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Jurisprudence : Marques

mercredi 20 septembre 2000
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Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 1ère section Jugement du 20 septembre 2000

SA Gaulme et SA Jean-Paul Gaultier / Sté de droit américain International Attorney SA

contrefaçon de marque - nom de domaine - transfert du nom de domaine

Faits et procédure

Jean-Paul Gaultier expose :

– qu’il est titulaire des marques dénominatives et semi-figuratives  » Gaultier  » et  » Jean-Paul Gaultier « ,

– que ces marques, à savoir Gaultier n° 1 371 978, Gaultier n° 510 858, Jean-Paul Gaultier n° 1 641 732, Jean-Paul Gaultier n° 605 921, Jean-Paul Gaultier graphisme n° 1 703 307, Jean-Paul Gaultier graphisme n° 510 859, JPG n° 1 668 583 et JPG n° 629 834, sont protégées en France et à l’étranger, notamment en classe 38, pour les services de télécommunication,

– qu’il a concédé par contrat du 1er juillet 1997, inscrit au registre national des marques le 12 janvier 1998, une licence exclusive d’usage et d’exploitation de l’ensemble de ces marques à la société Gaulme, qui a elle-même concédé une sous-licence à la société Jean-Paul Gaultier,

– que, par contrat du 4 octobre 1999, inscrit au registre national des marques le 13 décembre 1999, il a cédé ses marques à la société Gaulme,

– que ces marques jouissent d’une forte notoriété et sont régulièrement exploitées, notamment sur internet, – que les sociétés du groupe Jean-Paul Gaultier ont enregistré de nombreux noms de domaine formés autour du patronyme Gaultier.

Reprochant à la société International Attorney SA d’avoir déposé auprès de l’opérateur de domaine Internet Internic (NSI) le nom de domaine  » jean-paul-gaultier.org « , la société Jean-Paul Gaultier et la société Gaulme l’ont, par acte du 21 mars 2000, assignée devant ce tribunal, sur le fondement des articles L. 716-1 et L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, aux fins de voir ordonner la cessation des actes de contrefaçon des marques  » Gaultier  » et  » Jean-Paul Gaultier « .

Elles sollicitent, outre des mesures d’interdiction et de publication, le transfert du nom de domaine  » jean-paul-gaultier.org  » à la société Jean-Paul Gaultier, ainsi que la condamnation sous astreinte de la société International Attorney SA à procéder aux formalités à cette fin, la somme de 300 000 F chacun (ou sa contre-valeur en euros) à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à compter du jugement à intervenir, et capitalisation de ces intérêts, l’exécution provisoire sur le tout, et 15 000 F chacun au titre de l’article 700 du NCPC.

La société International Attorney SA, régulièrement assignée à parquet étranger, et ayant signé l’accusé de réception de la lettre recommandée prévue à l’article 686 du NCPC, n’a pas constitué avocat.

Le jugement est en conséquence réputé contradictoire.

La discussion

Attendu que les marques internationales Gaultier n° 510 858, Jean-Paul Gaultier n° 650 921, Jean-Paul Gaultier graphisme n° 510 859 et JPG n° 629 834 ne visent pas la France ;

Attendu, par ailleurs, que le signe JPG constituant la marque JPG n° 1 668 583 n’est ni reproduit ni imité par la dénomination  » jean-paul-gaultier.org  » arguée de contrefaçon ;

Attendu que les demandes au titre de ces marques seront dès lors rejetées ;

Attendu, pour le surplus, que la société Gaulme est, au vu des certificats d’identité des 29 juin et 12 juillet 2000 versés aux débats, propriétaire des marques Gaultier n° 1 371 978, Jean-Paul Gaultier n° 1 641 732 et Jean-Paul Gaultier n° 1 703 307 ;

Attendu que les dénominations Gaultier et Jean-Paul Gaultier se retrouvent toutes entières dans le nom de domaine  » jean-paul-gaultier.org  » qui en constitue l’imitation ;

Que ce nom de domaine s’applique à un service de communication, service visé à l’enregistrement des marques n° 1 371 978, 1 641 732 et 1 703 307 ;

Qu’il existe un risque de confusion certain dans l’esprit du public, qui sera amené à penser que le site  » jean-paul-gaultier.org  » est exploité par la titulaire des marques  » Gaultier  » et  » Jean-Paul Gaultier  » ;

Que la contrefaçon de marque est dès lors constituée ;

Attendu que l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle est sans application en l’espèce ;

Attendu que la société Jean-Paul Gaultier justifie de ce qu’elle était, antérieurement à la cession de la société Gaulme des marques invoquées, titulaire d’une sous-licence exclusive d’exploitation de ces marques, inscrite au registre national des marques le 12 janvier 1998 ;

Qu’en déposant et faisant usage du nom de domaine  » jean-paul-gaultier.org « , la société International Attorney SA a porté atteinte à son droit exclusif ;

Que la société Jean-Paul Gaultier ne verse en revanche aucune pièce de nature à établir qu’elle aurait conservé sa qualité de sous-licenciée et les droits y afférents postérieurement à la cession du 4 octobre 1999 ; qu’elle sera déboutée de ses demandes concernant cette période ;

Sur les mesures réparatrices :
Attendu qu’il sera fait droit aux mesures d’interdiction et de publication, dans les termes du dispositif ;

Que la demande de transfert du nom de domaine  » jean-paul-gaultier.org « , au surplus dirigée contre l’Internic (NSI), qui n’est pas partie à l’instance, n’est pas fondée, et sera rejetée ;

Attendu que le tribunal peut évaluer le préjudice subi par la société Gaulme du fait de la contrefaçon des marques en cause à la somme de 50 000 F ;

Que l’atteinte portée au droit exclusif de la société Jean-Paul Gaultier, qui justifie exploiter notamment un site intitulé  » jpgaultier.fr  » entre le 24 juin 1998 (date à laquelle a été enregistré le nom de domaine) et le 4 octobre 1999 (date de la cession des marques invoquées), sera, en l’absence d’éléments relatifs à l’exploitation du site  » jean-paul-gaultier.org « , réparée par l’allocation de la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Que la défenderesse sera condamnée au paiement de ces sommes qui porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement ;

Que la demande de capitalisation, qui ne vise pas des intérêts dus pour une année entière, conformément à l’article 1154 du code civil, sera rejetée ;

Attendu que l’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée ;

Attendu que l’équité conduit à allouer à la société Gaulme la somme de 10 000 F en application de l’article 700 du NCPC.

La décision

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

. dit qu’en déposant et faisant usage du nom de domaine  » jean-paul-gaultier.org « , sans l’autorisation de la société Gaulme, la société International Attorney SA a commis des actes de contrefaçon des marques Gaultier n° 1 371 978, Jean-Paul Gaultier n° 1 641 732 et Jean-Paul Gaultier n° 1 703 307 dont la société Gaulme est propriétaire, et porté atteinte au droit exclusif d’exploitation de la société Jean-Paul Gaultier ;

. interdit à la société International Attorney SA de poursuivre ces agissements, sous astreinte de 1 000 F (ou de leur contre-valeur en euros) par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement, et ce pendant un délai de trois mois passé lequel il sera à nouveau fait droit ;

. condamne la société International Attorney SA à payer à la société Gaulme la somme de 50 000 F (ou sa contre-valeur en euros) à titre de dommages-intérêts ;

. condamne la société International Attorney SA à payer à la société Jean-Paul Gaultier la somme de 30 000 F (ou sa contre-valeur en euros) à titre de dommages-intérêts ;

. autorise les sociétés Gaulme et Jean-Paul Gaultier à faire publier le dispositif du présent jugement, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de leur choix, aux frais de la société International Attorney SA, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder, à la charge de cette dernière, la somme totale hors taxes de 60 000 F (ou leur contre-valeur en euros) ;

. ordonne l’exécution provisoire ;

. rejette toute autre demande ;

. condamne la société International Attorney SA à payer aux sociétés Gaulme et Jean-Paul Gaultier la somme globale de 10 000 F au titre de l’article 700 du NCPC ;

. condamne la société International Attorney SA aux dépens.

Le tribunal : Mme Blum (vice-président), M. Paul-Loubière et Mme Farthouat-Danon (juges).

Avocat : Me Jean-Marie Moiroux.

 
 

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