Jurisprudence : E-commerce
Tribunal de commerce de Paris, 8ème chambre, jugement du 28 octobre 2014
Mapaye / Ets Maquinay (Europe Bureau)
backlink - collaboration du prestataire - condamnation - contrat - obligation de moyen - obligation de résultat - positionnement - référencement
LES FAITS
La société Mapaye édite un site internet, lequel se présente comme un gestionnaire de paie à distance des employeurs.
La Société d’Exploitation des Etablissements Maquinay (ci-après SEEM) a pour activité l’assistance au référencement sur internet et la création de sites internet.
Le 19 juin 2012, Mapaye a accepté le devis de SEEM, de 3.900 € H.T, d’une durée d’un an.
La mission de SEEM comporte les trois phases suivantes :
– Audit du site internet,
– Mise en place du positionnement (en travail direct ou par préconisation),
– Suivi et statistiques.
Après plusieurs courriels et lettres recommandées AR, le 4 juillet 2013, par lettre recommandée AR adressée à SEEM, constatant une forte baisse de son positionnement. Mapaye sollicite le remboursement des 3.900 € H.T, SEEM étant tenue par une obligation de résultat (amélioration du référencement). A cette occasion, Mapaye demande également à SEEM de cesser toute intervention sur le référencement de son site et de considérer le contrat comme résilié dès réception de la présente.
Par lettre recommandée AR datée du 10 juillet 2013, adressée à Mapaye, SEEM Indique que conformément aux stipulations contractuelles Mapaye n’ayant pas mis en place les optimisations nécessaires, l’obligation de résultat s’est transformée en obligation de moyens.
C’est ainsi qu’est née la présente Instance.
LA PROCEDURE
Par acte extrajudiciaire du 26 novembre 2013, Mapaye assigne SEEM.
Par cet acte et à l’audience du 26 avril 2014, Mapaye demande dans le dernier état de ses prétentions au Tribunal de :
• Condamner SEEM à lui payer 3.900 € H.T, au titre du remboursement des
prestations indûment payées,
• Prononcer la résiliation judiciaire du contrat tacitement reconduit le 19 juin 2013, avec prise d’effet au 19 juin 2013, date de reconduction du contrat conclu le 19 juin 2012,
• Condamner SEEM à lui payer 20.000 € à titre de dommages et intérêts,
• Ordonner l’exécution provisoire,
• Condamner SEEM à lui payer 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC,
• Condamner SEEM aux dépens.
A l’audience du 17 mars 2014, SEEM demande au Tribunal de :
• débouter Mapaye de ses demandes,
• condamner Mapaye à lui payer:
‘4.664,40 € avec intérêts de retard représentant une fois et demi le taux d’intérêts
légal à compter de la délivrance de l’assignation,
‘390 € au titre de la pénalité de retard (article 3),
‘3.000 € au titre de l’article 700 du CPC,
• Ordonner l’exécution provisoire,
• Condamner Mapaye aux dépens.
L’ensemble des demandes formées aux audiences précitées fait l’objet d’écritures, déposées et échangées en présence d’un greffier qui en prend acte sur la cote de procédure.
A l’audience du 6 octobre 2014, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge chargé d’instruire l’affaire clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé le 26 octobre 2014 par sa mise à disposition au greffe conformément a l’article 450 CPC.
LES MOYENS DES PARTIES
Des moyens invoqués, le Tribunal retiendra ce qui suit pour l’essentiel, en renvoyant pour de plus amples précisions aux écritures des parties.
Mapaye, demanderesse à l’instance, soutient que :
– Conformément à l’article 2 des conditions générales, SEEM était tenue d’une
obligation de résultat,
– Outre les multiples aveux d’échec de SEEM, la comparaison des rapports de
positionnement démontrent l’échec, dans ces conditions l’obligation de résultat à la charge de SEEM n’a pas été respectée, la responsabilité contractuelle de SEEM étant alors engagée,
– Sur le prétendu retard de paiement de Mapaye invoquée par SEEM, dès le rappel de SEEM. Mapaye a immédiatement payé,
– Sur le prétendu défaut de collaboration de Mapaye,
‘avant son courrier du 10 juillet 2013, SEEM n’a jamais opposé une quelconque faute de collaboration,
‘au sujet de la transmission des mots clés, préconisation faite le 26 juin 2012,
Mapaye les a communiqués le 4 juillet 2012, soit huit jours, les conditions générales prévoyant une semaine, dans ces conditions Mapaye n’a commis aucune faute,
‘au sujet de l’ajout de textes avec des mots clés sur la page d’accueil du site,
préconisation faite le 25 juillet 2012, SEEM reproche à Mapaye d’avoir répondu que 34 jours plus tard; or, Il ressort des pièces que Mapaye a répondu dès le 2 août 2012 ; SEEM n’a répondu à ce courriel que le 22 août 2012; Mapaye y a répondu le 29 août 2012; il en ressort que Mapaye a toujours fait preuve de réactivité, ‘au sujet de la proposition de SEEM d’ajouter un blog sur le site internet, préconisation faite le 23 mai 2013, cette préconisation a été très tardive, cette préconisation était totalement disproportionnée compte tenu de l’objet du site, ‘au sujet des préconisations d’optimisation, contrairement à ce que soutient SEEM, les pièces 15 et 16 de SEEM suffisent à démontrer la collaboration de Mapaye sur ce point,
– Le positionnement du site de Mapaye avait chuté sur plusieurs mots clés bien avant que SEEM n’évoque soudainement le 15 avril 2013, le problème du « black links », cette explication a comme seul objet de permettre l’application de la clause 3 des conditions générales par SEEM,
– Le site de Mapaye a fait l’objet d’un audit d’une durée de 15 jours, SEEM était donc parfaitement informée de l’existence de liens mis en place précédemment par une autre société de référencement,
– Mapaye est en conséquence fondée à solliciter le remboursement des 3.900€,
– Le contrat qui a été tacitement reconduit le 19 juillet 2013 doit être résilié avec effet au 19 juin 2013, date de la reconduction tacite du contrat,
– Mapaye a subi des pertes de marché du fait de l’incompétence de SEEM, ce qui lui a créé un préjudice.
SEEM, défenderesse à l’instance, réplique que :
– L’obligation de résultat de SEEM s’est transformée en obligation de moyens en raison de la faute de Mapaye qui devait être suffisamment rapide et réactive et devait collaborer avec SEEM en lui transmettant les éléments dans un délai de moins d’une semaine,
– Mapaye a sollicité le règlement en 2 fois, mais n’a pas respecté l’échéance de
paiement, SEEM a été contrainte de lui adresser un rappel le 28 février 2013,
Mapaye n’a finalement réglé que le 5 mars 2013, soit avec 76 jours de retard,
Mapaye n’a jamais répondu dans les délais qu’il s’agisse:
•sur la transmission des mots clés
– Mapaye a répondu tardivement (8 jours),
« sur la transmission du contenu
-le 25 juillet 2012, SEEM demande à Mapaye d’ajouter des textes avec des mots clés, le 22 août 2012, SEEM relance Mapaye qui ne répondra que le 28 août 2012,
-le 23 mai 2013, SEEM propose à Mapaye d’ajouter un blog, ce que Mapaye
refusera.
-le 10 juin 2013, SEEM émet de nouvelles propositions, Mapaye ne répondra pas,
‘sur les préconisations d’optimisation
Les pièces 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20 démontrent que SEEM s’est
heurtée au refus et à l’inertie de Mapaye qui n’a pas enrichi son site et s’est
abstenue de suivre les préconisations de SEEM permettant d’améliorer son
référencement,
– Le site internet de Mapaye était précédemment référencé par un concurrent qui utilisait pendant des années une technique de référencement, à savoir un réseau privé de liens, ce qu’avait Identifié SEEM, mais à compter de février 2013, cette société concurrente a commencé à arrêter son réseau de liens et couper ses sites d’annuaires ce qui a entrainé une grosse chute de « back links » sur le site de MAPA YE et par conséquent une chute de son positionnement, SEEM indiquait cet élément à Mapaye en avril 2013 et le reprenait dans son courrier du 10 juillet 2013, cette perte de« back links» échappait au contrôle raisonnable de SEEM,
– SEEM a respecté ses obligations, elle n’était tenue qu’à une obligation de moyens du fait des carences de Mapaye à régler la prestation dans les délais, à fournir du contenu et à suivre les préconisations de SEEM,
– Contrairement aux affirmations de Mapaye, son site internet a connu une
augmentation de son trafic généré par les résultats de recherche naturels de 3,10%,
– Mapaye n’apporte pas la preuve d’un préjudice,
– Mapaye n’a pas notifié dans les délais contractuels la résiliation du contrat qui s’est donc renouvelé en juin 2013, Mapaye ne s’est pas acquitté de la facture de renouvellement, elle est en conséquence redevable des pénalités de retard prévues à l’article 3 du contrat.
DISCUSSION
Sur la demande de paiement de Mapaye
Attendu que l’article 2 des conditions générales du devis stipule :
« Obligation de résultat de référencement : le référenceur devra faire
progresser le positionnement du site internet client sur une année. Les
premiers résultats seront visibles sous 1 à 3 mois, et le niveau de résultat
devra atteindre un positionnement minimum sur 50% des expressions-clés
acceptées par Expert-référencement dans les deux premières pages des
moteurs recherche comprenant l’outil Google Maps à la fin de l’année de
prestation, selon les délais de prise en compte des outils de recherche. Cette
obligation de résultat ne peut pas s’appliquer à un unique moteur. Les
résultats optimums seront atteints entre 6 à 12 mois après le début de la
prestation. L’obligation de résultat se transforme en obligations de moyens si
le travail du référencement sur le site du client est effacé, si le client désire
changer son URL (en début ou cours de prestation), si le client a omis
d’indiquer l’ensemble de ses noms de domaine, si le client ne fournit pas
l’ensemble des documents et textes dans un délai de moins d’une semaine
après leur demande par le référenceur ou si le client ne respecte pas la charte
de Google. » ;
Attendu qu’il n’est pas contesté que les résultats de référencement contractuellement prévus n’ont pas été atteints par SEEM ;
Attendu qu’il ressort des pièces versées aux débats par les parties et notamment les échanges de courriels que :
– A de nombreuses reprises, Mapaye a attiré l’attention de SEEM sur la dégradation importante du positionnement de son site internet,
– Contrairement à ce que soutient SEEM, Mapaye a toujours collaboré dans des
délais raisonnables pour améliorer le positionnement de son sile internet ;
Attendu que compte tenu de l’objet du site internet de Mapaye, la création d’un blog n’apparait pas indispensable ;
Attendu qu’avant son courrier du 10 juillet 2013, SEEM n’a jamais opposé à Mapaye un quelconque défaut de collaboration ;
Attendu que SEEM évoque le retard de paiement de Mapaye sans en tirer de
conséquences, le retard de paiement sera dit sans effet ;
Attendu qu’il ressort du devis de SEEM qu’au démarrage de sa mission, SEEM a réalisé un audit du site internet de Mapaye, que le problème de « black links » a été soulevé uniquement en avril 2013 par SEEM, soit 10 mois après la conclusion du contrat, que ce sujet était nécessairement connu de SEEM depuis de nombreux mois et il revenait à SEEM de réagir pour y faire face ;
Attendu que contrairement à ce que soutient SEEM, son obligation de résultat ne s’est pas transformée en obligation de moyens et qu’elle restait donc soumise à une obligation du résultat ;
Le tribunal, en conséquence, condamnera SEEM à payer à Mapaye 3.900 € H.T au titre du remboursement des prestations ;
Sur la demande de résiliation de Mapaye et les demandes en paiement de SEEM
Attendu que par lettre recommandée AR du 4 juillet 2013, Mapaye Indique à SEEM ;
« Je vous demande également de cesser toute Intervention sur le
référencement du site www.mapaye.com de considérer notre contrat comme
résilié dès réception de la présente. » ;
Attendu qu’en conséquence Mapaye a résilié le contrat pour manquement de SEEM à ses obligations, la résiliation prenant effet au jour de la réception de la lettre recommandée AR ;
Attendu que Mapaye a résilié à bon droit le contrat ;
Le tribunal déboutera :
– Mapaye de sa demande de prononcer la résiliation judiciaire du contrat tacitement reconduit le 19 juin 2013, avec prise d’effet au 19 juin 2013 ;
– SEEM de sa demande de paiement de ses honoraires au titre de la reconduction tacite du contrat, ainsi que de sa demande de paiement de pénalité de retard ;
Sur la demande de dommages et intérêts de Mapaye
Attendu que Mapaye sollicite le paiement de dommages et intérêts au motif qu’elle aurait perdu des parts de marché suite à l’incompétence de SEEM, sans produire aucun document attestant de la prétendue perte de marché ;
Le tribunal déboutera Mapaye du chef de cette demande ;
Sur l’application de l’article 700 CPC
Attendu que, pour faire valoir ses droits, Mapaye a engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le Tribunal condamnera SEEM à lui payer 1.500 € au titre de l’article 700 CPC et la déboutera du surplus
Sur l’exécution provisoire
Attendu qu’il l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire ;
Le Tribunal ordonnera l’exécution provisoire sans constitution de garantie ;
Sur les dépens
Attendu que SEEM succombe, les dépens seront mis à sa charge ;
DECISION
Le tribunal statuant publiquement, en premier ressort par jugement contradictoire :
– Condamne la Sarl d’exploitation des Etablissements Maquinay
à payer à la Sarl Mapaye la somme de 3.900 € H.T,
– Déboute la Sarl Mapaye de sa demande de résiliation judicaire,
– Déboute la Sarl Mapaye de sa demande de dommages et intérêts,
– Déboute la Sarl d’exploitation des Etablissements Maquinay
de ses demandes de paiements (4.664,40 € et 390 €).
– Condamne la Sarl d’exploitation des Etablissements Maquinay
à payer à la Sarl Mapaye la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du
CPC, déboutant pour le surplus,
– Ordonne l’exécution provisoire,
– Condamne la Sarl d’exploitation des Etablissements Maquinay
aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de
82,44 € dont 13,52 € de TVA.
La Cour : M. David Richier, M. Jean-Claude Dejouhanet, M. Laurent Lévesque
Avocats : Me Romain Darriere, Me Guillaume Pierre
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