Jurisprudence : Marques
Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 5 juillet 2002
SNC Prisma Presse / Monsieur Walter J.
constat agent assermenté app - contenus illicites - contrefaçon - marque - photographie - presse - site internet
Les faits
La société Prisma Presse expose qu’elle édite depuis 1993 le magazine Gala et qu’elle est titulaire de cinq marques semi-figuratives Gala déposées entre le 15 mars 1994 et le 1er août 2001 pour protéger des produits et services des classes 16, 35, 38, 41 et 42 selon les marques ainsi que de la marque internationale Gala n° R424 552 déposée le 26 août 1976 régulièrement renouvelée pour désigner des produits de la classes 16 et visant la France. Elle exploite également un site sur le réseau internet sur lequel sont reproduits certains contenus éditoriaux du magazine sur les pages duquel le signe Gala est repris.
Elle a constaté à la fin du mois de janvier 2002 l’existence d’un site à l’adresse « http:/index1.free.fr/gala.html » qui reproduisait l’intégralité de son propre site tant dans son architecture que dans son contenu, lequel n’est plus accessible aujourd’hui aux internautes mais renvoie vers des pages contenant des messages faisant l’apologie de délits informatiques et représentant une tête de mort.
Considérant que ces faits constituaient la contrefaçon de son magazine, de son propre site, des marques dont elle est propriétaire et des actes de parasitisme et de dénigrement fautif, elle a assigné M. Walter J. à jour fixe par acte du 4 avril 2002 en payement de quatre fois la somme de 15 250 € à titre de dommages-intérêts et aux fins de voir prononcer des mesures d’interdiction et de publication, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire, ainsi qu’en payement de la somme de 6000 € en application de l’article 700 du ncpc.
M. J. réplique en arguant de sa bonne foi, son site ayant un caractère confidentiel et ayant été fermé dès la prise de connaissance de la réclamation du groupe Prisma Presse auprès de la société Free qui l’héberge. Il se prévaut de l’exception de parodie et dénie avoir commis des actes de dénigrement et de parasitisme, n’étant nullement en situation de concurrence avec la société Prisma Presse. Il conteste l’existence d’un quelconque préjudice subi par la demanderesse.
Il réclame la somme de 6000 € au titre des frais irrépétibles.
La société Prisma Presse conclut au rejet de l’exception de parodie dont les éléments constitutifs ne sont pas réunis en l’espèce et maintient en développant son argumentation précédente.
La discussion
* Sur les actes de contrefaçon
– Sur la contrefaçon du magazine Gala et du site de la société Prisma Presse
Attendu qu’il ressort du constat effectué le 24 janvier 2000 par l’agence pour la protection des programmes à la demande de la société Prisma Presse que le site de M. J. accessible par l’adresse « http:/index1.free.fr/gala.html » reproduit des photographies et des articles du magazine GALA dont le caractère d’œuvre de l’esprit n’est pas contesté par le défendeur.
Attendu que s’agissant de la reproduction de la couverture du magazine Gala, M. J. excipe de l’exception de parodie prévue par l’article L 122-5 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle.
Attendu que l’exception de parodie suppose, pour être accueillie, qu’il ne puisse y avoir aucun risque de confusion avec l’œuvre première qui doit être immédiatement identifiable.
Attendu en l’espèce que M. J. a représenté sur la page de couverture du magazine Gala reproduit sur son site, la photographie d’une jeune femme dénommée « Loana » accolée à l’image de la marionnette « Peggy la cochonne » de la série du « Muppet show » soulignée du mot « avant » ; que ces deux clichés sont suivis des propos suivants : « Loana – la chirurgie fait des miracles. Je peux manger un Paris-Brest sans tacher mon nez » ;
que la reproduction de la couverture litigieuse est intégrée dans un ensemble dont les deux tiers sont constitués de photographies et de textes du magazine Gala repris dans leur intégralité de telle sorte que l’internaute accédant au site de M. J. et qui n’est pas nécessairement un lecteur assidu de la revue Gala, et donc averti de l’absence de caractère non humoristique de celle-ci, peut croire que la couverture composée du portrait de Loana comparée à la marionnette précitée qui a été rajoutée par rapport à la couverture d’origine, et le commentaire qui l’accompagne émanent de la rédaction du magazine Gala, aucune mention ne signalant que la couverture ainsi recomposée est inspirée de ce magazine ;
qu’il suit que l’exception de parodie doit être écartée ; que la reproduction des photographies, des articles et de la couverture du magazine Gala constituent en conséquence des actes de contrefaçon des droits dont la société Prisma Presse est titulaire.
Attendu, par ailleurs, que M. J. a adopté pour son site la même structure et les mêmes titres, de même que les mêmes couleurs que ceux utilisés par la société Prisma Presse sur son propre site dont il ne dénie pas le caractère original ; qu’en cliquant sur certaines icônes, on accède directement sur le site de la société ;
que les actes de contrefaçon qui lui sont reprochés sont ainsi constitués.
– Sur les actes de contrefaçon de marques
Attendu que la société Prisma Presse est titulaire des marques semi-figuratives suivantes :
– « Gala » n° 94 511 032 déposée le 15 mars 1994 pour désigner des services compris dans les classes 38 et 41 dont les services de presse et d’informations.
– « Gala L’actualité des gens célèbres » n° 95 598 982 et « Gala » n° 95 598 981, lettres blanches sur fond rouge, déposées le 23 novembre 1995 pour protéger des produits et services des classes 16, 35 et 41 et notamment les magazines et les services d’édition ;
– « Gala » n° 013 114 658, lettres blanches sur fond rouge, et « Gala » de couleur rouge n° 013 114 659 déposée le 1er août 2001 pour désigner des services des classes 38, 41 et 42 dont les agences de presse et d’informations, les services de communications par tous moyens téléinformatiques et les services de transmission d’informations sur le réseau internet, les services d’édition et de publication de périodiques ;
– « gala » marque internationale visant la France déposée le 26 août 1976 sous le n° 424 552 et renouvelée en 1996 pour les imprimés, les périodiques et les livres.
Attendu que M. J., en reproduisant sur son site consacré à la reproduction d’articles de presse, service identique ou similaire aux produits et services visés dans les marques précitées, le signe Gala en lettres blanches sur fond rouge sans l’autorisation de la société Prisma Presse a commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques n° 95 598 981 et n° 013 114 658 et par imitation des marques n° 94 511 032, n° 013 114 659, n° 95 598 982 et n° R424 552 ;
qu’en raison de la reprise du contenu du magazine Gala sur le site de M. J., il existe un risque certain que l’internaute associe le contenu du site litigieux à la même origine que celui du site de la société Prisma Presse ;
que la bonne foi alléguée par M.J. est inopérante devant la juridiction civile.
* Sur les actes de parasitisme et de dénigrement
Attendu que la société Prisma Presse soutient que M. J. aurait commis des actes de parasitisme « en s’appuyant sur son identité visuelle » ;
que ces actes n’étant pas distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon, la demanderesse sera déboutée de ce chef de demande.
Attendu que la société Prisma Presse ne justifie pas davantage de la réalité du dénigrement dont elle fait grief au défendeur ; que le commentaire accompagnant la photographie de la jeune femme représentée sur la couverture de la revue ne peut s’analyser en un acte de dénigrement dirigé contre le magazine Gala dès lors qu’il a pour seul objet de tourner en dérision la jeune femme et non de jeter le discrédit sur la société demanderesse pour en retirer un avantage financier ;
que, de plus, les pages qui s’affichent désormais sur le site de M. J., dont le contenu est totalement étranger au magazine Gala, ne sont plus accessibles par l’adresse intégrant le terme Gala ;
que l’internaute qui y accède ne peut donc associer les images de tête de mort et de destruction de ses données avec la société Prisma Presse ;
que la demande afférente au dénigrement sera donc rejetée.
* Sur les mesures réparatrices
Attendu qu’il sera fait droit à la demande d’interdiction, dans les conditions qui seront définies au dispositif, afin de prévenir le renouvellement des actes de contrefaçon.
Attendu que le préjudice subi par la société Prisma Presse du fait des actes de contrefaçon commis du mois de janvier au mois de mars 2002 par M. J. sera réparé par l’allocation de la somme de 10 000 € ;
que la publication dans deux revues ou journaux au choix de la demanderesse et sur la page d’accueil du site de M. J. sera ordonnée à titre de dommages-intérêts complémentaires suivant les modalités qui seront précisées ci-après au dispositif.
* Sur l’exécution provisoire
Attendu que l’exécution provisoire apparaît nécessaire du seul chef de la mesure d’interdiction.
* Sur l’article 700 du ncpc
Attendu que l’équité commande l’allouer à la société Prisma Presse la somme de 2300 € au titre des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer pour faire valoir ses droits.
La décision
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
. Dit que M. J. a commis des actes de contrefaçon des droits de la société Prisma Presse en reproduisant sur son site situé à l’adresse « http:/index1.free.fr/gala.html » des articles et des photographies du magazine Gala qu’elle édite et en reproduisant les éléments constitutifs du site de la demanderesse.
. Dit qu’il a également commis des actes de contrefaçon des marques n° 94 511 032, n° 95 598 982, n° 95 598 981, n° 013 114 658, n° 013 114 659 et n° R424 552 dont est titulaire la société Prisma Presse.
En conséquence,
. Interdit à M. J. la poursuite de tels agissements sous astreinte de 150 € par infraction constatée à compter de la publication du présent jugement.
. Condamne M. J. à verser à la société Prisma Presse la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts.
. Autorise la société Prisma Presse à faire publier aux frais de M. J. le présent dispositif dans deux revues ou journaux de son choix sans que le coût total de ces insertions n’excède à la charge du défendeur la somme de 6200 €.
. Condamne M. J. à faire publier durant un mois le présent dispositif sur la page d’accueil de son site sous astreinte de 80 € par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision.
. Condamne M. J. à verser à la société Prisma Presse la somme de 2300 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.
. Rejette le surplus des demandes.
. Ordonne l’exécution provisoire du chef de la mesure d’interdiction.
. Condamne M. J. aux dépens.
Le tribunal : M. Girardet (vice président), Mme Saint Schroeder et M. Chapelle (premier-juges)
Avocats : Me Fauchoux, Me Barjon
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