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Jurisprudence : Droit d'auteur

mercredi 04 mai 2022
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Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère ch. – cab. 1, ordonnance d’incident du 3 mai 2022

Sucré Salé / Gaillet & Azur Technologie groupe

condition de recevabilité - juge de la mise en état - originalité - photographie - site internet

La société SUCRÉ SALÉ est une photothèque rassemblant des photographies culinaires, réalisées par des photographes professionnels. Son activité consiste à délivrer, notamment via son site www.photocuisine.fr, des autorisations d’utilisation moyennant le règlement d’une redevance dont le montant est fonction du type de support, du territoire et de la durée d’utilisation.

Reprochant à l’EARL GAILLET d’utiliser sans autorisation une photographie n°60141022 “Tiramisu à la pomme”, la société SUCRÉ SALÉ a fait assigner cette dernière devant ce tribunal selon exploit du 14 décembre 2020 afin d’obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

L’EARL GAILLET a, par assignation du 9 avril 2021, appelé en intervention forcée la société AZUR TECHNOLOGIE GROUPE , à qui elle avait confié la réalisation de son site internet, afin qu’elle la relève et garantisse des condamnations qui pourraient être mises à sa charge.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 18 mai 2021.

Le 3 janvier 2022 l’EARL GAILLET a fait signifier des conclusions d’incident. Elle demande que la société SUCRÉ SALÉ soit déboutée de l’ensemble de ses demandes en ce que les conditions de protection par les droits d’auteur de la photographie litigieuse ne sont pas réunies et que SUCRÉ SALÉ ne peut donc prétendre à une protection de la photographie litigieuse par le droit d’auteur. Elle demande en outre la condamnation de la société SUCRÉ SALÉ à lui payer la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir que la photographie dont la protection est sollicitée n’est pas originale, et qu’à défaut d’existence d’un droit d’auteur, la demanderesse est dépourvue du droit d’agir, ce qui constitue une fin de non recevoir relevant de la compétence du juge de la mise en état.

La société AZUR TECHNOLOGIE GROUPE, par conclusions en dernier lieu du 20 janvier 2022, sollicite que la société SUCRÉ SALÉ soit déclarée irrecevable en ses demandes, et condamnée à lui payer la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile aux motifs qu’elle ne rapporte pas la preuve de la photographie dont elle sollicite la protection. Elle en déduit que la société SUCRÉ SALÉ est dépourvue du droit d’agir sur le fondement de la contrefaçon.

La société SUCRÉ SALÉ a conclu le 28 janvier 2022 à l’incompétence du juge de la mise en état pour juger de l’originalité de la photographie et au rejet des demandes de l’EARL GAILLET et de la société AZUR TECHNOLOGIE GROUPE, ainsi qu’à leur condamnation à lui payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que l’examen de l’originalité d’une oeuvre constitue un moyen de défense au fond et non une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon

ni une fin de non recevoir, laquelle exclut tout examen au fond. Elle ajoute décrire suffisamment l’originalité de la photographie litigieuse dans son assignation.

DISCUSSION

L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non recevoir comme étant tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Or il ne résulte d’aucun texte que l’originalité des oeuvres éligibles à la protection au titre du droit d’auteur est une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon. Si la démonstration d’une telle originalité est bien exigée, elle est une condition du bien fondé de l’action et constitue un moyen de défense au fond.

Il s’ensuit que l’appréciation de l’originalité de la photographie en cause relève du débat de fond et ne constitue pas une fin de non recevoir. Elle échappe donc à la compétence du juge de la mise en état.

L’EARL GAILLET et la société AZUR TECHNOLOGIE GROUPE seront donc déboutées de leurs demandes tendant à voir l’action de la société SUCRÉ SALÉ déclarée irrecevable.

Succombant à l’incident elles en supporteront in solidum les dépens. Il n’y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

 

DECISION

Statuant par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

Déboutons l’EARL GAILLET et la société AZUR TECHNOLOGIE GROUPE de leurs demandes tendant à voir l’action de la société SUCRÉ SALÉ déclarée irrecevable ;

Condamnons in solidum l’EARL GAILLET et la société AZUR TECHNOLOGIE GROUPE aux dépens de l’incident ;

Déboutons les parties de leurs demandes respectives en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Renvoyons l’affaire à l’audience du juge de la mise en état du mardi 7 juin 2022 à 9 heures, sans présence physique des avocats, avec injonction de conclure à maître AYADI.

 

Le Tribunal : Thomas Spateri (vice-président), Bernadette Allione (greffier)

Avocats : Me Laurence Smer-Geoffroy, Me Jean-Marie Léger, Me Philippe Raffaelli, Me Sabrina Ayadi, Me Nicolas Herzog

Source : Legalis.net

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.