Les avocats du net

 
 


 

Jurisprudence : Marques

mardi 27 juin 2000
Facebook Viadeo Linkedin

Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 27 juin 2000

SA No Problemo / Sarl Capitale Studio et Sarl COMFM

annulation de la marque - marques - nom de domaine - radiation du nom de domaine

Les Faits

La société No Problemo a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 9 juillet 1993 et exerce son activité dans le secteur de la communication (conseil artistique, création de l’habillage d’antenne de chaînes télévisées, création de clips vidéo, de spots publicitaires, …).

S’étant aperçue que les sociétés Capitale Studio et COMFM avaient lancé une station de radio diffusée sur internet dont l’adresse du site est « noproblemo.com » et avaient déposé le 18 mars 1997 à l’Inpi la marque « No Problemo », la société No Problemo a assigné le 11 mai 1999 la société Capitale Studio et la société COMFM en nullité du dépôt de la marque précitée, en atteinte à sa dénomination sociale, en revendication du nom de domaine et en indemnisation.

Aux termes de ses dernières écritures, la société No Problemo demande au tribunal de :

– constater que les sociétés Capitale Studio et COMFM ont usurpé sa dénomination sociale,

– prononcer la nullité de la marque « No Problemo » déposée en violation de ses droits antérieurs, – ordonner la cession de l’utilisation de la dénomination « No Problemo » sous astreinte,

– condamner les défenderesses à lui restituer le nom de domaine « noproblemo.com », et ce sous astreinte,

– condamner les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et la somme de 20 000 F en application de l’article 700 du NCPC, et ce sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de la publication de la décision à intervenir.

Les défenderesses répondent que :

– la société Capitale Studio utilise la dénomination « No Problemo » comme nom commercial depuis 1996,

– le risque de confusion prévu pour l’application de l’article L. 711-b du code de la propriété intellectuelle n’est pas établi en l’espèce, les secteurs d’activité des entreprises étant différents,

– la responsabilité de la société COMFM ne peut être retenue car elle est un simple prestataire technique qui a hébergé la radio en cause sur son site et a déposé le nom de domaine en qualité de mandataire de la société Capitale Studio,

– le préjudice invoqué n’est nullement démontré.

Aussi, les défenderesses concluent au débouté des demandes et indiquent que la société Capitale Studio est prête à restituer le nom « No Problemo » pour les produits et services relatifs à la télévision.

Elles réclament également l’allocation d’une indemnité de 10 000 F en application de l’article 700 du NCPC. La société No Problemo réplique aux moyens de défense soulevés et maintient ses prétentions

SUR CE ,

Sur la nullité de l’enregistrement de la marque « No Problemo » :
L’article L. 711-4b) du CPI dispose que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment (…) à une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

Il est constant que le risque de confusion s’apprécie au regard de l’activité de la société en cause et des produits et services désignés par la marque attaquée.

En l’espèce, il ressort de l’extrait Kbis versé aux débats que la société No Problemo a été immatriculée au RCS de Paris le 9 juillet 1993 et a déclaré avoir comme activité : « l’achat, l’étude de tous produits de communication, promotion, publicité et communication, promotion, publicité ». Aussi, la demanderesse possédait un droit sur cette dénomination sociale dès cette immatriculation.

Les pages du site internet de la société No Problemo produites établissent par ailleurs que celle-ci est spécialisée dans la production de spots publicitaires, « produits courts, habillage et marketing » pour la télévision.

D’autre part, il n’est pas contesté que la marque attaquée No Problemo a été déposée le 18 mars 1997 par la société Capitale Studio et enregistrée sous le n° 9766024 pour désigner les produits suivants : « bande magnétique programme radiophonique, communication radiophonique, radiodiffusion émissions télévisées, télévision par câble, enseignement, télévision, montage de programme radiophonique et de studio d’enregistrement. Publicitaire, location d’espace, publicité radiophonique Publicité support d’enregistrement magnétique ».

Le tribunal relève au vu de ces éléments que l’activité de la société No Problemo et les produits visés par la marque attaquée concernent le même secteur économique, à savoir la communication audiovisuelle ; que, de ce fait, le risque de confusion est avéré, le public pouvant attribuer à la société No Problemo les produits portant la marque du même nom ; que, d’ailleurs, la société demanderesse verse aux débats de éléments établissant la réalité de cette confusion (félicitation reçue par elle à l’occasion du lancement de la radio sur internet de la société Capital Studio ; réception par elle d’une réclamation concernant l’usage d’une marque sur la radio précitée ; relation concernant l’activité des deux parties sur une publication professionnelle « satellfax » où il n’est pas possible d’opérer une distinction entre les deux ; article de « musique info » au sujet de la radio de Capitale Studio où le logo de la société demanderesse est utilisé en illustration, …).

Dans ces conditions, la société Capitale Studio ne justifiant d’aucun droit antérieur à l’immatriculation de la société demanderesse, ni d’accord écrit de coexistence, le signe de la marque attaquée étant identique à la dénomination sociale de celle-ci et le risque de confusion étant établi, il y a lieu d’annuler en application de l’article L. 714-3 du CPI l’enregistrement de la marque de la société Capitale Studio.

L’exploitation de cette marque par la société Capitale Studio constitue à l’égard de la société No Problemo des actes d’usurpation de dénomination sociale préjudiciables eu égard au risque de confusion du public existant pour les mêmes motifs que précédemment.

Sur la restitution du nom de domaine « www.noproblemo.com » :
Il est constant que le choix d’un nom de domaine identique à la dénomination sociale d’une société antérieurement immatriculée constitue une usurpation de cette dénomination s’il existe un risque de confusion.

En l’espèce, le nom de domaine est identique à la dénomination sociale de la société No Problemo et le risque de confusion dans l’esprit du public sur l’origine des prestations offertes est patent pour les mêmes motifs que précédemment.

Toutefois, aucune disposition légale ne permettant au tribunal d’ordonner le transfert du nom de domaine en cause à la société, victime d’usurpation, il ne peut qu’être enjoint au titulaire dudit nom de faire radier ce nom sous astreinte, la société demanderesse pouvant dès la disponibilité de ce nom retrouvée en demander l’enregistrement à son bénéfice.

La société demanderesse ne justifiant pas à quelle date, elle a ouvert son propre site internet, il ne saurait être reproché à la société Capitale Studio au titre d’un acte de concurrence déloyale distinct d’avoir ouvert un site internet portant la même dénomination.

Sur les responsabilités :
Il n’est pas contesté que la société COMFM a été mandatée par la société Capitale Studio pour l’enregistrement du nom de domaine « noproblemo.com ».

La société Capitale Studio ayant produit à la société COMFM un extrait Kbis aux termes duquel il apparaissait que celle-ci utilisait la dénomination « No Problemo » comme nom commercial, il ne saurait être reproché à la société COMFM une faute dans l’exercice de ce mandat.

Toutefois, il apparaît des articles du magazine Time Code et du journal Libération ainsi que de la page d’accueil du site « noproblemo.com » que la société COMFM ne s’est pas limitée à être un simple mandataire mais qu’elle est la cofondatrice de la radio diffusée sur ce site et cofinance son exploitation ; que, dès lors, elle ne peut se réfugier derrière le nom commercial utilisé abusivement par la société Capitale Studio depuis 1996 pour échapper à la responsabilité qui lui incombe en cette qualité de professionnelle de la communication audiovisuelle qui se devait de vérifier que l’existence de son activité n’était pas préjudiciable aux entreprises du même nom.

Dans ces conditions, elle apparaît responsable in solidum avec la société Capitale Studio des actes de concurrence déloyale relatifs au choix et à l’exploitation du site « noproblemo.com » ainsi que de la marque du même nom.

Sur les mesures réparatrices :
Les actes de concurrence déloyale constitués par l’usurpation de la dénomination sociale de la société demanderesse a causé à cette dernière un préjudice certain auprès de sa clientèle compte tenu de la confusion avérée entre son activité et celle entretenue par les sociétés défenderesses sous la dénomination incriminée.

Aussi, le tribunal estime à la somme de 100 000 F les dommages et intérêts que les sociétés défenderesses devront prendre in solidum à leur charge en réparation du préjudice ainsi subi.

Par ailleurs, il est fait droit à la mesure d’interdiction et de publication dans les conditions définies au présent dispositif.

Enfin, l’équité commande d’allouer à la société No Problemo une indemnité de 20 000 F au titre de la prise en charge des frais qu’elle a exposés dans la présente procédure.

Compte tenu de l’ancienneté du litige et de sa nature, il y a lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par ces motifs,

le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

. Dit que les sociétés Capitale Studio et COMFM ont usurpé la dénomination sociale de la société No Problemo en déposant la marque No Problemo et le site internet du même nom ;

. Annule, en application des articles L. 711-4b et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle l’enregistrement de la marque française No Problemo déposée le 18 mars 1997 par la société Capitale Studio enregistrée sous le numéro 97 669 024 pour l’ensemble des produits désignés ;

.Interdit aux sociétés Capitale Studio et COMFM l’utilisation sous quelque forme que ce soit de la dénomination « No Problemo », et ce sous astreinte de 5 000 F par infraction constatée passé le délai de deux mois après la signification de la présente décision ;

. Ordonne à la société Capitale Studio de procéder à la radiation du nom de domaine « www.noproblemo.com » auprès de l’Internic, et ce sous astreinte de 2 000 F par jour de retard passé le délai de deux mois après la signification de la présente décision ;

. Condamne in solidum les sociétés Capitale Studio et COMFM à payer à l société No Problemo la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts ;

. Autorise la publication du présent dispositif dans deux journaux ou revues au choix de la société demanderesse et aux frais in solidum des sociétés succombantes, et ce dans la limite de 20 000 F HT par insertion ;

. Ordonne l’exécution provisoire ;

. Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

. Dit que le présent jugement devenu définitif sera transmis par le présent greffier, sur réquisition de la partie la plus diligente, à l’INPI pour inscription au registre national des marques ;

. Condamne in solidum les sociétés Capitale Studio et COMFM à payer à la société No Problemo la somme de 20 000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le tribunal : Mme Elisabeth Belfort (vice-président), Mmes Agnès Tapin et Bénédicte Farthouat-Danon (juges), Mme Myriam Mazier.

Avocats : Me Yannick Amsellem (de la SCP Coutard & associés) et Me Fernando Manès.

Notre présentation de la décision

 
 

En complément

Maître Fernando Manès est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Maître Yannick Amsellem est également intervenu(e) dans les 3 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Agnès Tapin est également intervenu(e) dans les 7 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Bénédicte Farthouat Danon est également intervenu(e) dans les 10 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Elisabeth Belfort est également intervenu(e) dans les 52 affaires suivante  :

 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.