Jurisprudence : Droit d'auteur
Tribunal de grande instance de Pontoise 6ème chambre 3 – collégiale – financière Jugement du 2 février 2005
Alain O. / Sacem, Sdrm, Sppf, Scpp
contrefaçon - droit d'auteur - mise à disposition - peer to peer - reproduction - telechargement
PROCEDURE
Alain O. est prévenu :
Avoir à Pontoise, du 1er août 2003 au 31 août 2004, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, gravé et téléchargé en entier ou en partie, 614 albums de musique sans respecter les droits d’auteur et notamment la Sacem, la Sdrm et la Sppf, commettant ainsi des contrefaçons, faits prévus par les articles L 335-2 al. 1, al. 2, L 335-3, L 112-2, L 121-8 al. 1, L 122-3, L 122-4, L 122-6 du code de la propriété intellectuelle, et réprimés par les articles L 335-2 al. 2, L 335-5 al. 1, L 335-6, L 335-7 du code de la propriété intellectuelle.
DISCUSSION
Sur l’action publique :
Le 18 février 2004, les gendarmes du Services Technique de Recherches Judiciaires et de Documentation de Rosny sous Bois, dans le cadre de la surveillance du réseau internet, découvraient un serveur géré par un particulier et dédié à l’échange de supports informatiques ;
Selon le rapport, un internaute sous le pseudonyme d' »Altapunkz » se livrait à la contrefaçon et à la distribution de musique hors les circuits commerciaux légaux ;
Le propriétaire du Hub devenant l’administrateur d’un réseau autorise ou refuse l’accès à son ordinateur ;
Les militaires avaient plus particulièrement axé leurs investigations sur les transactions via des Hub, permettant la connexion en étoile d’autre PC ;
Pour y accéder, il suffit d’installer un logiciel gratuit de type DC++ sur son propre ordinateur ;
En l’espèce, le Hub identifié appartenait à la société Pegase Computer Ltd basée en Angleterre mais avec des numéros de téléphone et de télécopie français et plus particulièrement dans la zone sud-est, commençant par 04 ;
Les enquêteurs constataient que 302 internautes étaient connectés en étoile. Ils s’intéressaient plus particulièrement à l’internaute utilisant le pseudonyme « Altapunkz » en raison de l’espace partagé de son disque dur, 30 000 giga de données. Ils pouvaient visualiser le contenue de son PC, notamment de nombreux fichiers musicaux au format MP3 ;
Sur réquisition judiciaire, l’internaute concerné était identifié comme étant Elodie B. avec comme adresse email « alain.o @free.fr » ;
Les gendarmes de la brigade territoriale de Cergy opéraient une perquisition le 18 août 2004 au domicile d’Elodie B. Ils étaient reçus par son concubin Alain O. Immédiatement, celui-ci déclarait être l’unique utilisateur de cette ligne internet et donnait son assentiment express pour une perquisition en la forme préliminaire. 185 CD gravés étaient découverts. La tour d’ordinateur était saisie ;
Entendu, Alain O. reconnaissait sur le champ les faits. Il avait téléchargé en 2003 le logiciel DC++ lui permettant de se connecter à des Hub. Il précisait textuellement « j’ai pu durant environ un an télécharger et mettre à disposition des autres participants, des musiques et des films… En outre j’ai pratiqué la gravure de certaines de ces musiques à des fins personnelles ». En conclusion, il avouait « Je savais que cela était interdit mais je ne me rendais pas compte de la gravité de ce que je faisais » ;
A l’audience, le prévenu tentait, fort maladroitement au demeurant, de contester les faits ;
S’il reconnaissait le téléchargement de musique il niait avoir mis à disposition ses fichiers sur internet ayant toujours désactivé le partage, contrairement à ce qu’il avait déclaré aux gendarmes. S’il avait diffusé la liste des oeuvres musicales, c’était uniquement pour accéder aux ordinateurs des autres internautes ;
Son conseil produisait un constat d’huissier de plus de 500 CD compacts originaux. Il n’est pas exclu que ces disques lui appartenaient même si aucune mention n’a été faite au procès verbal de perquisition des gendarmes ;
En revanche, il ressort très clairement du même procès verbal que les originaux des 185 CD gravés ne se trouvaient pas au domicile d’Alain O., ce qui en soit permet d’établir la prévention ;
L’ensemble des éléments constitutifs de contrefaçon est réuni ;
L’élément matériel ressort du téléchargement d’environ 10 000 œuvres musicales provenant d’autres ordinateurs connectés pour la plupart de ce Hub et la mise à disposition des internautes ;
L’élément légal consiste en le transfert de programmes ou de données d’un ordinateur vers un autre. La jurisprudence a précisé les contours de cette notion ;
Il s’agit d’un acte de reproduction, chaque fichier d’une œuvre numérisée étant copié pour être stocké sur le disque dur de l’internaute qui le réceptionne et d’un acte de représentation consistant dans la communication de l’œuvre au public des internautes par télédiffusion ;
Ainsi dans le réseau de « peer-to-peer » utilisé par Alain O., celui-ci accompli les deux opérations. Il convient de préciser que le logiciel DC++, contrairement à ce que la défense a soutenu à l’audience, impose aux utilisateurs d’ouvrir leurs disques durs aux autres internautes raccordés au Hub ;
Enfin, l’élément intentionnel résulte de la simple matérialité de cet agissement telle que la jurisprudence l’a défini et confirmé à plusieurs reprises ;
Il conviendra toutefois de faire une application très modérée de la loi pénale. En effet ce remarquable outil de communication et d’échanges qu’est internet s’est développé sur une incompréhension lourde de conséquences ;
Nombre d’internautes ont considéré ou cru qu’il s’agissait d’un univers, lieu de liberté où les règles juridiques élémentaires ne s’appliqueraient pas. Or, les utilisateurs de ce système doivent prendre conscience notamment de la nécessaire protection des droits des auteurs, compositeurs ou producteurs des œuvres de l’esprit ;
Il résulte des éléments du dossier et des débats qu’il convient de déclarer Alain O. coupable pour les faits qualifiés de :
Contrefaçon par édition ou reproduction d’une œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, faits commis du 1er août 2003 au 31 août 2004 à Pontoise, et qu’il y a lieu d’entrer en voie de condamnation.
Alain O. n’ayant pas été condamné au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal peut bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code.
Attendu que Alain O. demande la non mention de cette décision au bulletin n°2 du casier judiciaire ;
Au vu des éléments de la procédure et des débats, le tribunal estime faire droit à cette demande.
Sur l’action civile :
Le tribunal dit y avoir lieu à déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de la Sacem, la Sppf, la Scpp, la Sdrm.
Le tribunal reçoit la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la Sacem, d’un montant de 5000 €, par avocat, la représentant.
Au fond, il convient de faire droit à cette demande, en la ramenant à la somme de 3000 €.
De plus recevant la demande d’un montant de 1000 € présentée en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale, le tribunal considère qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la Sacem partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais.
Il convient de faire droit à cette demande et de lui allouer, à ce titre, la somme de 400 €.
Le tribunal reçoit la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la Sppf, d’un montant de 1820 €, par avocat, la représentant.
Au fond, il convient de faire droit à cette demande, en la ramenant à la somme de 1200 €.
De plus recevant la demande d’un montant de 1500 € présentée en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale, le tribunal considère qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la Sppf partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais.
Il convient de faire droit à cette demande et de lui allouer, à ce titre, une somme ramenée à 700 €.
Le tribunal reçoit la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la Scpp, d’un montant de 8366 €, par avocat, la représentant.
Au fond, il convient de faire droit à cette demande, en la ramenant à la somme de 3000 €.
De plus recevant la demande d’un montant de 1200 € présentée en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale, le tribunal considère qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la Scpp partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais.
Il convient de faire droit à cette demande et de lui allouer, à ce titre, une somme ramenée à 700 €.
Le tribunal reçoit la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la Sdrm, d’un montant de 5000 €, par avocat, la représentant.
Au fond, il convient de faire droit à cette demande, en la ramenant à la somme de 3000 €.
De plus recevant la demande d’un montant de 1000 € présentée en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale, le tribunal considère qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la Sdrm partie civile le sommes exposées par elle et non comprises dans les frais.
Il convient de faire droit à cette demande et de lui allouer, à ce titre, une somme ramenée à 400 €.
DECISION
Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’encontre de Alain O., prévenu, à l’égard de la Sacem, la Sppf, la Scpp, la Sdrm, parties civiles ;
Sur l’action publique :
. Déclare Alain O. coupable pour les faits qualifiés de :
Contrefaçon par édition ou reproduction d’une œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, faits commis du 1er août 2003 au 31 août 2004, à Pontoise.
Vu les articles susvisés :
. Condamne Alain O. à une amende délictuelle de 3000 €.
Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal :
. Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.
Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l’avertissement, prévu à l’article 132-29 du code pénal, au condamné que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.
Vu les articles susvisés : à titre de peine complémentaire :
. Ordonne à l’encontre de Alain O. la confiscation des scellés.
Vu les articles susvisés : à titre de peine complémentaire :
. Ordonne à l’encontre de Alain O. la publication du jugement dans Libération et dans le Parisien Edition Val d’Oise, sans que le coût n’excède 1500 € par parution.
. Dit qu’en application des dispositions de l’article 775-1 du code de procédure pénale, il ne sera pas fait mention au bulletin n°2 du casier judiciaire de Alain O. de la condamnation qui vient d’être prononcée.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 90 € dont est redevable Alain O.
Sur l’action civile :
. Déclare recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la Sacem,
. Déclare recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la Sppf,
. Déclare recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la Scpp,
. Déclare recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la Sdrm
. Condamne Alain O., à payer à la Sacem la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts, et en outre la somme de 400 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
. Condamne Alain O., à payer à la Sppf la somme de 1200 € à titre de dommages-intérêts, et en outre la somme de 700 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
. Condamne Alain O., à payer à la Scpp la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts, et en outre la somme de 700 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
. Condamne Alain O., à payer à la Sdrm la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts, et en outre la somme de 400 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
Le tribunal : M. Jean Marie Charpier (vice président), MM. Aubac (vice président placé), Demain (juge), M. Jean Pascal Oualid (substitut)
Avocats : Me Murielle Cahen, Me Josée-Anne Benazeraf, Me Simon Tahar, Me Erick Ravinetti
Notre présentation de la décision
Voir Cour d’appel du 16/03/2007
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.