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Jurisprudence : Diffamation

mardi 04 mars 2014
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Cour d’appel de Toulouse 3ème chambre, 1ère section Arrêt du 11 février 2014

Bernard G. et autres / Thierry G. et autres

article 46 de la loi du 29 juillet 1881 - diffamation - double qualification - injures - injures publiques raciales - nullité - procédure - site internet

FAITS ET PROCÉDURE

Par actes d’huissier en date du 17/10/2012, M. Alain F., agissant en qualité de maire de la commune de Balma, a assigné M. Vincent T., M. Thierry G., Mme Corinne R., M. Bernard G., M. Jean-Baptiste A. et l’Association Balma à Cœur devant le tribunal de grande instance de Toulouse, au visa des articles 23, 29 alinéas 1 et 3, 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, aux fins de voir juger que les propos repris dans le dispositif de l’assignation en pages 34 à 37 inclus sont constitutifs de l’infraction d’injure, et de condamnation solidaire des défendeurs, lesquels doivent être déclarés coupables d’injures ou de diffamation à l’encontre du demandeur, à publier dans la prochaine édition du journal Balma à Cœur un encart minimum de 20cm x10cm précisant les conditions dans lesquelles ils ont été reconnus coupables et responsables d’injure ou de diffamation à l’encontre du demandeur, à supporter le coût d’une insertion judiciaire dans les termes fixés par le tribunal dans “La Dépêche du Midi”, “Le Journal Toulousain”, “La voix du Midi”, sans que le coût unitaire de ces insertions judiciaires soit inférieur à 2500 € et supérieur à 5000 €, à supporter le coût de mise à jour et de destruction des mentions réputées injurieuses ou diffamatoires sur les sites www.mairie-balma.fr, cette obligation de nettoyage s’appliquant également à tous les moteurs de recherches, et ce nonobstant appel et dans les 8 jours de la signification du jugement à intervenir, et à payer les sommes de 50 000 € au Centre Communal d’Action Sociale de Balma et de 7500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, en ce compris le coût du constat d’huissier, dont distraction au profit de son conseil.

Les défendeurs, autres que M. Thierry G. qui n’a pas constitué avocat, ont soulevé la nullité de l’assignation en raison d’une insuffisance de précision et de qualification des faits incriminés et des textes de loi applicable, dès lors que les termes utilisés ne permettent pas de déterminer si le demandeur agit en sa qualité de maire ou en qualité de représentant de la commune de Balma, dès lors que les faits sont imputés à M. T. et ses comparses, ce qui ne permet pas de déterminer si l’association est ou non mise en cause, dès lors que la présentation des faits ne permet pas de déterminer les propos litigieux, dès lors que subsiste une incertitude sur la qualification des faits, notamment au regard du visa de l’article 29 alinéa 3 qui n’existe pas, de l’absence de précision de l’alinéa des articles 33, 31, 29 invoqués, de l’absence de renvoi à l’article 30 de la loi de 1881, l’absence de fondement juridique de la demande de condamnation solidaire et du cumul de qualifications. A titre subsidiaire, ils ont invoqué la prescription de l’action et plus subsidiaire, le rejet des demandes présentées dès lors que les propos incriminés ne sont constitutifs ni d’injures ni de diffamation, ces derniers sollicitant en tout état de cause et à titre reconventionnel la condamnation du demandeur à leur payer, à chacun d’eux, les sommes de 2000 € à titre de dommages et intérêts et de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement assorti de l’exécution provisoire en date du 28/12/2012, le premier juge, considérant que :
– comme le fait relever à juste titre le demandeur, les critiques des défendeurs sur l’imprécision affectant le demandeur et les parties défenderesses ainsi que les faits imputés à chacun d’eux échappent au domaine d’application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
– en outre, la page d’en-tête de l’assignation mentionne que le procès est intenté par M. Alain F., pris en ses fonctions de maire de la commune de Balma ;
– à défaut de plus amples détails, il est parfaitement compréhensible, au vu des paragraphes de l’assignation, que les propos incriminés sont reprochés à l’ensemble des défendeurs ;
– les critiques portant sur la précision et la qualification des propos incriminés ne peut pas plus être accueillies dans la mesure où il est rappelé l’intégralité du contenu des publications litigieuses, en y faisant apparaître en caractères gras les propos incriminés, avant de reproduire le contenu des textes de loi applicables à l’action, citant ainsi partiellement ou totalement les articles 23, 29, 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, les développements formés postérieurement sur la distinction entre les faits de diffamation et d’injures est par ailleurs reprise dans deux tableaux intégrés dans l’assignation en pages 23 et 30 et étant repris dans le dispositif de sorte que le demandeur a ainsi indiqué, au visa des textes applicables, les propos qu’il estime injurieux et ceux qu’il estime diffamatoires ;
– l’omission de l’article 30, qui prévoit exclusivement la sanction pénale applicable en matière de diffamation n’est pas de nature à faire encourir une nullité de l’acte introductif d’instance ;
– dès lors, l’exception de nullité de l’assignation sera rejetée ;
– les défendeurs démontrent que l’article paru sous le titre “rien ne va P.L.U. à la ZAC de Gramont” a été mis en ligne dès le 30/06/2012, soit plus de trois mois avant la première assignation du 17/10/2012 de sorte que l’action fondée sur cet article est prescrite ;
– les propos incriminés par le demandeur, repris à la page 34 de l’assignation sous la qualification d’injure et qui figurent au n° 54 du magazine Balma Info, s’inscrivent dans un discours politique d’opposition et ne comportent ni expression outrageante, ni terme de mépris ou invective, mais renferment l’imputation de faits précis, consistant à affirmer ou suggérer que le demandeur, en tant que maire de Balma, consent à des promoteurs des ventes de terrains appartenant à la commune, privilégiant ainsi les intérêts de ces derniers au détriment de ceux des habitants de la commune et l’injure n’est pas caractérisée sur ces propos ;
– les propos qualifiés de diffamation figurent aux pages 35 à 37 de l’acte introductif d’instance, exception faite de l’article pour lequel la prescription a été constatée ;
– il convient de préciser que le demandeur est maire de la commune de Balma, vice président de la communauté urbaine de Toulouse métropole et président de la société d’économie mixte Oppidea chargée par la communauté urbaine de l’aménagement, de la construction d’équipements publics et du renouvellement urbain ;
– le demandeur n’est pas contredit lorsqu’il précise que la commune de Balma a transféré son pouvoir de décision à la communauté urbaine, tout en conservant celui de délibérer et d’émettre des avis sur les différents plans d’aménagement, que le conseil municipal de la commune donne seulement un avis sur la modification du P.L.U. dont la communauté urbaine tiendra compte lors de sa décision, que la société Oppidea est une société d’économie mixte, dont le capital est détenu à plus de 66% par les collectivités locales, et à plus de 80% s’il on tient compte de la CDC et de la CCIT et que cette société est signataire de la charte de déontologie des sociétés d’économie mixte, dont le premier article prévoit qu’elle est au service de l’intérêt général ;
– s’agissant des propos figurant en caractères gras contenus dans l’article intitulé “Précisions sur Oppidea” paru sur le site www. Balma-a-coeur.fr le 21/9/2012, les propos contenus dans les propositions 1 à 4 ne concernent pas le demandeur en sa qualité de maire de la commune de Balma et ne peuvent caractériser des diffamations ;
– en revanche, les propos repris dans les propositions suivantes, soit 5 et 6, mentionnent clairement que les décisions du maire sont contraires à l’intérêt de ses concitoyens et prises dans l’intérêt d’une société dont il est le président, suggérant ainsi une prise d’intérêt personnel, sans préciser que cette société d’économie mixte est au service de l’intérêt général ;
– ces allégations et imputations portent d’évidence et incontestablement atteinte à l’honneur et à la considération du maire de la ville ;
– s’agissant des propos figurant en caractères gras et contenus dans le n°10 du journal de l’association Balma à Cœur, en page 2 et 4, paragraphe urbanisme, manifestent dans la proposition n°3 une critique de la politique menée et ne peuvent être retenus, à l’inverse des autres propos qui sont univoques en ce qu’elles affirment que les décisions du maire sont contraires à l’intérêt de ses concitoyens et prises dans l’intérêt, soit des promoteurs, soit d’une société dont il est le président, sans préciser que celle-ci est au service de l’intérêt général, et en ce qu’elle laissent penser à une prise d’intérêt personnel, ces allégations et imputations portant également atteinte à l’honneur et à la considération du maire de la ville ;
– il n’est pas contestable qu’en vertu de la liberté d’expression, et de la nécessité d’un débat général, il est permis d’exprimer des opinions relatives à la gestion de la municipalité, l’aménagement de l’espace public, la conception de l’urbanisme, la maîtrise de la densité de la population, la construction d’équipements publics…
– cependant, les propos tenus ont dépassé le cadre du débat d’intérêt général, dès lors qu’ils ont franchi la frontière de la diffamation sans qu’il puisse être sérieusement soutenu que leur formulation serait certes polémique mais que l’information serait donnée de façon objective, sans être dénaturée ;
– l’offre de vérité n’est pas invoquée par les défendeurs ;
– les défendeurs ne rapportent pas la preuve de la bonne foi au regard de la présentation tronquée des faits ;
– les faits retenus comme constituant des propos diffamatoires, sont issus du site internet “www.balma-a-coeur, soit du journal de cette association ;
– M. T. est mentionné sur ce journal comme étant le directeur de publication et il n’est pas contesté que Mme Corinne R. et M. Bernard G. sont les présidents de cette association et ces derniers doivent respectivement et pour le tout répondre des propos diffamatoires contenus dans cette publication ;
– en revanche, c’est à juste titre que les défendeurs font valoir que les dispositions de l’article 121-2 du code pénal ne sont pas applicables aux infractions pour lesquelles les dispositions des articles 42 et 43 de la présente loi sont applicables de sorte qu’il convient de mettre hors de cause l’association Balma à Cœur ;
– de même, l’action n’étant pas fondée s’agissant des propos contenus dans le n°54 du magazine Balma Info, M. Thierry G., attrait à la présente instance en sa qualité de directeur de publication, sera mis hors de cause ;
– de même, M. A., en sa qualité de chargé de communication et responsable du site internet de l’association Balma à Cœur sera également mis hors de cause dès lors que les dispositions des articles 42 et 43 de la loi du 29/7/1881 ne visent pas le chargé de communication ;
– au vu de l’atteinte subie par le demandeur à son honneur et à sa considération, il sera fait droit à sa demande de dommages et intérêts à concurrence de la somme de 7500 € à charge pour lui de la reverser au bénéficiaire de son choix et à la demande de publication dont les modalités sont fixées au dispositif ;
– les autres demandes de réparation seront rejetées ; a rejeté la demande de nullité de l’assignation, a déclaré l’action partiellement prescrite en ce qu’elle concerne les faits de diffamation ou d’injures contenus dans un article paru sous le titre “Rien ne va P.L.U. à la ZAG de Gramont” sur le site internet www. Balma-à cœur mis en ligne le 30/06/2012, a prononcé la mise hors de cause de M. Thierry G., de M. Jean-Baptiste A. et de l’association Balma A Cœur, a condamné M. Vincent T., Mme Corinne R. et M. Bernard G. in solidum à payer à M. Alain F. les sommes de 7500 € à titre de dommages et intérêts et de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a ordonné la publication aux frais in solidum des défendeurs dans le mois suivant le jour où le présent jugement sera devenu définitif, dans le journal de l’association Balma à Cœur d’un communiqué mentionnant la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées, les modalités de cette publication et caractères étant également précisés, a condamné in solidum ces trois défendeurs et a rejeté les autres demandes.

Par déclaration en date du 16/1/2013, M. Bernard G., Mme Corinne R. et M. Vincent T. ont interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par déclaration en date du 22/01/2013, M. Alain F. a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par ordonnance en date du 21/03/2013, la jonction de ces deux procédures a été ordonnée.

Aux termes de leurs conclusions déposées le 22/02/2013, Mme Corinne R. et Messieurs Bernard G. et Vincent T. sollicitent que soit déclarée recevable la fin de non-recevoir tirée de la violation de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881 et par voie de conséquence l’annulation du jugement entrepris, que soient constatées la prescription de l’action et la nullité de l’assignation, outre le rejet des prétentions de M. Alain F., de voir retenir leur bonne foi, ainsi que la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les prétentions de M. F. au titre de l’injure publique, la condamnation de ce dernier à payer à chacun d’eux la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à M. Vincent T. celle de 6500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de leur conseil.

Ils font valoir en substance que :
– les dispositions de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881 sont d’ordre public et s’imposent aux juridictions civiles qui sont tenues de se déclarer d’office incompétentes ;
– la fin de non-recevoir tirée de cet article peut être soulevée et proposée en tout état de cause et la saisine de la juridiction civile ne peut produire aucun effet sur la prescription de l’action pénale ;
– dès lors, les demandes de M. F. sont tant irrecevables que prescrites ;
– en outre, l’assignation est entachée de nullité dans la mesure où M. F. a poursuivi, sous une double qualification de diffamation et d’injure, des faits identiques, à savoir le fait d’avoir permis, accepté, favorisé, initié … une vaste promotion immobilière ;
– c’est à juste titre que le premier juge a constaté que la prescription était partiellement acquise ;
– au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation, aucune diffamation n’est caractérisée dans la mesure, l’article intitulé “Précisions sur l’Oppidea” ne comportent aucune imputation précise de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération du maire mais se borne à exprimer des opinions et avis insusceptibles de poursuites, où l’article publié dans le n°10 du journal de l’association ne permet pas de suggérer, contrairement à l’opinion du premier juge, une prise d’intérêt personnel ;
– à titre superfétatoire, la légitimité du but poursuivi, la suffisance des investigations, la prudence et la modération dans l’expression et l’absence d’animosité personnelle constantes en l’espèce, leur permettent de se prévaloir de la bonne foi, et ce conformément aux dispositions de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales et de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ;
– de même, l’injure n’est pas plus caractérisée ;
– au regard de la témérité dont a fait preuve M. F., son action est à l’évidence abusive.

Aux termes de son mémoire déposé le 31/05/2013, M. Alain F. conclut au rejet de l’exception de procédure tirée du non respect de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881 qui n’a pas été soulevée avant toute défense au fond, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’ exception de nullité de l’assignation, déclaré l’action partiellement prescrite et reconnu Mme Corinne R. et Messieurs Vincent T. et Bernard G. coupables de faits de diffamations, son infirmation pour le surplus, que l’association Balma à Cœur soit déclarée civilement responsable des manquements commis par M. T. et ses complices, l’absence de mise hors de cause de M. Thierry G. et de M. Jean-Baptiste A. en sa qualité de chargé de communication et de responsable du site internet, de voir retenir la qualification d’injures sur les passages reproduits en page 135 desdites conclusions, de voir retenir la qualification de diffamation sur les passages reproduits en pages 136 à 139 inclus, la condamnation solidaire de M. Vincent T., directeur de la publication, Mme Corinne R. et M. Bernard G., co-présidents de l’association éditeur du magazine Balma à Cœur et de M. Jean Baptiste A., en sa qualité de chargé de la communication et responsable du site internet de l’association Balma à Cœur, et de l’association Balma à Cœur à payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts au Centre Communal d’Actions Sociales de Balma et de 25 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens en ce compris le coût du constat d’huissier, ainsi que la condamnation de M. Thierry G. , en qualité de directeur de publication de Balma Info, à publier dans la prochaine édition de ce journal un encart dont le contenu et les caractéristiques sont reprises en page 140 de ces conclusions, comme la condamnation de M. Vincent T. solidairement avec Mme Corinne R., M. Bernard G., M. Jean-Baptiste A. et l’association Balma à Cœur à publier également un encart dont le contenu et les caractéristiques sont reprises en page 140 de ces conclusions, outre la condamnation de ces derniers à supporter le coût d’une insertion judiciaire dans les trois journaux repris en page 140 de ces conclusions et dont les modalités en termes de coût figurent en page 140 de ces conclusions, ainsi qu’à supporter le coût de mise à jour et de destruction des mentions réputées injurieuses ou diffamatoires sur les sites internet repris en page 140 de ces conclusions.

Il soutient pour l’essentiel que :
– l’article 46 ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile dans la mesure où si cette question fait l’objet d’un certain flottement, la jurisprudence la plus récente a tendance à considérer qu’il s’agit d’une exception d’incompétence qui aurait dû dès lors être soulevée avant toute défense au fond ;
– le principe de concentration fait échec à l’application de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881 ;
– au cas où la mise en œuvre de l’article 46 constituerait une fin de non-recevoir, cet article serait contraire à la Constitution et justifie la question prioritaire de constitutionnalité qui a été posée par mémoire séparé ;
– obliger le demandeur à passer par la voie pénale est contraire aux dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ;
– l’estoppel interdit aux parties d’invoquer cet article ;
– comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, aucune nullité de l’assignation ne saurait être prononcée dès lors que l’acte introductif d’instance articule les faits poursuivis, que les textes applicables à la poursuite sont précisés, et que les faits relevant de la qualification d’injures et de celle de diffamation sont clairement distingués ;
– la bonne foi ne peut être invoquée en raison de la dénaturation de l’information donnée ;
– les propos seront ainsi qualifiés d’injures en raison de leur caractère général, leur imprécision ou l’impossibilité de la preuve contraire ou d’un débat contradictoire ;
– tel est le cas des propos repris en rouge aux pages 38 à 40 de ces conclusions ;
– les propos diffamatoires à l’égard d’un citoyen chargé d’un mandat public, alors qu’il est maire de la commune de Balma, sont caractérisés sur les passages en rouge figurant aux pages 42 à 45 de ces conclusions ;
– les différents textes sont signés de M. Vincent T. qui est, en tant qu’auteur et de directeur de publication du journal Balma à Cœur, coupable et responsable des propos litigieux ;
– ce journal et le site internet www.balma-a-coeur.fr et ce journal sont des émanations de l’association Balma à Cœur qui doit dès lors être reconnue coupable et responsable des écrits litigieux ;
– les deux présidents de cette association, Mme Corinne R. et M. Bernard G., ont engagé leur responsabilité en laissant publier ces écrits litigieux, de même que M. Jean-Baptiste A., en tant que chargé de communication et de responsable du site internet ;
– il ne sera demandé aucune sanction contre M. Thierry G. mais ce dernier devra publier un encart informatif ;
– ses demandes de réparation et de publication sont justifiées au regard de la gravité des accusations portées à son encontre.

Assignés en qualité d’intervenants forcés à la requête de M. Alain F. par acte d’huissier en date du 30/4/2013, M. Jean-Baptiste A. et l’Association Balma à Cœur n’ont pas conclu et injonction a été donnée à M. F. de conclure à leur égard sur les conséquences à tirer du non respect des dispositions de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881.

DISCUSSION

Sur la fin de non recevoir tirée de la violation des dispositions de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881

Il est constant et non contesté que les propos incriminés, qualifiés de diffamatoire par M. F., visaient ce dernier en qualité de maire de la commune de Balma, cette mention et cette précision étant en outre expressément portées sur l’acte introductif d’instance du 17/10/2012, de sorte que les dispositions de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881 ont vocation à recevoir application au présent litige, en ce qu’il porte sur les demandes présentées par M. F. au titre des propos diffamatoires dont il s’estime victime, ces dispositions n’ayant pas vocation à s’appliquer aux injures dont la réparation est poursuivie par ce dernier.

Ainsi, et aux termes de cet article, l’action civile résultant des délits de diffamation prévus et punis par les articles 30 et 31 ne pourra, sauf dans les cas de décès de l’auteur du fait incriminé ou d’amnistie, être poursuivie séparément de l’action publique.

Or, contrairement à ce que fait valoir M. F., ces dispositions, qui imposent au plaignant un cadre procédural strict, ne sauraient s’analyser comme édictant une simple exception d’incompétence qui ne pouvait être soulevée qu’avant toute défense au fond, mais elles instituent une véritable fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile dès lors qu’elles privent M. F. du droit d’agir en dehors de ce cadre procédural.

Il en résulte que M. F. ne peut soutenir utilement que ce moyen, allégué après une défense au fond, serait irrecevable dans la mesure où les fins de non-recevoir tirée de la violation de l’article 46 peut être soulevée en tout état de cause, et donc même pour la première fois à hauteur d’appel de sorte que l’irrecevabilité de ce moyen soulevée sur ce fondement par M. F. ne pourra utilement prospérer.

De même, M. F. ne peut pas plus soutenir que le principe de concentration de moyens ferait obstacle à l’évocation, pour la première fois et à hauteur d’appel, du non-respect des dispositions de l’article 46 dès lors que les parties sont en tout état de cause recevables à invoquer de nouveaux moyens jusqu’à la clôture de l’instruction et qu’admettre l’argumentation développée par M. F. reviendrait à vider de toute substance le principe selon lequel la fin de non recevoir tirée de la violation de l’article 46 peut être soulevée en tout état de cause.

Par ailleurs, et contrairement à ce que fait valoir M. F., l’estoppel n’interdit nullement aux personnes poursuivies d’invoquer cette fin de non-recevoir dans la mesure où il n’existe aucune contradiction entre cette fin de non-recevoir, dont l’examen du bien fondé se fait sans examen au fond, et les défenses qu’elles ont développées sur le fond du litige.

Enfin, il ne peut être utilement soutenu, dans le cadre de cette instance, que les dispositions de l’article 46 seraient contraires à la Constitution et à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, dès lors que la Cour a rejeté ces moyens dans l’arrêt rendu le 8/10/2013 aux termes desquels M. F. a été débouté de sa demande de transmission à la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur ces moyens.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux propos diffamatoires et les demandes présentées par M. F. à ce titre sont tant irrecevables que prescrites.

Sur la nullité de l’assignation en ce qu’elle porte sur les demandes formées par M. F. au titre des propos injurieux

Il résulte de l’application des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que l’assignation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier le fait incriminé de sorte que les propos incriminés identiques ou quasiment identiques, même de date différente, ne peuvent être poursuivis sous une double qualification d’injure et de diffamation, ce cumul de qualification étant de nature à créer, pour les défendeurs, une incertitude préjudiciable à leur défense.

Or, s’agissant des propos incriminés, force est de relever que l’assignation mentionne : au titre des injures, les propos suivants :
– “la ville est vendue aux promoteurs”, alors qu’est poursuivie, au titre de la diffamation, l’expression suivante : “Vinci peut remercier M. le Maire qui est devenu le maire des promoteurs” ;
– “dans le même registre des cadeaux faits par notre maire aux promoteurs”, alors qu’est poursuivie, au titre de la diffamation, l’expression suivante : “ les promoteurs se frottent les mains, notre maire vient de leur offrir 400 logements de plus à construire, donc à vendre. Mais ce n’est pas le seul cadeau” ;
– “la ville est vendue aux promoteurs”, alors qu’est poursuivie au titre de la diffamation l’expression suivante. ”Excellente opération pour la société d’aménagement du Grand Toulouse dont le maire de Balma est le président et qui vend les terrains aux promoteurs”;
– “notre maire et son équipe défendent -non pas les intérêts des balmanais mais les intérêts particuliers de quelques promoteurs à qui ils vendent la ville”, alors qu’est poursuivie au titre de la diffamation l’expression suivante : ”Nous souhaitons défendre les intérêts des Balmanais et non pas les intérêts particuliers de quelques promoteurs à qui le maire et son équipe vendent la ville”.

Or, il résulte de ce qui précède que les faits de faire des cadeaux aux promoteurs, de vendre des terrains aux promoteurs, d’être le maire des promoteurs et de défendre non les habitants de la commune de Balma mais les intérêts particuliers de quelques promoteurs sont qualifiés, dans le cadre de la poursuite, de propos tant diffamatoires qu’injurieux de sorte qu’en raison de cette double qualification d’injures et de diffamations d’imputations identiques ou quasi identiques, les parties défenderesses n’étaient pas en mesure d’assurer leur défense en raison de l’incertitude crée par ce cumul de qualifications, de sorte que contrairement à l’opinion du premier juge, l’assignation était à l’évidence nulle en son entier.

Le jugement déféré sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions, M. F. étant débouté de l’intégralité de ses demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Le seul rejet des demandes n’est pas de nature à établir leur caractère abusif et en l’absence de preuve suffisamment rapportée de l’intention de nuire prêtée à M. F., la demande de dommages et intérêts présentée à son encontre sera rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. Alain F. qui succombe supportera les dépens des deux instances et ses propres frais.

Toutefois, l’équité ne commande pas de le faire participer aux frais irrépétibles exposés par M. Vincent T.

DÉCISION

Par ces motifs, la cour :

. Déclare l’appel formé par M. Alain F. non fondé et le rejette et l’appel formé par M. Bernard G., Mme Corinne R. et M. Vincent T. fondé ;

. Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

. Déclare irrecevables, et par voie de conséquences prescrites, les demandes présentées par M. Alain F. au titre des propos diffamatoires ;

. Déclare les assignations en date du 17/10/2012 nulles ;

. Déclare par voie de conséquences les demandes présentées par M. Alain F. au titre des propos injurieux prescrites ;

. Pour le surplus, déboute les parties de leurs autres demandes, y compris celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamne M. Alain F. aux dépens des deux instances.

La cour : M. J. Bensussan (président), M. Moulis et M.O. Poque (conseillers)

Avocats : Me Philippe Blanchetier, Me Christophe Leguevaques

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