune circonstance ne justifie l’application de l’article 700 au profil de la société World Média Live.

PAR CES MOTIFS

La cour :

confirme l’ordonnance déférée, sauf à préciser que les sociétés Secm et W2m doivent être mises hors de cause,

rejette les demandes présentées par la société World Média Live,

condamne la société Fashion TV Paris à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 15 000 F au titre de l’article 700.

condamne la société Fashion TV Paris aux dépens.

La cour : M Lacabarats (président), Mme Charoy et M. Pellegrin (conseillers).

Avocats : Mes. Fedida, Vincent Fauchoux et Lacroix

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.