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Jurisprudence : Droit d'auteur

mercredi 18 octobre 2017
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TGI de Paris, 3ème ch. – 2ème sec., jugement du 16 septembre 2016

Madame X. / CIL France

articles de presse - diffusion sur internet non autorisée - droit au nom - presse - reproduction non autorisée sur internet - traduction - violation du droit moral du traducteur

Madame X. a travaillé du 1er mars … au 1er avril 2014, date de son licenciement économique, pour la société éditrice du magazine Selection du Reader’s Digest, en dernier lieu la société Club International du Livre France (ci-après société CIL France), en qualité de rédacteur-traducteur, rémunérée à ce titre en droits d’auteur.

La société CIL France a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 18 décembre 2013 du tribunal de commerce de Créteil, Maître Florence Tulier Polge ayant été nommée administrateur judiciaire et la société Gauthier Sohm mandataire judiciaire.

A compter du mois de janvier 2014 plus aucune traduction n’a été confiée à Madame X. qui a saisi le conseil des prud’hommes de Créteil.

Par jugement en date du 5 mars 2014, le tribunal de commerce de Créteil a arrêté le plan de cession d’une partie des actifs de la société CIL France au profit d’une filiale de la société espagnole S.A.P.E de sorte que le magazine Sélection du Reader’s Digest est désormais publié par une société Global Family Editions France.

Par jugement en date du 9 avril 2014, le tribunal de commerce de Créteil a en outre prononcé la liquidation judiciaire de la société CIL France, maintenu Me Tulier Polge comme administrateur judiciaire et nommé la société Gauthier Sohm comme liquidateur judiciaire.

Faisant valoir que la société CIL France lui a imposé d’être rémunérée sous forme de « droits d’auteur », et que ses traductions ont été publiées sans mention de son nom et de sa qualité d’auteur et qu’elles ont fait l’objet d’autres publications sans son autorisation sur le site internet des éditions française et suisse ainsi que dans le mensuel belge, et ce de mars 2009 à février 2014, Madame X. après mises en demeure en date des 13 et 27 décembre 2013 restées vaines, a par exploits d’huissier des 21, 25 février et 10 mars 2014, assigné la société CIL France, Me Tulier Polge ès qualités d’administrateur judiciaire, et la société Gauthier Sohm, ès qualités de mandataire judiciaire, aux fins d’obtenir réparation de la violation du droit au respect de son nom et de la violation de ses droits patrimoniaux.

Par ordonnance du 2 octobre 2014, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des procédures.

Par exploit d’huissier du 4 décembre 2014, Madame X. a assigné la société Gauthier-Sohm ès qualités de liquidateur judiciaire aux mêmes fins et par ordonnance du 8 janvier 2015, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des procédures.

L’affaire a fait l’objet d’une ordonnance de clôture en date du 18 juin 2015 et a été plaidée le 29 octobre 2015.

En outre, par assignation en date du 7 octobre 2014, Madame X. a assigné la société Global Family Editions France, en violation de ses droits moral et patrimonial au titre de 45 articles reproduits sans son autorisation ni mention de son nom sur le site web www.selectionclic.com postérieurement au 9 avril 2014. Cette affaire portant le n° RG 14/15083 a donné lieu à un jugement en date du 3 décembre 2015.

Par une ordonnance en date du 7 décembre 2015, le Président du Tribunal a prononcé la révocation de l’ordonnance de clôture et sollicité les « observations des parties sur le jugement rendu par la 3ème Chambre le 3 décembre 2015 dans l’affaire contre Global Family Editions France RG 14/15083 ».

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 mai 2016, Madame X. demande au tribunal, au visa des articles L.121-1, L.122-4, L.131-8, L.132-38, L.132-39 et 335-2 du code de la propriété intellectuelle, de :

Dire et juger que les traductions dont la demanderesse est l’auteur sont originales compte tenu des choix opérés concernant le vocabulaire, la tournure, la ponctuation et la syntaxe et bénéficient de la protection par le droit d’auteur ;

Dire et juger que la société CIL France ne rapporte pas la preuve que les traductions en cause devraient – en elles-mêmes – être qualifiées d’œuvres collectives ;

Dire et juger que la S.A. Club International du Livre France a commis une violation du droit moral de Madame X. en reproduisant et en représentant dans l’édition française du mensuel Sélection du Reader’s Digest sur support papier, sans mention de son nom, 161 articles dont elle est l’auteur de la traduction ;

Dire et juger que la S.A. Club International du Livre France a commis une violation du droit moral de Madame X. en reproduisant et en représentant sur www.selectionclic.com et www.readersdigest.ch, sans mention de son nom, 52 articles dont elle est l’auteur de la traduction ;

En conséquence :

Faire interdiction à la S.A. Club International du Livre France d’exploiter en violation du droit moral de Madame X., c’est-à-dire sans mentionner son nom, les articles dont celle-ci est l’auteur de la traduction, sur tous supports, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée, à compter d’un délai d’un mois après la signification du jugement à intervenir ;

Fixer au passif de la procédure collective de la S.A. Club International du Livre France la créance de Madame X. à hauteur de 30.400 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Dire et juger que malgré l’éventuelle qualification d’œuvre collective s’appliquant au magazine Sélection du Reader’s Digest, la demanderesse est titulaire des droits patrimoniaux en cause dans la présente instance s’agissant de l’exploitation séparée de ses contributions ;

Dire et juger que la S.A. Club International du Livre France échoue à caractériser une cession implicite des droits d’auteur de la demanderesse qui autoriserait toutes les reproductions querellées ;

Constater que la S.A. Club International du Livre France ne justifie pas de l’existence d’un accord collectif ou d’entreprise tel que visé aux articles L. 132-37 et suivants du CPI ;

Dire et juger que la S.A. Club International du Livre France a commis une violation des droits patrimoniaux de Madame X. en reproduisant et en représentant – après une première publication dans l’édition française du mensuel Sélection du Reader’s Digest sur support papier – des articles dont elle est l’auteur de la traduction, sur le site internet de l’édition française (www.selectionclic.com), ainsi que dans les éditions belge (Bénélux) et suisse du mensuel et sur le site internet de l’édition suisse (www.readersdigest.ch) ;

En conséquence :

Faire interdiction à la S.A. Club International du Livre France d’exploiter les articles dont Madame X. est l’auteur de la traduction, sur le site internet de l’édition française (www.selectionclic.com), ainsi que dans les éditions belge (Bénélux) et suisse du mensuel et sur le site internet de l’édition suisse (www.readersdigest.ch), sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter d’un délai d’un mois après la signification du jugement à intervenir ;

Fixer au passif de la procédure collective de la S.A. Club International du Livre France la créance de Madame X. à hauteur de 31.800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial ;

Dire et juger que les créances de Madame X. en réparation de son préjudice moral et de son préjudice patrimonial bénéficieront du privilège prévu au 4° de l’article 2331 et à l’article
2375 du Code civil ;

Condamner la S.A. Club International du Livre France, prise en la personne de la Selarl Gauthier Sohm en sa qualité de liquidateur de judiciaire, à payer à Madame X. une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Fixer au passif de la liquidation de la S.A. Club International du Livre France, prise en la personne de la Selarl Gauthier Sohm es qualité, la créance de Madame X. à hauteur de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, augmentée des frais du constat d’huissier en date du 14 octobre 2013, soit 1.333,44 euros TTC ;

Condamner la S.A. Club International du Livre France, prise en la personne de la Selarl Gauthier Sohm es qualité, aux entiers dépens ;

Dire et juger que la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens seront inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l’article L. 621-32 du Code de commerce ;

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 avril 2016, les sociétés CIL France et Gauthier Sohm es qualité de liquidateur judiciaire et Me Tulier Polge es qualité d’administrateur judiciaire, au visa de l’article 1134 du code civil, et des articles L. 112-3, L. 113-2, L. 113-3 et L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle, demandent au tribunal de :

– DIRE ET JUGER qu’il a été mis un terme aux fonctions de Madame Florence Tulier Polge, administrateur judiciaire, et qu’aucune faute détachable de ses fonctions ne lui est imputée ;
Et par conséquent :
– DECLARER IRRECEVABLES les demandes de Madame X. à son égard et prononcer sa mise hors de cause ;
– DIRE ET JUGER que Madame X. ne rapporte pas la preuve de l’originalité des traductions pour lesquelles elle revendique la protection du droit d’auteur; la débouter de ce chef et la déclarer irrecevable en ses demandes ;

En tout état de cause :
– DIRE ET JUGER que les travaux accomplis par Madame X. à la demande de la société Club International du Livre France sont des contributions à l’œuvre collective Sélection du Reader’s Digest ;
Par conséquent :
-DECLARER IRRECEVABLES ses demandes fondées sur le droit d’auteur ;

A titre subsidiaire,

– DIRE ET JUGER que les commandes passées par la société Club International du Livre France à Madame X. impliquaient la cession de ses droits d’auteur ;
Par conséquent :
La DEBOUTER de ses demandes fondées sur les droits patrimoniaux ;

– DIRE ET JUGER que Madame X. a agi de mauvaise foi ;
Et par conséquent :

– La DEBOUTER de ses demandes fondées sur le droit moral ;

– CONDAMNER Madame X. à 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Claude Zylberstein.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2016, date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré.

DISCUSSION

Sur la demande de mise hors de cause de Me Florence Tulier Polge

Les défendeurs, arguant de ce que Me Tulier Polge n’a plus désormais qualité pour poursuivre la procédure, demandent sa mise hors de cause.

Me Tulier Polge a été attrait dans la cause es qualité d’administrateur judiciaire lorsque la société CIL France était en redressement judiciaire.

Cependant le jugement de liquidation judiciaire du 9 avril 2014 l’a maintenue dans ses fonctions de sorte qu’il n’y a pas lieu de la mettre hors de cause.

Sur la titularité du droit d’auteur

Les sociétés CIL France, Gauthier Sohm es qualité de liquidateur judiciaire et Me Tulier Polge es qualité d’administrateur judiciaire soutiennent que la jurisprudence a reconnu la qualité d’œuvre collective pour un journal en application des articles L. 113-2 et L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle.

Elles expliquent qu’en l’espèce la société CIL France a sollicité de Madame X. des travaux de traduction d’articles en langue anglaise ainsi que, de temps en temps, des notices complémentaires et que ces travaux étaient destinés à se fondre dans la revue mensuelle
«Sélection du Reader’s Digest».

Elles ajoutent que c’est donc sous l’impulsion et la direction de la société CIL France que la revue était conçue chaque mois, celle-ci décidant des thèmes abordés comme des articles publiés, lui conférant une unité de style et de ton rédactionnel qui ne peut être obtenue qu’à partir de consignes précises fussent-elles verbales.

Elles en concluent que la revue « Sélection du Reader’s Digest » est une œuvre collective, que la société CIL France est donc titulaire ab initia des droits d’auteur sur celle-ci, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun des auteurs un droit distinct sur l’ensemble réalisé, et conclut en conséquence à l’irrecevabilité des demandes de Madame X. pour défaut de titularité des droits d’auteur.

Madame X. réplique qu’à supposer que le magazine sur support papier soit une œuvre collective, le journaliste contributeur reste titulaire des droits d’auteur sur sa contribution et en conserve la maîtrise quant à son exploitation séparée.

Elle fait valoir que les articles mis en ligne sont consultables indépendamment du reste du magazine et que leur mise en ligne tout comme leurs publications dans les éditions belge et suisse nécessitaient son autorisation.

Sur ce,

Selon l’article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle, « les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit.jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’oeuvre originale ».

L’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom duquel l’œuvre est divulguée ».

L’article L. 113-2 alinéa 3 du même code énonce qu’ « est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue,
sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé « .

L’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit aussi que « l’oeuvre collective est sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur ».

Enfin, l’article L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle alinéa 2 dispose que « pour toutes les oeuvres publiées dans un titre de presse au sens de l’article L. 132-35, l’auteur conserve, sauf stipulation contraire, le droit de faire reproduire et d’exploiter ses oeuvres sous quelque forme que ce soit, sous réserve des droits cédés dans les conditions prévues à la section 6 du chapitre II du titre III du livre Ier' ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que depuis le 1er mars Madame X. a régulièrement effectué des traductions de l’anglais vers le français d’articles de presse en vue de leur publication dans l’édition française du mensuel Sélection du reader’s Digest édité par la société CIL France.

S’il est ainsi établi que la revue mensuelle Sélection du reader’s digest conçue, éditée et divulguée sous la direction de la société CIL France, qui en choisit les thèmes, sélectionne les articles et en assure la mise en page est une oeuvre collective, et qu’en conséquence la société CIL France est titulaire des droits sur ladite revue en ce qu’elle est considérée comme un tout et exploitée comme tel, en revanche Madame X. dont il n’est pas contesté qu’elle a réalisé chacune des traductions litigieuses, parfaitement identifiable au sein de la revue, conserve ses droits d’auteur sur chacune de ses traductions prise isolément, pour lesquelles elle demeure titulaire du droit de reproduire et d’exploiter sa contribution séparée, de sorte qu’elle est recevable à agir sur le fondement du droit d’auteur pour la protection de ses droits exploités hors le cadre initial de l’oeuvre collective.

La fin de non-recevoir pour défaut de titularité sera donc écartée.

Sur l’originalité des traductions

Les sociétés CIL France, Gauthier Sohm es qualité de liquidateur judiciaire et Me Tulier Polge es qualité d’administrateur judiciaire soutiennent que Madame X. ne démontre pas en quoi ces traductions ou adaptations d’articles seraient empreintes de sa personnalité et de ce fait originales, c’est-à-dire protégeables par le droit d’auteur.

Madame X. qui rappelle qu’il lui a été imposé d’être rémunérée sous forme de droits d’auteur et qu’à compter du 9 août 2013, lui ont même été adressées des propositions de contrats incluant une clause de cession de droits qu’elle n’a du reste pas acceptées, soutient au contraire qu’elle a opéré des choix arbitraires dans son travail de traduction, résidant dans les mots, les tournures de phrases, la ponctuation, la syntaxe, et rendant ses traductions éligibles à la protection par le droit d’auteur.

Elle verse au débat un tableau mentionnant article par article, l’extrait en langue anglaise, une traduction littérale en français, sa traduction et un commentaire des choix qu’elle a effectués, et conclut que ces éléments portent l’empreinte de sa personnalité et caractérisent l’originalité des œuvres en cause.

Sur ce,

Les dispositions de l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, pourvu qu’elles soient des créations originales. Selon l’article L.112- 3, les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’oeuvre originale.

En l’espèce, pour justifier de l’originalité de ses traductions, Madame X. explique dans un tableau détaillé en pièce 22, article par article, qu’elle choisit ses tournures de phrase de façon arbitraire, n’hésitant pas à retenir une traduction éloignée de la traduction littérale,
ou modifier la syntaxe pour donner plus d’impact à un titre ou une chute.

Ainsi dans l’article « Alerte à l’obésité infantile » publié en juin 2012 elle traduit « aux mises en garde de sa soeur » alors que la traduction littérale aurait été « lorsque sa soeur protestait » ou « un surpoids précoce est une bombe à retardement » au lieu de « les conséquences médicales de l’obésité débutent tôt dans la vie ».

De même dans l’article « Vivre sans gluten » publié en mars 2012 elle traduit « la connaissance de cette pathologie et de ses effets délétères a beaucoup progressé » à la place de « aujourd’hui on sait beaucoup plus sur la maladie et les dommages qu’elle peut causer », et dans l’article Espoir en vue publié en septembre 2013 elle conclut « verdict imminent » à la place de « il est sur le point de découvrir s’il est éligible à un oeil bionique ».

En outre elle n’hésite pas à expliciter des notions médicales ou à les développer, comme dans l’article « Cancer de la prostate en parler sans tabou » publié en avril 2013 dans lequel elle précise « votre médecin traitant vous a incité à pratiquer un dosage du PSA (antigène spécifique de la prostate) à titre de dépistage systématique » au lieu de « votre médecin de famille vous a encouragé à passer un examen de dépistage de la prostate ».

Madame X. , choisit également de s’adresser directement au lecteur par l’usage dans l’article ci-dessus mentionné de la formule « d’où la nécessité messieurs, d’en discuter avec votre médecin » à la place de  » les hommes doivent discuter des options avec leurs médecins ».

Elle explique aussi qu’elle laisse transparaître son style par des choix terminologiques spécifiques comme dans l’article « Souriez c’est bon pour la santé » publié en août 2012 dans lequel elle écrit « sourire aurait des vertus bienfaisantes » à la place de « afficher une mine réjouie pourrait vraiment améliorer les choses ».

Elle exprime pareillement qu’elle n’hésite pas à supprimer un exemple concret pour le remplacer par une formule plus large comme dans le précédent article dans lequel elle a écrit « afficher un rictus, forcé ou non, peut aider à surmonter certaines situations anxiogènes » à la place de « même des sourires forcés pourraient aider lorsqu’on reçoit une piqure par exemple ».

Dans l’article Spécial Dublin publié en juin 2012, elle fait valoir qu’elle a choisi de transformer les phrases selon son propre style, remplaçant « un petit espace où les femmes pouvaient boire sans être vues au XIXème siècle » par « réminiscence de l’époque où les femmes s’isolaient pour boire à l’abri des regards ».

Pour traduire l’article « ils sont fous ces européens » publié en juillet­ août 2013, Madame X. énonce de la même manière qu’elle choisit de s’éloigner de l’original en retenant une expression idiomatique percutante pour sa dimension humoristique telle que « adepte du lancer en tout genre de téléphones portables, chaussures … » au lieu de  » ils lancent des téléphones portables, des chaussures et des tabourets dans diverses compétitions en Finlande … », ou qu’elle opte pour une formule qui lui est propre comme « l’élite mondiale des poils faciaux » au lieu de « les propriétaires des plus beaux spécimens de poils faciaux du monde », comme elle le fait dans l’article « Une vie de combat » publié en juillet-août 2013, en écrivant  » Mandela trône au panthéon mondial des saints laïcs » là où une traduction plus littérale aurait été « Mandela est ce que le monde a de plus proche d’un saint laïc ».

De même pour l’article Belle de match publié en mai 2012, elle choisit de traduire arbitrairement un passage question/réponse « c’était comment? » devient « vos impressions à l’époque? », tout comme dans l’article consacré à Clint Eastwood le rebelle publié en mars 2011 qui commence par « Clint Eastwood ne fait pas de cinéma. Qu’il soit acteur, producteur ou réalisateur chacun de ses films est un reflet de lui-même » au lieu de « Clint Eastwood a une vie créative et une vie réelle tellement mêlées l’une à l’autre qu’il est presque impossible de séparer la personne réelle du personnage sur l’écran », l’intégralité de l’article ayant été réécrit tout en restant fidèle au sens originel.

Madame X. explique qu’il en est de même dans l’article « le plus beau jour de ma vie de Roger Moore » dans lequel elle remplace par exemple « le plus beau jour de ma vie » par « marqué d’une pierre blanche » ou « l’Everest » par le « toit du monde ».

Elle choisit parfois d’expliciter une référence en ajoutant une explication qui n’est pas dans le texte comme dans l’article « rencontres mythiques » publié en septembre 2013 dans lequel il est question de Mickael Jackson et où elle ajoute après l’expression « séquence émotion digne d’un thriller » la précision « faisant allusion à un autre titre de la pop star », qui n’était pas dans l’article en anglais.

De la même façon, dans l’article intitulé  » l’espion qui aimait la justice » publié en septembre 2013, elle explique qu’elle introduit le terme « manichéen » et modifie ainsi la syntaxe « l’oeuvre de Le Carré se distingue par sa dimension psychologique, jamais manichéeene. Chez lui, ni de bien, ni de mal » au lieu de » l’oeuvre de Le Carré traite de psychologie. Le bien et le mal n’y sont pas traités comme des absolus ».

Il en est de même dans l’article « un bourreau devant ses juges » publié en mai 2013 qu’elle choisit de traduire au présent et au futur de narration par rapport au passé, et dans lequel elle opère des choix arbitraires remplaçant « il avait l’air banal » par » à son apparence de Monsieur Tout-le-monde », « …se réveille au son des premières détonations » par « …est arraché à son sommeil par les détonations d’obus », et « et maintenant c’était au tour de Brisevo d’être nettoyé » par « le rouleau compresseur serbe est aux portes de Brisevo ».

Elle soutient aussi que le titre de l’article peut être une proposition personnelle très éloignée de la traduction comme « les raisons de la colère » publié en mai 2012 qu’elle retient à la place de « Paris une ville vouée à exploser », dans cet article pour lequel elle a fait des choix propres « cette évolution démographique fait le lit des mouvements nationalistes » au lieu de « une telle croissance a engendré des mouvements nationalistes » ou « c’est aussi la chronique d’une vie ordinaire à Saint Denis » dont la traduction littérale aurait été « et c’est ainsi que les choses se passent à saint Denis ».

Il suit des développements qui précèdent, des pièces versées à la procédure et notamment du tableau comparatif analytique produit en pièce 22 ainsi que des pièces 11 et 14 listant les articles, leur titre et leur date de publication, qui ne font l’objet d’aucune contestation, que Madame X. – i justifie des choix propres et arbitraires qu’elle a opérés et qui portent l’empreinte de sa personnalité, de sorte que les traductions revendiquées sont originales et bénéficient de la protection prévue par les livres I et III du code de la propriété intellectuelle, et que la fin de non-recevoir opposée de ce chef doit donc être rejetée.

Sur la violation du droit au respect du nom

Madame X. fait valoir que la publication d’une œuvre traduite sans mentionner le nom du traducteur constitue une violation du droit au respect du nom.

Elle soutient qu’en matière de presse, la cour de cassation a rappelé que « la seule mention du nom des journalistes rédacteurs dans l’ours d’une publication ne suffit pas à attribuer à chacun l’œuvre dont il est l’auteur », et qu’en l’espèce, son nom n’a jamais été mentionné ni à côté de la traduction dont elle est l’auteur ni même dans l’ours.

Elle ajoute qu’en tenant compte de la prescription quinquennale, 161 articles dont elle est l’auteur ont été publiés de mars 2009 à février 2014 dans le mensuel« Sélection du Reader’s Digest, outre 52 articles sur le web, 45 sur le site internet de l’édition française www.selectionclic.com et 7 sur le site internet de l’édition suisse www.readersdigest.ch, et ce sans mention de son nom.

Enfin, en réponse aux arguments adverses elle indique que son silence ne traduit en aucun cas une mauvaise foi de sa part, qu’il ne saurait la priver de son droit au respect du nom, et qu’elle a été contrainte de se soumettre à cette situation imposée par la société CIL France qui lui avait expliqué que cela n’était pas l’usage de citer le nom des traducteurs.

Les défenderesses répondent au visa de l’article 1134 alinéa 3 du code civil, qu’au cours de leur longue collaboration, Madame X. n’a jamais émis la moindre objection sur le fait que son nom n’apparaissait pas comme traductrice, que ce silence démontre qu’elle ne voyait pas d’inconvénient à cela, outre que ses traductions sont des contributions à une œuvre collective dans laquelle elles se fondent.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible ».

En l’espèce, il est établi, ainsi que cela ressort tant des articles versés à la procédure que des tableaux récapitulatifs et du procès-verbal dressé par huissier de justice le 14 octobre 2013 que Madame X. est l’auteur des 161 traductions répertoriées en pièce 14 publiées dans le mensuel Selection du Reader’s digest de mars 2009 à février 2014, dont 45, listées en pièce 11 ont été également diffusées d’octobre 2009 à février 2014 sur le site internet de l’édition française www.selectionclic.com ainsi que 7 sur le site internet de l’édition suisse www.readersdigest.ch, Madame X. ne rapportant pas la preuve en revanche de ce que ses traductions ont également été publiées dans la revue belge.

Si en application de l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle, la société CIL France est titulaire de droits d’auteur de chaque revue du Reader’s digest considérée dans son ensemble, l’auteur, dont la contribution est identifiable ce qui est le cas en l’espèce, ne perd pas son droit à faire valoir sa paternité sur sa contribution prise isolément, l’absence de mention de sa qualité d’auteur n’étant pas nécessaire à l’harmonisation de l’oeuvre collective.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le nom de Madame X. n’a jamais été mentionné en qualité de traducteur ni à côté des articles ni dans l’ours de la revue, la société CIL France se bornant à invoquer que son silence sur ce point au cours de ses nombreuses années de collaboration vaut consentement.

Le droit moral de l’auteur étant un droit inaliénable et imprescriptible, l’absence de revendication de Madame X. à voir figurer son nom ne lui a pas fait perdre son droit à la paternité sur son oeuvre, de sorte qu’il convient de dire qu’en reproduisant 161 articles dont Madame X. est l’auteur de la traduction, de mars 2009 à février 2014 dans le mensuel Selection du Reader’s digest, dont 45 ont été également diffusés d’octobre 2009 à février 2014 sur le site internet de l’édition française www.selectionclic.com et 7 sur le site
internet de l’édition suisse www.readersdigest.ch sans mentionner son nom, la société CIL France a commis une violation du droit au respect de la paternité de Madame X. sur la traduction desdits articles, sans qu’il y ait lieu à interdiction, la société CIL France étant en liquidation judiciaire.

Madame X. faisant valoir qu’elle a perçu pour l’ensemble de ces traductions une somme de 35.717 euros sollicite à titre de réparation de l’atteinte à son droit moral la somme de 30.400 euros.

Au vu de ces éléments, du nombre important de traductions sur une période de plus de quatre ans, et compte tenu de l’importance pour Madame X. de se voir reconnue la paternité de ses oeuvres, la société CIL France étant aujourd’hui liquidée, mais aussi de ce que seul le préjudice d’atteinte au respect de la paternité doit être réparé, il convient de lui attribuer à ce titre la somme de 10.000 euros, et de fixer la créance de Madame X. de ce chef au passif de la procédure collective de la société CIL France.

Sur la violation des droits patrimoniaux

Madame X. fait valoir à titre principal que la société CIL France lui a imposé une rémunération sous forme de droits d’auteur, de sorte qu’elle avait un statut de travailleur indépendant, empêchant ladite société d’invoquer les règles spécifiques concernant le droit d’auteur des journalistes, et que le droit commun du droit d’auteur est en conséquence applicable en l’espèce, notamment les articles L. 122-4 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle qui interdisent toute reproduction ou réédition en l’absence d’accord de l’auteur.

Elle répond aux moyens opposés en défense qu’aucune cession de droits d’auteur n’est jamais intervenue entre elle et la société CIL France, et que ses bulletins de paie ne permettent pas de déduire qu’elle aurait implicitement cédé ses droits pour toutes les reproductions poursuivies, de sorte qu’elle n’a autorisé la reproduction qu’en vue de la publication dans l’édition française du mensuel « Sélection du Reader’s Digest » sur support papier.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que par jugement du 19 janvier 2016 le conseil des Prud’hommes de Créteil a jugé que sa relation avec la société CIL France devait être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée relevant de la convention collective des journalistes, qu’elle relève donc des règles du droit d’auteur des journalistes telles que modifiées par la loi du 12 juin 2009 dite « Hadopi », mais que les agissements de la société CIL France ne sont pas conformes aux prescriptions légales en ce qu’aucun accord d’entreprise dit « hadopi » n’a été conclu, qu’aucune rémunération complémentaire n’a été fixée pour l’exploitation sur le site internet au-delà de la période de référence, ni  dans les éditions belges, suisse et sur le site internet de l’édition suisse.

Les défendeurs rappellent que l’interprétation des contrats est gouvernée par leur effet utile, et qu’en l’espèce, les commandes passées à Madame X. n’avaient de raison d’être que si elles comportaient une cession des droits d’auteur.

Ils précisent que même en l’absence de précisions sur l’étendue de la cession, la jurisprudence considère qu’il y a une cession implicite des droits d’auteur dans les cas où l’œuvre commandée était destinée, dans la commune intention des parties, à être reproduite.

Ils soutiennent en l’espèce que la société CIL France commandait régulièrement à Madame X. des traductions destinées à figurer dans la revue « Sélection du Reader’s Digest », de sorte qu’elle ne pouvait ignorer que ses travaux étaient destinés à être reproduits en vue de la publication de ladite revue, et qu’ils pouvaient être également reproduits sur le site internet de celle-ci.

Ils expliquent enfin que la mention « droit d’auteur » portée sur la fiche de paie démontre qu’il s’agissait d’un paiement pour permettre l’exploitation par la commanditaire desdites traductions en tant que contributions à une œuvre collective.

Ils ajoutent enfin que dès lors que le Conseil des Prud’hommes a fait partiellement droit à la demande de Madame X. en lui reconnaissant la qualité de salariée, les dispositions dérogatoires de l’article L. 132-36 du code de la propriété intellectuelle sont applicables, l’exploitation des oeuvres sur différents supports ayant pour seule contrepartie le salaire, outre que la moyenne des rémunérations complémentaires des journalistes est de l’ordre de 120 euros par an.

Sur ce,

En application de l’article L. 132-36 du code de la propriété intellectuelle, « (…) la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des œuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées ».

L’article L. 132-37 du même code dispose que « l’exploitation de l’œuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l’article L. 132-35 du présent code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail.
Cette période est déterminée en prenant notamment en considération la périodicité du titre de presse et la nature de son contenu. »

L’article L. 132-38 du même code précise que « l’exploitation de l’œuvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l’article L. 132-37, est rémunérée, à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif ».

L’article L. 132-39 du même code prescrit que « Lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce, édite plusieurs titres de presse, un accord d’entreprise peut prévoir la diffusion de l’œuvre par d’autres titres de cette société ou du groupe auquel elle appartient, à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse. Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés. L’exploitation de l’œuvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification dudit journaliste et, si l’accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l’œuvre a été initialement publiée.
Ces exploitations hors du titre de presse tel que défini à l’article L. 132-35 du présent code donnent lieu à rémunération complémentaire, sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise mentionné au premier alinéa du présent article ».

L’article L. 132-40 dispose enfin que « toute cession de l’œuvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse est soumise à l’accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l’exercice de son droit moral par le journaliste », et l’article L. 132-42 que « les droits d’auteur mentionnés aux articles L. 132-38 et suivants n’ont pas le caractère de salaire. Ils sont déterminés conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-6. Ces exploitations donnent lieu à rémunération complémentaire, sous forme de droits d’auteur, dans des conditions déterminées par l’accord individuel ou collectif ».

En l’espèce, s’il n’est pas contesté que le conseil des prud’hommes dans son jugement du 19 janvier 2016 a requalifié le contrat liant Madame X. à la société CIL France en contrat de travail à durée indéterminée relevant de la convention collective des journalistes, les défendeurs ne justifient d’aucun accord collectif fixant d’une part la période pendant laquelle l’exploitation de l’oeuvre du journaliste sur différents supports dans le cadre du titre de presse a pour seule contrepartie le salaire en application de l’article L. 132-37 sus­ visé, et d’autre part la rémunération complémentaire conformément à l’article L. 132-38, ni d’aucun accord d’entreprise prévoyant la diffusion de l’oeuvre par d’autres titres appartenant à une famille cohérente de presse en application de l’article L. 132-39 sus-visé.

En l’absence de tels accords collectif et/ou d’entreprise, il s’ensuit que pour reproduire les traductions de Madame X. sur d’autres supports que l’édition française papier du mensuel Sélection du reader’s digest, pour laquelle cette dernière ne conteste pas, contrairement aux allégations des défendeurs, avoir autorisé leur publication, la société CIL France se devait d’obtenir le consentement de Madame X., et qu’en s’abstenant de le faire elle a violé les droits patrimoniaux de la demanderesse.

Il y a lieu de dire en conséquence qu’en reproduisant 45 articles dont Madame X. est l’auteur de la traduction sur le sites internet de l’édition ttança1se www.selectionclic.com et 7 sur le site internet de l’édition suisse www.readersdigest.ch d’octobre 2009 à février 2014 sans y être autorisée, la société CIL France a commis une violation des droits patrimoniaux de Madame X. sur lesdites traductions, sans qu’il y ait lieu à interdiction, la société CIL France étant en liquidation judiciaire.

Madame X. faisant valoir qu’elle a perçu une rémunération de 10.421 euros pour les 45 articles litigieux, sollicite en réparation de l’atteinte à ses droits patrimoniaux la somme de 10.800 euros.

Au vu des ces éléments, et compte tenu de ce que l’exploitation litigieuse concerne 52 traductions reproduites sur une période de quatre ans, mais qu’elles ont été reproduites sur les versions numériques de la revue Reader’s digest, il convient de lui accorder en réparation de ce chef la somme de 2.000 euros et de fixer la créance de Madame X. de ce chef au passif de la procédure collective de la société CIL France.

Sur les autres demandes

Il n’y a pas lieu de prononcer l’interdiction d’exploiter demandée, la société CIL France étant liquidée.

Madame X.  demande en outre en application de l’article L. 131-8 du code de la propriété intellectuelle de dire que ses créances au passif de la liquidation bénéficieront du privilège prévu au 4° de l’article 2331 et à l’article 2375 du code civil.

Cependant si en vertu de l’article L 131-8 sus-visé les auteurs­ créanciers bénéficient pour leur redevance d’origine contractuelle des trois dernières années d’un privilège qui les place au même rang que les salariés, les dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice causé par les actes de contrefaçon ne sont pas concernés par cette mesure, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à cette demande.

Il y a lieu de condamner la société CIL France prise en la personne de son mandataire liquidateur la Selarl Gauthier Sohm, partie perdante, aux dépens.

En outre, elle doit être condamnée à verser à Madame X. qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 5.000 euros, outre les frais du constat d’huissier du 14 octobre 2013, sans qu’il y ait lieu de fixer la créance à la liquidation s’agissant d’une créance postérieure.

Enfin, les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est de plus compatible avec la nature du litige.


DÉCISION

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

– REJETTE les fins de non-recevoir pour défaut de titularité et défaut d’originalité ;

– DIT qu’en reproduisant 161 articles dont Madame X., est l’auteur de la traduction dans le mensuel Selection du Reader’s digest de mars 2009 à février 2014, dont 45 ont été également diffusés d’octobre 2009 à février 2014 sur le site internet de l’édition française www.selectionclic.com et 7 sur le site internet de l’édition suisse www.readersdigest.ch sans mentionner son nom, la société Club International du Livre France a commis une violation du droit au respect de la paternité de Madame X. ;

– DIT qu’en reproduisant 45 articles dont Madame X. est l’auteur de la traduction sur le sites internet de l’édition française www.selectionclic.com et 7 sur le site internet de l’édition suisse www.readersdigest.ch d’octobre 2009 à février 2014 sans y être autorisée, la société Club International du Livre France a commis une violation des droits patrimoniaux de Madame X. ;

– FIXE la créance de Madame X.  au passif de la procédure collective de la société Club International du Livre France à hauteur de 12.000 euros au titre de la réparation de l’atteinte à son droit moral et patrimonial ;

– CONDAMNE la société Club International du Livre France prise en la personne de la Selarl Gauthier Sohm en sa qualité de mandataire liquidateur, à payer à Madame X. la somme globale de 5.000 euros au titre de l’article 700
du code de procédure civile, outre les frais du constat d’huissier du 14 octobre 2013 ;

– CONDAMNE la société Club International du Livre France prise en la personne de la Selarl Gauthier Sohm en sa qualité de mandataire liquidateur, aux dépens ;

– REJETTE le surplus des demandes ;

– ORDONNE l’exécution provisoire.

 

Le Tribunal : François Ancel (1er vice-président adjoint), Françoise Barutel (vice-président), Julien Senel (vice-président), Jeanine Rostal (greffier)

Avocats : Me Guillaume Sauvage, Me Jean-claude Zylberstein

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