Jurisprudence : Jurisprudences
TGI de Nanterre, Pôle civil – 1ère ch., jugement du 16 mars 2017
Mme X. / Webedia - Purepeople.com
absence d'autorisation - droit à l'image - personnalités publiques - photographies - photos - reproduction - site internet
Par procès-verbal d’huissier de justice du 4 novembre 2015, Mme X. a fait constater la diffusion, sur le site internet purepeople.com édité par la société Webedia, d’un article, depuis le 26 avril 2015 intitulé “ Mme X. et M. Y. : Complices survoltés pour le PSG”, illustré de clichés la représentant.
Estimant ladite publication attentatoire à ses droits de la personnalité, Mme X. a par acte du 9 juin 2016, assigné la société Webedia, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins de réparation du préjudice causé par l’atteinte à ses droits au respect de la vie privée et à son droit à l’image à la suite de la publication de cet article, sur le fondement des dispositions des articles 9 du code civil et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 décembre 2016, elle demande au tribunal de dire dépourvues de force probante les pièces de la société Webedia n°1 a à 1t et n° 17 à 74. Elle entend en outre obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la société Webedia à lui payer une somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts, que soient ordonnés, sous astreinte, une mesure de publication judiciaire, le retrait des 45 clichés volés reproduits sans son autorisation et la remise à son conseil par la défenderesse des factures, bons de commande ou contrats de cession de droits d’auteur relatifs à l’acquisition des droits de diffusion des 45 clichés volés auprès de l’agence Bestimage, que soit fait interdiction sous astreinte à la société éditrice de céder, reproduire ou diffuser par tout moyen, sur tout support, auprès de quiconque et de quelque manière que ce soit, les 45 clichés volés la représentant, l’octroi d’une indemnité de 3.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, enfin la condamnation de la société éditrice aux dépens qui comprendront le coût du constat de l’huissier.
Elle soutient que sous prétexte de rendre compte d’un match de football, le site diffuse sans son autorisation 45 clichés volés la surprenant dans des moments de détente et de loisirs avec son compagnon dans les tribunes au milieu du public, loin des loges officielles du parc des Princes, dans des poses ridicules et dégradantes au mépris de son image “glamour” habituelle, chacune de ces photographies étant accompagnée de la légende “L’actrice Madame X. et Monsieur Y. au parc des Princes pour le quart de finale de la Ligue des champions entre le FC Barcelone et le Paris Saint-Germain, le 15 avril 2015″. Elle considère alors qu’il résulte de la reproduction et de la diffusion de ces 45 clichés volés une violation manifeste du droit au respect dû à sa vie privée et du droit dont elle dispose sur son image. Elle fait valoir que pour contester les manquements invoqués et constatés par un procès-verbal dressé par huissier de justice, la société éditrice se contente de produire des simples captures d’écran sans qu’il soit possible d’en vérifier le contenu invoqué, la date de mise en ligne ou la date de diffusion et que ces pièces sont donc insuffisantes à établir la réalité de la publication des contenus invoqués de sorte que le tribunal ne pourra les prendre en considération.
Sur le préjudice, elle fait valoir que celui-ci est aggravé par le nombre important des clichés volés reproduits sur le site qui témoigne la traque dont elle fait l’objet aux seules fins de satisfaire la curiosité du public sur un site de large diffusion, ce malgré sa volonté notoire de discrétion. Elle justifie sa demande de publication d’un communiqué judiciaire par le caractère intrusif du contenu de l’article et la présentation fallacieuse du site destinée à convaincre de sa prétendue ligne éditoriale stricte.
Dans ses conclusions signifiées le 23 décembre 2016, la société Webedia conclut à titre principal au débouté de l’ensemble des demandes de Mme X., à titre subsidiaire, qu’il ne pourra lui être alloué d’autre réparation que de principe et en tout état de cause, au rejet des demandes d’interdiction et de publication judiciaire. Elle sollicite l’allocation de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation de la demanderesse aux dépens.
La société Webedia fait valoir en substance que l’ensemble des informations contenues dans l’article en cause est consacré à un événement sportif qu’est le match de quart de finale de la ligue des champions disputé entre le FC Barcelone et le PSG, que le contenu litigieux illustre cet événement auquel assistent de nombreuses personnalités, dont la demanderesse et son compagnon, et s’inscrit donc dans le commentaire de l’actualité sportive. Elle précise que le contenu de l’article qui n’est pas poursuivi évoque la complicité de la requérante et de son compagnon notoire M. Y. et que les clichés la représente dans des postures de supporter et non dans des positions ridicules ou dégradantes, dans les tribunes du parc des Princes qu’elle à l’habitude de fréquenter, sa présence ayant été relevée dans plusieurs médias généralistes sans réaction de sa part. Elle considère que la demanderesse ne pouvait ignorer qu’elle serait dans le champ des photographes et des caméras de télévision chargés de rendre compte du match concerné et elle a donc implicitement mais nécessairement rendu publique sa participation à cette manifestation et en déduit que la publication des clichés en cause ne relève pas de la vie privée mais appartient par nature à le vie publique. Elle soutient en outre que l’atteinte invoquée par Mme X. doit s’apprécier à l’aune de sa complaisance dans l’évocation de sa vie privée et sentimentale et des conditions dans lesquelles son image est représentée à l’occasion de sa présence régulière lors de manifestations sportives diverses. Elle soutient la tolérance de la requérante à l’égard des sites tiers qui sont à l’initiative de la divulgation des clichés litigieux et qu’elle ne poursuit pas devra être également prise en compte pour ramener les demandes indemnitaires de celle-ci à de plus justes proportions. Elle relève également au titre de l’appréciation du préjudice, le caractère tardif de l’assignation délivrée plus de quatorze mois après la publication de l’ article, l’absence de démonstration de ce préjudice, le ton factuel et neutre des légendes des clichés, l’absence de révélation et de toute évocation concernant l’intimité de la demanderesse et l’accessibilité très limitée des clichés en cause, l’article ayant en outre été retiré du site avant la délivrance de l’assignation. Sur la force probante des éléments qu’elle verse au débat, elle fait valoir que les captures d’écran fournies reprennent l’adresse URL du site capturé ainsi que la date et l’heure à laquelle ces captures ont été effectuées et que ces pièces produites soumises au contradictoire et dont seule la force probante est contestée, seront à apprécier au moment de l’examen des demandes qu’elles ont pour objet d’étayer.
DISCUSSION
A titre liminaire il convient de relever qu’il n’est pas contesté par la demanderesse que les pièces n°1a à 1t et n° 17 à 74. lui ont été régulièrement communiquées, seules leur valeur probante étant remise en cause par celle-ci aux motifs qu’il s’agit de simples captures d’écran qui seraient insuffisantes à démontrer la réalité des contenus, leurs dates et leur caractère public. Aussi, ces pièces seront analysées par le tribunal pour en apprécier l’effet au fur et à mesure de l’examen des moyens de défense à l’appui desquels celles-ci sont produites.
Sur l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image :
Les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image.
L’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public, d’une part, aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle et, d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.
Selon le constat dressé par huissier de justice le 4 novembre 2015, est diffusé sur le site purepeople.com un article “ Mme X. et M. Y. : Complices survoltés pour le PSG” en date du 26 avril 2015, consacré à la présence de M. Y. et de Mme X. dans les tribunes du parc de Princes lors du quart de final de la Ligue des champions opposant le FC Barcelone au PSG. Cet article est illustré de 45 clichés représentant Mme X. seule ou en compagnie de M. Y. à l’occasion de ce match de football.
Il convient tout d’abord de préciser que contrairement à ce que fait valoir la défenderesse, la propension de Mme X. à s’exprimer auprès des médias sur sa vie personnelle, à la supposer établie, si elle peut être prise en considération pour l’évaluation du préjudice, ne prive pas cette dernière du droit qui lui est conféré, notamment par les dispositions de l’article 9 du code civil, de s’opposer à la révélation d’éléments relevant de sa vie privée sur lesquels elle ne s’est pas exprimée et qui n’est pas justifiée par un débat d’intérêt général ou un événement d’actualité.
Dans ses dernières écritures, Mme X. critique l’article en cause uniquement en ce qu’il est illustré de 45 clichés la représentant dans les tribunes du parc des Princes en train d’assister à un match de football.
Si la société éditrice pouvait légitimement relater l’événement d’actualité qu’était le match qui opposait le PSG et le FC Barcelone le 15 avril 2015 à l’occasion de la ligue des champions, tel n’est pas le cas de la présence à ce match de Mme X. en compagnie de M. Y., qui n’a aucun lien avec l’actualité “footballistique”. En effet, la présence d’une personnalité publique à une manifestation sportive dans les tribunes parmi des anonymes, aussi médiatisée soit cette manifestation, relève des loisirs de celle-ci et appartient à la sphère privée de cette dernière. Or, il n’est pas démontré par la société éditrice que la demanderesse était présente à ce match dans le cadre de ses activités professionnelles ni que par sa présence dans les tribunes officielles du parc des Princes aux côtés d’autres personnalités, tribunes sous les feux des médias, cette dernière a manifesté sans ambiguïté sa volonté de faire entrer dans le champ public sa participation à cet événement sportif.
La publication de 45 clichés représentant Mme X. dans les tribunes du parc des Princes dans des moments de détente en train d’assister à titre personnel à un match de football en fervente supportrice porte atteinte à sa vie privée, sa seule présence à un événement sportif ne pouvant être considéré comme une information à caractère public, sauf à méconnaître la liberté d’aller et venir de la demanderesse, quelque soit sa passion pour le sport.
La reproduction sans son autorisation des clichés la représentant méconnaît en outre son droit à l’image.
En outre, la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle ces clichés ont été antérieurement diffusés par d’autres médias, Mme X. ne justifiant pas avoir poursuivi ces publications, est inopérante dans le cadre de l’appréciation de l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image, cette diffusion n’ayant pas été consentie par la demanderesse qui conserve le choix d’agir contre telle société éditrice plutôt qu’une autre.
L’atteinte aux droits de la personnalité de Mme X. est ainsi caractérisée
Sur la réparation du préjudice
La seule constatation de la violation de la vie privée ou bien de celle du droit à l’image ouvre droit à réparation, dont la forme est laissée à la libre appréciation du juge, qui tient de l’article 9 du code civil le pouvoir de prendre toute mesure propre à empêcher ou à faire cesser l’atteinte ainsi qu’à en réparer le préjudice, son évaluation étant appréciée par le juge au jour où il statue.
La publication de quarante cinq clichés représentant Mme X. à l’occasion de moments de détente participe de son préjudice.
En revanche, l’ensemble de ces clichés pris dans un lieu public à l’occasion d’un match de football la représentant passionnée par le jeu qui se déroule devant elle, laissant éclater sa joie ou adoptant une mine plus sombre selon son appréciation du match, ne la montre pas, comme elle le soutient, dans des poses ridicules ou dégradantes mais comme une supportrice apparaissant apprécier pleinement le match auquel elle assiste. En outre, la demanderesse n’invoque pas utilement le suivi dont elle serait l’objet, l’ensemble des clichés ayant été fixé dans un même trait de temps.
De plus, l’ampleur de la diffusion de l’article n’est pas démontrée, le procès-verbal de constat précité montrant que l’article n’apparaît qu’après la consultation de plusieurs pages lorsque le nom de Mme X. est saisi par l’internaute à titre de requête.
Il convient également de relever avec la défenderesse que Mme X. a, à plusieurs reprises, dévoilé aux médias des éléments relevant de sa vie privée se confiant sur ses habitudes de vie, ses loisirs, ses passions artistiques ou pour le jeu, sa vie de famille, son rôle de mère suscitant ainsi l’intérêt du public, les copies de pages internet que la défenderesse verse au débat reproduisant des articles publiés sur des sites internet et auxquels la requérante a consenti, sont datés et leur contenu n’est pas utilement contesté par la demanderesse.
En outre, Mme X. n’établit pas l’ampleur des conséquences qu’elle invoque, des révélations publiées dans l’article litigieux sur elle-même ou son environnement familial, étant relevé qu’elle a attendu plus d’une année après la publication de l’article en cause pour introduire la présente action, ce qui témoigne de son moindre impact sur l’intéressée.
Néanmoins, la copie de page internet versée au débat par la société éditrice pour démontrer qu’elle a retiré l’article en cause avant l’assignation ne sera pas retenue, celle-ci ne comportant aucune date certaine.
En considération de ces éléments, le préjudice de Mme X. sera entièrement réparé à hauteur d’une somme de 1.000 euros au titre de l’atteinte à ses droits de la personnalité, sans qu’il soit besoin d’accueillir à titre de réparation complémentaire, la demande de publication d’un communiqué judiciaire qui apparaît au vu de ce qui précède disproportionnée.
La demande de communication de pièces de Mme X. concernant l’acquisition des droits des 45 clichés auprès de la société Bestimage ne sera pas plus accueillie, celle-ci ayant obtenu réparation de son entier préjudice tel qu’évalué au vu des documents produits, au terme de ce jugement.
La violation délibérée de la loi par la défenderesse rend nécessaire et proportionnée au but recherché la demande d’interdiction de toute nouvelle publication des photographies litigieuses attentatoires à la vie privée de Mme X., suivant les modalités précisées au dispositif.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais par elle exposés et non compris dans les dépens. La société Webedia sera condamnée à verser à Mme X. une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le coût du procès-verbal du constat d’huissier du 4 novembre 2015.
– Sur l’exécution provisoire :
La nature de l’affaire, en particulier son caractère indemnitaire, justifie le prononcé de l’exécution provisoire.
DÉCISION
CONDAMNE la société Webedia à payer à Mme X. la somme de 1.000 euros en réparation de l’atteinte portée à ses droits de la personnalité,
FAIT INTERDICTION à la société Webedia de reproduire les quarante-cinq clichés représentant Mme X. dans les tribunes du parc des Princes à l’occasion du match de la ligue des champions opposant le FC Barcelone au PSG le 15 avril 2015 et publiés en marge de l’article “ Mme X. et M. Y. : Complices survoltés pour le PSG” en date du 26 avril 2015, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée dans les huit jours de la signification de la décision,
SE RESERVE la liquidation de l’astreinte,
CONDAMNE la société Webedia à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le coût du procès-verbal du constat d’huissier du 4 novembre 2015,
REJETTE toutes autres demandes plus amples et contraires,
ORDONNE l’exécution provisoire,
CONDAMNE la société Webedia aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Tribunal : Anne Beauvois (1ère vice-présidente), Estelle Moreau (vice-présidente), Agnès Cochet-Marcade (vice-présidente), Geneviève Cohendy (greffier)
Avocats : Me Vincent Toledano, Me Armelle Fourlon
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