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Jurisprudence : Droit d'auteur

jeudi 12 mai 2011
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Cour de cassation 1ère chambre civile Arrêt du 12 mai 2011

Hestia finance, Abso Web Design / Alibi 2 Print

droit d'auteur

DISCUSSION

Donne acte à la société Hestia finance du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Abso Web Design ;

Sur le premier moyen

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que la société Hestia finance, a confié à la société Alibi, la mission de recréer son site internet « www.hestia-finance.com » qui prévoyait l’ « intégration des pages en html, selon arborescence définie et validée ensemble », la « navigation intuitive, affichage, lisibilité », la « déclinaison de charte graphique en accord avec votre identité visuelle (triptyques, affiches) », la « mise en place d’un module d’administration pour modification de textes par vous », la création d’un formulaire de base de données pour le recueil des coordonnées des prospects, étant précisé que l’hébergement du site et le dépôt du nom de domaine préexistaient ; que la société Hestia souhaitant mettre un terme à leurs relations contractuelles, la société Alibi a alors prétendu être titulaire de droits de propriété sur les créations graphiques mises en ligne et a assigné la société Hestia et la société Abso Web Design, fournisseur d’accès et hébergeur du site pour voir juger qu’en exploitant le site www.hestia-finance.com., la société Hestia avait commis des actes de contrefaçon ;

Attendu que pour confirmer le jugement et condamner la société Hestia à payer à la société Alibi la somme de 4000 euros avec intérêts au taux légal à titre de dommages-intérêts pour atteinte à ses droits d’auteur la cour d’appel a énoncé qu’il n’était pas discuté par la société Hestia finance que le site internet que la société Alibi 2 Print avait créé à sa demande pour la promotion et le développement de son activité commerciale, présentait un caractère original dans sa composition, ou son agencement ou son assemblage ;

Qu’en statuant ainsi en affirmant que le caractère original de l’œuvre n’était pas discuté par la société Hestia finance quand celle-ci invoquait dans ses conclusions d’appel le défaut d’originalité de l’œuvre et soutenait que la société Alibi n’avait pas rapporté la preuve de cette originalité la cour d’appel a dénaturé les termes de ces conclusions et, partant, violé le texte susvisé ;

DECISION

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

. Casse et annule, en ses dispositions autres que celles relatives à la société Abso Web Design, l’arrêt rendu le 11 décembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties concernées dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

. Condamne la société Alibi 2 Print aux dépens ;

. Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hestia Finance ;

. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Hestia finance

Le premier moyen de cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Hestia Finance à porter et payer à la société Alibi 2 Print la somme de 4000 euros avec intérêts au taux légal à titre de dommages-intérêts en réparation des atteintes portées à ses droits d’auteur afférents à la présentation du site internet www.hestia.finance.com et de lui avoir fait interdiction, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour, d’utiliser le site internet www.hestia.finance.com dans sa présentation résultant du travail de création de la société Alibi 2 Print ;

Aux motifs que la protection au titre des droits d’auteur bénéficie à toute œuvre de l’esprit qui présente un caractère original révélant l’activité créatrice de son auteur ; que la protection accordée par la loi aux œuvres de l’esprit au titre des droits d’auteur joue pour l’ensemble original constitué par un site internet considéré dans sa « physionomie » ou sa « présentation » : page-écran, page accueil, graphisme, animation ou arborescence… ; qu’en l’espèce, il n’est pas discuté par la société Hestia Finance que le site internet que la société Alibi 2 Print a créé à sa demande pour la promotion et le développement de son activité commerciale, présente un caractère original dans sa composition, ou son agencement ou son assemblage ; que ce site est donc lui-même susceptible d’une protection au titre des droits d’auteur ; que la protection est accordée au site lui-même, considéré comme une création « multimédia », distincte du logiciel qui assure son fonctionnement, son animation et son accès à distance, de manière interactive ; que la protection vaut pour les éléments de « présentation » qui sont lisibles pour les internautes et qui ne se confondent pas avec l’instrument nécessaire à leur diffusion, que constitue le logiciel ; que la société Alibi 2 Print, qui a créé le site internet www.hestia.finance.com bénéficie d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, selon l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle (arrêt p. 5 & 6) ;

Alors que, d’une part, la société Hestia Finance avait invoqué dans ses conclusions d’appel le défaut d’originalité de l’œuvre et soutenu que la société Alibi n’avait pas rapporté la preuve de cette originalité ; qu’en affirmant que le caractère original de l’œuvre n’était pas discuté par la société Hestia Finance, la cour d’appel a dénaturé les termes de ses conclusions et, partant, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

Alors que, d’autre part, l’originalité de l’œuvre est la condition nécessaire de sa protection par le droit d’auteur ; qu’en se bornant à affirmer que le site élaboré par la société Alibi présente un caractère original dans sa composition, ou son agencement ou son assemblage, sans préciser quelle était l’originalité du site, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

Alors qu’enfin, les motifs dubitatifs ou hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu’en décidant que le site internet élaboré par la société Alibi devait bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur parce qu’il présentait un caractère original dans sa composition ou son agencement ou son assemblage, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs hypothétiques et a ainsi violé l’article 455 du code de procédure civile.

Le second moyen de cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Hestia Finance à porter et payer à la société Alibi 2 Print la somme de 4000 euros avec intérêts au taux légal à titre de dommages-intérêts en réparation des atteintes portées à ses droits d’auteur afférents à la présentation du site internet www.hestia.finance.com et de lui avoir fait interdiction, sous astreinte provisoire de 100 euros par jours, d’utiliser le site internet www.hestia.finance.com dans sa présentation résultant du travail de création de la société Alibi 2 Print ;

Aux motifs que la protection est accordée au site lui-même, considéré comme une création « multimédia », distincte du logiciel qui assure son fonctionnement, son animation et son accès à distance, de manière interactive ; que la protection vaut pour les éléments de « présentation » qui sont lisibles pour les internautes et qui ne se confondent pas avec l’instrument nécessaire à leur diffusion, que constitue le logiciel ; que la société Alibi 2 Print, qui a créé le site internet www.hestia.finance.com, bénéficie d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous selon l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle ; que selon l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle, « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée » ;
que l’entreprise qui souhaite exploiter un site internet dont elle commande la création, doit obtenir les droits d’exploitation afférents aux œuvres de l’esprit grâce auxquelles le site a été créé ; que la « cession » des droits d’auteur, entendue, au sens large, et incluant la concession ou la licence (autorisation), relative à l’exploitation de droits privatifs doit être expresse et faire l’objet d’un écrit contenant toutes les précisions mentionnées à l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle ; qu’en l’espèce, la société Hestia Finance ne rapporte pas la preuve qu’une telle autorisation expresse d’exploiter le site internet créé a été donnée par son créateur, la société Alibi 2 Print ; que la transmission du droit d’exploitation du site ne saurait résulter du paiement du prix convenu dans le contrat de louage d’entreprise souscrit pour la prestation de service ;
que la transmission des droits ne peut être tacite et résulter de l’attitude de la société Alibi 2 Print qui a fait effectuer la mise en ligne dudit site par la société Abso Web Design ; que si cette mise en ligne effective à compter du 20 septembre 2005 peut constituer la livraison de l’ouvrage commandé, elle ne vaut pas pour la société Hestia Finance autorisation d’exploiter le site internet, une fois celui-ci achevé selon les prévisions du contrat d’entreprise ; qu’il ne peut être soutenu par la société Hestia Finance qu’ayant financé la création du site internet www.hestia.finance.com, il lui est conféré ipso facto (du simple fait de l’avoir commandé et payé) un droit d’usage sur le site ; qu’il ne peut être considéré que l’usage qui est fait du site par la société Hestia Finance conformément à sa finalité et à partir du support initial créé par la société Alibi 2 Print, emporte nécessairement autorisation d’exploitation de la part de la société Alibi 2 Print ; que les parties n’avaient pas expressément envisagé entre elles, contrairement à ce que l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle exige, le ou les mode(s) d’exploitation du site internet ; qu’une quelconque transmission de droits, même celui réduit d’exploiter/utiliser l’œuvre commandée, suppose une convention précisant les modalités d’exploitation/utilisation de l’œuvre auxquelles le titulaire des droits d’auteur a spécialement consenties ;
que la société Hestia Finance ne soutient pas que des éléments isolés et déterminables (certaines pages du site…) sont seuls protégeables et devraient être retirés ou supprimés de la présentation du site internet ; que la société Hestia Finance en mettant en ligne le site internet www.hestia.finance.com qui est devenu potentiellement accessible au public des internautes, sans avoir recueilli au préalable une autorisation précise de la société Alibi 2 Print, son auteur, a utilisé de manière illicite l’œuvre de cette dernière ; que l’interdiction d’utiliser l’œuvre devra porter sur la représentation du site en son entier, dans sa physionomie actuelle issue du travail de création de la société Alibi 2 Print (arrêt p. 5 & 6),

Alors que, d’une part, la création d’un site internet doit être assimilée à l’élaboration d’un logiciel dont la cession emporte licence d’utilisation pour l’acquéreur ; qu’en affirmant pourtant que l’autorisation de la société Alibi 2 Print était nécessaire à toute utilisation du site par la société Hestia Finance qui l’avait commandé, la cour d’appel a violé les articles L 112-2-13°, L 121-7 et L 131-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

Alors que, d’autre part et à titre subsidiaire, le contrat de commande d’un site internet emporte droit pour l’auteur de la commande de se servir du site ; qu’en affirmant que l’autorisation de la société Alibi 2 Print était nécessaire à toute utilisation du site par la société Hestia Finance qui l’avait commandé, la cour d’appel a violé les articles L 121-1 et suivants et 1134 du code civil.

La Cour : M. Charruault (président)

Avocats : SCP Boulloche, SCP Hémery et Thomas-Raquin

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.