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Jurisprudence : Jurisprudences

lundi 26 novembre 2018
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TGI de Bobigny, ch.5/sec.3, jugement contentieux du 20 novembre 2018

M. X. / Mme Y.

diffusion non autorisée - intimité - photo - photographie - pornographie - revenge porn - téléphone portable

En 2015, Monsieur X. a entamé une relation extra- conjugale avec Madame Y. Par la suite, cette relation a pris fin. Se plaignant d’appels et de messages téléphoniques malveillants adressés à son épouse, sa soeur et lui-même, ainsi que de la diffusion de photographies le dévoilant dans son intimité, Monsieur X. a fait assigner, par acte d’huissier en date du 30 juin 2017, Madame Y. devant ce tribunal.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 septembre 2018, Monsieur X. demande au tribunal, au visa de l’article 9 du code civil :
– de condamner Madame Y. à lui verser la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– d’ordonner à Madame Y. de cesser toute diffusion présente ou à venir, sur tout support et par tout média, à quelque personne que ce soit, de tout contenu le représentant de toute
correspondance qu’elle a échangée avec lui par le passé et ce, sous astreinte de 250 euros par infraction constatée,
– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– de condamner Madame Y. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Madame Y. aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de sa demande de réparation du préjudice subi, Monsieur X. fait valoir que le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image constituent deux droits distincts. Au titre du premier, il invoque le fait que la diffusion de ses correspondances intimes avec Madame Y. et à caractère sexuel a gravement porté atteinte au secret de son intimité et l’a profondément affecté. Au titre du second, il explique avoir subi un véritable déshonneur du fait de la diffusion de photographies très intimes et à caractère sexuel auprès de son entourage.

Au soutien de sa demande de cessation de l’exploitation des contenus litigieux, Monsieur X. évoque l’entêtement de Madame Y. à réitérer ses agissements afin de nuire à sa vie privée et à son image.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2018, Madame Y. demande au tribunal :
– de déclarer Monsieur X. mal fondé en ses demandes et de les rejeter,
– de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts pour tous chefs de préjudices confondus,
– d’ordonner à Monsieur X. de cesser toute diffusion présente et à venir, sur tout support et par tout média, a quelconque personne que ce soit, de tout contenu la représentant ou – de toutes correspondances qu’il a pu échanger avec elle et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,
– de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour conclure au rejet des prétentions adverses, Madame Y. fait valoir qu’il ne peut y avoir violation de la vie privée de Monsieur X. dès lors que l’entourage de ce dernier y compris son épouse était au courant de cette relation extra-conjugale. S’agissant de la diffusion de photographies, elle précise avoir obtenue l’autorisation de les diffuser directement de sa part, de sorte qu’il ne peut y avoir atteinte à son droit à l’image.

Au soutien de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, Madame Y. fait valoir que les agissements de Monsieur X. ont porté atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image en diffusant sur les réseaux sociaux leurs ébats amoureux alors qu’elle s’y est toujours opposée et lui a même demandé de les effacer. Elle évoque des tentatives de suicide suite aux agissements de Monsieur X.

L’affaire a été plaidée le 16 octobre 2018 et mise en délibéré à ce jour.


DISCUSSION

Sur les pièces visées par Madame Y. dans ses conclusions notifiées le 29 mars 2018

Il est constant que la défenderesse n’a pas communiqué ses pièces au demandeur au cours de la mise en état malgré une injonction en ce sens du juge de la mise en état en date du 16 mai 2018.

Ces pièces seront donc écartées des débats afin de respecter le principe du contradictoire posé par l’article 15 du Code de procédure civile.

Sur la violation du droit à la vie privée de Monsieur X.

Aux termes de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Il est de même indiqué que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.

En l’espèce, Monsieur X. produit aux débats un procès-verbal de constat d’huissier en date du 7 mars 2017 portant sur le contenu du téléphone portable de son épouse. Ce document révèle l’envoi par Madame Y. à Madame X. de photographies montrant Monsieur X. dans son intimité, notamment une photographie de son sexe, ainsi que de captures d’écran de messages échangés entre Monsieur X. et Madame Y. Il s’agit de correspondances privées et d’images portant sur la vie sexuelle et sentimentale de Monsieur X. Il n’est pas démontré que ce dernier en aurait autorisé la diffusion à l’attention d’une tierce personne.

En conséquence, la violation du droit à la vie privée de Monsieur X. est caractérisée et doit donner lieu à réparation.

L’envoi de nombreux messages à Madame X. a causé un préjudice moral à Monsieur X. en portant atteinte à son honneur. Néanmoins, il résulte des pièces versées au dossier que la relation extra-conjugale entretenue par Monsieur X. avec Madame Y. était déjà connue de son entourage, et notamment de son épouse, antérieurement à l’envoi des messages. Cette circonstance particulière vient atténuer l’importance du préjudice subi par Monsieur X. par l’envoi desdits messages et photographies.

Le préjudice moral subi par Monsieur X. sera justement réparé par la condamnation de Madame Y. à lui verser la somme de 800 euros de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la demande de cessation de la diffusion

L’article 9 alinéa 2 du code civil dispose que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.

En l’espèce, la cessation demandée par Monsieur X. est formulée en des termes trop généraux et imprécis puisqu’elle vise à faire interdiction à la défenderesse de diffuser tout contenu représentant Monsieur X. ou de toute correspondance échangée avec lui sur tout support à quelque personne que ce soit, le tout sous astreinte.

En conséquence, à défaut de demande précise visant un contenu ou une correspondance particulière, il ne sera pas fait droit à cette prétention.

Sur les demandes reconventionnelles formées par Madame Y.

Madame Y. soutient que Monsieur X. aurait lui aussi diffusé des images la concernant, portant ainsi atteinte à son droit au respect de la vie privée.

Toutefois, la preuve de la faute alléguée n’est pas rapportée par la défenderesse, rappel étant fait que les pièces visées dans les conclusions de cette dernière ont été écartées des débats.

En conséquence, ses demandes reconventionnelles seront rejetées.

Sur les autres demandes

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Madame Y., partie succombante à l’instance, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Conformément à l’article 700 du code de procédure civile, Madame Y., partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Monsieur X. une somme qu’il est équitable de fixer à 500 euros.

Conformément à l’article 515 du code de procédure civile, au regard de l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire de la présente décision, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.


DÉCISION

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

ECARTE des débats les pièces visées par Madame Y. dans ses conclusions notifiées le 29 mars 2018,

CONDAMNE Madame Y. à payer à Monsieur X. la somme de 800 euros au titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

DEBOUTE Monsieur X. du surplus de ses prétentions,

DEBOUTE Madame Y. de l’intégrité de ses prétentions,

CONDAMNE Madame Y. à payer à Monsieur X. la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Madame Y. de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame Y. aux entiers dépens de l’instance,

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.


Le Tribunal :
M. Varichon (vice-président), Mme Combes, (vice-présidente), Mme Catteau (juge), Mme Relav (greffière)

Avocats : Me Romain Darriere, Me Zouhir Beaiz

Source : Legalis.net

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