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Jurisprudence : Jurisprudences

mardi 02 février 2021
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Tribunal de Commerce de Vienne, jugement du 21 janvier 2021

Prep Service / Desirade

Contrat de développement - dysfonctionnements - logiciel spécifique - obligation de résultat - preuve des manquements

La société PREP’SERVICES exerce une activité de gestion et de préparation de parc de véhicules automobiles au service de sociétés spécialisées dans la location de véhicules légers.

La société DESIRADE est une SSII spécialisée dans la conception et le développement de logiciels informatiques spécifiques pour des applications de proximité.

Souhaitant automatiser, dématérialiser et centraliser son activité dans ses aspects opérationnels, sociaux et comptables, la société PREP’SERVICES s’est rapprochée de la société DESIRADE.

Sur la base du cahier des charges transmis par la société PREP’SERVICES, la société DESIRADE a fait une proposition de prestations informatiques acceptée le 2 juin 2016 par la société PREP’SERVICES pour un montant de 30 000 € HT, outre 1 665 € HT d’hébergement annuel sur serveur.

Aux termes du contrat régularisé entre les parties, la société DESIRADE s’est engagée à livrer le logiciel pour le 15 septembre 2016 avec recette de l’application prévue le 25 septembre 2016.

Selon la société PREP’SERVICES, la version livrée en septembre 2016 comportait des dysfonctionnements et des incohérences de fonctionnement.

En novembre 2016, la société PREP’SERVICES a sollicité la société DESIRADE pour le développement de fonctionnalités complémentaires de l’application.

Les parties se sont accordées pour la réalisation des prestations complémentaires pour un forfait de 6 300 € HT. Les parties convenaient d’un planning de finalisation du projet pour la fin du mois de mars 2017.

Cette échéance n’a pas été respectée du fait de dysfonctionnements constatés par la société PREP’SERVICES et des réclamations qui s’en sont suivies.

Les relations entre les parties se sont alors dégradées, chacune rejetant la responsabilité des désordres sur l’autre. Constatant sa difficulté à satisfaire aux exigences de son cocontractant, la société DESIRADE après avoir corrigé l’essentiel des erreurs qui lui avaient été signalées a invité la société PREP’SERVICES à finaliser les développements complémentaires de l’application avec un autre développeur plus adapté à sa taille.

La société DESIRADE exigeait le paiement du solde de sa créance, soit 6 300 € HT, en contrepartie de la transmission des codes sources relatifs à l’application litigieuse.

Malgré ses réticences, la société PREP’SERVICES s’est exécutée puis, ayant récupéré les codes, a confié le 14 décembre 2017 à un autre développeur, la société AZENTA, la réalisation d’un logiciel et d’une application mobile offrant les mêmes fonctionnalités que celles requises dans le projet initial avec la société DESIRADE.

Le logiciel et l’application mobile ont été livrés par la société AZENTA le 14 février 2018 et donnent depuis entière satisfaction.

Fustigeant les manquements de son adversaire, la société PREP’SERVICES s’est adressée à la justice commerciale aux fins d’obtenir la résolution des contrats régularisés avec la société DESIRADE ainsi que des dommages et intérêts en indemnisation des préjudices qu’elle prétend avoir subis du fait du comportement de son adversaire.

C’est en l’état que l’affaire se présente devant le tribunal de céans.

LA PROCEDURE

Par acte introductif d’instance en date du 03 juin 2019 délivré le même jour par Maître Serge CADENE, huissier de justice à TOULOUSE, la société PREP’SERVICES a assigné la société DESIRADE, devant le tribunal de céans, aux fins d’entendre :

Vu les articles 1134, 1147 et 1184 anciens du Code civil,
– Déclarer recevable et bien fondée les demandes de la société PREP’SERVICES ;
– Constater que la société DESIRADE a manqué à son obligation de délivrance, obligation de résultat ;
– Prononcer en conséquence la résolution des contrats régularisés entre la société PREP’SERVICES et la société DESIRADE ;
– Condamner la société DESIRADE à restituer la somme globale de 45 558 € versée par la société PREP’SERVICES ;
– Condamner la société DESIRADE à payer à la société PREP’SERVICES la somme de 61 601 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts par année entière ;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution ;
– Condamner la société DESIRADE à payer à la société PREP’SERVICES la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
– Condamner la même aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures remises au greffe du tribunal de céans le 5 mars 2020, la société DESIRADE demande au tribunal de :
Vu les articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants du Code civil,
A titre principal,
– Débouter la société PREP’SERVICES de l’intégralité de ses demandes dans la mesure où celle-ci ne saurait remettre a posteriori en cause son accord pour renoncer à mettre en cause la responsabilité de la société DESIRADE ;
A titre subsidiaire,
– Dire et juger que la société PREP’SERVICES est responsable des difficultés pour avoir manqué à son obligation de collaboration ;
– Débouter la société PREP’SERVICES de l’intégralité de ses demandes dans la mesure où elle ne justifie ni de la réalité, ni de la gravité des griefs qu’elle allègue ;
A titre infiniment subsidiaire,
– Débouter la société PREP’SERVICES de l’intégralité de sa réclamation financière qui n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant ;
En tout état de cause,
– Condamner la société PREP’SERVICES à payer à la société DESIRADE une somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la société PREP’SERVICES aux entiers dépens de l’instance.

LES MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures intitulées « conclusions n° 2 », la société PREP’SERVICES entend faire valoir que :
– Contrairement aux déclarations de son adversaire, elle n’a jamais envisagé de renoncer à engager la responsabilité de la société DESIRADE et rien ne démontre le contraire ;
– Le règlement du solde des prestations de 6 300 € HT ne s’explique que par le chantage qu’elle a subi de la part de la société DESIRADE quant à la transmission des codes sources relatifs à l’application litigieuse ;
– Les jurisprudences produites par la société DESIRADE pour justifier de son argumentation sur la renonciation présumée de la société PREP’SERVICES à son action en justice sont inapplicables au cas d’espèce ;
– Aux termes d’un arrêt de la Cour d’appel de ROUEN du 11 octobre 2012, le paiement intégral des prestations informatiques ne permet pas d’en déduire la bonne exécution des prestations et d’exonérer le prestataire de sa responsabilité ;
– S’agissant d’un logiciel spécifique développé pour ses propres besoins, la société DESIRADE avait une obligation de délivrer une prestation conforme au cahier des charges ;
– Le prototype du logiciel livré le 19 août 2016 était inutilisable de sorte qu’il n’a pu être testé ;
– La recette de l’application logicielle n’a jamais pu être assurée du fait des dysfonctionnements constatés ;
– Il en résulte que la société DESIRADE a failli à son obligation de résultat, comme en témoignent son aveu d’échec et sa volonté de mettre fin à la collaboration exprimés dans un courriel du 3 août 2017 ;
– Dans ces conditions, elle est fondée à obtenir la résolution des contrats signés avec la société DESIRADE en raison de ses manquements graves et solliciter l’indemnisation de son préjudice qui justifie le temps passé par Monsieur X., son dirigeant, son épouse et les salariés de la société PREP’SERVICES ;
– Elle estime légitime en outre d’être aussi indemnisée :
• Pour le temps passé par son expert-comptable pour remonter les irrégularités de calcul des heures complémentaire ainsi que des repos compensatoires et régulariser les erreurs sur les bulletins de paie
• Pour la mauvaise information délivrée par la société DESIRADE sur l’éligibilité de la société PREP’SERVICES au bénéfice du crédit d’impôt innovation, ce qui a eu pour conséquence, une obligation de remboursement des montants déclarés ;
• Pour les multiples déplacements au siège de l’agence lyonnaise de la société DESIRADE ;
• Pour le matériel informatique qu’elle a dû acheter à la demande de la société DESIRADE et qui n’est aujourd’hui d’aucune utilité ;
• Pour enfin la désorganisation intense de l’entreprise qu’ont engendrée les dysfonctionnements de l’application litigieuse et qui ont eu pour conséquence de freiner sa croissance et de dégrader significativement sa rentabilité.

Quant à la société DESIRADE, aux termes de ses dernières écritures dont le tribunal a pris pleine connaissance, elle entend faire échec aux prétentions de son adversaire en faisant valoir que :
– La société PREP’SERVICES a définitivement renoncé à engager sa responsabilité ; cela résultant de l’accord qu’ont trouvé les parties en août 2017 pour résoudre à l’amiable le différend qui les opposait : à savoir, le règlement par la société PREP’SERVICES du solde des prestations en contrepartie de la livraison d’une dernière version du logiciel litigieux et des codes sources ;
– Après avoir dénoncé cet accord amiable, elle l’a finalement exécuté en procédant le 3 décembre 2017, au règlement du solde de 6 300 € HT ;
– A l’appui d’une jurisprudence abondante qu’elle produit à l’instance, elle entend convaincre le tribunal que la responsabilité du prestataire ne saurait être engagée lorsque l’intégralité de la prestation a été payée,
– La société PREP’SERVICES ne justifie pas de la réalité ni de la gravité des griefs qu’elle allègue à l’encontre de la société DESIRADE ;
– La société PREP’SERVICES ne justifie ni du principe ni du quantum de sa réclamation financière ; or, la réparation d’un préjudice résultant de l’inexécution d’un contrat est régie par les articles 1231-2 et suivants du Code civil et conformément à une jurisprudence établie de la Cour de cassation, il appartient à la victime de rapporter la preuve de son caractère actuel direct et certain, ce qui n’est pas le cas en l’espèce car les différents montants indiqués par la société PREP’SERVICES ne sont justifiés ni dans leur principe, ni dans leur montant.

DISCUSSION

a) Sur l’action en responsabilité contre la société DESIRADE

Attendu que la société DESIRADE dénie à la société PREP’SERVICES le droit d’engager sa responsabilité dans l’affaire qui les oppose au motif que cette dernière y aurait renoncé ;

Attendu que si pour étayer son argumentation la société DESIRADE prétend qu’un accord serait intervenu en août 2017 entre les parties aux fins de résoudre amiablement leur différend, il ressort d’une analyse détaillée des pièces au dossier et en particulier des échanges de courriels entre les parties intervenus entre août et décembre 2017 :
– que tout d’abord le 5 mai 2017, Monsieur X., gérant de la société PREP’SERVICES, a fait part à la société DESIRADE de son insatisfaction quant à la prestation informatique réalisée ;
– que la société DESIRADE a reconnu le 3 août 2017 sa difficulté à satisfaire les demandes d’évolution que lui réclamait la société PREP’SERVICES et, constatant ne pas être le partenaire adapté à la configuration de son adversaire, lui a fait part de sa volonté de mettre fin à leur collaboration, lui suggérant de rechercher un partenaire de plus grande proximité et plus adapté à son contexte ;
– que par courriel du 6 octobre 2017, (pièce 32 de PREP’SERVICES), Monsieur X. a informé Monsieur Y. de la société DESIRADE, qu’il proposait de renoncer à tout recours en justice en contrepartie de l’abandon par la société DESIRADE du solde dû de 6 300 € HT sur la facture n° 1612010 ; cette somme devant participer à la rémunération d’un tiers développeur chargé de finaliser l’application développée par la société DESIRADE ;
– que le 11 octobre (pièce 32 de PREP’SERVICES), Monsieur Y. de la société DESIRADE a précisé à Monsieur X. qu’il conditionnait le transfert des codes sources et du site Web au règlement préalable de la somme de 6 300 € HT, représentant le solde restant dû sur la facture totale de 37 956 € HT (45 558 € TTC) ;
– que le 12 octobre, Monsieur X. confirmait sa position exprimée dans le courriel du 6 octobre 2017 et offrait trois alternatives à Monsieur Y. :
• terminer le développement du logiciel applicatif en contrepartie de quoi le solde de 6 300 € HT serait payé
• laisser les choses en l’état en contrepartie du renoncement par la société DESIRADE du solde de 6 300 € HT
• conserver le logiciel et les codes sources et prendre le risque d’une procédure judiciaire en résolution du contrat assortie d’une demande de dommages et intérêts ;

Attendu qu’en outre la société DESIRADE prétend qu’en payant la totalité de la facture n° 1612010 du 21/12/2016 de 45 558 € TTC, la société PREP’SERVICES a tacitement recetté le logiciel litigieux, qu’en conséquence une remise en cause de la qualité des prestations réalisées apparaît mal fondée ;

Attendu qu’il apparaît que c’est par lassitude et pour mettre un terme au chantage au transfert des codes source que la société PREP’SERVICES s’est résolue à payer le solde dû de 6 300 € HT sur la facture n° 16/2010 du 21 décembre 2016 (pièce 47 de PREP’SERVICES) ;

Attendu par ailleurs qu’aux termes de l’article 1792-6 du Code civil, la réception doit être non équivoque et prononcée contradictoirement ;

Attendu donc que c’est à tort que la société DESIRADE prétend que le paiement total de la facture vaut réception tacite ;

Attendu qu’en conséquence de tout ce qui précède, le tribunal considérera que la société PREP’SERVICES est fondée à engager dans cette affaire la responsabilité de la société DESIRADE et qu’il déboutera cette dernière de sa demande à titre principal visant à obtenir une décision contraire ;

b) Sur le manquement invoqué de la société DESIRADE à son obligation de délivrance

Attendu que la commande initiale de la société PREP’SERVICES portait sur la fourniture d’un logiciel spécifique afin d’automatiser un certain nombre de tâches pour optimiser sa gestion opérationnelle sociale et comptable ;

Attendu que PREP’SERVICES a établi en association avec son conseil, la société PROGILONE, un cahier des charges détaillant ses besoins spécifiques et que c’est sur la base de ce document que la société DESIRADE a construit sa proposition commerciale qui a été acceptée ;

Attendu que le tribunal rappellera qu’en matière de logiciels spécifiques développés pour les besoins d’un utilisateur, le prestataire est tenu de délivrer un produit conforme aux spécifications détaillées dans le cahier des charges que, par conséquent, il est soumis à une obligation de résultat à l’égard de son client ;

Attendu qu’il ressort des pièces au dossier et plus particulièrement des pièces n° 58, 59 et 60 produites par la société PREP’SERVICES, que le logiciel développé et livré par la société DESIRADE comportait de nombreuses anomalies, comme en témoignent entre autres et de façon non exhaustive, les courriels des 6 octobre 2016, 26 octobre 2016, 19 décembre 2016, 21 février 2017 et 11 mars 2017 ;

Attendu que, comme le souligne la société PREP’SERVICES, le logiciel litigieux n’a jamais été recetté au sens de l’article 1792-6 du Code civil ;

Attendu que constatant que la méfiance s’était installée dans leurs rapports, prenant acte des mécontentements récurrents exprimés par sa cliente et de son manque de compétences locales nécessaires pour satisfaire son besoin de proximité, la société DESIRADE a conclu à son incapacité à répondre aux attentes de PREP’SERVICES et l’a informée de sa volonté de terminer la coopération engagée ;

Attendu que cette méfiance a manifestement été nourrie par les multiples revirements de la société PREP’SERVICE auxquels DESIRADE dut faire face et qu’illustre en particulier sa décision de revenir sur la prise en compte de heures complémentaires, revirement auquel s’est opposée la société DESIRADE, estimant en tant que professionnel qu’une telle décision était dangereuse pour la stabilité de l’application ;

Attendu que c’est la société DESIRADE qui pris l’initiative de la rupture et incité son adversaire à recourir au service d’un prestataire mieux adapté, acceptant de ce fait les conséquences de sa décision ;

Attendu qu’en conséquence, le tribunal ne pourra que constater que la société DESIRADE, quelque soient les efforts consentis pour satisfaire sa cliente a manqué à son obligation de délivrance d’un produit conforme et ce d’autant plus que la recette de l’application n’a jamais été acquise et de ce fait a eu un comportement dolosif à l’égard de sa cliente ;

c) Sur la résolution des contrats liant les parties

Attendu que la résolution d’un contrat ne peut être prononcée que si la preuve est rapportée de l’existence de manquements suffisamment graves pour justifier qu’il soit mis un terme aux relations contractuelles entre les parties ;

Attendu que le tribunal constatera que Monsieur X. a exprimé sa satisfaction de principe suite aux versions du logiciel que lui a livré DESIRADE le 16 septembre 2016, reconnaissant toutefois qu’il y avait des anomalies mineures à corriger (cf. pièce 10 de Désirade) ; que si l’application n’avait pas été satisfaisante, la société PREP’SERVICES n’aurait pas commandé à son prestataire le 13 octobre 2016, des fonctionnalités supplémentaires et qu’elle n’aurait pas payé la partie de la facture correspondant à la prestation initiale, soit la somme de 37 998 € TTC sur un total de 45 558 € TTC ;

Attendu qu’il ressort de l’analyse des pièces communiquées par la société DESIRADE que celle-ci n’a pas ménagé ses efforts pour corriger les anomalies signalées par la société PREP’SERVICES ; qu’ainsi en août 2017 la plupart des anomalies (les « tickets ») identifiées lors une réunion en juillet entre la société DESIRADE et la société PROGILONE (voir pièce 27 PREP’SERVICES), le conseil sollicité par société PREP’SERVICES pour l’établissement du cahier des charges et le choix du prestataire, avaient été traitées ;

Attendu qu’une partie des difficultés résultait, semble-t-il, d’une coopération insuffisante entre les parties, mais aussi de l’évolution des demandes et des atermoiements de la société PREP’SERVICES, comme l’illustre sa décision d’intégrer les heures complémentaires dans le logiciel puis voyant les difficultés de gérer automatiquement cet aspect social, de l’exclure ; solution déconseillé par la société DESIRADE car risquant de compromettre la stabilité du logiciel ;

Attendu qu’il ressort de la note technique du cabinet GM consultants (cf. pièce 29 de DESIRADE) qu’au 2 août 2017, toutes les anomalies, à l’exception du désaccord sur la gestion des repos compensateurs et des heures complémentaires, avaient été solutionnées ;

Attendu qu’en considération de tout ce qui précède, le tribunal conclura que si les manquements dénoncés ont porté préjudice à la société PREP’SERVICES ils ne sont pas suffisamment graves pour justifier une résolution des contrats liant les parties ;

Attendu qu’en conséquence le tribunal déboutera la société PREP’SERVICES de sa demande visant à obtenir la résolution des contrats la liant à la société DESIRADE au motif qu’elle est insuffisamment fondée ;

d) Sur les préjudices invoqués par la société PREP’SERVICES et leur indemnisation

Attendu que la société PREP’SERVICES s’est retrouvée dans l’obligation de se tourner vers un autre prestataire, la société AZENTA, qui sur la base du même cahier des charges, a développé un logiciel qui manifestement lui donne pleine satisfaction ;

Attendu qu’il est indéniable que la société PREP’SERVICES a subi un préjudice qu’il convient d’indemniser du fait des manquements voire du désintérêt de la société DESIRADE pour son projet informatique, celle-ci ayant manifestement failli à son obligation de résultat ;

Attendu qu’en vertu de l’article 1231-4 du Code civil, si l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est la suite immédiate et directe de l’inexécution ;

Attendu en outre que les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer son préjudice sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ;

Attendu que dans ces conditions le tribunal estimera équitable de fixer forfaitairement à 8 000 € le préjudice subi ;

Attendu que le tribunal condamnera DESIRADE à payer à PREP’SERVICES une indemnité de 8 000 € en réparation de son préjudice ;

Attendu que s’il est incontestable que Monsieur X. et son équipe ont passé de temps pour identifier les anomalies et tenter de résoudre les difficultés rencontrées, la société PREP’SERVICES échoue par défaut de production de justifications objectives (fiches ou décomptes de temps passé, de déplacements) à démontrer le bien-fondé du quantum du préjudice dont elle entend être indemnisée à ce titre ; qu’en conséquence le tribunal déboutera PREP’SERVICES de sa demande d’indemnité de 36 280 € au titre du temps passé par le dirigeant, Monsieur X., son épouse Madame X. et ses salariés, pour tenter de résoudre les difficultés rencontrées ;

Attendu que rien ne permet dans le dossier de conclure au bien-fondé de l’indemnité que la société PREP’SERVICES entend se voir attribuer pour le temps passé par son expert-comptable, le cabinet ACC , en accompagnement de DESIRADE et en vérification des aspects sociaux, le libellé des factures sur lesquelles elle fonde sa réclamation étant trop flou pour établir un lien de causalité avec les difficultés alléguées sur le logiciel ;

Attendu que le tribunal déboutera PREP’SERVICES de sa demande d’indemnité au titre des surcoûts de facturation de l’expert-comptable d’un montant de 5 502 € TTC ;
Attendu que la société DESIRADE est un prestataire de services informatiques et pas un conseil en fiscalité ; Attendu qu’il appartenait à la société PREP’SERVICES de s’assurer préalablement à sa demande de crédit
d’impôt innovation que l’investissement informatique qu’elle réalisait était éligible ce qu’à tort, elle l’a fait a posteriori sous la forme d’un rescrit fiscal ;

Attendu que l’obligation de remboursement à laquelle s’est exposée la société PREP’SERVICES ne constitue en aucun cas un préjudice indemnisable dans la mesure où la production personnalisée voire sur mesure d’un logiciel pour son propre usage est exclu comme l’a rappelé le fonctionnaire de la DIRRECTE à Monsieur X. dans un courriel du 22 mars 2018 ; qu’en conséquence le tribunal la déboutera de sa demande d’indemnisation de 8193 € au titre du remboursement qu’elle a dû effectuer du crédit d’impôt innovation au motif qu’elle est mal fondée ;

Attendu que le matériel de marque Apple que la société DESIRADE a fait acheter à la société PREP’SERVICES est un équipement standard aux usages multiples dont l’utilisation est largement rependu, que la société PREP’SERVICES ne démontrant pas en quoi ce matériel ne peut pas être utilisé au sein de l’entreprise pour un autre usage que le logiciel litigieux, sa demande d’indemnisation sera rejetée ;

Attendu qu’en conséquence le tribunal la déboutera de sa demande d’indemnisation de 1 626 € au titre du remboursement de matériel au motif qu’elle est sans fondement ;

Attendu que la société PREP’SERVICES ne justifie pas de façon objective et irréfutable d’un quelconque lien de causalité entre la baisse de son résultat et les griefs qu’elle allègue à l’encontre de la société DESIRADE ; ni du quantum de l’indemnité qu’elle revendique ; qu’en conséquence tribunal la déboutera de sa demande d’indemnité de 10 000 € au titre de sa désorganisation au motif qu’elle est insuffisamment fondée ;

e) Sur l’article 700 du CPC

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société PREP’SERVICES les frais irrépétibles qu’elle a dû engager dans le cadre de la présente procédure ;

Attendu que la société DESIRADE sera condamnée à lui payer une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

f) Sur les dépens

Attendu que les dépens de l’instance seront à la charge de la société DESIRADE ;

DECISION

LE TRIBUNAL STATUANT PUBLIQUEMENT EN PREMIER RESSORT PAR DÉCISION CONTRADICTOIRE

DIT que la société PREP’SERVICES est bien fondée à engager la responsabilité de la société DESIRADE.

DEBOUTE la société DESIRADE de sa demande de voir déclarée irrecevable l’action en responsabilité engagée contre elle par la société PREP’SERVICES.

DECLARE recevable les demandes formées par la société PREP’SERVICES.

DIT et JUGE que la société DESIRADE était redevable à l’égard de la société PREP’SERVICES d’une obligation de résultat.

CONSTATE que la société DESIRADE a manqué à son obligation de résultat.

DIT que les manquements dénoncés par la société PREP’SERVICES ne sont pas suffisamment graves pour justifier une résolution des contrats liant les parties.

En conséquence

DEBOUTE la société PREP’SERVICES de sa demande en résolution des contrats qui la lient à la société
DESIRADE.

DEBOUTE la société PREP’SERVICES de sa demande de restitution de la somme de 45 558 € versée par la société DESIRADE en règlement de sa facture.

DIT et JUGE que la société PREP’SERVICES a subi un préjudice du fait de la défaillance de la société DESIRADE à délivrer une application conforme aux spécifications.

CONDAMNE la société DESIRADE à payer à la société PREP’SERVICES une indemnité de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

DEBOUTE la société PREP’SERVICES de sa demande d’indemnité de 36 280 € au titre du temps passé par son dirigeant, son épouse et ses collaborateurs, pour tenter de résoudre les difficultés rencontrées.

DEBOUTE la société PREP’SERVICES de sa demande d’indemnisation de 5 502 € au titre du surcoût de facturation de son expert-comptable, le cabinet ACC.

DEBOUTE la société PREP’SERVICES de sa demande d’indemnisation de 8 193 € au titre du remboursement du crédit d’impôt innovation.

DEBOUTE la société PREP’SERVICES de sa demande d’indemnisation de 1 626 € au titre de remboursement de matériel.

DEBOUTE la société PREP’SERVICES de sa demande d’indemnisation de 10 000 € au titre du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de sa désorganisation opérationnelle.

CONDAMNE la société DESIRADE à payer à la société PREP’SERVICES une indemnité de 2 500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la société DESIRADE aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile et les
LIQUIDE conformément à l’article 701 du code de procédure civile.

 

Le Tribunal : Delphine BERCHEMIN-REYPIN (président), René JEANROY (juge), Patrice PEZZINI (juge), Evelyne GIROUD (greffier)

Avocats : Me Caroline BRUMM-GODET, Me Gaëlle CHAVRIER, Me Nicolas HERZOG

Source : Legalis.net

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