Jurisprudence : Diffamation
Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé Jugement du 23 octobre 2009
Antony E. / Grégoire A.
diffamation
PROCEDURE
Vu l’assignation que Antony E., directeur de l’aménagement et de l’urbanisme de la Ville de Clamart, a fait délivrer par acte en date du 9 octobre 2009, après y avoir été autorisé par décision prise sur délégation du président du tribunal, à Grégoire A. sollicitant, au visa de l’article 808 du code de procédure civile :
(1) qu’il lui soit ordonné de supprimer de son blog l’article mis en ligne le 25 septembre 2009 sous le titre “Démocratie locale à Clamart ? Foutaises” et interdit de publier les commentaires en réponse à cet article sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
(2) que le défendeur soit en outre condamné à publier la décision à intervenir sur son blog sous la même astreinte,
(3) enfin qu’il lui soit fait interdiction d’utiliser ce blog ou tout autre au détriment de Monsieur Antony E. sous la même astreinte par infraction constatée,
Vu les conclusions du défendeur soulevant l’incompétence de la juridiction des référés s’agissant d’une action en diffamation publique envers un fonctionnaire ou un agent de l’autorité publique, la nullité de l’assignation, laquelle n’a satisfait à aucune des exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, et a été délivrée sans respecter le délai de 10 jours prévu par l’article 55 du même texte destiné à permettre au défendeur d’offrir de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires, concluant subsidiairement au non lieu à référé, en sollicitant une somme de 1500 € au titre de la procédure abusive et la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DISCUSSION
Antony E., directeur de l’aménagement et de l’urbanisme de la Ville de Clamart, se plaint d’avoir vu “son honneur et sa probité gravement mises en cause” sur le blog d’un opposant de la majorité municipale, Grégoire A., en ces termes : “Je trouve que l’excès de zèle de M E. concernant un sujet aussi grave [une enquête publique portant sur une Déclaration d’Utilité Publique et la cessibilité de parcelles autour d’une future station de tramway reliant Châtillon à Viroflay via Clamart] démontre l’état d’esprit qui est celui du Maire. Refuser, pour un dépassement de trois minutes et en invoquant un vice de procédure, l’expression de près de 500 Clamartois est tout simplement inadmissible. Cela démontre quelle conception a le Maire de la démocratie locale. Si vous approuvez sa politique et ses méthodes, vous pouvez vous exprimez. En revanche, si vous voulez critiquer sa politique et ses méthodes, alors passez votre chemin ! A quelques jours des rencontres de la démocratie locale, ça promet…” et sollicite, au visa de l’article 808 du code de procédure civile, la suppression de l’article renfermant ces propos et qu’il soit fait interdiction à Grégoire A. de créer et d’utiliser ce blog.
C’est vainement que le défendeur excipe de l’incompétence de la juridiction des référés au motif que l’action civile en réparation du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public ou un agent de l’autorité publique ne peut être exercée séparément de l’action publique, alors que l’interdiction faite par les articles 31 et 46 de la loi du 29 juillet 1881 ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés prenne, conformément aux articles 808 et 809 du code de procédure civile, les mesures qui s’imposent pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui résulterait des faits incriminés.
En revanche, le demandeur ne saurait invoquer un tel trouble sans se conformer aux règles prévues par la loi du 29 juillet 1881, lorsque celui-ci est imputé à un abus supposé de la liberté d’expression, de laquelle relève incontestablement et le propos incriminé et le champ du litige.
C’est à bon droit à cet égard que le défendeur fait grief à l’assignation délivrée de ne s’être pas conformée aux exigences des articles 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, applicables aux instances en référé, le demandeur s’étant abstenu de préciser le texte de loi applicable aux faits incriminés, de notifier l’acte introductif d’instance au ministère public et de ménager à son contradicteur un délai de 10 jours entre la délivrance de l’assignation – le 9 octobre 2009 – et la date d’audience – le 14 octobre 2009 – destiné à permettre au défendeur, le cas échéant, de rapporter la preuve de la vérité du fait diffamatoire.
Aussi, sera-t-il fait droit aux moyens de nullité soulevés.
Le défendeur sera débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, celle-ci n’étant pas suffisamment caractérisée.
Il lui sera alloué une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
DECISION
Par ces motifs, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, et en premier ressort,
. Rejetons l’exception d’incompétence ;
. Déclarons nulle l’assignation délivrée ;
. Déboutons Grégoire A. de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
. Condamnons Antony E. à payer à Grégoire A. une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
. Le Condamnons aux entiers dépens.
Le tribunal : M. Joël Boyer (vice-président)
Avocats : Me George-Henri Charpentier, Me Philippe Blanchetier
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