Jurisprudence : E-commerce
Tribunal de grande instance de Paris 2ème chambre 2ème section Jugement du 04 avril 2014
High Tech Discount et autres / M. S. M.
condamnation - demande abusive - dessins et modèles - hébergeur - plateforme de mise en relation - retrait - site internet
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société High Tech Discount, dont l’activité est le négoce d’accessoires destinés à la télécommunication et plus particulièrement l’importation de Chine de housses et émis de protection pour téléphones mobiles, expose que M. S. M. a déposé les dessins et modèles suivants :
– dessin et modèle n°20113309 déposé le 30 juin 2011, intitulé étui pour appareil électronique et comportant trois figures numérotées de 001 à 003,
– dessin et modèle n°20114889 déposé le 29 septembre 2011 et intitulé étui pour ordinateur portable et tablette multimédia.
Estimant que ces dessins ou modèles ne seraient pas nouveaux et dotés d’un caractère propre, la société High Tech Discount a, par acte du 13 septembre 2012 auquel se sont jointes comme intervenants volontaires (sic) les sociétés Ebestpro, Mega-GSM et MSIE ainsi que M. B., fait assigner M. M. aux fins d’en obtenir l’annulation ainsi que l’allocation de dommages- intérêts.
Dans ses conclusions récapitulatives du 9 janvier 2014, la société High Tech Discount, après avoir réfuté les arguments présentés en défense, demande en ces termes et en présence des intervenants volontaires au tribunal de :
– déclarer le défendeur irrecevable et mai fondé en ses fins et dénégations,
– l’en débouter.
Au principal :
– donner plein effet à l’acquiescement du défendeur,
– la recevoir en ses fins et prétentions,
– les dire bien fondées,
– recevoir les intervenants volontaires en leur intervention principale,
– la dire recevable et bien fondée.
En conséquence :
– prendre acte du jugement du 28 juin 2013 quant aux dépôts 20113309 et 20114689,
– prononcer l’annulation des dépôts et enregistrements des modèles français numéros 20113309-001, 20113309-002, 20113309-003 et 20114689-001,
– ordonner la publication (sic) du jugement à intervenir auprès de l’INIM pour le cas de besoin,
– condamner le défendeur au paiement de la somme de 15 000 € à la demanderesse ainsi qu’à chacun des intervenants volontaires à titre de dommages-intérêts,
– condamner le défendeur au paiement de la somme de 15 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens y compris les frais du constat d’huissier du 13 juin 2012,
– ordonner l’exécution provisoire.
Dans ses dernières écritures du 13 décembre 2013, M. S. M., gérant de la société Casperia qui a pour activité la vente par correspondance de produits électroniques et accessoires de téléphonie, entend voir le tribunal :
– le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes, fins et moyens et y faire droit en conséquence.
– dire et juger irrecevables les demandes de condamnation à payer la somme de 15 000 €, formées par la société High Tech Discount pour M. Nabil R et les sociétés Ebestpro, Mega GSM et Multiservices Informatique et Electronique-M.S.I.E en application de l’article 3.1 du code de procédure civile et de la règle « nul ne plaide par procureur ».
– constater que le jugement rendu le 28 juin 2013 sous le numéro de Rôle général 13/02391 par le tribunal de grande instance de Paris a prononcé « la nullité des dessins et modèles enregistrés sous les numéros 20113309-001. 20113309-002. 20113309-003 et 20114689-001 pour défaut de caractère propre » et déclarer sans objet les demandes d’annulation formées dans le cadre de la présente instance,
– dire et juger irrecevables les demandes de la société High Tech Discount. M. Nabil B. et des sociétés Ebestpro, Mega GSM et Multiservices Informatique et Electronique-M.S.I.E en nullité desdits dessins et modèles,
– dire et juger irrecevables les demandes de la société High Tech Discount, M. Nabil B. et des sociétés Ebestpro, Mega GSM et Multiservices Informatique et Electronique-M.S.I.E pour défaut d’intérêt à agir et en conséquence les débouter,
– débouler la société High Tech Discount. M. Nabil B. et les sociétés Ebestpro, Mega GSM et Multiservices lnformatique et Electronique-M.S.I.E de l’ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil.
En conséquence :
– condamner in solidum la société high Tech Discount. M. Nabil B., les sociétés Ebestpro, Mega GSM et Multiservices Informatique et Electronique-M.S.l.E à lui payer somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamner in solidum la société High Tech Discount, M. N. B., les sociétés Ebestpro,. Mega GSM et Multiservices Informatique et Electronique-M.S.I.E aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Alain Bensoussan Selas en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée lors de l’audience de plaidoiries, soit le 23 janvier 2014.
DISCUSSION
Sur la recevabilité des demandes des intervenants volontaires
Selon l’article 3.1 du code de procédure civile, « l’action est ouverte à tous ceux gui ont un intérêt légitime ou succès ou nu rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».
Se fondant sur ce texte, M. M. soutient que M. B. et les sociétés Ebestpro, Mega-GSM et MSIE, qui n’interviennent pas à titre de demandeurs et qui ne développent aucun moyen de droit ou de fait à l’appui des demandes formulées pour leur compte, doivent être déclare irrecevables à agir en application de la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur.
La société High Tech Discount en appelle pour sa part aux dispositions de l’article 6.1 de la CESDH pour soutenir qu’on ne saurait priver le demandeur de son droit d’accès au juge et aux tribunaux.
Cependant, il y a lieu justement de remarquer que M. B. et les sociétés Ebestpro. Mega-GSM et MSIE, qui on ne sait pourquoi n’apparaissaient pas comme demandeurs dans l’acte introductif d’instance alors qu’il n’est pas loisible d’intervenir volontairement dans une instance qui n’existe pas encore, ont continué dans les écritures subséquentes, y compris celles signifiées le 9 janvier 2014, à n’être cités qu’à la rubrique « En présence de », ce qui montre bien qu’ils ne sont donc toujours pas considérés comme demandeurs.
Or, alors qu’aucun développement n’est consacré dans ces écritures, ni à l’activité effectivement exercée par eux, ni à l’intérêt qu’ils auraient à voir annuler les dessins ou modèles en cause, des demandes sont pourtant présentées en leur nom, sans qu’on sache quel en est le fondement.
Dès lors, en vertu tant du texte que de l’adage évoques ci-dessus, il convient de déclarer ces demandes irrecevables.
Sur la validité des dessins ou modèles
Ainsi qu’il a été exposé, la société High Tech Discount demande que les dessins ou modèles numéros 20113309-001, 20113309-002, 20113309-003 et 20114689-001 soient annulés pour défaut de caractère propre et de nouveauté.
Cependant, ainsi que le relève à bon droit M. M. le tribunal de céans, par jugement aujourd’hui définitif du 28 juin 2013 (RG 13/02391) dans le cadre d’un litige l’ayant opposé à M. M. a déjà prononcé la nullité du ces dessins ou modèles, ce qui inclut leurs différentes figures, pour défaut de caractère propre.
En conséquence, sans qu’il soit nécessaire de déclarer irrecevables les demandes présentées à ce titre comme nous y inviterait le défendeur, il y a lieu de constater qu’elles sont sans objet.
Sur la concurrence déloyale
La société High Tech Discount fait valoir que M. M. prenant prétexte de l’existence des dessins ou modèles en question, est intervenu le 23 mai 2012 auprès du site Internet eBay pour que les annonces qu’elle proposait soient retirées de la vente, et ajoute que cette interdiction de pratiquer le commerce lui a été préjudiciable, puisque pour les semaines 21 et 22 de l’exercice 2012, elle a subi une chute de VA de son chiffre d’affaires.
Elle estime que ces agissements fautifs au sens de la loi de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique ont été commis par le défendeur dans l’intention de l’évincer d’un marché potentiel.
Pour sa part, M. M. fait valoir qu’au moment où il a notifié ses droits sur la plateforme eBay, ces modèles étaient valablement enregistrés et ne faisaient l’objet d’aucune contestation, et qu’il s’est donc contenté de mettre en œuvre régulièrement la procédure prévue par ledit site internet, et précise que l’interdiction ne portait que sur les coques présentant un dessin en forme de S identique à ses dessins ou modèles, de sorte que la société demanderesse pouvait exercer le reste de son activité de vente en ligne.
Cependant, même si en 2012 ces dépôts n’avaient pas encore été annules. M. M. ne pouvait ignorer que représentant des dessins fort courants et donc quelque peu artificiels, ils ne pouvaient à eux seuls lui servir à s’assurer un monopole de fait sur la vente d’étuis et de coques de téléphones portables, si bien qu’en les utilisant pour obtenir une interdiction de vente sur un site internet réputé, il a eu un comportement fautif faussant les règles d’une saine concurrence.
Les faits de concurrence déloyale sont donc constitués.
Sur les mesures réparatrices
A part un état des résultats qui ne peut avoir une force probante immense dans la mesure où il ne s’agit que d’un simple document interne qu’aucune pièce ne vient corroborer, la société demanderesse ne produit aucune pièce de nature à préciser de manière fiable son préjudice, qui apparaît néanmoins certain puisque l’interdiction prononcée a eu nécessairement un effet négatif sur les ventes.
Il lui sera alloué à ce titre la somme de 5000 €.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de condamner M. S. M., partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En outre, il doit être condamné à verser à la société High Tech Discount, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au litre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 3000 €, outre les frais de constat d’huissier.
Enfin, les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est de plus compatible avec la nature du litige.
DÉCISION
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort :
– Déclare irrecevables les demandes présentées au nom de M. B. et des sociétés Ebestpro, Mega-GSM et MSIE ;
– Constate que les demandes tendant à l’annulation du dépôt des dessins et modèles 20113309-001, 20113309-002, 20113309-003 et 20114689-001 sont sans objet ;
– Dit qu’en intervenant auprès du site eBay pour que soient retirées certaines ventes de la société High Tech Discount en ne pouvant ignorer que celle intervention s’appuyait sur des dépôts artificiels, M. S. M. a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de celle dernière ;
– Condamne M. S. M. à payer à la société High Tech Discount la somme de 5000 € au titre de la concurrence déloyale ;
– Rejette les demandes plus amples ;
– Condamne M. S. M. à payer à la société High Tech Discount la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais de constat d’huissier ;
– Condamne M. S. M. aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– Ordonne l’exécution provisoire.
Le tribunal : Eric Halphen (vice-président), Arnaud D. (vice-président), François T. (vice-président)
Avocats : Me Monique Stengel, Me Alain Bensoussan
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