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Jurisprudence : Responsabilité

mercredi 28 septembre 2016
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Tribunal de grande instance de Lyon, ordonnance de référé du 12 septembre 2016

X. / Union Nationale Des Syndicats Autonomes (Unsa) Ud Bouches du Rhône

article de presse - droit de réponse - présomption d'innocence - reproduction - site syndical

X. a fait assigner en référé devant le Président du tribunal de grande instance de Lyon par acte du 3 juin 2016 l’Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA) Union départementale des Bouches-du-Rhône (UD 13) pour voir constater qu’elle a porté atteinte à la présomption d’innocence le concernant et voir ordonner la publication sur le site d’accueil de l’UNSA – 13 UD du communiqué suivant: « pendant de nombreuses semaines, nous avons publié un communiqué de presse vous informant que le dirigeant de la société COOP Sécurity avait menacé un délégué syndical avec une arme à feu. Cette information était inexacte ; le dirigeant de la société en conteste formellement la véracité. A ce stade, si une plainte a été déposée, elle n’a débouché sur aucune mise en examen ou a fortiori condamnation », la voir condamner à lui payer la somme provisionnelle de 10 000 euros de dommages-intérêts en compensation du préjudice subi outre 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il invoque les dispositions de l’article 9-1 du code civil sur le respect de la présomption d’innocence, et expose que le site internet de l’UNSA- 13 UD diffuse dans la rubrique « revue de presse » un article intitulé : ‘un salarié menacé de mort par son employeur » dans le corps duquel il est précisé que les agents de surveillance en poste à Morandat sont en conflit avec la société COOP Sécurité et que le délégué syndical UNSA de l’équipe explique comment il a reçu la visite de son employeur qui l’a fait monter dans sa voiture, a sorti un pistolet et l’a menacé pour qu’il signe les papiers de licenciement. Maître Di Fazio, huissier, a établi un procès-verbal de la présence de ces propos sur ce site internet le 28 avril 2016 et atteste qu’ils étaient sur le site depuis le 19 mars 2016. Or M. X. s’inscrit en faux contre ces accusations, il a été entendu sur cette accusation mais n’a pas été mis en examen ni condamné. Il est très affecté par ces graves et fausses accusations portées sur la place publique et se trouve en arrêt de travail et dans l’incapacité de continuer à diriger son entreprise. La société a connu récemment des difficultés financières et s’est trouvée en redressement judiciaire.

L’UD 13 de l’UNSA a déposé des conclusions en réponse par lesquelles elle soutient que les demandes sont irrecevables, qu’il n’y a pas lieu à référé dès lors qu’elle a procédé à la publication d’un communiqué, sollicite le rejet des demandes et la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le quotidien La Marseillaise a publié le 19 mars 2016 un article à la suite du préavis de grève déposé 1e jour même par les salariés de l’entreprise Coop Sécurity de Gardanne, à partir du 21 mars 2016, qui faisait état d’un management difficile et a fait état des menaces au pistolet du délégué syndical que son employeur avait fait monter dans sa voiture et avait exigé la signature des papiers du licenciement sous cette menace. Quatre salariés relataient les griefs des salariés et M. Y. affirmait avoir déposé plainte concernant cette menace avec arme. C’est dans ce contexte que le site web de l’UD 13 avait publié une brève consacrée à l’article de La Marseillaise, qui reproduit à l’identique le titre et une petite partie de l’article de La Marseillaise, auquel il renvoie. Il apparaît que 449 visites ont été faites au site le jour de la publication de la brève, et que le 23 mars 2016 La Marseillaise a publié un article indiquant que la commune de Gardanne avait mis fin à son contrat avec Coop Sécurity. Le dirigeant de Coop Sécurity a demandé à publier un droit de réponse et le site de l’UD 13 a publié le 16 juin 2016 un texte qui reprend le texte du droit de réponse publié dans La Marseillaise, qui fait état d’une accusation grotesque et fausse.

L’UD 13 soutient que l’action est irrecevable dès lors que le nom de l’individu présenté comme l’employeur n’est pas mentionné dans la brève, qu’il n’est pas démontré l’existence d’une procédure en cours concernant les faits dénoncés, que la brève ni l’article ne font état d’une procédure pénale en cours et que donc il n’est pas établi que le public avait connaissance de l’existence de la procédure en cours concernant les faits de menaces avec arme le 19 mars 2016. A titre subsidiaire, elle soutient que le communiqué publié le 16 juin 2016 rend le référé sans objet du fait de l’absence d’urgence comme de trouble manifestement illicite. La brève mentionne entre guillemets les propos du délégué syndical UNSA ce qui démontre qu’il s’agit d’une relation de ses propos et démontre le recul pris par l’auteur dans une publication syndicale. La brève ne fait que reproduire un article de La Marseillaise, ce qu’elle indique, sans le moindre commentaire personnel, elle n’est pas polémique et ne constitue qu’une expression syndicale amateur. L’atteinte à la présomption d’innocence n’est pas constituée faute de conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité.
DISCUSSION

Sur ce

Attendu que l’article 9-1 du code civil dispose que chacun a droit au respect de la présomption d’innocence ; que lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte ;

Que M. X. est présenté dans la brève incriminée comme ayant fait monter un délégué syndical dans sa voiture, sorti un pistolet et menacé ce délégué pour qu’il signe les papiers de licenciement ; que cette phrase n’est accompagnée d’aucun commentaire relatif à une enquête menée sur cette affaire laissant à penser qu’une procédure pénale est en cours pouvant conduire à une condamnation pénale; que le nom de l’employeur n’est pas mentionné ; que le témoignage du délégué syndical victime est mentionné entre guillemets qui constituent une mesure· de prudence et de recul de l’auteur de l’article face aux propos rapportés, qui ne sont assortis d’aucun commentaire et sont en réalité constitués de la simple dénonciation du délégué syndical dans le contexte de grève exposé ; que cette phrase ne constitue que la reprise dans un journal syndical de la phrase saillante d’un article du journal La Marseillaise, et renvoie pour le surplus à l’article du journal ; qu’elle ne comprend donc qu’une référence à cet article sans prise de position personne11e de l’auteur sur la véracité des faits ; qu’elle constitue une expression syndicale amateur dans un contexte polémique et se fait l’écho de la controverse dans le cadre de laquelle elle intervient ;

Que l’ensemble de ces éléments, ainsi que la publication intervenue le 16 juin 2016 d’un texte sur le site de l’UNSA qui reprend le droit de réponse que M. X. avait fait parvenir au quotidien La Marseillaise suivant lequel l’employeur de la société Coop Security s’inscrit en faux contre l’accusation grotesque rappelée de menace d’un salarié avec une arme à feu, justifient le rejet de la demande de publication d’un communiqué puisqu’il n’existe plus de trouble manifestement illicite ; que la demande de provision est également rejetée en présence d’une contestation sérieuse sur la réalité de l’atteinte à la présomption d’innocence incriminée ;
Attendu que M. X., qui succombe à l’instance, doit en supporter les dépens ;

Attendu qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elle a exposés ;
DECISION

Par ces motifs

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Rejetons les demandes de M. X.

Laissons à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés. Condamnons M. X. aux dépens.
Président : Marie-Christine SORLIN, Premier Vice-Président

Greffier : Véronique TAVEL
Avocats : Jean-Paul COQUARD, Guillaume SAUVAGE

 

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