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Jurisprudence : Contenus illicites

mardi 22 mai 2012
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Cour d’appel de Versailles 17ème chambre Arrêt du 22 février 2012

Mme S. / Alten Sir

dénigrement - faute - indemnités - licenciée - réseaux sociaux - salariés - vie privée

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section Encadrement) du 19 novembre 2010 qui, statuant en départage, a dit fondé le licenciement pour faute grave, débouté madame S. de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a débouté la société Alten Sir de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la déclaration d’appel adressée au greffe de la cour pour madame S., qui n’a pas limité son appel, et les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil qui demande à la cour, infirmant le jugement, de :
– dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Alten Sir au paiement des sommes de :
* 34 507 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 8626,83 € à titre de rappel de préavis outre 862,68 € au titre des congés payés afférents,
– condamner la société Alten Sir aux dépens et au paiement d’une somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience pour la société Alten Sir qui entend voir :
– confirmer le jugement,
– déclarer madame S. irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l’en débouter,
– la condamner aux dépens et au paiement d’une somme de 3500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Le ministère public entendu en ses observations.

DISCUSSION

Considérant que madame S. a été engagée, à compter du 27 novembre 2006, en qualité de consultante, chargée de recrutement, statut cadre, par la société Alten Sir qui est soumise à la convention collective des bureaux d’études techniques dite “Syntec” ;

Que, par lettre remise en main propre du 5 décembre 2008, elle a été mise à pied à titre conservatoire “jusqu’au mardi 9 décembre inclus, dans l’attente de la décision à intervenir” ; qu’elle a été convoquée, par lettre recommandée avec avis de réception datée du 9 décembre, envoyée le 12 et présentée le 13, à un entretien préalable fixé au 19 décembre et lui notifiant sa ”mise à pied conservatoire à partir de ce jour” ;

Qu’elle a été licenciée pour faute grave, pour incitation à la rébellion contre la hiérarchie et dénigrement envers la société, par lettre recommandée avec avis de réception datée du 31 décembre 2008, pour avoir, en prenant part à la conversation, cautionné les propos tenus sur le site “Facebook” d’un autre salarié et participé ainsi à une forme de harcèlement moral envers sa supérieure hiérarchique ;

Considérant, sur le bien fondé de la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que madame S. soutient en premier lieu que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison de la violation du principe du non cumul des sanctions dès lors que, sa convocation à l’entretien préalable n’ayant pas suivi immédiatement sa mise à pied conservatoire, cette dernière doit s’analyser en une mise à pied disciplinaire faisant obstacle au prononcé du licenciement pour les mêmes faits ;

Considérant qu’une même faute ne peut faire l’objet de deux sanctions successives ; que, si une mise à pied, pour une durée déterminée mais notifiée à titre conservatoire, revêt bien un caractère conservatoire dès lors qu’elle comporte l’avertissement de l’engagement de la procédure de licenciement, c’est à la condition qu’elle soit rapidement suivie de l’engagement effectif de celle-ci ;

Qu’en l’espèce, la société Alten Sir a, par lettre remise en main propre le lundi 8 décembre 2008, notifié à madame S. ”mise à pied conservatoire jusqu’au mardi 9 décembre inclus, en l’attente d’une mesure disciplinaire“ ; que la salariée a été convoquée, par lettre datée du 9 décembre, expédiée le vendredi 12 et présentée le 13, avec ”mise à pied conservatoire à compter de ce jour” à un entretien préalable fixé le 19 décembre et licenciée par lettre datée du 31 décembre 2008 ;

Que la procédure de licenciement n’ayant pas été engagée concomitamment au prononcé de la mise à pied conservatoire ni immédiatement à sa suite, mais seulement le vendredi 12 décembre, soit quatre jours ouvrables après le prononcé, le 8 décembre, de la mise à pied conservatoire et au delà de la date du 9 décembre indiquée, s’analyse en une mise à pied disciplinaire, ce que ne peut sérieusement contester la société Alten Sir qui a assorti la convocation à l’entretien préalable d’une nouvelle mise à pied conservatoire à compter de sa date ;

Que, dès lors, le licenciement prononcé le 31 décembre 2008 pour les mêmes faits est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant, sur l’indemnité pour du licenciement sans cause réelle et sérieuse, que madame S. qui, à la date de son licenciement, comptait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de onze salariés, a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne saurait être inférieure au salaire des six derniers mois ; qu’âgée de 28 ans à la date du licenciement, madame S., qui soutient n’avoir pas retrouvé d’emploi à ce jour, ne justifie cependant d’aucune recherche en ce sens ; qu’eu égard à son ancienneté, la cour fixe à 20 000 € l’indemnité que la société Alten Sir devra lui verser à ce titre ;

Considérant, sur l’indemnité compensatrice de préavis, qu’en l’absence de faute grave, madame S. est en outre fondée à solliciter, en application de l’article 15 de la convention collective Syntec, une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire, soit, sur la base du salaire mensuel moyen de 2516 €, la somme de 7548 €, outre les congés payés afférents ;

DÉCISION

Statuant publiquement et contradictoirement,

. Infirmant le jugement,

. Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. Condamne la société Alten Sir à payer à madame S. les sommes de :
* 20 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
* 7548 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 754,80 € au titre des congés payés afférents, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes,

. Déboute les parties de toutes leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

. Condamne la société Alten Sir aux dépens et au paiement à madame S. d’une somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour : Madame Isabelle Lacabarats (président), Mme Clotilde Maugendre et Agnès Tapin (conseillères)

Avocats : Me Grégory Saint Michel, Me Anne-Christine Barateig

Voir décision du TGI

 
 

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