Jurisprudence : Jurisprudences
Cour d’appel de Paris, pôle 1 – ch 3, arrêt du 4 décembre 2025
Kanra Publishing France / Kleverage SPRL
contrefaçon - dénigrement
La société Playboy Entreprises International, est une société de droit américain propriétaire du magazine Playboy. La société Playboy Entreprises International Inc. est investie de l’ensemble des droits de propriété intellectuellesur ses marques de renommée « Playboy » ainsi que sur l’ensemble de ses éléments distinctifs et originaux, sur lesquels elle jouit de droits privatifs et absolus au sein de l’union européenne, et notamment en France, établis et protégés par les dispositions du livre VII du code de la propriété intellectuelle et de l’article 8 et suivants du règlement (UE) n°2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017, qui l’habilitent à s’opposer à toutes atteintes susceptibles de leur être portées par quiconque, de bonne ou de mauvaise foi, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit.
Le 17 mai 2022, la société Kleverage SPRL, société de droit belge identifiée comme l’éditeur licenciée de Playboy, a conclu une convention de collaboration avec la société Kanra Publishing France, pour la production de 4 mooks annuels « Playboy France» n° 11 à 18 et des calendriers 2023 et 2024, le droit pour la société Kanra d’utiliser la marque« Playboy » et le logo « Rabbit Head » étant soumis à autorisation.
Le 15 septembre 2023, un avenant à cette convention de collaboration prorogeait ladite convention jusqu’au 31 décembre 2025 aux fins d’édition de 4 mooks annuels outre le calendrier Playboy 2025.
Le mook est un anglicisme, contraction de l’anglais « magazine » et « bool », format hybride entre le beau livre et le magazine à l’esthétique soignée avec une parution périodique.
Le 26 avril 2024, la société Kleverage explique avoir résilié le contrat pour fautes graves de la société Kanra Publishing, avec effet immédiat, au visa de l’article 8 du contrat de collaboration et avoir annoncé la rupture des relations commerciales publiquement par un communiqué de presse publié sur le site Internet de Playboy France le 6 mai 2024.
La société Kanra Publishing contestant la rupture des relations contractuelles entre les parties, a continué de publier des mooks sous le nom « Playboy France ».
Par acte du 4 novembre 2024, la société Kanra Publishing France a fait assigner la société Kleverage SPRL devant le juge des référés du tribunal des activités économiques de Paris, aux fins de voir, notamment :
– dire que la société Kleverage SPRL s1est rendue responsable par l’envoi de lettres circulaires aux partenaires de la société Kanra Publishing, par la diffusion de communiqués de presse sur son compte Instagram, par la publication d’un éditorial paru dans le magazine Playboy automne 2024 jetant l’opprobre sur le titre de presse Playboy publié par la demanderesse, de dénigrement fautif ;
– interdire à la société Kleverage SPRL et à tout mandataire de dénigrer la société Kanra Publishing, sous astreinte de 5 000 euros par message et par jour de diffusion à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– faire injonction à la société Kleverage SPRL de supprimer de son site internet accessible en ligne à l’adresse www.playboy.fr le communiqué suivant : Annonce – communiqué de presse concernant l’édition du magazine Playboy France, et du compte Instagram et X (ex twitter) Playboy France les communiqués reproduisant la couverture du magazine Playboy édité par Kanra Publishing, sous astreinte de 1 000 euros par jour et par nouvelle publication, à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– autoriser la société Kanra Publishing à faire publier de façon lisible en grands caractères le dispositif de l1ordonnance à intervenir sur la première page du site internet www.playboy.fr et sur le compte Instagram Playboy France, pendant trois mois, aux frais exclusifs de la société Kleverage SPRL, sous astreinte de 1 000 euros jour de retard ;
– autoriser la société Kanra Publishing à faire publier dans deux titres de presse de son choix le dispositif de l1ordonnance à intervenir aux frais avancés de la société Kleverage SPRL dans la limite de 5 000 euros TTC par insertion ;
– condamner la société Kleverage SPRL à payer à la société Kanra Publishing la somme provisionnelle de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
– condamner la société Kleverage SPRL à payer à la Société Kanra Publishing France SARL la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Kleverage SPRL en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Gautier Kaufman, avocat aux offres de droit.
Par ordonnance contradictoire du 24 janvier 2025, le juge des référés a :
– débouté Kanra Publishing de toutes ses demandes ;
– condamné Kanra Publishing à payer à la société Kleverage SPRL la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Kanra Publishing aux entiers dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 39,92 euros dont 6,44 euros de TVA.
Par déclaration du 6 février 2025, la société Kanra Publishing a relevé appel de cette décision de l’ensemble des chefs de dispositif.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 mars 2025, l’appelante demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance rendue le 25 janvier 2025 par M. le président du tribunal des activités économiques de Paris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’elle débouté la société Kanra Publishing et l’a condamnée à 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de l’intégralité de ses demandes ;
et statuant à nouveau,
– déclarer les demandes de la société Kanra Publishibg recevables et bien fondées ;
– dire que la société Kleverage SPRL s’est rendue responsable par l’envoi de lettres circulaires aux partenaires de la société Kanra Publishing, par la diffusion de communiqués de presse sur son compte instagram, sur son site internet www.playboy.fr, par la publication d’un éditorial paru dans le magazine Playboy automne 2024 jetant l’opprobre sur le titre de presse Playboy publié par la demanderesse, par la diffusion d’extraits de l’ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal des activités économiques le 25 janvier 2025 aux partenaires de la société Kanra Publishing , des faits de dénigrement fautif ;
– en conséquence, interdire à la société Kleverage SPRL à tout mandataire de dénigrer les titres de presse édités par la société Kanra Publishing, sous astreinte de 5 000 euros par message et par jour de diffusion à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– faire injonction à la société Kleverage SPRL de supprimer de son site internet accessible en ligne à l’adresse www.playboy.fr les communiqués suivants : « Annonce communiqué de presse concernant l’édition du magazine » Playboy France » et « Communiqué concernant la troisième contrefaçon produite par M. X. et la société Kanra Publishing (janvier 2025), et du compte Instagram et X (ex-twitter) Playboy France les communiqués reproduisant la couverture du magazine Playboy édité par Kanra Publishing, sous astreinte de 1 000 euros par jour et par nouvelle publication, à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– autoriser la société Kanra Publishing à faire publier de façon lisible en grands caractères le dispositif de l’ordonnance à intervenir sur la première page du site internet www.playboy.fr et sur le compte Instagram Playboy France, pendant trois mois, aux frais exclusifs de la société Kleverage SPRL, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ;
– autoriser la société Kanra Publishing à faire publier dans deux titres de presse de son choix le dispositif de l’ordonnance à intervenir aux frais avancés de la société Klaverage SPRL dans la limite de 5 000 euros TTC par insertion ;
à titre de provision, en réparation du préjudice subi consécutif aux agissements de dénigrement, condamner la société Kleverage SPRL à
– payer à la société Kanra Publishing la somme provisionnelle de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
– condamner la société Kleverage SPRL à payer à la Société Kanra Publishing France SARL la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Kleverage SPRL en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Gautier Kaufinan, avocat aux Offres de Droit.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 juillet 2025, l’intimée demande à la cour, sur le fondement des articles 873 et 872 du code de procédure civile, de :
– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions ;
– juger qu’il existe une contestation sérieuse aux demandes de la société Kama Publishing ;
– juger qu’il n’existe pas de dommage imminent, ni de trouble manifestement illicite pouvant justifier les demandes de la Société Kanra Publishing ;
– juger que le juge des référés n’est pas compétent ;
– renvoyer la Société Kanra Publishing à mieux se pourvoir au fond ; débouter la Société Kanra Publishing de ses demandes.
y ajoutant :
– condamner la Société Kanra Publishing à verser à la Société Kleverage la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
– condamner la Société Kanra Publishing aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 octobre 2025.
DISCUSSION
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ».
Il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de « dire/juger/constater » qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions, et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties ; ne seront donc examinés que les moyens évoqués dans la discussion et les prétentions figurant au dispositif des écritures.
Sur le trouble manifestement illicite
L’article 873 du code de procédure civile dispose que « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour Jaire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
La charge de la preuve de l’illicéité du trouble et de son caractère manifeste incombe à celui qui s’en prévaut.
Par ailleurs, aux termes de l’article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Il est constant que pour être accueillie, une action en concurrence déloyale suppose que soit établie l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice (cf. Cass. Cass., Corn., 30 mai 2000, pourvoi n° 98-15.549. Le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire (cf. Cass, Corn., 26 janvier 1999, pourvoi n° 96-22.457).
La cour rappelle que les abus de la liberté d’expression ne peuvent être sanctionnés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, loi spéciale, sauf dénigrement entendu comme l’atteinte portée à un concurrent à travers le discrédit jeté sur ses produits ou services. Ainsi, hors restriction légalement prévue, la liberté d’expression est un droit dont l’exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240, du code civil (Cass., Corn., 26 septembre 2018, n° 17-15502).
Le dénigrement est ainsi constitutif d’un exercice abusif de la liberté d’expression et, par suite, d’un trouble manifestement illicite auquel il peut être mis fin par le prononcé d’une mesure proportionnée (Cass., Corn., 13 mars 2019, pourvoi n 18-11.046).
En outre, le dénigrement se distingue de la diffamation telle qu’elle est prévue par la loi du 29 juillet 1881. Il suppose la mise en cause de la qualité des produits ou des services commercialisés en excluant celle de l’honneur ou de la probité de la personne.
De la même manière, le dénigrement, dont la prohibition tend à préserver les règles de libre concurrence régissant le marché des produits et services et l’obligation de loyauté qui doit prévaloir entre ses acteurs, ne saurait se voir opposer l’exception de vérité qui prévaut en matière de diffamation.
Ainsi, la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte (Cass., Corn. 24 septembre 2013 pourvoi n°12-19790).
En outre, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure, le caractère suffisant de la base factuelle devant s’apprécier au regard de la gravité des allégations en cause (Cass., Corn., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-15.651).
Enfin, constitue, en particulier, un acte de dénigrement le fait de mettre en garde la clientèle ou les distributeurs de produits d’une entreprise concurrente sur l’existence d’un risque de contrefaçon ou de concurrence déloyale ou parasitaire dès lors que cette information ne repose sur aucune décision de justice, a fortiori lorsque la mise en garde est adressée sans qu’aucune action n’ait été introduite (Cass partielle Corn., 16 octobre 2025, pourvoi n°R 24-11.150).
Au cas présent, pour obtenir l’infirmation de la décision entreprise, la société Kama Publishing soutient que la diffusion, sur le site « Playboy France » de communiqués, posts sur instagram et éditoriaux démontrent le dénigrement commercial effectué par la société éditrice Kleverage à son égard suite à la rupture alléguée, unilatérale et contestée, de son contrat « Playboy France » avec la société Kleverage le 26 avril 2024.
Elle reproche ainsi à la société Kleverage :
– d’avoir adressé des courriers à ses partenaires commerciaux pour les dissuader de travailler avec elle,
– d’avoir publié des communiqués de presse notamment sur le site Playboy.fr et sur Instagram annonçant la rupture du contrat,
– d’avoir diffusé un éditorial dans le magazine Playbloy « automne 2024 » qui, selon elle, jetait le discrédit sur le titre qu’elle publiait.
Elle soutient que le juge des référés ne pouvait prendre en compte la résiliation du contrat pour considérer l’absence de dénigrement et dire que la société Kanra Publishning avait perdu tout droit à produire des mooks depuis la résiliation du contrat alors même qu’il n’est pas compétent pour examiner les conditions de son exécution, et qu’elle est ainsi privée du bénéfice du contrat au titre duquel elle a effectué de nombreux investissements, préjudice dont elle sollicite la réparation.
Enfin la société Kanra Publishning fait valoir que depuis le prononcé de la décision dont appel, la société Kleverage a continué sa campagne de dénigrement auprès de ses partenaires en publiant de nouveaux communiqués dont notamment certains extraits de l’ordonnance de référé dont appel.
La société Kleverage sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société Kanra Publishnig de ses demandes, en l’absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite, fondant sa décision sur la résiliation le 26 avril 2024 du contrat liant les parties depuis 2020 pour fautes graves pour considérer que la société Kanra Publishing, qui n’a pas contesté la rupture contractuelle au fond devant le tribunal de commerce de Bruxelles, n’avait plus le droit d’utiliser la marque Playboy depuis la résiliation dudit contrat.
Ainsi, la société Kleverage considère que c’est à bon droit que le premier juge a estimé que les faits que la société Kanra Publishing lui reproche ne sont que la diffusion d’informations exactes par voie de presse visant à avertir les partenaires et la réputation de Playboy de la rupture contractuelle des parties, de sorte que les communiqués et/ou les publications de ces messages ne sont pas contitutifs de dénigrement, tandis que les mooks « PlayboyFrance »que continue de produire la société Kanra Publishnig constituent eux, des contrefaçons.
En l’espèce, il est constant que l’article 12 du contrat litigieux conclu entre les parties en 2020 stipule : « La présente convention est régie par le droit belge. En cas de litige concernant l’interprétation ou l’exécution de la présente convention, les parties s’engagent à tenter préalablement un réglement amiable. A défaut pour elles de pouvoir se faire, les Tribunaux de l’arrondissement de Bruxelles seront exclusivement compétents et la langue de la procédure sera le français. »
C’est donc à bon droit que le premier juge a relevé, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, qu’ « il n’appartient pas au juge des référés d’examiner si la faute était suffisamment grave, analyse relevant du juge du fond du tribunal de commerce de Bruxelles éventuellement saisi du litige. »
Toutefois, pour faire état de ce que les avertissements litigieux ne constituent pas un acte de dénigrement, le premier juge a considéré que « le contrat étant résilié, Kanra Publishnig a perdu tout droit à produire des Mook à compter de cette date » et que « c’est donc cette dernière, en continuant de produire des Mook Playboy sans droit ni titre, qui commet des fautes. »
Or, il apparaît que pour justifier de la publication des messages d’avertissements, la société Kleverage se fonde sur la lettre de rupture du 26 avril 2024 qu’elle aurait envoyée à la société Kanra Publishnig aux fins de lui signifier l’interdiction d’éditer le Mook Playboy France ni (te) présenter comme directeur de la publication et/ou éditeur du Mook Playboy France, ni d’utiliser aucun élément relatif à Playboy France (notamment mais non exclusivement les logos, les archives, etc.) à partir de ce jour avec effet immédiat. »
Il est cependant constant que les informations et mises en garde diffusées par la société Kleverage aux partenaires ou aux lecteurs de « Playboy Magazine » sur l’existence d’un risque de contrefaçon ou de concurrence déloyale par la publication des mooks par Playboy France malgré la rupture alléguée des relations contractuelles entre les parties, ne repose sur aucune décision de justice, outre qu’aucune action n’a été introduite ni par la société Kleverage, ni en tout état de cause avant le mois de novembre 2024 par la société Kanra Publishing, les publications litigieuses ayant été diffusées antérieurement à cette date, soit :
– le 30 avril 2024 s’agissant du courriel adressé à la société MLP, qui distribue le magazine Playboy en France l’intimant de cesser toute distribution,
– le 30 avril 2024 s’agissant du courriel adressé à l’imprimeur Graficas Jomagar lui indiquant que toute impression en langue française du magazine serait une « contrefaçon »,
– le 7 mai 2024 s’agissant du communiqué de presse publié sur le site internet français Playboy avertissant que le magazine paru ce jour est une contrefaçon qui n’a aucun rapport avec « Playboy et Playboy France » et que cette publication n’en a ni les droits ni la légitimité »,
– les 12 et 13 mai 2024 s’agissant des courriels adressés aux photographes de Playboy France pour les informer de ce que leur participation au magazine Playboy France participerait d’une action en contrefaçon ou d’une complicité,
– le 23 mai 2024 s’agissant du mail envoyé à la régie publicitaire pour l’informer de ce que « Kanra Publishing n’a plus le droit d’éditer des mooksl magazine Playboy France et que le prochain numéro d’été (…) fera dans tous les cas l’objet d’un référé/saisie pour contrefaçon »,
– le 27 mai 2024 s’agissant de la mise en demeure de la société Kleverage à la société Kanra Publishing d’avoir à cesser tout acte de dénigrement,
– le 16 octobre 2024, s’agissant de l’édita du magazine « automne 2024 » énonçant qu’il s’agit « d’une contrefaçon qui n’a aucun rapport avec « Playboy et Playboy France » et que cette publication n’en a ni les droits ni la légitimité » et que « le magazine publié en juillet était également une contrefacon qui n’avait rien à voir avec Playboy et Playboy France ».
– le 16 octobre 2024 s’agissant du courriel adressé au styliste de la rédaction, l’avertissant que « les publications Playboy de cet été ou celui d’octobre et ceux du futur seront une contrefaçon, et qu’une fois informé, ne pas tenir compte de ce message relève de la complicité »
– le 18 octobre 2024 s’agissant du courriel adressé au directeur de la rédaction l’avertissant que « les publications Playboy de cet été ou celui d’octobre et ceux du futur seront une contrefaçon, et qu »une fois informé, ne pas tenir compte de ce message relève de la complicité »
– en octobre 2024 s’agissant de deux communiqués publiés sur le site internet Playboy indiquant que « les revues papier Playboy France de juillet et octobre 2024 sont des contrefaçons »
Par ailleurs, les nouvelles publications émises par la société Kleverage faisant état du rappel par extrait de la teneur de la décision dont appel ne sont pas à prendre en considération par la cour d’appel pour caractériser le dénigrement, le trouble manifestement illicite devant être constaté à la date à laquelle le juge statue et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés.
Dans ces conditions, il est avéré que la société Kleverage a diffusé les communiqués de presse litigieux en dehors de toute décision de justice ni introduction d’une action.
En outre, les communiqués de presse par la société Kleverage aux fins d’avertir les tiers que la société Kanra Publishing se rendrait coupable de contrefaçon en continuant à publier des titres du magazine Playboy France sans aucun droit suite à la rupture alléguée des relations contractuelles par la société Kleverage « pour fautes graves de Kanra », alors même que la société Kanra Publishing en conteste l’effectivité et soutient avoir payé l’intégralité des redevances dues jusqu’à la fin du contrat au 31 décembre 2025, n’apparaissent pas reposer sur une base factuelle suffisante.
Il s’ensuit qu’il apparaît que c’est par erreur que le premier juge a considéré qu »‘il n’apparait pas avec l’évidence requise en référé que qualifier ces Mooks, produits sans droit ni titre, de « contrefaçon» constituerait un dénigrement, ni que d’informer des tiers de la résiliation du contrat sus-évoqué constituerait un dénigrement.
En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que la société Kanra Publishing justifie de la réalité des propos dénigrants de la société Kleverage à son endroit ; l’ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.
Par le dénigrement fautif qu’elles constituent, ces publications opérées par la société Kleverage portent atteinte aux principes régissant une concurrence loyale entre acteurs économiques dès lors que la société Kleverage signifie par voie de presse papier ou numérique, sans base factuelle suffisante ni mesurer ses propos, qu’elle a rompu son contrat de collaboration avec la société Kanva Publishing depuis le 26 avril 2024 et que cette dernière n’est plus détentrice d’aucun droit pour publier un magazine sous le nom de Playboy, à l’instar des messages suivants :
-« Playboy France a arrêté toute forme de collaboration avec Kanra Publishnig France et M. X. dans le cadre de la sous-traitance de l’édiction papier du mook/magazine Playboy France (site Internet de Playboy France le 6 mai 2024) ou,
– l’inscription « Contrafaçon » en lettres capitales noires gros caractère, en couverture du magazine Playboy hiver 2024.
Il en résulte que les partenaires de la société Kanra Publishing d’une part, et les lecteurs des publications litigieuses, d’autre part, sont induits en erreur sur la régularité et l’authenticité des magazines et mooks Playboy, ne sachant plus si ceux-ci sont des contrefaçons irrégulièrement éditées ou des publications originales.
A ce titre, ces actes de dénigrement constituent un trouble manifestement illicite commandant les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent.
Sur les mesures d’interdiction de publication, de diffusion ultérieure et de réparation
Il sera renvoyé aux textes cités plus avant.
Dès lors que les actes de dénigrement sont constitutifs d’un trouble manifestement illicite et que l’appelante justifie par les pièces qu’elle produit que la société Kleverage continue à diffuser des communiqués de presse aux partenaires de Playboy France alléguant de la contrefaçon commise par la société Kanra Publishing, notamment en publiant des extraits de la décision dont appel entre les mois de janvier et mars 2025, tel qu’il ressort des pièces 23 à 28 du dossier de la société Kanra Publishing, ses demandes visant à faire cesser, sous astreinte, les atteintes à son image, seront accueillies dans les termes du dispositif.
Il y a lieu également, de prévoir à titre de mesure de réparation que la société Kanra Publishing sera autorisée à faire publier de façon lisible en grands caractères le dispositif de l’ordonnance à intervenir sur la première page du site internet www.playboy.fr et sur le compte Instagram Playboy France, pendant trois mois, aux frais exclusifs de la société Kleverage, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, outre de l’autoriser à faire publier dans deux titres de presse de son choix le dispositif de l’ordonnance à intervenir aux frais avancés de la société Kleverage SPRL dans la limite de 5 000 euros TTC par insertion.
Sur la demande de provision
Au soutien de sa demande de provision, la société Kanra Publishing fait valoir la perte de tout droit à produire des mooks depuis la résiliation du contrat telle qu’alléguée par la société Kleverage, et qu’elle est ainsi privée du bénéfice du contrat au titre duquel elle a effectué de nombreux investissements.
La société Kanra Publishing ajoute que son préjudice s’est aggravé depuis le prononcé de la décision dont appel, la société Kleverage ayant continué sa compagne de dénigrement auprès de ses partenaires en publiant de nouveaux communiqués dont notamment certains extraits de l’ordonnance de référé dont appel.
La société Kanra Publishing indique avoir subi un préjudice commercial et financier en raison de cette campagne de dénigrement, et avoir perdu notamment un annonceur publicitaire, la société AMC, de nature à lui causer un préjudice de l’ordre de 10 000 euros, outre avoir perturbé l’organisation de l’entreprise et subi un préjudice d’image justifiant de lui allouer la somme globale de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’intégralité du préjudice subi.
La société Kleverage conclut au débouté de la demande de provision de la société Kanra Publishing en l’absence de tout caratcère dénigrant de ses communiqués.
En l’espèce, la société Kanra Publishing ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier du préjudice commercial ou financier subi consécutif aux actes de dénigrement commis par la société Kleverage à son encontre, ni attestation comptable ou document bancaire qui pourrait révéler une baisse effective de son chiffre d’affaires ou la rupture de contrats commerciaux avec ses partenaires.
La cour n’est pas en mesure d’apprécier avec l’évidence requise en référé le préjudice de la société Kanra Publishing.
Il s’ensuit qu’il n’y a lieu à référé sur la demande de provision de Kanra Publishing en réparation de son préjudice financier et commercial allégué comme subi.
Sur les mesures accessoires
Il sera rappelé que la définition des dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution résulte des dispositions de l’article 695 du code de procédure civile, sans qu’il appartienne au juge de la modifier ni d’y ajouter, notamment s’agissant d’y inclure tel ou tel frais, notamment s’agissant du coût d’un acte.
En application de l’article 696 alinéa 1er du même code, de principe, les dépens doivent être mis à la charge de la partie perdante.
Et, en application de l’article 700 du même code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie, la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le sens de la décision commande d’infirmer la décision entreprise sur le sort des dépens et des frais irrépetibles.
La société Kleverage, perdant son procès, sera condamnée au dépens de première instance et d’appel et condamnée à payer à la société Kanra Publishing la somme globale de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance comme d’appel dont distraction au profit de Maître Gautier Kaufman par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il échet de rejeter toutes demandes plus amples ou contraires.
DECISION
Infirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Dit que la société Kleverage s’est rendue responsable par la diffusion de communiqués de presse sur le site internet www.playboy.fr, sur le compte Instagram et X (ex-twitter) Playboy France, par la publication d’un éditorial paru dans le magazine Playboy automne 2024, et de courriels diffusés aux partenaires de la société Kama Publishing, des faits de dénigrement fautif à l’encontre de la société Kama Publishing, constitutifs d’un trouble manifestement illicite ;
En conséquence,
Ordonne sous astreinte de 5 000 euros par message et par jour de diffusion à compter de la présente décision à la société Kleverage SPRL de procéder à la suppression de son site internet accessible en ligne à l’adresse www.playboy.fr les communiqués suivants :
-« Annonce communiqué de presse concernant l’édition du magazine « Playboy France « ;
-« Communiqué concernant la troisième contrefaçon produite par M. X. et la société Kanra Publishing (janvier 2025) « ;
Ordonne à la société Kleverage SPRL de procéder à la suppression du compte Instagram et X (ex-twitter) Playboy France, les communiqués reproduits en couverture du magazine Playboy édité par Kama Publishing, sous astreinte de 1 000 euros par jour et par nouvelle publication, à compter de la présente décision ;
Ordonne à la société Kleverage SPRL de cesser de dénigrer les titres de presse édités par la société Kama Publishing, sous astreinte de 5 000 euros par message et par jour de diffusion à compter de la présente décision ;
Autorise la société Kama Publishing à faire publier de façon lisible en grands caractères le dispositif de l’ordonnance à intervenir sur la première page du site internet www.playboy.fr et sur le compte Instagram Playboy France, pendant trois mois, aux frais exclusifs de la société Kleverage SPRL, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
Autorise la société Kama Publishing à faire publier dans deux titres de presse de son choix le dispositif de l’ordonnance à intervenir aux frais avancés de la société Kleverage SPRL dans la limite de 5 000 euros TTC par insertion ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société Kama Publishing ;
Condamne la société Kleverage SPRL à payer à la société Kanra Publishing France la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance comme d’appel ;
Condamne la société Kleverage SPRL en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Gautier Kaufman par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Rejette toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.
La Cour : Michel Rispe (président de chambre), Caroline Bianconi-Dulin (conseillère), Valérie Georget (conseillère), Jeanne Pambo (greffière)
Avocats : Me Gautier Kaufman, Me Jean-Elie Drai
Source : Legalis.net
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Le magistrat Caroline Bianconi-Dulin est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
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Le magistrat Jeanne Pambo est également intervenu(e) dans les 3 affaires suivante :
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Le magistrat Michel Rispe est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante :
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Le magistrat Valérie Georget est également intervenu(e) dans les 3 affaires suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.
