Les avocats du net

 
 


 

Jurisprudence : Marques

jeudi 12 avril 2007
Facebook Viadeo Linkedin

Cour d’appel de Paris 4ème chambre, section A Arrêt du 03 novembre 2004

ECS / Elite group computer systems et autres

marques

FAITS ET PROCEDURE

Vu l’appel interjeté par la société ECS du jugement rendu le 21 septembre 2001 par le tribunal de grande instance de Paris qui l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions et l’a condamnée à verser à la société Elite group computer systems et à Maurice L. la somme de 12 000 F et à la société Abacus Equipement Electronique celle de 6000 F sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

Vu les dernières écritures signifiées le 24 octobre 2003 par lesquelles la société ECS poursuivant l’infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de :
– débouter la société Elite group computer systems de ses demandes en déchéance afférentes aux marques « ECS » n°1 567 683, n°1 567 682, n°1 328 162, n°1 328 703 et n°1 328 783 pour tous les produits de la classe 9,
– dire que la société Elite group computer systems, en reproduisant le terme « ECS » dans sa dénomination sociale et le nom de domaine de son site internet, en vendant des ordinateurs sous la marque « ECS » et Maurice L. et la société Abacus Equipement Electronique en reproduisant et utilisant ce terme, ont porté atteinte à ses droits de marque et commis des actes de contrefaçon des marques susmentionnées,
– dire que le choix du terme « ECS » dans le domaine de l’informatique constitue des actes de contrefaçon des marques « ECS » et d’usurpation de sa dénomination sociale et de son nom commercial dont elle est titulaire depuis 1974,
– faire défense aux intimés de faire usage sous quelque forme et de quelque manière que ce soit du terme « ECS » pris isolément ou de façon combinée, notamment à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial, d’enseigne ou de nom de domaine et sur les sites internet www.ecs.com.tw et www.aee.fr, sous astreinte définitive et comminatoire de 1000 € par infraction constatée et par jour de retard,
– dire que la marque communautaire n°EM 2620 699 « ECS Elite group » déposée par la société Elite group computer systems le 25 mars 2002 pour les produits de la classe 42 constitue la contrefaçon des marques susmentionnées,
– dire que cette marque communautaire constitue l’usurpation de la dénomination sociale et du nom commercial ECS,
– interdire, en application des articles 106 et suivants du Règlement communautaire du 20 décembre 1993, à la société Elite group computer systems l’usage en France de sa marque communautaire, sous astreinte de 1000 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte,
– ordonner la destruction de tous les prospectus publicitaires ainsi que de tous documents commerciaux, financiers ou administratifs comportant la reproduction du terme « ECS »,
– condamner la société Elite group computer systems à faire retirer sous astreinte de 2000 € par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le nom « ecs.com.tw » du réseau internet,
– condamner la société Elite group computer systems à lui payer la somme de 500 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à celle-ci par la contrefaçon de marque, d’usurpation de dénomination sociale et de nom commercial,
– condamner la société Abacus Equipement Electronique à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marques, d’usurpation de dénomination sociale et de nom commercial sur son site internet www.aee.fr,
– ordonner la publication de la décision à intervenir dans 10 journaux ou périodiques de son choix, aux frais solidaires des intimés sans que le coût de chaque insertion dépasse 6000 €,
– condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 30 000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

Vu les dernières écritures signifiées le 4 octobre 2004 aux termes desquelles Maurice L. et la société Elite group computer systems sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a dit que la réalité des faits incriminés n’était pas justifiée, demandant en outre à la cour de :
– dire que le nom de domaine www.ecs.com.tw et le sigle « ECS » ne sauraient constituer des actes de contrefaçon des marques françaises « ECS » de l’appelante, pas plus que des actes d’usurpation de sa dénomination sociale et de son nom commercial,
– dire que la preuve de la diffusion en France d’un prospectus publicitaire de la société Elite group computer systems n’est pas rapportée,
– dire que la marque communautaire n°EM 2629 699 ne saurait pas plus constituer la contrefaçon des marques françaises « ECS » de l’appelante, ni des actes d’usurpation de sa dénomination sociale et de son nom commercial,
– dire qu’elle n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale,
– prononcer la déchéance des cinq marques françaises « ECS » de l’appelante pour non exploitation des produits de la classe 9,
– dire que l’arrêt à intervenir sera transmis à l’Inpi pour inscription des radiations partielles au registre national des marques,
– condamner la société ECS à payer à chacun d’eux à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive la somme de 15 000 € outre celle de 10 000 € au titre de l’article 700 du ncpc ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 août 2003 par lesquelles la société Abacus Equipement Electronique, ci-après AEE, s’en rapporte à justice sur les demandes formées par la société ECS à l’encontre de la société Elite group computer systems et demande à la cour de condamner la société ECS à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge et de condamner toute partie succombante à lui verser les sommes suivantes :
– 50 000 € à titre de dommages-intérêts,
– 5000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

DISCUSSION

Considérant que la société ECS est titulaire des marques françaises suivantes :
– la marque dénominative « ECS » déposée le 15 février 1980, renouvelée pour la dernière fois le 25 octobre 1999, enregistrée sous le n°1 567 683,
– la marque dénominative « ECS Europe Computer Systemes », déposée le 15 février 1980, renouvelée pour la dernière fois le 25 octobre 1999, enregistrée sous le n°1 567 682,
– la marque semi figurative « ECS » précédée d’un logo, déposée le 24 octobre 1985, renouvelée le 2 octobre 1995, enregistrée sous le n°1 328 162,
– la marque semi figurative « ECS » précédée du même logo, déposée le 18 avril 1985, renouvelée le 13 mars 1995, enregistrée sous le n°1 328 703,
– la marque semi figurative « ECS » composée du sigle en caractères grisés, déposée le 18 avril 1985, renouvelée le 13 mars 1995, enregistrée sous le n°1 328 783,

qui servent à désigner les produits des classes 9, 16, 36, 37, 41 et 42 notamment les produits et services informatiques, les matériels et équipements électriques, électroniques, traitement et transmission de données, d’informations ou de signaux de télématique, de téléphonie, et de télégraphie ;

Que la société ECS a fait constater suivant procès verbaux des 20 et 25 novembre 2002 et 4 septembre 2003 que le sigle ECS était reproduit sur le site dénommé www.ecs.com.tw de la société Elite group computer systems et que des ordinateurs portables de marque ECS étaient offerts en vente par cette société sur le site www.carrefourmultimedia.com » ; qu’elle soutient que ces faits sont constitutifs de contrefaçon de marques et d’atteinte à sa dénomination sociale, à son nom commercial et à son enseigne et fait valoir que la société ECS vend du matériel informatique en France par l’intermédiaire de ses distributeurs, Maurice L. et la société Abacus Equipement Electronique ;

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

Considérant qu’il convient de constater l’accord des parties sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 20 septembre 2004 afin de permettre à la société Elite group computer systems et Maurice L. de rectifier l’erreur matérielle contenue dans leurs écritures signifiées le 24 novembre 2003 ;

Que la clôture sera donc reportée au 5 octobre 2004 ; qu’il s’ensuit que les conclusions signifiées le 4 octobre 2004 par les intimées sont recevables ;

Sur l’exception de déchéance des droits de la société ECS sur les cinq marques opposées

Considérant que la société Elite group computer systems soulève la déchéance des droits de la société ECS sur les cinq marques précitées, pour défaut d’exploitation pour les produits de la classe 9 visés dans les dépôts ;

Considérant qu’il ressort des pièces produites aux débats que la société ECS a pour principale activité la location de matériel informatique et de téléphonie ; que dans les plaquettes publicitaires qu’elle diffuse, elle se décrit comme le leader en France et en Europe de l’ingénierie locative et de la gestion des infrastructures informatiques ; que si cette activité de service l’a conduite à vendre du matériel informatique, des produits et équipements électriques et électroniques, ces ventes, ainsi qu’en attestent les factures versées aux débats, portent sur du matériel qui n’est pas revêtu des marques ECS mais de celles de fabricants connus sur le marché ;

Que la société ECS ne rapporte donc pas la preuve d’un usage des cinq marques ci-dessus visées pour désigner les produits de la classe 9 ;

Qu’il convient donc de prononcer la déchéance de ses droits sur ces produits à compter du :
– 15 février 1985, pour les marques n°1 567 683 et n°1 567 682,
– 18 avril 1990, pour les marques n°1 328 783 et n°1 328 703,
– 24 octobre 1990, pour la marque n°1 328 162,

soit à l’issue du délai de non exploitation de cinq ans suivant la date de dépôt, à défaut de justification de la publication de l’enregistrement ;

Sur la contrefaçon

Considérant qu’en raison de la déchéance partielle de ses marques qui vient d’être prononcée, la société ECS est irrecevable à opposer aux intimés des droits antérieurs sur les produits de la classe 9 ;

Considérant qu’il ressort du procès verbal de constat dressé les 20 et 25 novembre 2002 que la société Elite group computer systems utilise le nom de domaine www.ecs.com.tw pour identifier son site internet qui propose à la vente des ordinateurs portables et des systèmes informatiques, certains produits étant présentés sous la dénomination ECS suivie de références ;

Considérant que le nom de domaine, qui reproduit l’élément dénominatif des marques de la société ECS, apparaît dès la page d’accueil du site, suivie de la dénomination sociale « Elitegroup » en caractères d’imprimerie de la même taille ; que si les produits informatiques offerts en vente sont, en raison de leur nature susceptibles d’être attribués à la même origine, que les services de location d’ordinateur et de matériel informatique, visés au libellé des marques, la mention de la dénomination sociale « Elite Group » sur la partie supérieure de chaque page d’écran exclut tout risque de confusion ; qu’en effet, la connaissance de cette société sur le marché de l’informatique est établie par son ancienneté ressortant du « Permis » du ministère des affaires économiques de Taiwan qui atteste qu’elle exerce une activité de création, fabrication et vente d’ordinateur et périphériques, de cartes mères et interfaces et de pièces d’appareils électroniques depuis sa fondation, le 6 mai 1987, par le montant de son chiffre d’affaires, supérieur à 230 milliards de dollars US en 1999 et son implantation internationale ;

Que sur le procès verbal de constat dressé le 4 septembre 2003 sur le site internet de la société Carrefour intitulé www.carrefourmultimedia.com, le sigle ECS qui désigne des ordinateurs portables, est précédé, à la rubrique « Désignation » du même tableau, de la dénomination « Elitegroup » de sorte que le public concerné par ces produits ne peut être induit en erreur sur l’origine des produits ;

Considérant que la société ECS incrimine une page publicitaire reproduisant le sigle ECS dont elle produit une photocopie de qualité médiocre ;

Mais considérant que les conditions de diffusion de ce document sur le territoire français ne sont pas précisées, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, de sorte que la preuve de l’usage illicite n’est pas démontrée ;

Considérant que la société ECS fait également grief à la société Elite group computer systems d’avoir déposé, le 25 mars 2002, la marques communautaire « ECS Elitegroup » n° EM 2620 699, pour désigner les services des classes 35 et 42 ;

Mais considérant que l’adjonction de la dénomination « Elitegroup » inscrite en caractère de la même taille que celle des initiales ECS forme un ensemble dans lequel aucun des deux éléments n’apparaît prépondérant de sorte que le risque de confusion entre les produits désignés par ces deux signes en présence n’est pas démontré ;

Qu’il s’ensuit que la société ECS doit être déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon de marques ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que la société ECS reproche aux intimés une usurpation de sa dénomination, de son nom commercial et de son enseigne ;

Mais considérant que l’usurpation d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne n’est caractérisée que si l’imitation reprochée est de nature à créer un risque de confusion ; que pour les motifs ci-dessus énoncés, l’adjonction de la dénomination « Elitegroup » au sigle « ECS » exclut tout risque de confusion sur l’identité de la personne morale ;

Que ce grief sera donc également rejeté ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société ECS ayant été déboutée de l’ensemble de ses prétentions, l’appel en garantie formé par la société Abacus Equipement Electronique est devenu sans objet ;

Considérant que la société ECS a pu de bonne foi se méprendre sur la portée des droits attachés à ses marques de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Elite group computer systems doit être rejetée ;

Considérant que la société Abacus Equipement Electronique prétend avoir subi un préjudice en raison d’un défaut d’information sur le litige opposant la société ECS à la société Elite group computer systems, faisant valoir qu’elle a été mise en cause sans mise en demeure préalable ;

Mais considérant que, d’autre part, l’absence de mise en demeure préalable à l’assignation n’est pas en soi fautive, d’autre part, elle ne justifie pas d’un préjudice commercial distinct de celui qui sera réparé par le remboursement de ses frais irrépétibles ;

Considérant que l’équité commande d’allouer à ce titre la somme de 5000 € à la société Abacus Equipement Electronique et celle de 10 000 € à la société Elite group computer systems et à Maurice L. ;

DECISION

Par ces motifs ;

. Révoque l’ordonnance de clôture du 20 septembre 2004,

. Dit que la clôture de l’instruction est reportée au 5 octobre 2004,

. Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société ECS de l’ensemble de ses prétentions,

Y ajoutant,

. Prononce la déchéance des droits de la société ECS sur les marques suivantes :
– n°1 567 683 et n°1 567 682 à compter du 15 février 1985,
– n°1 328 783 et n°1 328 703 à compter du 18 avril 1990,
– n°1 328 162 à compter du 24 octobre 1990,
pour les produits de la classe 9,

. Dit que cette décision sera transmise par les soins du greffe à l’Inpi aux fins d’inscription sur le registre national des marques,

. Rejette le surplus des demandes,

. Condamne la société ECS à verser à la société Abacus Equipement Electronique la somme complémentaire de 5000 € et à la société Elite group computer systems ainsi qu’à Maurice L. chacun la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc,

. Condamne la société ECS aux dépens.

La cour : M. Alain Carre Pierrat (président), Mmes Marie Gabrielle Magueur et Dominique Rosenthal Rolland (conseillers)

Avocats : Me Yves Marcellin, Me Christine Menage, Me Bernard Nieuviaert

Voir décision de Cour de cassation

 
 

En complément

Maître Bernard Nieuviaert est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Maître Christine Menage est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Maître Yves Marcellin est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Alain Carre-Pierrat est également intervenu(e) dans les 31 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Dominique Rosenthal Rolland est également intervenu(e) dans les 39 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Marie Gabrielle Magueur est également intervenu(e) dans les 23 affaires suivante  :

 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.