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Jurisprudence : Diffamation

vendredi 26 octobre 2012
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Tribunal de grande instance de Bobigny Chambre 1, section 5 Ordonnance de référé du 24 août 2012

Karine A. / UMP et autres

assignation - contenu - forme - mentions - procédure - site internet - URL

FAITS ET PROCÉDURE

Vu l’assignation (acte introductif de l’instance inscrite au répertoire général sous le numéro 12/00556) que, par acte en date du 19 mars 2012, Karine A. a fait délivrer à Franck C. par laquelle la requérante demande au juge des référés :
– exposant qu’un communiqué de presse du 10 février 2012 diffusé par le biais du blog de Franck C., dont elle reproduit les termes, est mensonger et diffamatoire à l’égard de sa famille,
– au visa de la loi du 29 juillet 1881 de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile et de l’article 1382 du code civil,
– d’ordonner la publication de la décision à intervenir sur le site de M. C., ainsi que « dans les journaux concernés, notamment « Le Parisien » » sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
– de condamner Franck C. à lui verser les sommes de 20 000 € en réparation de ses préjudices moral et matériel, et de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’assignation en intervention forcée (n°12/00815) délivrée à l’association UMP, Union pour un mouvement populaire, à Aulnay-sous-Bois, le 3 mai 2012, les demandes contenues dans l’acte initial étant désormais formées solidairement contre Franck. C. et le « groupe UMP » ;

Vu l’assignation en intervention forcée aux mêmes fins (n°12/01233) délivrée le 4 juillet 2012 à l’association UMP, Union pour un mouvement populaire, à son siège à Paris ;

Vu la jonction ordonnée à l’audience du 16 juillet 2012 de l’instance n° 12/01233 avec l’instance n°12/00815 ;

Vu les conclusions pour Karine A. aux fins de jonction entre les instances n°12/00556 et 12/00815 ;

Vu les conclusions déposées à l’audience du 16 juillet 2012 par Franck C. qui soutient la nullité de l’assignation pour défaut de respect des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 (notamment manquement à l’obligation de préciser les propos incriminés, incertitude sur les personnes visées, double qualification, insuffisance de qualification, défaut d’indication des textes applicables, défaut d’élection de domicile) et développe une argumentation au fond ;

Vu les conclusions déposées à l’audience par l’Union pour un mouvement populaire (UMP) qui soutient la nullité de l’assignation pour violation de l’article 53 susvisé (défaut de notification au ministère public, de précision et de qualification du fait invoqué et d’indication de la loi applicable, ainsi que d’élection de domicile) et de l’article 54 de la même loi, et développe une argumentation au fond ;

Vu les conclusions en réplique déposées à l‘audience par Karine A. qui soutient que les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ne s’appliquent pas aux actions engagées en référé sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, réplique par ailleurs aux moyens de défense au fond, et maintient l’intégralité de ses demandes ;

Vu les observations orales des conseils des parties à l’audience du 16 juillet 2012, le juge s’étant, en application des dispositions de l’article 440 du code de procédure civile, déclaré suffisamment éclairé à l’issue des plaidoiries sur les exceptions de nullité de l’assignation ;

DISCUSSION

Sur la jonction

Les assignations délivrées successivement à Franck C. puis à l’UMP l’ont été à raison du même texte et aux mêmes fins. Il existe donc entre les instances nées de ces assignations un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice de les juger ensemble, ainsi qu’en dispose l’article 367 du code de procédure civile. La jonction de l’instance 12/00815 avec l’instance 12/00556 sera en conséquence ordonnée.

Sur les exceptions de nullité

L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, applicable aux instances engagées devant le juge civil, y compris en référé, exige du demandeur une action fondée sur une des infractions prévues et réprimées par cette loi qu’il précise tant le propos incriminé que celle des dites infractions que ce propos caractérise, en visant le texte de la loi définissant et réprimant la dite infraction, étant précisé qu’est prohibé le recours à des qualifications alternatives ou cumulatives, dès lois qu’elles sont incompatibles entre elle, le tout dans des conditions qui mettent le défendeur en mesure de savoir précisément ce qui lui est reproché et d’assurer sa défense, y compris dans le bref délai qui lui est imposé par l’article 55 de la loi. Il est encore exigé du demandeur qu’il élise domicile dans la ville ou siège la juridiction saisie et qu’il dénonce son assignation au ministère public.

Au regard de ces exigences, c’est à juste titre que les défendeurs soutiennent la nullité de l’assignation, tant en tant qu’elle a été initialement délivrée à Franck C. qu’ensuite et en intervention forcée à l’UMP.

Cet acte introductif d’instance, en effet, s’il reproduit l’extrait d’un site internet (dont l’adresse n’est cependant pas précisée) qu’il incrimine, se contente de faire valoir que ce texte serait diffamatoire (et mensonger, mais le mensonge n’étant pas une infraction de presse, il ne résulte pas de cette mention une incertitude supplémentaire), mais vise globalement la loi du 29 juillet 1881 sans préciser le texte exactement applicable à la poursuite, étant, s’il était nécessaire, observé au cas présent que la demanderesse indique qu’elle exerce la profession de directrice d’école primaire, ce qui rendrait particulièrement utile de spécifier si elle entend poursuivre une diffamation envers particulier, au sens de l’article 32, alinéa 1er, de la loi ou une diffamation envers fonctionnaire public, au sens de l’article 31.

Par ailleurs, l’assignation n’a pas été dénoncée au ministère public et, délivrée à la requête d’une personne physique domiciliée à Aulnay-sous-Bois par un avocat dont le cabinet se trouve à Rondy, ne contient aucune élection de domicile à Bobigny.

Les assignations délivrées à Franck C. et à l’UMP seront, en conséquence, annulées.

Karine A., qui succombe et sera tenue aux dépens, sera condamnée à payer à l’UMP la somme de 750 € au titre des frais irrépétibles engagés par ce défendeur, qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

Le ministère d’avocat n’étant pas obligatoire devant le président du tribunal de grande instance statuant en référé, les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ne sont pas applicables. Il ne sera pas fait droit à la demande de distraction des dépens formée par le conseil de Franck C.

DÉCISION

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel, assortie de plein droit de l’exécution provisoire,

. Ordonnons la jonction de l’instance inscrite au répertoire général sous le numéro 12/00815 avec l’instance numéro 12/00556 ;

. Prononçons la nullité des assignations délivrées à Franck C. et à I’UMP, union pour un mouvement populaire ;

. Condamnons Karine A. aux dépens et à payer à l’union pour un mouvement populaire (UMP) la somme de 750 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal : M. Bonnal (1er vice président)

Avocats : Me Dominique Lefranc, Me Frédéric Maury, Me Philippe Blanchetier

 
 

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