Jurisprudence : Jurisprudences
Cour d’appel de Versailles, 1ère ch. 1ère sec, arrêt du 1er décembre 2017
Webedia - Purepeople.com / Mme X.
droit à l'image - indemnisation - interdiction de publication future - liberté d'expression - Personnalité publique - photos - site internet
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 25 juin 2015 qui a statué ainsi :
– condamne la société Webedia à payer à Mme X. la somme de 7 000 euros en réparation de l’atteinte portée à son droit à sa vie privée et à son droit à l’image,
– interdit à la société Webedia de procéder à toute nouvelle publication des sept photographies représentant Mme X. datées des 31 mai 2014, publiées sur le site www.purepeople.com, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, passé un délai de 8 jours après la signification du présent jugement,
– rejette les autres demandes plus amples ou contraires,
– condamne la société Webedia à payer à Mme X. la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la société Webedia aux entiers dépens, en ce compris le coût du constat et qui pourront être recouvrés directement par Maître Toledano, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonne l’exécution provisoire.
Vu la déclaration d’appel de la société Webedia en date du 26 novembre 2015.
Vu les dernières conclusions en date du 31 mai 2017 de la société Webedia qui demande à la cour de :
A titre principal,
– réformer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté les demandes complémentaires visant à ordonner le retrait du contenu litigieux pour faire cesser l’atteinte et ordonner la production des justificatifs des droits d’acquisition des clichés publiés,
En conséquence et statuant à nouveau,
– constater que le contenu litigieux et les clichés de Mme X. pris et publiés à l’occasion de l’actualité de la manifestation sportive particulièrement suivie qu’est le tournoi de Roland Garros ne figent pas Mme X. dans des moments de vie intime et ne peuvent être de ce fait jugés attentatoires à sa vie privée, dès lors qu’ils illustrent de manière pertinente dans son actualité
immédiate sa présence non contestée et habituelle à cette manifestation sportive ô combien médiatisée,
– dire et juger que Mme X. en assistant dans les tribunes officielles du court central de Roland Garros pendant les internationaux de tennis de Roland Garros ne peut valablement invoquer une atteinte à la vie privée et au droit à l’image, le fait d’assister à un tel évènement ressortant par nature de la vie publique,
– constater que Mme X. a toléré et tolère la publication des mêmes clichés litigieux que ceux dont elle poursuit la publication sur le site de l’agence Getty Images, ces clichés ayant été accessibles aux adresses URL suivantes : http://www.gettyimages.com/…/,
http://www.gettyimages.com/…/,
http://www.gettyimages.com/…/,
http://www.gettyimages.com/…/.
– débouter Mme X. de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions en raison de sa complaisance manifeste dans l’évocation de sa vie privée et sentimentale et de sa tolérance quant à la divulgation des informations qualifiées d’attentatoires par celle-ci sur des sites tiers antérieurement, puis concomitamment à la date de prétendue publication sur le site de l’appelante et encore à ce jour et en l’absence de tout élément justificatif du préjudice allégué,
A titre subsidiaire,
– dire et juger s’il devait être considéré qu’il a été porté atteinte aux droits de Mme X. qu’il ne peut lui être alloué d’autres réparations que symbolique et de principe,
En tout état de cause,
– constater que le contenu litigieux visé dans l’assignation n’est pas diffusé sur le site de la société Webedia et, en conséquence,
– rejeter les demandes d’interdiction et toutes autres demandes y compris quant à la production des justificatifs des droits d’acquisition des clichés publiés et de retrait de la publication litigieuse,
– condamner Mme X. au paiement au profit de la société Webedia d’une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme X. aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Fourlon, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions en date du 25 avril 2016 de Mme X. qui demande à la cour de :
– débouter la société Webedia de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la violation de la vie privée et du droit à l’image de Mme X., interdit sous astreinte toute nouvelle reproduction des sept clichés volés et alloué à la concluante la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens,
– le réformer pour le surplus et condamner la société Webedia à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 12 000 euros,
– ordonner à la société Webedia la production de tout justificatif tel que contrat, facture ou bon de commande relatif à l’acquisition auprès de la société Best Image des droits d’exploitation des photographies n°4, 7, 8, 9, 18, 24 et 44 diffusées au soutien de l’article « Roland-Garros : Mme Z. et son amoureux devant un match fou ! », sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard dans les huit jours de la signification de l’arrêt à intervenir,
– condamner la société Webedia à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Toledano, avocat, au titre de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 juin 2017.
FAITS ET MOYENS
La société Webedia, venant aux droits de la société Purepeople.com, édite un service de communication au public en ligne.
Le 13 juin 2014, un procès-verbal de constat a été dressé par Maître Griffon, huissier de justice.
Celui-ci a constaté qu’à la saisie du nom de Mme X. apparaît sur le site internet Purepeople.com un article daté du samedi 31 mai 2014 intitulé « Roland-Garros : Mme Z. et son amoureux devant un match de fou ! ».
Cet article, après la brève description d’un match, indique : « La jolie Mme Z. est apparue au bras de son époux … Egalement très amoureuse, l’actrice Mme X. que l’on retrouvera en novembre à l’affiche d’un « Illustre inconnu » avec M. W. a apprécié le match avec son compagnon, un chapeau vissé sur la tête histoire de se protéger du soleil parisien ».
L’huissier a indiqué que l’article était entouré de bandeaux publicitaires et était accompagné d’un diaporama de 93 images dont les clichés numéros 4, 7, 8, 9, 24 et 44 représentent Mme X. en compagnie d’un homme dans les gradins et sont ainsi légendés : « Mme X. et son compagnon assistent aux internationaux de France de tennis de Roland Garros à Paris le 30 mai 2014 ».
Il a ajouté que le cliché 18 représentait l’actrice accompagnée du même homme assis à sa droite et de M. Y. à sa gauche et était commenté ainsi : « Mme X., son compagnon et M. Z. assistent aux internationaux de France de tennis de Roland Garros à Paris le … ».
Par acte du 17 juin 2014, Mme X. a fait assigner la société Webedia devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir, sur le fondement de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sa condamnation à lui payer, en principal, la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Le tribunal a prononcé le jugement déféré.
Aux termes de ses écritures précitées, la société Webedia expose que le conseil de Mme X. l’a mise le 13 juin 2014 en demeure de retirer les contenus litigieux, que, par courrier officiel du 16 juin 2014, il a été informé que le retrait avait été opéré, sous les réserves d’usage, et que l’assignation a été délivrée le lendemain.
Elle expose également que ces photographies ont été ainsi légendées au moment de leur prise de vues et de leur diffusion sur le site de l’agence Getty Images sur lequel elles demeuraient visibles postérieurement à l’introduction de la procédure sans que Mme X. ne demande leur retrait. Elle précise que celle-ci s’est livrée à une mise en scène de pose avec le photographe de l’agence dont le nom figure sur les clichés litigieux.
Elle conteste toute atteinte à la vie privée et au droit à l’image.
Elle soutient que l’ensemble des informations contenues dans les articles litigieux revêt un caractère notoire ou anodin et illustre de manière pertinente un article consacré à la manifestation sportive à laquelle Mme X. assistait.
Elle relève que le titre de cet article ne la désigne pas et que l’article litigieux est consacré à l’événement sportif qui a lieu à la date de la publication soit le tournoi international de tennis de Roland Garros et plus précisément même les tribunes officielles du court central de Roland Garros sur lequel se jouait un match important du tournoi.
Elle en infère que la publication litigieuse s’inscrit dans le commentaire de l’actualité sportive et au vu de la ligne éditoriale de son site dans l’illustration de cet événement sportif suivi et auquel ont assisté de nombreuses personnalités publiques dont fait partie Mme X..
Elle précise qu’1 500 000 personnes ont assisté à la diffusion du match, rappelle que les caméras balaient les tribunes du court central afin de montrer, aux téléspectateurs, l’ensemble des personnalités qui assistent sur le court central au match retransmis et estime que Mme X. a fait le choix de s’exposer dans cette manifestation publique largement suivie au sein des tribunes officielles.
Elle ajoute que des photographes accrédités pour cette manifestation sont visibles de toutes les personnes présentes et que Mme X. s’est prêtée à une séance de pose de plus d’une vingtaine de clichés y compris dans les tribunes officielles du court central.
Elle déclare que Mme X. y assiste dans des conditions identiques depuis de nombreuses années et que la publication litigieuse a eu nul effet sur la récurrence de la venue de l’actrice à cette manifestation à laquelle elle s’est rendue sans réserve aux éditions suivantes de 2015 et 2016.
Elle indique que plusieurs clichés de Mme X. ont été publiés en 2014 pour cette édition du tournoi de tennis comme pour les précédentes et les suivantes et que des images ont également été diffusées à la télévision lors des retransmissions des matches auxquels elle assistait, la filmant dans les tribunes officielles du court central de Roland Garros accompagnée de la même personne que celle qui figure sur les photographies litigieuses et indique qu’elle n’a pas protesté y compris envers la société Getty Images dont les clichés publiés antérieurement à ceux diffusés par l’appelante étaient légendés comme la représentant avec son compagnon.
Elle fait valoir que le contenu de l’article expose succinctement le fait qu’elle est présente dans les tribunes officielles de Roland Garros ce qu’elle ne conteste pas.
Elle souligne que l’identité de la personne qui l’accompagne n’est pas révélée et que la présentation de celle-ci comme son compagnon n’est pas démentie et résulte en outre des mentions apposées sur les clichés pris concomitamment et publiés sur le site d’une grande agence de presse telle que Getty images dont a toléré pendant de nombreux mois et postérieurement à la délivrance de l’assignation la diffusion des mêmes clichés, et sur certains autres sites dont elle tolère encore à ce jour également la publication.
Elle fait état de légendes identiques le présentant comme son compagnon et lui reproche de ne pas justifier de démarches pour obtenir leur retrait alors qu’elles sont encore présentes et qu’elle l’a assignée après qu’elle a retiré les contenus litigieux.
En ce qui concerne les supputations sur sa vie intime, elle affirme que l’article est purement factuel ainsi que le corroborent le style épuré de cette évocation et l’absence de référence au nom de l’actrice dans le titre de l’article qui supporte les clichés litigieux, et au nom de la personne qui est à ses côtés.
Elle ajoute que les clichés sont de nature purement identitaire attestant de la présence de l’actrice dans les tribunes officielles du court central de Roland Garros aux côtés d’autres personnalités.
Elle conclut qu’en choisissant de se rendre dans un lieu public aussi exposé au public et aux médias que le court central de Roland Garros, et en siégeant dans les tribunes officielles, Mme X., personnalité publique avertie et rompue aux médias, ne pouvait ignorer qu’elle s’exposait ainsi à la curiosité du public, aux objectifs des photographes dont celui du photographe de Getty Images pour lequel elle s’est prêtée à une séance de pose de plus d’une vingtaine de clichés.
Elle estime ainsi qu’elle ne pouvait prétendre avoir une espérance légitime d’être à l’abri des médias au sens de la jurisprudence nationale et européenne et donc soutenir que les clichés seraient volés ou pris à son insu.
Elle relève que des médias estiment que « Le meilleur accessoire à Roland Garros c’est de sortir avec son compagnon ou sa compagne ».
Elle nie qu’elle soit représentée dans des poses ridicules, estime que cela ne pourrait constituer un élément attentatoire à sa vie privée ou à son droit à l’image et observe que les photographies ne sont pas légendées dans un sens dénigrant ou badin.
Elle affirme qu’il en est de même a fortiori des photographies qui la montrent dans des poses de détente dans ces tribunes officielles et conteste l’appréciation contraire du tribunal.
Elle ajoute que l’intimée ne se présente pas toujours sous un jour favorable, mais s’emploie à revendiquer « le naturel » et cite des extraits d’interview.
Elle se prévaut de décisions du tribunal de grande instance de Nanterre relatifs aux commentaires sur des vêtements.
Elle en conclut que les demandes fondées selon elle sur une présentation « ridicule » de son apparence physique sont irrecevables.
En ce qui concerne la publication de clichés pris lors d’une manifestation sportive publique fort suivie, elle excipe de jugements du tribunal de grande instance de Nanterre qui a retenu qu’en assistant à une manifestation sportive largement médiatisée, les demandeurs à une action fondée sur l’article 9 du code civil et l’atteinte à leur droit à l’image devaient être considérés comme ayant tacitement accepté que les clichés les montrant dans les tribunes puissent être publiés afin d’illustration de la rencontre sportive, en l’espèce un match de football.
Elle indique que le tribunal avait jugé que cette photographie ne fige pas les demandeurs dans un moment intime de la vie privée et est susceptible de constituer une illustration pertinente d’un article consacré au match en cause.
Elle se prévaut d’autres décisions concernant les clichés de célébrités assistant à un évènement public.
En ce qui concerne les contenus publiés, elle expose que Mme X. a assisté, comme à son habitude depuis plusieurs années, au tournoi de Roland Garros et que sa participation au tournoi est donc de nature publique et notoire et qu’elle a donc implicitement, mais nécessairement, rendu publique sa participation à cette manifestation.
Elle fait également valoir que les clichés ne la figent pas dans un moment d’intimité et en conclut que leur publication ne relève pas de la vie privée mais appartient par nature à la vie publique.
L’appelante invoque la complaisance de Mme X. à l’égard de la médiatisation d’éléments relevant de sa vie privée.
Elle fait état de déclarations à la presse sur sa vision du célibat, de l’amour et de la maternité et estime, citant un jugement du 9 février 2012, que ses démarches pour lever le voile sur plusieurs aspects de sa vie privée sont à l’origine de cette suscitation de la curiosité du public alors qu’elle s’est exposée à loisirs au vu et au su de tous devant les caméras et les photographes couvrant cette manifestation sportive internationalement renommée, diffusée et suivie.
Elle rappelle que le tribunal de grande instance de Nanterre a jugé le 22 mars 2012 au sujet de deux articles ne faisant aucune révélation sensationnelle sur la vie privée d’un célèbre acteur britannique que le caractère anodin des informations relatées résulte du fait qu’elles ont été divulguées à l’initiative de Mme X. sans aucune opposition de sa part dans différents médias y compris à son initiative propre par l’intermédiaire de son attaché de presse.
Elle soutient qu’il est constant que « la protection de la vie privée n’est pas due lorsque les informations publiées concernant la personne présentent un caractère anodin ».
Elle fait état de l’évidente complaisance de Mme X. qui accepte, voire même favorise la publication d’informations relevant de sa plus stricte intimité et de ses relations sentimentales dans des magazines et sur son site Facebook et cite des extraits d’entretiens.
Elle considère donc qu’elle se sert ainsi des médias pour évoquer les éléments qui relèvent de sa vie intime et sentimentale (relations passées, actuelles, ruptures ou recherche de l’âme sœur et désir d’enfants) et en livrer les détails.
Elle en conclut que ses déclarations et sa tolérance quant à leur divulgation et diffusion font rentrer ainsi, de sa propre initiative, le public dans la sphère intime de sa vie privée et sentimentale.
Elle fait valoir, citant un jugement, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme et un auteur, qu’un tel comportement doit être pris en compte dans l’évaluation de son prétendu préjudice.
Elle reproche au tribunal d’avoir retenu dans les motifs la complaisance de l’intimée sans en tirer toute les conséquences sur l’ampleur de l’atteinte et du préjudice subséquent invoqué.
Elle fait également état de sa tolérance à l’égard des sites tiers qui sont à l’initiative de la divulgation des clichés litigieux tels que le site de la société Getty Images ou d’autres.
Elle affirme enfin que Mme X. n’a pas démontré l’existence et la réalité de son préjudice au jour du jugement.
Elle s’oppose à la demande d’interdiction de toutes nouvelles publications des photographies litigieuses, ces photographies n’étant pas publiées par l’appelante mais par une société tierce à l’instance.
Elle ajoute que ces photographies ne constituent aucunement une intrusion dans sa vie privée, ces clichés ne la figeant pas dans un moment de vie intime et n’ayant pas de répercussion sur sa vie privée du fait de leur divulgation des clichés litigieux dès lors qu’elle en tolère la publication sur le site de Getty Image.
Elle réfute également toute atteinte à sa dignité.
Elle conclut que l’atteinte ne pourrait donner lieu qu’à une réparation symbolique soit 1 euro.
A titre subsidiaire, la société soutient que Mme X. n’établit ni la réalité ni l’étendue de son préjudice.
Elle rappelle que celui-ci doit être apprécié à la date de la décision.
Elle souligne qu’elle avait retiré les clichés de son site avant même la délivrance de l’assignation.
Elle reproche au tribunal de ne pas avoir pris en compte ce retrait et, donc, la cessation de leur diffusion.
Elle fait état de l’absence d’élément justifiant un préjudice et de la publication de ces clichés sur d’autres sites étant souligné que la capture d’écran du site Getty Images porte sur son site français.
Elle affirme que l’intimée ne démontre pas avoir demandé le retrait de ces photographies de ce site, la pièce produite ne comportant aucune référence à ces images.
Elle considère que, si elle a assigné la société Bestimage dont les logos seraient apposés sur les photographies, elle ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui dont elle a demandé réparation à celle-ci.
Elle conteste toute « paparazzade » et toute représentation dans des poses ridicules.
Elle rappelle que si l’atteinte portée à la vie privée en violation de l’article 9 du code civil est en elle-même génératrice d’un dommage dont la réalité n’a pas à être prouvée, il appartient à la demanderesse d’établir la preuve de l’importance de celui-ci et d’en démontrer l’étendue et cite des décisions.
Elle reprend ses moyens précités.
Elle ajoute que Mme X. ne démontre pas l’ampleur de la diffusion du contenu litigieux – son chiffre d’affaires ne pouvant être pris en compte – et souligne que la parution sur le web est de moindre impact que dans les journaux. Elle précise que l’huissier a relevé la trace de 14 partages de l’article.
Aux termes de ses écritures précitées, Mme X. rappelle le texte de l’article et des clichés qui prétendent la représenter « très amoureuse » avec son compagnon et affirme que ces clichés la figent dans des poses ridicules.
Elle soutient que l’atteinte à sa vie privée est démontrée, les écrits poursuivis n’étant pas consacrés à rendre compte de la présence de la comédienne à une manifestation sportive, mais à supputer sur sa vie sentimentale.
Elle les cite et reproche à l’appelante de supputer sur ses sentiments en prétendant sans aucune précaution ni vérification qu’elle serait :
– « également très amoureuse », par référence au titre de l’article qui concerne une autre comédienne,
– « avec son compagnon », par référence à l’homme qui est assis à ses côtés sur les clichés volés.
Elle affirme que ces deux imputations relèvent manifestement de la sphère protégée de la vie privée au sens des dispositions des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
Elle affirme également que la diffusion de sept clichés pris à son insu, alors qu’elle se trouvait dans des moments d’intimité et de détente, dans les tribunes, qui la surprennent dans des poses ridicules, porte atteinte au droit exclusif dont elle dispose sur son image et se prévaut des termes du jugement.
Elle estime qu’il est donc inopérant de faire valoir que la presse pouvait rendre compte de la présence de la comédienne à cette manifestation sportive, les écrits litigieux étant consacrés à ses sentiments les plus intimes supposés, ou la photographier à son arrivée dans le cadre prévu à cet effet (« photo call, tapis rouge », selon les usages), les clichés volés la surprenant dans des poses ridicules ayant été réalisés à son insu, dans les tribunes, selon un procédé déloyal.
Elle relève que le site ne produit aucune pièce nouvelle rapportant des éléments établissant le bienfondé de ces deux affirmations (« très amoureuse, avec son compagnon »), ce qui atteste de plus fort de sa légèreté blâmable et de sa parfaite mauvaise foi.
Elle fait valoir que l’amour prétendument porté par la comédienne à son compagnon supposé ne relève pas d’un sujet banal ou anodin, ce qui aurait dû conduire le site à la plus grande prudence dans l’expression.
En ce qui concerne le préjudice, elle rappelle que la seule constatation de l’atteinte au respect dû à la vie privée et à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation du préjudice moral qu’il a nécessairement causé, s’agissant de supputations infondées sur sa vie intime et de la diffusion de clichés volés lors de moments de loisirs et de détente à seule fin de la présenter avec son prétendu compagnon dans des poses ridicules ou dégradantes.
Elle estime que les supputations du site relativement à sa vie intime et les sept clichés volés qui prétendent la représenter avec son compagnon, ne relèvent pas d’un sujet d’intérêt général légitime.
Elle ajoute qu’il ne s’agit pas davantage de « photos officielles ».
Elle soutient que son préjudice moral qui en résulte est aggravé par le sentiment désagréable d’avoir été involontairement exposée dans des poses ridicules, alors même que sa présence à un événement sportif pouvait être rapportée par la seule reproduction des images posées, réalisées avec son accord, que le site diffuse aussi.
Elle fait donc valoir que c’est en vain que le site invoque les images diffusées par une agence de presse dont le site est à Londres et des entretiens consentis par elle dans le cadre de ses activités professionnelles.
Elle ajoute que l’appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu’elle avait connaissance des images diffusées par la société américaine Getty images ni que le droit applicable à ses activités permettrait de la poursuivre sur le plan judiciaire.
Elle soutient, citant un arrêt de la cour d’appel de Versailles, qu’il est inopérant d’invoquer le retrait du contenu ou la diffusion d’images illicites par d’autres organes de presse à seule fin de contester l’étendue du préjudice causé par sa faute.
Elle déclare qu’informée de la diffusion par la société Getty Images de trois clichés prétendant la représenter lors de la même manifestation sportive avec « son compagnon », sans toutefois exposer qu’elle serait « très amoureuse », elle a pris les mesures nécessaires et affirme en justifier.
Elle déclare que les simples captures d’écran produites par l’appelante concernent les pages du site américain (http ://www.gettyimages.com) et non pas français de l’agence Getty Images, lequel les a supprimées à la suite de son intervention et que les trois images produites par l’appelante ne sont plus diffusées par le site de la société américaine Getty images.
Elle affirme par ailleurs que la société appelante ne justifie pas des modalités d’acquisition par elle de ces images auprès de la société Best Images.
Elle soutient que la présente action suffit à démentir toute complaisance et à établir sa volonté de bénéficier de la protection de sa vie privée.
Elle réclame le paiement d’une somme de 12 000 euros, la violation de ses droits qui n’obéit à aucune démarche d’information sur un sujet légitime ayant pour seul objectif d’accroître les bénéfices de la société Webedia, le
« premier groupe de contenus de divertissement » hexagonal, qui réalise un chiffre d’affaires de cent millions d’euros par an.
Elle réclame la confirmation du jugement en ce qu’il a interdit toute nouvelle reproduction de ces photographies, intrinsèquement attentatoires aux droits de la personnalité de la comédienne et ces clichés ne pouvant s’inscrire dans le périmètre d’une légitime liberté d’expression.
DISCUSSION
Sur l’existence d’une atteinte à l’intimité de la vie privé et au droit à l’image
Considérant que les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne quelles que soient sa notoriété, sa fortune ou ses fonctions le respect de sa vie privée et de son image ;
Considérant que l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse, dans le respect du droit des tiers ;
Considérant que la combinaison de ce droit essentiel de la personnalité et de cette liberté fondamentale conduit à limiter le droit à l’information du public, d’une part aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle et, d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général ;
Considérant que l’article litigieux, sous couvert de rendre compte d’une rencontre du tournoi de Roland-Garros, mentionne la présence dans les gradins de personnes connues dont Mme X. ;
Considérant qu’en précisant que Mme X. est « très amoureuse » et a « apprécié le match avec son compagnon », l’article accompagnant les photographies fait état d’une relation amoureuse qu’elle entretiendrait avec l’homme présent à ses côtés ;
Considérant que, comme l’a jugé le tribunal, cette révélation d’une relation sentimentale qu’entretiendrait Mme X. avec un homme déduite de la seule présence de celui-ci à ses côtés, alors qu’aucune attitude équivoque ne ressort des clichés l’illustrant et que Mme X. n’a effectué aucune déclaration à ce sujet, ne peut être considérée comme purement factuelle ;
Considérant que cette publication n’est pas justifiée par l’actualité qui était de rendre compte d’un tournoi de tennis et non des relations sentimentales qu’entretiendraient les spectateurs ;
Considérant que l’assistance de Mme X. à un match où sont présents de nombreux photographes ou son accord pour une séance de pose à cette occasion ne peuvent être considérés comme autorisant la société à publier au soutien de cette actualité sept clichés la représentant en gros plan ainsi légendés ;
Considérant que la circonstance que d’autres agences de presse aient légendé de la même manière ces clichés est sans incidence sur l’existence de l’atteinte portée à la vie privée de l’intimée par la société appelante ;
Considérant que la gravité de ces supputations sur ses sentiments avec une personne précise ne peut pas davantage être relativisée par une prétendue complaisance de l’intéressé dans des entretiens alors qu’elle n’a jamais fait état d’une relation avec l’homme assis à ses côtés ;
Considérant que la publication litigieuse a donc porté atteinte au droit à la protection de la vie privée de Mme X. ;
Considérant que la diffusion de ces clichés, sans son autorisation, a également porté atteinte au droit dont elle dispose sur son l’image ;
Considérant que cette publication non consentie par Mme X. viole donc les droits dont elle dispose sur son image et porte atteinte à sa vie privée ;
Sur le préjudice
Considérant que la seule constatation de la violation de la vie privée ou de celle du droit à l’image ouvre droit à réparation ;
Considérant que le préjudice doit être apprécié à la date de la décision et non à celle de la publication ;
Considérant que, comme l’a relevé le tribunal, l’exposition de la vie privée de Mme X. à des fins commerciales par la société Webedia participe du préjudice subi par elle et les supputations faites, dans les conditions précitées, sur la nature du lien existante entre elle et son voisin aggravent le dommage ressenti ;
Considérant, de même, que certains clichés la représentent dans une attitude peu flatteuse alors qu’elle grimace en mettant de la crème solaire sur son visage ; que sa revendication, dans des entretiens, du « naturel » ou le style des photographies figurant sur son site – dont elle a la maîtrise – ne peuvent lui être utilement opposés dès lors que ces clichés ont été pris à son insu et à cet instant précis ;
Considérant que la société Webedia justifie que des clichés identiques de Mme X. présentant l’homme assis à ses côtés comme son compagnon ont été publiés sur le site de l’agence Getty Images durant une période plus longue ; que Mme X. démontre cependant avoir obtenu le retrait de clichés ;
Considérant que, pour apprécier l’étendue du préjudice, il convient de tenir compte en outre de l’attitude de Mme X. à l’égard des médias auxquels elle a accordé de nombreux entretiens au cours desquels elle n’hésite pas à aborder des détails intimes de sa vie privée, notamment sur sa vie personnelle, son histoire familiale et ses relations sentimentales ; que le contenu de ces entretiens dénote une moindre sensibilité à l’évocation d’éléments personnels de son existence ;
Considérant, enfin, que doit être également prise en considération la durée, limitée, de la publication ;
Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que le préjudice subi par Mme X. a été justement évalué par le tribunal à la somme de 7 000 euros ;
Considérant que la violation des droits de Mme X. rend nécessaire et proportionnée au but recherché la demande d’interdiction de toute nouvelle publication des photographies litigieuses, attentatoires à sa vie privée ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les autres demandes
Considérant que la demande tendant à ordonner à l’appelante de justifier de l’acquisition de ses droits sur les photographies n’est pas, compte tenu de l’objet du litige, justifiée ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que la société Webedia devra payer à Mme X. la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande sur le même fondement sera rejetée ;
DÉCISION
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition, Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Webedia à payer à Mme X. la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Webedia aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Toledano, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Cour : Alain Palau (président), Anne Lelievre (conseiller), Nathalie Lauer (conseiller), Sabine Maréville (greffier)
Avocats : Me Armelle Fourlon, Me Vincent Toledano, Me Gilles Berrih
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