Jurisprudence : Jurisprudences
Tribunal judiciaire de Paris, ordonnance de référé du 11 août 2023
Mme X. / LinkedIn Ireland Unlimited Company
compétence territoriale - cyberharcèlement - demande d’identification - hébergeur
Par assignation en date du 21 mars 2023, Mme X. a attrait la société LinkedIn Ireland Unlimited Company (la société LinkedIn) à comparaître devant le présent tribunal, statuant en référé, aux fins, au visa des dispositions des articles 145 et 484 du code de procédure civile et 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN), L. 34-1 et R. 10-13 du code des postes et des communications électroniques :
– d’ordonner à la société défenderesse de lui communiquer, dans les 72 heures à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, les données visées à l’article R 10-13 susvisé (et notamment l’adresse IP), de nature à permettre l’identification :
• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 22 décembre 2021 (2021-12-22) à 14:05:12 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- N2UyMTM4ODgtZTQyNC00YzZhLWJlNWItODQxYjFjMW
VlNjEwXzAxMw==
• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 27 janvier 2022 (2022-01-27) à 21:50:10 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- ZDFmMDc5YTgtM2Q5Yi00NWNmLTgxOTAtMGEyZGY5Nj E5Y2U2XzAxMw==
• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 20 octobre 2022 (2022-10-20) à 21:26:27 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- NWQ3M2EyMDItNjVkNS00ZWRiLTgwNjgtMGMyOTVlNj M2N2E1XzAxMg==
• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 23 octobre 2022 (2022-10-23) à 21:35:50 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2NmY0YzBjMDct MzM3Ni00YWE2LWJhNTQtMWY5YzBmOTU5MTMxXzAx Mg==
• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 2 novembre 2022 (2022-11-02) à 10:11:13 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- ZWVkMGUyYjktYTAzMi00ZmZkLTgwYjUtNmNkMDdlYT M4ZWFjXzAxMg==
• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 6 novembre 2022 (2022-11-06) à 22:16:23 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- YTBkNDdlZDktNjhhMy00MzQ0LTg4ZjEtYWVmNGNjZTcz ZGJjXzAxMg==
• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 13 novembre 2022 (2022-11-13) à 22:35:05 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- ZjU5MDA1NzEtZjY0YS00YmEzLWFhY2QtN2NiNjlkODE1Z
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• du titulaire du compte LinkedIn à l’origine du message privé qui lui a été adressé le 14 novembre 2022 (2022-11-14) à 11:09:07 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- YmE3NGIxNmItMzJkNy00ZTJiLWFkN2QtYTY3N2VjOTYy ZGY4XzAxMw==
• du titulaire du compte LinkedIn intitulé « fannie cassie » à l’origine du commentaire public publié le 27 janvier 2022 et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:688947910 9848637440?commentUrn=urn%3Ali%3Acomment%3A%28ac tivity%3A6889479109848637440%2C6889504105430073
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• du titulaire du compte LinkedIn intitulé « fanie lor » à l’origine du commentaire public publié le 9 octobre 2022 et initialement accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/posts/hugo-le-bras_template-business- plan-ecommerce – activity6971143527669895168-Q8zp?utm_source=share&utm_medium=member_desktop
• du titulaire du compte LinkedIn intitulé « lor coce » à l’origine du commentaire public publié le 2 novembre 2022 et initialement accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/posts/hugo-le-bras_template-business- plan-ecommerce-activity6971143527669895168-Q8zp?utm_source=share&utm_medium=member_desktop
• du titulaire du compte LinkedIn intitulé « lor igonoel » à l’origine du commentaire public publié le 6 novembre 2022 et initialement accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/posts/chloelaborde_marketing-activity- 6976556475208888321OaKL/?utm_source=share&utm_mediu m=member_desktop,
– de dire et juger que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées à l’audience du 16 juin 2023 (conclusions en réponse n°2), auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société LINKEDIN demande au juge des référés de :
– in limine litis, se déclarer incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Nevers,
– à titre principal :
– juger qu’il n’y a pas lieu à référé,
– débouter Mme X. de l’ensemble de ses demandes à son encontre ;
– à titre subsidiaire :
– limiter la communication de données aux données effectivement collectées et conservées par elle- même ;
– écarter l’exécution provisoire au profit de la demanderesse de l’ordonnance à intervenir ;
– en tout état de cause :
– débouter Mme X. de sa demande au titre de l’article 700 du code procédure civile ;
– condamner Mme X. aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions (conclusions n°1) déposées à l’audience du 16 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, Mme X. demande au juge des référés de se déclarer compétent, réitère ses demandes initiales et sollicite en sus que la demande de communication de données soit assortie d’une astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois et que la société LinkedIn soit condamnée à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les conseils des parties ont été entendus en leurs observations à l’audience du 16 juin 2023.
À l’issue de l’audience, il leur a été indiqué que la présente
décision serait rendue le 8 août 2023, délibéré prorogé à cette date au 11 août 2023, par mise à disposition au greffe.
DISCUSSION
Sur les faits
Mme X. [travaillait] au sein de la société SIPLEC, filiale du Groupe E. LECLERC et dirige une équipe de 6 à 9 collaborateurs. Elle indique utiliser, pour les besoins de son activité professionnelle, un compte sur le réseau social professionnel LinkedIn.
Elle expose être la cible de messages publiés sous plusieurs pseudonymes depuis plus d’un an sur le site www.linkedin.com, soit en mode public par la publication de commentaires, soit en mode privé par des messages qui lui sont directement adressés sur sa messagerie, qu’elle présente ainsi ( les messages sont numérotés par le tribunal pour les besoins de la motivation) :
– le 22 décembre 2021 à 14h05, elle a reçu sur sa messagerie LinkedIn le message suivant, envoyé depuis le compte « clem gomez » : « tyran. plus jamais bosser ici , dossier contre toi en cours. » (message n°1, pièce n°2-2),
– le 27 janvier 2022, en réponse à un commentaire qu’elle avait publié sous une publication de l’un de ses contacts LinkedIn, une dénommée « fannie cassie » a écrit à son sujet : « pire manager plainte contre elle au RH et dossier en cours : aigrie et mal dans sa peau qui a besoin de se valoriser alors qu’elle a un job de merde a son age ;(((( pauvre fille malheureuse donne pas envie et pire manager ;))) demande a ton équipe ;)) tout le monde va partir ;)) », (message n°2, pièce n°3-1),
– le même jour à 21h50, le compte « fannie cassie » lui a envoyé le contenu du commentaire précité en message privé (message n°3, pièce n°2-2),
– le 9 octobre 2022, en réponse à un commentaire qu’elle avait publié sous une publication de l’un de ses contacts LinkedIn, le compte « fanie lor » a publié à son sujet : « trouve toi un job sans être aigrie déjà la grosse » (message n°4, pièce n°3-2),
– le 20 octobre 2022 à 22h26, Mme X. a reçu le message suivant sur sa boîte de messagerie LinkedIn, envoyé depuis le compte « laure gogol » : « ça va la grosse ?? pense au régime et au harcèlement déja 2 dossier contre toi ça commence a monter chez les RH tu sais et t’en sais rien t’es aigrie a ce point dans ta vie ?? trop mal dans ta peau ma pauvre vive le régime et ma b**** trop triste la grosse aigrie sans poste qui taffe pas » (message n°5, pièce n°2),
– le 23 octobre 2022 à 21h35, elle a reçu sur sa messagerie LinkedIn un message publié depuis le compte « lor devil » : « bcp de harcèlements 4 a date remet toi en question non? 3 dossier au RH mais confidentialité et anonyme ma grosse t’es obèse la c chaud t’es aigrie et mal dans ta peau faut te remettre c chaud tout le monde voit que t’es hyper aigrie regarde toi obèse. 3 personne se plaignent de ton équipe réveille toi arrete et remet toi en question t’es débile en fait ?? pire manager » (message n°6, pièce n°2),
– le 2 novembre 2022 à 10h11, Mme X. a reçu sur sa messagerie LinkedIn le message qui suit, envoyé par le compte « lor coce » : « ça fait quoi d’etre détesté de tout le monde ?? faut arreter d’etre aigrie la grosse et peut etre taffer car les dossier au RH s’accumule ta propre équipe te déteste tout le monde s’en va remet toi en question sinon t’es vraiment la pire manager du monde a bah oui tu l’es LOL pauvre fille. courage car t’es mal barrré avec ce qui se dit sur toi 😉 » (message n°7, pièce n°2),
– le même jour en réponse à un commentaire de la demanderesse, le compte « lor coce » a écrit : « intéresse toi plutôt aux gens 😉 » (message n°8, pièce n°3-3) ;
– le 6 novembre 2022, en réponse à une commentaire publié par la demanderesse sous une publication de l’un de ses contacts LinkedIn, le compte « lor igonoel » a écrit à son sujet : « t’es responsable que dalle Mme X. t’es la pire boss t’es nulle en management tu délèggue tu fou rien, t’es un pauvre tyran de merde alors que les gens autour de toi ont une vie mais toi non vu que tes aigrie et mal dans ta peau 🙁 ton mec te trompe non? t’es OBESE t’es tellement grosse jalouse des autres t’as une vie de merde alexis te baise plus ?? t’as l’air tellement mal dans ta peau 🙁 pire vie pire aigrie alors que job de merde lOOOOL ta vie est si. NAZE remet toi en question 😉 t’es invité nulle part personne t’aime 😉 coucou lamia » (message n°9, pièce n°3-4),
– le même jour ce message a été envoyé par le compte « lor igonoel » sur la messagerie LinkedIn de Mme X. (message n°10, pièce n°2-1),
– le 13 novembre 2022 à 22h35, elle a été destinataire du message suivant sur sa messagerie LinkedIn, adressé par le compte « Mme X. Mark » : « pathétique obèse mal sapée tendue ça se voit tellement que t’es mal dans ta peau t’es mal baisée ?? tu maltraite les gens tufou rien en fait t’es payé pour déléguer parait il ?? tout le monde teDETESTE patrick thierry t’as un dossier au RH ma grosse tu crois que fanny ta copine va te le dire ?? c au dela angélique te trahie des qu’elle peut et tout le monde fait de meme t’es la PIRE manager aigrie obèse mal sapée sérieuse et MAL BAISEE dommage 😉 » (message n°11, pièce n° 2),
– le 14 novembre 2022 à 11h09, elle a reçu le message qui suit sur sa messagerie LinkedIn, envoyé depuis le compte « lor dodin » :
« t’as remarqué que personne t’aime dans ton équipe ? voir personne t’aime tout court en meme temps t’as l’air tellement aigrie et mal dans ta peau t’es jalouse et aigrie tu fais fuir les gens mais ça y est tout le monde commence a le voir 😉 tu vas avoir le retour de baton » (message n°12, pièce n°2).
Par requête en date du 8 décembre 2022, Mme X. a sollicité du président du tribunal judiciaire de Paris qu’il ordonne à la défenderesse de lui communiquer les données de nature à permettre l’identification du titulaire des comptes ayant servi à envoyer les messages privés et à publier les commentaires litigieux. Cette requête a été rejetée par ordonnance du 12 décembre 2022 au motif qu’il ne pouvait être fait exception au principe du contradictoire (pièce n°12 en demande).
C’est dans ces conditions qu’a été engagée la présente instance contre la société LinkedIn aux fins de permettre l’identification du ou des auteurs des faits qualifiés de harcèlement moral en ligne, ou « cyber harcèlement », prévu et réprimé par l’article 222-33-2-2 du code pénal, la société défenderesse étant en charge de la gestion des données relatives aux utilisateurs du réseau social du même nom au sein de l’Union européenne, incluant la France, ce qui n’est pas contesté (pièce n°1 en demande).
Sur l’exception d’incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Paris au profit du tribunal judiciaire de Nevers
La société LinkedIn conteste la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Paris, au visa des articles 42 du code de procédure civile et de l’article 7 du règlement Bruxelles I bis, en faisant valoir que Mme X. ne rapporte pas la preuve de l’accessibilité des URL litigieux depuis Paris puisque le constat du commissaire de justice qu’elle produit a été établi depuis son étude à Nevers. Elle conteste le lieu d’exécution de la mesure avancé par la demanderesse, considérant qu’elle devra être exécutée à son siège social en Irlande, comme le fait que les titulaires des profils LinkedIn seraient domiciliés à Paris. Elle indique enfin que la loi du 6 août 2015 n’a aucune incidence sur la détermination de la compétence territoriale des juridictions.
Mme X. fait valoir en réplique que les mesures sollicitées ont vocation à être exécutées à Paris, que l’auteur des différents messages litigieux se domicilie à Paris sur ses différents profils LinkedIn, que le constat d’huissier démontre que le site est accessible depuis n’importe quel lieu en France, dont Paris, et enfin que les commissaires de justice ont une compétence nationale en matière de constats depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2015-990 du 6 août 2015.
Il convient de rappeler qu’en application de l’article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
Par ailleurs, en application de l’article 7, 2) du Règlement Bruxelles I bis, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, toute personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
Il doit enfin être rappelé que s’agissant de publications réalisées sur internet, le fait dommageable se produit en tout lieux où les informations sont mises à disposition du public.
En l’espèce, il résulte des diligences accomplies par Me Lovato, commissaire de justice à Nevers, telles que relatées dans le procès- verbal du 14 novembre 2022, qu’après s’être connecté au moteur de recherche Google.fr pour accéder à la version française du site LinkedIn (https://fr.linkedin.com), et avoir saisi les identifiant et mot de passe de la demanderesse, il a pu accéder à son compte, puis à sa messagerie LinkedIn pour constater la présence de certaines des publications litigieuses (constat pages 29 à 39 pièce n°2 et annexe pièce n°2-2) ainsi que la dénomination des profils des utilisateurs bloqués par la demanderesse (pièce n°2, page 43).
Ces éléments suffisent à établir que les contenus litigieux ont été publiés sur la version française du site internet www.linkedin.com, destinée au public français et que ce site est accessible depuis l’ensemble du territoire français, le commissaire de justice ayant pu y accéder en s’y connectant depuis son étude située en France, le fait qu’elle soit située à Nevers ne modifiant en rien ce fait qui relève de l’évidence.
Dès lors, le fait dommageable ayant été commis sur l’ensemble du territoire français du fait de l’accessibilité des contenus litigieux, via internet, aux personnes se situant en France, le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour connaître de l’action engagée.
L’exception d’incompétence sera rejetée.
Sur la demande de communication de données
Une demande de mesure d’instruction ne peut légitimement porter que sur des faits déterminés, d’une part, pertinents, d’autre part. Le juge doit ainsi caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction, non pas au regard de la loi susceptible d’être appliquée à l’action au fond qui sera éventuellement engagée, mais en considération de l’utilité de la mesure pour réunir des éléments susceptibles de commander la solution d’un litige potentiel.
Sont légalement admissibles, au sens de ce même texte, des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge saisi d’une contestation à cet égard, de vérifier si la mesure ordonnée est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
Sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et dans le respect des dispositions prévues aux articles 6 II de la LCEN, L 34-1 du code des postes et des communications électroniques et dans le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021 qui déterminent les cas dans lesquels peuvent être prescrites les mesures sollicitées, le juge saisi peut prescrire à l’hébergeur de comptes à partir desquels ont été diffusés les propos incriminés de communiquer les données d’identification des utilisateurs des dits comptes, à condition que les propos soient pénalement répréhensibles si les faits devaient être considérés comme constitués et qu’une telle mesure soit légitime et proportionnée au but poursuivi.
*
Pour justifier du motif légitime, il est ici avancé par la demanderesse que l’envoi répété de messages qu’elle estime haineux à son encontre, dont elle considère la matérialité rapportée par les pièces produites, a généré une grave détérioration de sa santé physique et mentale, constatée médicalement et attestée par ses collègues. Elle avance que ces messages constituent en cela l’infraction de cyber harcèlement, qu’ils soient le fait d’une seule personne comme elle le suppose ou de plusieurs, ce cas de figure étant également visé par l’article 222-3-2-2 du code pénal. Elle soutient en conséquence que l’identification de la ou des personnes à l’origine de ces envois constitue une mesure nécessaire à l’engagement d’une action et justifie la demande de communication des données.
En défense, la société LinkedIn soutient que la demanderesse ne justifie pas d’un motif légitime en faisant valoir tout d’abord que la preuve de l’existence des messages mis en ligne publiquement (n°2, 4, 8 et 9) comme de trois des messages envoyés sur sa messagerie privé (n°1, 3 et 10) n’est pas rapportée, ensuite que le cyber harcèlement invoqué n’est pas démontré et enfin que la communication des données n’est pas nécessaire à l’engagement d’une procédure pénale.
Sur l’existence des publications incriminées
La matérialité, la teneur et l’envoi des messages adressés sur la messagerie privée de Mme X. , en ce y compris les messages n°1, 3 et 10 sont établis par les constatations et diligences opérées par le commissaire de justice mandaté à cette fin par la demanderesse, soit dans le corps du constat (messages 5, 6, 7, 11 et 12), soit dans l’annexe établie dans les conditions mentionnées à l’acte qui permettent d’en établir l’origine sans difficulté (messages 1, 3 et 10) (cf. pièce n°2-2 : tableau comportant la copie de toutes les conversations de la demanderesse téléchargées depuis sa messagerie LinkedIn). Il sera noté que le dit tableau certes difficile à lire, n’est toutefois pas illisible comme le soutient la défenderesse.
S’agissant du message envoyé le 22 décembre 2021 (n°1) sur la messagerie de Mme X. (cf. annexe pièce n°2-2 p. 6), s’il doit être constaté que le nom du compte de l’expéditeur (« Clem Gomez ») ne figure pas dans ce document, il ressort du constat d’huissier que cet utilisateur a été bloqué par Mme X. dix mois auparavant (constat du 14 novembre 2022 p.43), soit au mois de novembre 2021, ce qui permet de corroborer le fait que le message incriminé a pu être publié par ce compte là.
S’agissant des autres publications dont l’existence est contestée en défense, il sera rappelé qu’en matière civile, la preuve d’un fait peut être rapportée par tout moyen conformément à l’article 1358 du code civil, de sorte qu’il appartient au juge d’apprécier si les éléments produits suffisent à en établir la réalité ou, en l’espèce, le caractère tangible.
En l’espèce, pour rapporter la preuve des commentaires publics qu’elle incrimine (publications n°2, 4, 8 et 9), la demanderesse se prévaut de captures d’écran ainsi que de l’annexe du constat d’huissier déjà citée.
S’agissant du commentaire public mis en ligne par « Fannie Cassie » (n°2), la capture d’écran afférente (pièce n°3-1), dont l’ergonomie atteste du fait qu’il fait suite à une publication de « Mme X. » sur Linkedin (étant relevé que la photographie de profil correspond manifestement à celle de la demanderesse), montre les propos qui y figurent correspondent au message qui lui a été envoyée via la messagerie LinkedIn le 27 janvier 2022 (pièce 2-2 p.1), même s’il faut préciser que le texte ressortant de cette annexe est partiellement tronqué (les derniers mots n’étant pas reproduits), manifestement en raison des contraintes liées à l’impression papier du fichier informatique correspondant. Ces éléments sont suffisants pour attester de l’existence et la teneur du message n°2.
Le message mis en ligne le 6 novembre 2022 par « Ior Igonoel » (n°9) ne correspond pas à la retranscription qui en est faite dans les écritures de la demanderesse, puisque sur la pièce produite (n°3-4), seuls figurent les termes ici mis en gras : « t’es responsable que dalle Mme X. t’es la pire boss t’es nulle en management tu délèggue tu fou rien, t’es un pauvre tyran de merde alors que les gens autour de toi ont une vie mais toi non vu que tes aigrie et mal dans ta peau 🙁 ton mec te trompe non? t’es OBESE t’es tellement grosse jalouse des autres t’as une vie de merde alexis te baise plus ?? t’as l’air tellement mal dans ta peau 🙁 pire vie pire aigrie alors que job de merde lOOOOL ta vie est si. NAZE remet toi en question 😉 t’es invité nulle part personne t’aime 😉 coucou lamia ». Le reste de la phrase ne se retrouve pas davantage dans l’annexe du constat d’huissier où ne figure qu’une partie seulement du message adressé ce jour là sur la messagerie LinkedIn de l’intéressée par le même compte (« T’es responsable (…) t’es aigrie et ») (pièce n°2-2 page 1). Toutefois, la correspondance entre la capture d’écran et le message envoyé le même jour depuis le même compte sur la messagerie privée de la demanderesse permet de considérer comme sérieuse l’existence de la publication incriminée, dans la limite du texte y apparaissant, et son envoi à la date du 6 novembre 2022.
S’agissant enfin des messages envoyés par « fanie lor » le 9 octobre 2022 (n°4) et « lor coce » le 2 novembre 2022 (n°8), les reproductions figurant sur les captures d’écran sur les pièces n°3-2 et 3-3, qui là encore correspondent à des publications faites sur le site LinkedIn au vu de l’ergonomie de l’ensemble, comportent ces dates précises, qui coïncident, pour la deuxième, à l’envoi d’un message privé à la demanderesse depuis le même compte (n°7). Il sera observé en outre que ces deux comptes figurent parmi ceux bloqués par la demanderesse (constat p.43).
Ces éléments suffisent à en rendre crédible l’existence, comme les dates d’envoi, de l’ensemble des publications litigieuses invoquées.
Sur le motif légitime invoqué
Comme il a été énoncé ci-dessus, il ne s’agit pas ici de vérifier si le délit invoqué est constitué mais d’apprécier si l’action pénale pour les besoins de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile est, ou pas, manifestement vouée à l’échec.
Il sera rappelé que l’infraction visée par la demanderesse est définie par l’article 222-33-2-2 du code pénal comme « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » et qu’il « est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail ». Elle peut être l’œuvre d’une personne ou de plusieurs, au terme d’une action concertée ou en ayant conscience du caractère répété dans lequel leurs agissements s’inscrivent. Ce même article prévoit en son 4° que les faits sont punis de peines aggravées lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.
En l’espèce, sont suffisamment établis, avec l’évidence requise en référé, le caractère réitéré de l’envoi de messages destinés à la demanderesse, soit sur sa messagerie LinkedIn, soit publiquement, s’agissant de douze messages publiés dans un intervalle de moins d’une année, comme leur caractère malveillant qui s’infère principalement des attaques contre sa personne qu’ils contiennent, tant sur son état d’esprit que sur son physique (ex : « aigrie et mal dans sa peau (…) pauvre fille malheureuse », « pathétique obèse mal sapée tendue ça se voit tellement que t’es mal dans ta peau t’es mal baisée », « la grosse », « obèse »).
La demanderesse produit par ailleurs des éléments permettant de supposer que ces messages ont eu une répercussion sur son état de santé, en l’occurence le certificat médical établi par le Dr Ouanounou le 16 novembre 2022 (sa pièce n°4), les notes d’honoraire d’un psychologue en date des 16 et 22 novembre 2022 (sa pièce n°5), l’attestation dudit psychologue qui relève le « réel impact » des messages sur son état psychologique en ce qu’elle « présente des signes d’anxiété et une forte baisse d’estime et de confiance en elle » (sa pièce n°6) et les attestations rédigées par ses collègues de travail (L. M., S. G., A. S., ses pièces n°7, 8 et 9).
Ces éléments rendent crédibles les affirmations de la demanderesse et démontrent que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec.
Dans ces circonstances, il doit être considéré que Mme X. justifie d’un motif légitime, l’identification de la personne ou des personnes à l’origine des messages qu’elle dénonce étant le préalable nécessaire à l’engagement d’une procédure pénale sur citation directe, le fait que d’autres voies procédurales s’offrent à elle pour agir sur le plan pénal n’affectant en rien la légitimité de sa démarche.
Sur les mesures sollicitées
Au soutien de sa demande de rejet de la demande, la société LinkedIn fait valoir, concernant les messages envoyés sur la messagerie privée de la demanderesse, qu’elle n’est ni hébergeur de messages privés, ni opérateur de communications électroniques et n’est dès lors pas tenue à l’obligation de conservation de données prévue par l’article L 34-1 du code des postes et des communications électroniques. Elle avance également qu’en tant que société irlandaise, elle n’est pas soumise à l’obligation de conservation des données invoquée, et enfin que la communication des données n’est ni circonscrite, ni proportionnée, ni nécessaire à l’objectif poursuivi.
La demanderesse conteste ces moyens en faisant valoir que la société LinkedIn doit être considérée comme un opérateur de communications électroniques au sens de l’article L 32 6° et 14° du code des postes et des communications électroniques pour ces messages privés et est à ce titre astreinte à l’obligation de conservation des données prévues par l’article L34-1 du même code. Elle fait valoir que proposant ses services sur le territoire français, cette société est soumise à l’application du droit national et que la mesure est légalement admissible et justifiée en l’espèce.
– sur l’étendue de l’obligation de communication de données de la société LinkedIn
Il sera relevé au préalable que proposant ses services aux personnes physiques et morales se trouvant en France, la société LinkedIn, bien que de droit irlandais, est soumise au respect de la législation française, laquelle assure la libre prestation des services et la confidentialité des communications, les dérogations au principe d’effacement des données personnelles prévues par les textes précités étant conformes au droit de l’Union.
Il sera rappelé que l’article 6 II de la LCEN prévoit que, dans les conditions fixées aux II bis, III et III bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I du présent article détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires.
Il ne fait pas débat en l’espèce que la société LinkedIn dispose de données d’identification relatives à chacun des comptes utilisés par les utilisateurs de ses services, membres du réseau social professionnel qu’elle propose, comptes à partir desquels chaque utilisateur peut, indifféremment, diffuser du contenu via la messagerie électronique associée à son compte personnel ou sur un espace public, d’accès plus ou moins restreint.
Il est acquis que s’agissant des commentaires mis en ligne publiquement (publications n°2, 4, 8 et 9), la société LinkedIn a la qualité d’hébergeur au sens de l’article 6. I. 2 de la LCEN (“personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services”).
Elle est donc astreinte à ce titre à l’obligation de conservation des données d’identification dans les conditions rappelées ci-dessus.
Il convient dès lors de déterminer si tel est également le cas s’agissant des messages adressés à Mme X. sur sa messagerie personnelle LinkedIn.
L’article 1er de la LCEN définit la communication au public par voie électronique comme “ toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée”.
Il convient de reprendre le contexte dans lequel cette disposition a été adoptée afin d’en comprendre la finalité et d’apprécier dans quelle mesure l’exclusion des correspondances privées de la définition retenue dans cet article a une incidence sur l’obligation de conservation des données des prestataires techniques prévue par l’article 6. II de cette loi.
L’article 1er de la LCEN, inséré dans la loi adoptée en 2004, a consacré la notion de communication électronique, qui était jusqu’alors assimilée à la communication audiovisuelle (cf. Crim., 6 mai 2003, pourvoi n° 02-80.284, Bull. crim. 2003, n° 94), en calquant sa définition sur celle retenue par l’article 2 de la loi n° 86- 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (« On entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée »). L’exclusion des correspondances privées s’explique par la nécessité de garantir les règles assurant la protection qui leur est attachée, au premier rang desquelles figure le
principe cardinal, mais non absolu, du secret des correspondances.
L’article 6. II prévoit quant à lui que les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs « détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création de contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires » dans les conditions fixées aux II bis, III et III bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques.
Cette obligation de conservation vise à garantir l’effectivité de leur communication à des tiers pour les finalités précisées par l’article L 34-1précité, parmi lesquelles, ainsi qu’il sera précisé après, “les besoins des procédures pénales”.
Dès lors, écarter l’obligation de conservation des données permettant l’identification du titulaire d’un compte à l’origine de l’envoi d’un message via le service de messagerie d’un réseau social, au seul motif qu’il s’agirait d’une « correspondance privée » au sens de l’article 1er de la LCEN, contrevient à l’esprit de la loi et à l’intention du législateur.
Il doit dès lors être considéré, s’agissant des messages adressées à Mme X. sur sa messagerie LinkedIn, que la défenderesse est également tenue, en sa qualité d’hébergeur de contenu, à l’obligation de conservation de données prévue à l’article L34-1 du code des postes et des communications électroniques.
– Sur la nature des données susceptibles d’être communiquées
L’article L34-1 précité prévoit que les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonymes, sous réserve des dispositions prévues au paragraphe II bis, les données relatives aux communications électroniques. Il est également prévu que les personnes qui fournissent au public des services de communications électroniques établissent, dans le respect des dispositions de l’alinéa précédent, des procédures internes permettant de répondre aux demandes des autorités compétentes.
A ce titre, le paragraphe II bis prévoit que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver :
“1° Pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat ;
2° Pour les mêmes finalités que celles énoncées au 1° du présent II bis, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte ainsi que les informations relatives au paiement, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la fin de validité de son contrat ou de la clôture de son compte ;
3° Pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la connexion ou de l’utilisation des équipements terminaux.”
La nature des données mentionnées par ce texte, comme la durée et les modalités de leur conservation, sont précisées par le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021 relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu en ligne, pris en application de l’article 6-II sus mentionné. Ce texte précise en particulier, dans ses articles 2 à 5, les données mentionnées dans l’article L34-1 du code des postes et des communications électroniques, évoqué ci-dessus :
– les informations prévues au 1° sont les suivantes : les nom et prénom, la date et le lieu de naissance ou la raison sociale, ainsi que les nom et prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ; la ou les adresses postales associées ; la ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ; le ou les numéros de téléphone.
– les informations prévues au 2° sont les suivantes : l’identifiant utilisé ; le ou les pseudonymes utilisés ; les données destinées à permettre à l’utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l’intermédiaire d’un double système d’identification de l’utilisateur, dans leur dernière version mise à jour, outre le type de paiement utilisé ; la référence du paiement ; le montant ; la date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique.
– les informations prévues au 3° sont les suivantes, pour les hébergeurs : l’identifiant de la connexion à l’origine de la communication ; et les types de protocoles utilisés pour la connexion au service et pour le transfert des contenus.
Dans la mesure où les propos litigieux sont susceptibles de constituer le délit de harcèlement moral en ligne prévu et réprimé par l’article 222-33-2-2 du code pénal, puni d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, un procès pénal est envisageable, une fois identifiée la personne à l’origine des publications en cause.
Les faits litigieux peuvent être considérés comme étant de ceux qui ressortent de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, s’agit d’une infraction d’atteinte aux personnes punie de d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement, de sorte qu’est proportionnée à l’atteinte alléguée et légalement admissible, la communication des données d’identification correspondant aux 1°, 2° et 3° de l’article L.34-1 II bis du code des postes et des communications électroniques.
Il sera donc fait droit à sa demande de communication des données d’identification afférentes aux comptes précités, dans les conditions exposées ci-dessous et selon les termes du dispositif de la présente décision. Outre qu’elle est légalement admissible, cette mesure apparait proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, le droit de la preuve de la demanderesse, exercé pour la défense d’un droit en justice ne portant pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée de la ou des personnes dont les données d’identification lui seraient communiquées en vue d’un usage procédural licite.
Ainsi, il sera enjoint à la société LinkedIn de communiquer à Mme X. les données permettant l’identification des titulaires des comptes « Clem Gomez », « fannie cassie », « fannie lor », « laure gogol », « lor devil », « lor coce », « lor igonoel », « lynda Mark » et « lor dodin » à l’origine des messages qui lui ont été adressées :
• pour « clem gomez » le 22 décembre 2021 à 14h05 UTC accessible à l’adresse : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- N2UyMTM4ODgtZTQyNC00YzZhLWJlNWItODQxYj
FjMWVlNjEwXzAxMw==
• pour « fannie cassie » le 27 janvier 2022 à 21h50 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2-
ZDFmMDc5YTgtM2Q5Yi00NWNmLTgxOTAtMGEyZGY5Nj E5Y2U2XzAxMw==
et par message public publié le même jour et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:688947910
9 8 4 8 6 3 7 4 4 0 ? c o m m e n t U r n = u rn%3Ali%3Acomment%3A%28activity%3A6889479109848637 440%2C6889504105430073
344%29&replyUrn=urn%3Ali%3Acomment%3A%28activity%3 A6889479109848637440%
2C6892584620811243520%29
• pour « fanie lor » le 9 octobre 2022 et initialement accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/posts/hugo-le-bras_template-business- plan-e commerc e- activit y 6 9 71143527669895168- Q8zp?utm_source=share&utm_medium=member_desktop
• pour «laure gogol » le 20 octobre 2022 à 21:26 UTC et accessible à l’adresse URL suivante :
https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- NWQ3M2EyMDItNjVkNS00ZWRiLTgwNjgtMGMyOTVlNjM 2N2E1XzAxMg==
• pour « lor devil » le 23 octobre 2022 à 21:35 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2NmY0YzBjMDct MzM3Ni00YWE2LWJhNTQtMWY5YzBmOTU5MTMxXzAx Mg==
• pour « lor coce » le 2 novembre 2022 à 10:11 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- ZWVkMGUyYjktYTAzMi00ZmZkLTgwYjUtNmNkMDdlYTM 4ZWFjXzAxMg==
et le message public mis en ligne le même jour, 2 novembre 2022 et initialement accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/posts/hugo-le-bras_template-business- plan- e c o mm e r c e – a c ti v it y 6 9 71143527669895168- Q8zp?utm_source=share&utm_medium=member_desktop
• pour « lor igonoel » le 6 novembre 2022 à 22:16 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- YTBkNDdlZDktNjhhMy00MzQ0LTg4ZjEtYWVmNGNjZTczZ GJjXzAxMg==
et le message public publié le même jour, initialement accessible à l ‘ a d r e s s e s u i v a n t e https://www.linkedin.com/posts/chloelaborde_marketing-activity-6976556475208888321OaKL/?utm_source=share&utm_medium
=member_desktop,
• pour « lynda Mark » le 13 novembre 2022 à 22:35 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- ZjU5MDA1NzEtZjY0YS00YmEzLWFhY2QtN2NiNjlkODE1Zj
dhXzAxMw==
• pour « lor dodin » le 14 novembre 2022 à 11:09 UTC et accessible à l’adresse URL suivante : https://www.linkedin.com/messaging/thread/2- YmE3NGIxNmItMzJkNy00ZTJiLWFkN2QtYTY3N2VjOTYyZ GY4XzAxMw==
celles des données d’identification suivantes qui sont en sa possession :
– les noms, prénoms, domicile, adresse de courrier électronique et numéro de téléphone du des personnes ayant créé les comptes précités s’il s’agit de personnes physiques ou la dénomination ou la raison sociale, le numéro de téléphone, l’adresse de courrier électronique, l’adresse du siège social ainsi que le numéro d’enregistrement au registre du commerce et des sociétés du titulaire dudit compte, s’il s’agit d’une personne morale,
– les autres informations fournies lors de la création desdits comptes (identifiant utilisé, pseudonymes utilisés, données destinées a permettre à l’utilisateur de vérifier ou modifier son mot de passe),
– les informations relatives au paiement desdits comptes (le type de paiement utilisé, la référence du paiement, le montant, la date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique),
– l’identifiant de la connexion à l’origine des communications.
Il n’y a pas lieu d’assortir l’obligation ainsi faite à la société défenderesse d’une astreinte, aucun élément ne permettant de considérer qu’elle n’exécutera pas spontanément la présente ordonnance, qui constitue une décision judiciaire et non une sollicitation de la demanderesse.
Sur les autres demandes
La société LINDEKIN qui succombe, devra supporter les dépens de la présente instance.
Il sera fait droit à la demande formulée par Mme X. sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la société LinkedIn sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros à ce titre.
Aucun élément ne justifie que l’exécution provisoire soit écartée, celle-ci n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, car outre le fait que la communication des données est ordonnée pour un usage déterminé, elle se justifie par la nécessité d’obtenir les éléments de preuve dans des délais compatibles avec la durée de conservation des données imposée aux opérateurs.
DECISION
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Rejetons l’exception d’incompétence soulevée en défense ;
Ordonnons à la société LinkedIn Ireland Unlimited Company de communiquer à Mme X. dans les dix jours de la signification de la présente ordonnance, celles des données d’identification suivantes qui sont en sa possession permettant d’identifier nominativement les personnes physiques ou morales ayant ouvert les comptes LinkedIn « Clem Gomez », « fannie cassie », « fannie lor », « laure gogol », « lor devil », « lor coce », « lor igonoel », « lynda Mark » et « lor dodin », à l’origine de la publication des messages aux dates et aux adresses URL précisées ci-dessus dans les motifs de la présente ordonnance (dans la partie “sur la nature des données susceptibles d’être communiquées”),
soit :
– les noms, prénoms, domicile, adresse de courrier électronique et numéro de téléphone du des personnes ayant créé les comptes précités s’il s’agit de personnes physiques ou la dénomination ou la raison sociale, le numéro de téléphone, l’adresse de courrier électronique, l’adresse du siège social ainsi que le numéro d’enregistrement au registre du commerce et des sociétés du titulaire dudit compte, s’il s’agit d’une personne morale,
– les autres informations fournies lors de la création desdits comptes (identifiant utilisé, pseudonymes utilisés, données destinées a permettre à l’utilisateur de vérifier ou modifier son mot de passe),
– les informations relatives au paiement desdits comptes (le type de paiement utilisé, la référence du paiement, le montant, la date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique),
– l’identifiant de la connexion à l’origine des communications.
Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
Condamnons la société LinkedIn Ireland Unlimited Company à verser à Mme X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société LinkedIn Ireland Unlimited Company aux dépens ;
Disons n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
Le Tribunal : Amicie Julliand (vice-présidente), Minas Makris (greffier).
Avocats : Me Romain Darrière, Me Florentin Sanson
Source : Legalis.net
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.