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Jurisprudence : Marques

mardi 19 octobre 1999
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre Jugement du 19 octobre 1999

Société Marc Laurent / Monsieur Eric J.

marques - nom de domaine

Faits et prétentions

La société Marc Laurent a été créée en 1978 et porte comme nom commercial depuis l’origine la dénomination « Celio ».

Cette société est également titulaire de plusieurs marques françaises Celio dont l’une d’entre elles a été déposée le 21 juillet 1978 sous le numéro 1059343 et enregistrée sous le n°1584844 régulièrement renouvelée depuis lors et le 13 octobre 1997 pour la dernière fois, pour désigner notamment les articles de prêt-à-porter et les vêtements.

Par acte du 4 mars 1999, la société Marc Laurent assigne Eric J. aux fins de voir :

– dire que ce dernier, en déposant le nom de domaine sur internet « celio.com » s’est rendu coupable d’acte de contrefaçon de marque et d’usurpation de nom commercial à son détriment,

– interdire la poursuite de tels actes et condamner Eric J. à retirer ce nom de domaine sous astreinte dont la liquidation restera au présent tribunal,

– condamner le défendeur à lui payer la somme de 1 000 000 F de dommages-intérêts, sauf à parfaire et la somme de 20 000 F en application de l’article 700 du ncpc,

et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de la publication de la décision à intervenir.

Discussion

Eric J., régulièrement assigné suivant les modalités de l’article 659 du ncpc n’ayant pas constitué avocat, la présente décision est réputée contradictoire.

La société Marc Laurent justifie par la production :

– de son Kbis avoir été créée le 3 août 1978 et porté comme nom commercial la dénomination Celio,

– de l’extrait de publication de sa marque être titulaire d’une marque Celio n°1584844, déposée le 21 juillet 1978 pour désigner notamment les articles de prêt-à-porter et vêtements, et régulièrement renouvelée depuis lors,

– de certificats américains avoir également déposé la marque Celio aux USA,

– d’extraits d’articles de journaux exploiter de manière intensive cette marque dans plus de 200 magasins en France et à l’étranger pour le commerce de vêtements et d’articles de sport,

– d’un extrait du répertoire des noms de domaine sur l’internic que Eric J. a déposé comme nom de domaine « celio.com » de même qu’un certain nombre d’autres dénominations reprenant le nom de sociétés commerciales connues : TF1, Holliday-in, UFB-Locabail etc …,

– d’un courrier en date du 8 mars 1998 de Eric J. à la société Marc Laurent, que celui-ci souhaitait monnayer la restitution du nom de domaine Celio.

Compte tenu des éléments précités, il apparaît qu’en déposant le nom de domaine « celio.com », Eric J. avait l’intention de le vendre à la société Marc Laurent, seule susceptible d’en avoir une utilisation car comme toutes les sociétés commerciales, elle devait vouloir à un moment ou à un autre créer un site internet pour proposer à sa clientèle ses produits et services.

En agissant de la sorte, Eric J. a commis une faute intentionnelle au préjudice de la demanderesse en usurpant le nom commercial de cette dernière et en abusant du droit de libre réservation des noms de domaine sur l’internet. Cette double faute a porté préjudice à la société Marc Laurent en l’empêchant de déposer son nom commercial, signe distinctif pour sa clientèle, comme nom de domaine sur l’internet et par la même en freinant son développement international.

En revanche, ces faits ne sauraient constituer un acte de contrefaçon de marque dès lors que les produits désignés par la marque Celio précitée ne concernent pas les services et produits de la communication mais uniquement des produits des classes 18 et 25 de la classification internationale auxquels ne peut être assimilé un serveur informatique et que la société Marc Laurent ne fait pas la preuve que sa marque est connue d’un large public et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre, indépendant de la désignation de l’objet qui la porte même si effectivement elle jouit d’une certaine renommée dans le secteur des articles d’habillement pour l’homme. Les articles L 713-2, L 713-3 et L 713-5 du code de la propriété intellectuelle sont en conséquence inapplicables.

Pour faire cesser l’usurpation du nom commercial et l’abus de droit ainsi établis, il y a lieu d’interdire la poursuite de ces faits et ce, dans les conditions du présent dispositif.

Compte tenu du préjudice certain subi par la société Marc Laurent du fait des agissements de Eric J., il y a lieu de condamner ce dernier à payer à la demanderesse une indemnité de 100 000 F et d’ordonner à titre de dommages-intérêts complémentaires la publication du dispositif de la présente décision.

Eu égard à la nature de l’affaire, il y a lieu à exécution provisoire de la présente décision.

L’équité commande en outre d’allouer à la demanderesse une indemnité de 15 000 F en application de l’article 700 du ncpc.

Décision

Statuant publiquement, en premier ressort et par décision réputée contradictoire,

. Dit qu’en déposant comme nom de domaine à l’internic, la dénomination « celio.com », Eric J. a commis une usurpation du nom commercial de la société Marc Laurent et un abus de droit en application de l’article 1382 du code civil,

. Interdit à Eric J. d’utiliser sous quelque forme que ce soit la dénomination Celio et le condamne sous astreinte de 10 000 F par jour de retard, passé le délai de 8 jours après la signification de la présente décision, à procéder au retrait du nom de domaine « celio.com » sur le réseau internet,

. Dit qu’il se réserve la liquidation de l’astreinte,

. Condamne Eric J. à payer à la société Marc Laurent la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts,

. Autorise la société Marc Laurent à faire publier dans trois journaux ou revues de son choix le dispositif du présent jugement et ce, aux frais d’Eric J. dans la limite de 25 000 F HT par insertion,

. Ordonne l’exécution provisoire,

. Déboute la demanderesse du surplus de sa demande,

. Condamne Eric J. à payer à la société Marc Laurent la somme de 15 000 F en application de l’article 700 du ncpc et aux dépens.

Le tribunal : Mme E. Belfort (vice président), Mmes Maunand et Tapin (juges)

Avocat : Me MC Deluc

Voir l’ordonnance de référé

 
 

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