Jurisprudence : Contenus illicites
Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – Chambre 5, ordonnance du 11 juin 2015
Jurisystem / Conseil National des Barreaux
avocat - cessation exécution provisoire - dénomination illicite - marque - nom de domaine - pratique commerciale trompeuse - risque de confusion - usage
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2015
Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG No 13/00332
Nature de la décision : Contradictoire
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 21 Mai
2015 :
Par jugement contradictoire du 30 janvier 2015, le tribunal de grande instance de
Paris a :
– dit qu’en faisant usage de la seule dénomination « avocat.net », sans adjonction, pour désigner un site lnternet, la société Jurisystem a fait un usage de ce terme de nature. a créer une confusion dans l’esprit du public, et procédé a des pratiques commerciales trompeuses,
– interdit à la société Jurisystem de faire usage de la dénomination avocat.net pour désigner ce site, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la signification du présent jugement, pendant un délai de deux mois passé lequel il sera à nouveau statué,
– enjoint à la société Jurisystem de procéder à la radiation du nom de domaine avocat.net, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’expiration du délai de trois mois suivant la signification du présent jugement, pendant un délai de deux mois passé lequel il sera à nouveau statué,
– dit que le tribunal sera compétent pour liquider l’astreinte,
– dit qu’en faisant usage du slogan « le comparateur d’avocats n°1 en France », la société Jurisystem a procédé a des pratiques commerciales trompeuses,
– interdit à la société Jurisystem de faire usage de ce slogan, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’expiration du délai de deux mois suivant la signification du présent jugement, pendant un délai de deux mois passé lequel il sera à nouveau statué,
– condamné la société Jurisystem à payer au Conseil national des barreaux la
somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi
du fait de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession,
– condamné la société Jurisystem à payer au Conseil national des barreaux la
somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Jurisystem aux dépens,
– fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal a ordonné l’exécution provisoire du jugement.
La SAS Jurisystem a interjeté appel de cette décision le 17 février 2015.
Par acte du 3 mars 2015 elle a fait assigner le Conseil national des barreaux en
référé devant le Premier Président, aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire sur le
fondement des dispositions de l’article 524 2° du code de procédure civile.
Dans son assignation, complétée par des écritures du 12 mai 2015, reprises
oralement à l’audience, la société Jurisystem, après avoir exposé les faits et la
procédure, fait valoir qu’elle a partiellement exécuté la décision entreprise, d’abord
en réglant spontanément les condamnations pécuniaires, prouvant ainsi sa bonne
foi, ensuite en cessant l’utilisation du slogan « Le comparateur d’avocats n°1 en
France », et en procédant à certaines modifications de son site.
Elle soutient qu’elle est parfaitement recevable à agir dans le cadre de la présente
procédure, que la cessation de l’usage de la dénomination « avocat.net » sans
attendre l’arrêt de la cour d’appel à intervenir aurait des conséquences
désastreuses pour son activité, que la radiation du nom de domaine « avocat. net », mesure radicale qui consiste à abandonner purement et simplement ledit nom de
domaine, reviendrait à perdre définitivement ce nom de domaine, sans possibilité
de le récupérer par la suite en cas d’infirmation du jugement, et que le fait que ces
mesures soient assorties d’une astreinte n’est pas de nature à créer un obstacle
à la suspension de l’exécution provisoire.
Elle demande en conséquence :
– de la dire recevable et bien fondée en ses demandes,
– de dire que l’interdiction qui lui a été faite de faire usage de la dénomination
« avocat. net » pour désigner son site internet de mise en relation entre des avocats et des. clients est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives,
– de dire que l’injonction qui lui a été faite de procéder à la radiation du nom de domaine« avocat. net» aura, si elle est mise en oeuvre, un effet irrémédiable qui
engendrera des conséquences manifestement excessives,
Par conséquent,
– d’arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de grande
instance de Paris le 30 Janvier 2015 en ce qui concerne l’interdiction et l’injonction
relatives à la dénomination et au nom de domaine « avocat.net »,
– de condamner le Conseil national des barreaux à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner le Conseil national des barreaux (aux dépens), dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par écritures du 27 avril 2015, reprises oralement à l’audience, le Conseil National
des Barreaux, après avoir rappelé les faits et la procédure, fait valoir que les
demandes de la société Jurisystem sont irrecevable car en application de l’article
R. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, une mesure d’astreinte est
exécutoire de plein droit par provision, que la mesure d’interdiction d’usage de la
dénomination www.avocat.net n’emporte aucune conséquence manifestement
excessive mais constitue la mesure adéquate au constat du caractère trompeur
d’une telle dénomination exploitée par une société commerciale, et que cette
mesure pas plus que la radiation du nom de domaine www.avocat.net n’entraînent
de conséquence manifestement excessive.
Il demande en conséquence :
– de dire que les astreintes ordonnées sont exécutoires de plein droit,
– de dire que la société Jurisystem ne justifie nullement d’une violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 du code de procédure civile,
– de déclarer la société Jurisystem irrecevable et mal fondée en ses demandes sur le fondement de l’article 524 alinéa 2 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si la Cour estime que le jugement n’est pas exécutoire de droit,
Vu l’article 524 alinéa 2 du code de procédure civile,
– de constater l’absence de conséquences manifestement excessives,
– de débouter la société Jurisystem de sa demande aux fins de suspendre
l’exécution provisoire,
En tout état de cause, de condamner la société Jurisystem à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
DISCUSSION
Sur la recevabilité :
Considérant que le fait que la société Jurisystem demanderait l’arrêt de l’exécution
provisoire des mesures d’astreinte sur le fondement de l’article 524, alinéa 1er, 2°
du code de procédure civile, relative à l’exécution provisoire ordonnée, alors qu’en
vertu de l’article R. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, la décision
du juge ordonnant une astreinte est exécutoire de plein droit et relève donc des
dispositions du dernier alinéa de l’article 524 ne constitue pas une cause
d’irrecevabilité de la demande mais pourrait conduire, le cas échéant, au rejet de
celle-ci à défaut de preuve des conditions cumulatives prévues par ledit texte ;
Que la société Jurisystem demande, en toute hypothèse, à titre principal l’arrêt de
l’exécution provisoire de deux des injonctions ordonnées par le tribunal ;
Sur le bien-fondé :
Considérant que selon l’article 524, alinéa 1er, 2° du code de procédure civile,
lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée elle peut être arrêtée, en cas
d’appel, par le premier président statuant en référé, si elle risque d’entraîner des
conséquences manifestement excessives ;
Qu’il n’appartient pas au premier président saisi sur le fondement de ce texte
d’apprécier le bien-fondé de la décision entreprise ;
Considérant que la société Jurisystem sollicite, tout d’abord, l’arrêt de l’exécution
provisoire de la mesure de cessation de l’usage de la dénomination « avocat.net » ;
Que le premier président n’a à se prononcer sur le caractère prétendument « très
excessif » de cette mesure et de leur préférer d’autres mesures ;
Que le fait allégué par la demanderesse que cette mesure aurait des
conséquences « désastreuses » n’établit pas les conséquences manifestement
excessives, qui ne sont pas constituées par l’obligation qui en découlerait pour la
société Jurisystem, selon ses propres explications, de renommer son site Internet
en choisissant un nom différent, avec la possibilité éventuelle, en cas de
réformation du jugement, de pouvoir reprendre son nom initial ; que « le risque de
perturbation pour les clients » de la société Jurisystem, dont, au surplus, la
demanderesse indique qu’il serait susceptible d’indemnisation, n’établit pas
davantage ces conséquences ;
Que le même constat sera fait en ce qui concerne l’exécution provisoire de la
mesure de radiation du nom de domaine « avocat.net » ; qu’une telle radiation ne
met pas la société Jurisystem dans l’impossibilité de procéder à l’enregistrement
d’un autre nom de domaine, et/ou, en cas d’infirmation, de récupérer ce même
nom de domaine, l’existence alléguée d’un « business des noms de domaine
expirés » n’établissant pas le caractère irréversible de la mesure, ni en toute
hypothèse, les conséquences manifestement excessives, qui ne sont pas
constituées par les seules difficultés susceptibles d’entraver la restitution du nom ;
Qu’enfin, et surtout, la société demanderesse, qui ne verse aux débats aucun
élément comptable ou financier, ne démontre pas que l’exécution provisoire des
deux mesures litigieuses obérerait de façon grave son activité commerciale, dont
la partie adverse soutient, sans être démentie, qu’elle est diversifiée et s’exerce
encore sur d’autres sites internet ;
Que dès lors, la société Jurisystem sera déboutée ;
DECISION
Déclarons la demande recevable,
Déboutons la société Jurisystem,
Condamnons la SAS Jurisystem à payer au Conseil National des Barreaux la
somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la SAS Jurisystem aux dépens du présent référé.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en
ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa
de l’article 450 du code de procédure civile.
La Cour : Michèle Graff-Daudret (conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour), Cécilie Martel (greffière)
Avocats : Me Matthieu Berguig, Me Gautier Kaufman, Me Martin Pradel
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