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Jurisprudence : Jurisprudences

vendredi 15 juin 2018
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Tribunal de commerce de Dijon, jugement du 7 juin 2018

Déco Relief / Logomotion

absence de preuve de l’inexécution - contrat - exécution du projet - migration - onstat d’huissier effectué avant la fin du contrat - site internet

La Société S.A.S. Déco Relief a pour objet social l’exploitation d’une activité de vente en ligne de matériel professionnel de boulangerie, pâtisserie et chocolaterie. Elle a son siège social à Talant (21240).

La société S.A.R.L. Logomotion exerce une activité d’agence de communication spécialisée dans la création de site internet. Elle a son siège social à Messigny et Vantoux (21380).

Suivant devis signé en date du 27 novembre 2014, Déco Relief avait confié à Logomotion des travaux de migration sur son site web d’une version Prestashop 1.4 à Prestashop 1.6 et la mise en place d’un nouveau serveur web. Le devis présenté le 20 novembre 2014 a été signé le 27 novembre 2014 par Déco Relief, lequel fixait les prestations que Logomotion s’engageait à réaliser, à savoir :
– Le paramétrage de fonctionnalités d’emailing, de tracking et de productivité pour un montant de 2.405 € HT,
– La mise en place d’un nouveau module de page d’accueil du site internet pour un montant de 6.045 € HT,
– Une prestation de renforcement du référencement pour un montant de 65 € HT,
– L’installation et le paramétrage du module Marketplace Amazon pour un montant de 910 € HT,
– Des prestations relatives au changement de serveur web et à la migration du site de la version 1.4 à la version 1.6 de Prestashop pour un montant de 8.450 €, dont 1.430 € HT correspondant au nouveau serveur actuellement en exploitation,
– Soit un montant total de prestations commandées d’un montant de 17.875 € H.T, soit 21.450 € TTC.

Le paragraphe « Conditions Générales de Vente » du devis du 20 novembre 2014 prévoyait l’échéancier de paiement suivant :
– Situation 1 : paiement par traite de 5.124 € à échéance au 1er mars 2015,
– Situation 2 : paiement par traite de 8.163 € à échéance au 1er avril 2015,
– Situation 3 : paiement par traite de 8.163 € à échéance au 1er mai 2015.

Le total de ces trois situations porte bien sur la somme de 17.875 € H.T., étant précisé au paragraphe « Conditions Economiques de Productions » que les prix exprimés sont en euros et hors taxes.

Ce même devis mentionnait un paragraphe, alinéa 3 : « Sont exclues des prix indiqués les prestations suivantes : les corrections d’auteur (définies comme suit : toute modification structurelle, textuelle, visuelle, graphique apportée sur des éléments fournis par le client et intégrés dans les pages ou sur des éléments graphiques produits par le prestataire ayant fait l’objet d’une validation par le client). Ces corrections seront facturées en sus au moment de la livraison de la prestation principale) ».

En cours d’exécution du projet, il n’est pas contesté par Déco Relief que celle-ci a formulé 85 nouvelles demandes d’évolutions et de modifications autres que les développements et paramétrages convenus aux termes du devis du 27 novembre 2014. Ces demandes ont entraîné une surfacturation de 3.997,50 € HT de la part de Logomotion.

Une dernière facture d’un montant de 1.848 € HT, soit 2.217,60 € relative à la gestion du serveur, de la messagerie, hotline et référencement pour la période 2017 n’a pas été réglé à ce jour par la Déco Relief.

Déco Relief a réglé les factures suivantes : 5.124 € TTC du 24 novembre 2014 (situation n°l), 8.163 € TTC du 12 janvier 2015 (situation n°2), 7.560 € du 4 décembre 2015 (modifications), 5.400 €
TTC du 17 décembre 2015 (modifications).

Les relations entre les parties ont commencé à se dégrader à compter du mois d’avril 2016 lorsque Déco Relief a reproché à Logomotion de ne pas avoir finalisé le site internet. Elle lui a reproché notamment l’inexploitation du site web, les erreurs non corrigées et constatées par quatre procès-verbaux de constat d’huissier en date du 21 avril 2016, 24 mai 2016, 15 juin 2016 et 4 juillet 2016. Déco Relief a relevé que les prestations facturées par Logomotion n’ont pas toutes été réalisées.

Les démarches amiables s’étant révélées vaines, elle a adressé un courrier à Logomotion en date du 28 juillet 2016 par l’entremise de son conseil, Maître Kouma, puis par courrier du 5 décembre 2016 envoyé par ce même conseil.

De son côté, Logomotion, par courrier du 11 avril 2016, déplorait que Déco Relief :
– Formule des demandes constantes d’évolution (85 au total) du site internet, ce qui générait un décalage du planning et des coûts supplémentaires ;
– Ne lui communique pas les éléments, en particulier les images nécessaires à la finalisation du site internet.

Autrement dit, Logomotion reprochait à Déco Relief de manquer à son obligation de collaboration.

Par courrier du 21 juillet 2016, Logomotion confirmait les termes de son courrier du 11 avril 2016.

Le 28 juillet 2016, Logomotion informait Déco Relief que son nouveau site était fonctionnel et qu’elle pouvait procéder à la mise en ligne de celui-ci, dont voici un extrait : « Les correctifs ont été apportés sur votre serveur depuis leur réalisation. Vous pouvez donc dès lors migrer votre nouveau site très facilement, dès lors que vous aurez procédé aux dernières mises à jour du contenu ». Logomotion reprocha à Déco Relief d’avoir fait réaliser quatre constats d’huissier sur des versions intermédiaires et non finalisées du site puisqu’antérieures à la date du 28 juillet 2016.

Le 5 décembre 2016, la S.A.S. Déco Relief réitérait sa mise en demeure.

Le 31 août 2017, Logomotion faisait réaliser un constat d’huissier en reproduisant le même scénario de tests que ceux effectués par l’huissier mandaté par Déco Relief.

PROCÉDURE :

C’est dans ces circonstances que par acte du 2 février 2017, Déco Relief a délivré assignation à Logomotion d’avoir à comparaître devant Je Tribunal de Commerce de Dijon pour voir principalement prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de Logomotion.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Déco Relief demande au tribunal :
– de prononcer la résolution du contrat conclu entre elle et Logomotion aux torts exclusifs de cette dernière avec toutes conséquences de droit,
En tous les cas :
– à être autoriser à faire réaliser aux frais de Logomotion les travaux nécessaires au bon fonctionnement de son site,
– de condamner Logomotion à payer à Déco Relief une somme de 50.000 € au titre du coût des travaux de mise en conformité du site,
– de condamner Logomotion à payer à Déco Relief une somme de 44.122 € au titre des factures réglées,
– de condamner Logomotion à payer à Déco Relief une somme de 5.000 € au titre l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– de débouter purement et simplement Logomotion de l’ensemble de ses demandes,
– de condamner Logomotion aux entiers dépens.

La société Logomotion demande au tribunal de :

A titre principal,
– Dire et juger que Déco Relief ne rapporte pas la preuve de la réalité des dysfonctionnements et des incomplétudes qu’elle allègue,
– Dire et juger que Déco Relief rapporte encore moins la preuve de l’imputabilité à la Logomotion des dysfonctionnements et des incomplétudes qu’elle allègue,
– Débouter Déco Relief de l’intégralité de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire,
– Dire et juger que Déco Relief ne justifie ni du principe, ni du quantum de sa réclamation,
– Débouter Déco Relief de l’intégralité de ses demandes.

A titre reconventionnel,
– Condamner Déco Relief à payer à la S.A.R.L. Logomotion une somme de 2.217,60 € TTC au titre des factures restant dues,
– Condamner Déco Relief à payer à Logomotion une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
– Condamner Déco Relief à payer à Logomotion une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner Déco Relief aux entiers dépens d’instance,
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le Tribunal se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens des parties à l’exploit introductif d’instance, aux éléments de procédure et aux documents versés au débat.

L’affaire a été renvoyée à l’audience du 25 janvier 2018, date à laquelle elle a été plaidée et mise en délibéré, pour décision être rendue le 31 mai 2018, le délibéré a été prolongé jusqu’à ce jour.

DISCUSSION

Sur la demande principale en résolution du contrat :

Attendu que selon les dispositions de l’ancien article 1184 du Code Civil (article en vigueur puisque le contrat conclu entre les parties date du 27 novembre 2014, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 10 février 2016), la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ;
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Attendu que dès lors, il appartient à Déco Relief, qui demande la résolution du contrat, de prouver que Logomotion aurait failli à son obligation de délivrance d’un site internet exempt de dysfonctionnements ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que Déco Relief a fait réaliser des constats d’huissier avant la date du 28 juillet 2016, date à laquelle Logomotion informait Déco Relief que son nouveau site était fonctionnel et qu’elle pouvait procéder à sa mise en ligne ;

Attendu que ces constats d’huissier sont intervenus trop tôt puisqu’ils ne portent pas sur la dernière version du site internet réalisé par Logomotion ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que Déco Relief a fait réaliser à Logomotion pas moins de 85 modifications ou demandes d’évolution du site en cours de migration, que ces demandes ont eu pour conséquence de retarder la délivrance du site final ;

Attendu au surplus, que Déco Relief n’a pas répondu à la demande de Logomotion datant du 11 avril 2016 aux termes de laquelle Logomotion demande à Déco Relief de lui transmettre l’image de fond pour la page d’accueil du site internet (point 2° du courrier) et que dans son point n°3 du même courrier, Logomotion précise bien qu’elle ne saurait être tenue pour responsable d’un quelconque retard de mise en ligne pour cause d’élément (fichier, image… ) manquant non-transmis par Déco Relief ;

Attendu qu’il apparaît ainsi que Déco Relief a manqué à son obligation de collaboration en ne transmettant pas au prestataire Logomotion les éléments demandés pour alimenter le site internet et lui permettre de mener à bien sa mission ;

Attendu que le tribunal considère que Logomotion n’a pas failli à ses obligations contractuelles en tentant à chaque fois de répondre aux demandes subsidiaires de Déco Relief et en prenant soin de relancer son client par courrier à chaque fois qui lui manquait des éléments ;

Attendu qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que Déco Relief ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des manquements reprochés à Logomotion ;

Qu’en conséquence, Déco Relief sera déboutée de sa demande de résolution du contrat dès lors qu’elle ne justifie d’aucun grief de nature à rendre juridiquement fondée au regard de l’article
1184 du Code civil une telle demande ;

Sur les réclamations financières :

Attendu qu’il n’est pas contesté que Déco Relief a réglé plusieurs factures d’un montant total TTC de 29.831€ pour l’ensemble des prestations effectuées par Logomotion et que le surplus de facturation porte sur une somme de 4.797 € TTC ; que Déco Relief ne peut dès lors justifier le paiement par Logomotion d’une somme de 44.120 € au motif que le site ne fonctionnerait pas ;

Qu’à la lecture du Grand Livre Auxiliaire (pièce n°4 dossier Déco Relief), il apparaît que certaines sommes versées par Déco Relief à Logomotion ne concernent pas le dossier objet du litige et il semblerait que Déco Relief ait fait amalgame entre ces sommes globales et celles relatives au différend qui oppose aujourd’hui les parties ;

Attendu que Déco Relief ne justifie pas non plus la somme de 50.000 € demandée au titre des coûts qu’elle juge nécessaire pour finaliser son site internet ;

Attendu que le tribunal ne comprend pas une telle demande d’autant que Déco Relief a fait parvenir au tribunal un devis de 13.000 € HT établit par Axemicro en date du 3 juin 2016, soit une somme bien inférieur au 50.000 € demandés par Déco Relief à Logomotion ; qu’en tout état de cause, Déco Relief ne justifie pas avoir régler cette somme de 13.000 € et que le détail du devis ne permet pas de savoir s’il s’agit de travaux de correction ou de modification du site internet réalisé par Logomotion ;

Attendu que la demande totale de remboursement de Déco Relief à l’encontre de Logomotion porte sur une somme globale de 94.120 € alors que l’ensemble des factures par elle payées à ce jour s’élève à la somme de 29.831 €, le tribunal ne saurait faire droit à une telle demande qui reviendrait à faire bénéficier à Déco Relief d’un nouveau site internet à titre gracieux ;

Sur les demandes reconventionnelles de Logomotion :

1°/ Paiement d’une facture impayée

Attendu qu’il ressort des éléments mentionnés ci-avant que Logomotion a rempli son obligation contractuelle qui a nécessité plusieurs surcoûts de facturation suite aux 85 demandes de modifications et d’évolution formulées par Déco Relief et qu’elle n’est pas en mesure de prouver que Logomotion a failli à sa mission, cette dernière est donc bien fondée à solliciter le paiement de sa facture aujourd’hui impayée et qui porte sur une somme de 2.217,60 € TTC ;

2°/ Procédure abusive et vexatoire

Attendu qu’il ressort des éléments de discussion de Logomotion que la procédure abusive et vexatoire n’est pas démontrée par cette dernière et qu’à ce titre, le tribunal ne saurait la retenir et justifier ainsi le paiement d’une somme de 5.000 € par Déco Relief au profit de Logomotion à titre de dommage et intérêt pour procédure abusive et vexatoire ;

Sur l’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile :

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Logomotion les frais irrépétibles qu’elle a engagés à l’occasion des présentes procédures, que le Tribunal condamnera Déco Relief au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC ;

Sur l’exécution provisoire

Attendu que la demande d’exécution provisoire formulée par Logomotion paraît injustifiée et en tous cas mal fondée, que le Tribunal ne l’ordonnera pas ;

Sur les dépens :

Attendu que les dépens devront être supportés par Déco Relief qui succombe ;


DÉCISION

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort ;

Déboute Déco Relief de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne la société Déco Relief à payer à la société Logomotion la somme de 2.217,60 € TTC au titre des factures restant dues ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire formulée par Logomotion à l’encontre de Déco Relief ;

Condamne la société Déco Relief à payer à la société Logomotion la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 CPC ;

Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement ;

Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en déboute ;

Condamne la société Déco Relief en tous les dépens de l’instance ;

Les dépens visés à l’article 701 du CPC étant liquidés à la somme de 77,08 euros.


Le Tribunal :
Sandrine Bratigny (président), Dominique Bourgois (juge), Frédéric Vaussard (juge), Alexandra Bruguier (greffier)

Avocats : Me Ousmane Kouma, Me Nicolas Herzog

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